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TABLE DES MATIÈRES | CONTENTS
L’avenir du droit de la santé : prévisions fondées sur l’année 2016 295
Lorian Hardcastle et Colleen M. Flood
The Future of Health Law: A View Forward From 2016 299
Lorian Hardcastle and Colleen M. Flood
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L’avenir du droit de la santé : prévisions
fondées sur l’année 2016
Lorian Hardcastle* et Colleen M. Flood**
La meilleure mesure de la réussite du droit de la santé est sans doute sa
capacité de proposer des solutions aux problèmes cruciaux auxquels font
face les gouvernements, les patients et les professionnels de la santé. En
novembre 2015, le tout nouveau Centre de droit, politique et éthique de
la santé de l’Université d’Ottawa rassemblait à cet effet d’éminents chercheurs de tout le Canada et de l’étranger afin d’analyser les grands enjeux et défis qui se profilent à l’horizon, telle que la réglementation des
soins de fin de vie, le vide juridique et éthique entourant la gouvernance
de la robotique et d’autres dispositifs et appareils médicaux et enfin les
défis que posent pour la santé notre monde de plus en plus globalisé, où
les microbes n’ont nul besoin de passeports pour circuler librement ! Les
textes présentés lors de cette 7e Conférence nationale en droit de la santé
figurent dans ce volume, ainsi que dans les numéros spéciaux à venir de
l’Alberta Law Review, du Dalhousie Law Journal, et du McGill Journal of Law
and Health (Revue de droit et santé de McGill).
Il y a à peine deux décennies, les chercheurs en droit de la santé se penchaient presque exclusivement sur les questions juridiques liées à la relation médecin-patient, telles que la négligence et le consentement. Le droit
de la santé a depuis évolué pour devenir un domaine unique en ce qu’il
touche pratiquement tous les autres domaines du droit, notamment le
droit constitutionnel, le droit de la responsabilité délictuelle, le droit cri*
**
Directrice associée, Centre de droit, politique et éthique de la santé de l’Université d’Ottawa ; professeure adjointe, Faculté de droit, Université d’Ottawa.
Directrice, Centre de droit, politique et éthique de la santé de l’Université d’Ottawa ; professeure et titulaire de la Chaire de recherche en droit et politiques de la santé de l’Université d’Ottawa, Faculté de droit.
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minel, le droit des biens et le droit international. Il est également unique
en ce qu’il se fonde largement sur d’autres disciplines, comme la bioéthique, la philosophie, les sciences politiques, l’économie et les sciences
de la santé. La portée des sujets abordés dans ce volume illustre bien le
dynamisme qui caractérise le domaine du droit de la santé. Les textes qui
y figurent explorent en effet la vaste gamme des défis juridiques à venir,
allant de la santé et des droits de la personne au droit public en passant
par les technologies et la qualité des soins de santé.
Comme on le constate à la lecture de bon nombre de ces textes, les
chercheurs en droit remettent de plus en plus en question le statu quo
en droit de la santé en disséquant les approches traditionnelles du droit
entourant la négligence et le consentement. À titre d’exemple, le texte
d’Elaine Gibson analyse le fait que nous nous servons des réclamations
pour négligence comme mécanisme permettant d’indemniser des patients blessés et explore la faisabilité d’un système de dédommagement
sans égard à la faute. Si les technologies de la santé nous permettent de
façon croissante de déplacer les soins de santé hors de leur environnement traditionnel comme le cabinet du médecin, cette évolution pourrait
ce faisant nous obliger à repenser les lois qui régissent le consentement
au traitement et le caractère confidentiel de l’information sur la santé. Dans son texte, Karen Eltis traite de l’une de ces technologies, soit la
surveillance par GPS de patients atteints de démence. Un autre progrès
important concernant la relation entre le médecin et son patient est son
évolution du paternalisme vers l’autonomie du patient, comme l’illustrent
les lois exigeant des médecins qu’ils avisent leurs patients des risques importants liés aux traitements avant d’obtenir leur consentement. Le fait
d’être informés peut certes habiliter davantage les patients à prendre des
décisions éclairées, mais il faut aussi veiller à ce que ladite information
soit exacte. Dans le cadre de sa contribution à ce volume, Tim Caulfield
souligne le problème lié à la dépendance croissante d’une partie de la population aux célébrités comme source d’information en matière de santé
(Gwyneth Paltrow ? Non !).
Jusqu’à ce jour, le droit de la santé se concentrait plutôt sur la relation entre le médecin et son patient, les chercheurs se penchent à présent
davantage sur les questions concernant l’ensemble du système, comme
par exemple la réglementation des produits pharmaceutiques, la surveillance de la recherche en matière de santé, et le droit sur la santé publique.
Bien que les lois sur la santé publique fussent par le passé plutôt axées
sur le contrôle des maladies infectieuses, les chercheurs dans le domaine
L’avenir du droit de la santé : prévisions fondées sur l’année 2016
juridique explorent désormais le recours au droit en tant qu’outil afin de
diminuer les maladies chroniques causées, notamment, par l’obésité et la
consommation de tabac. Dans son texte, Lara Khoury examine l’avenir des
recours collectifs en tant qu’outil procédural, non seulement en termes
de responsabilité imputée aux compagnies de tabac pour les problèmes
de santé causés par leurs produits, mais également en tant qu’outil servant à empêcher en amont l’entrée sur le marché de ces produits nocifs
pour la santé. David Sweanor et Adam Houston pointent également la
consommation de tabac, mais se concentrent davantage sur la réglementation et les politiques publiques plutôt que sur les poursuites judiciaires.
Ils défendent en particulier les lois et politiques qui permettent et encouragent les mesures d’atténuation du préjudice, comme les cigarettes
électroniques, et dénoncent la résistance du milieu de la santé publique à
suivre ce courant.
L’augmentation des budgets alloués aux soins de santé, les contestations constitutionnelles des limites légales imposées au système privé
des soins de santé et les discussions entourant l’élargissement de l’assurance-santé continueront de former une part importante des débats
concernant l’avenir du droit de la santé. Bon nombre de ces contestations
ont pour thème central la responsabilité (par ex. la responsabilité des gouvernements envers les processus et les éléments de preuve sur lesquels se
fondent les décisions politiques en matière de santé). Dans le cadre de sa
contribution à ce volume, Martha Jackman traite de cet enjeu central et
soutient à cet effet que les mécanismes de reddition de compte, tant en ce
qui a trait au rendement global du système de soins de santé qu’à l’accès
individuel à ces soins, doivent être conçus de façon à refléter et renforcer
les principes fondamentaux des droits de la personne. L’invocation des
droits de la personne, comme le fait la professeure Jackman, illustre là encore une autre tendance croissante en droit de la santé vers une diversité
de la réflexion dans ce domaine. Bien que, pendant longtemps, les grands
principes du droit et la bioéthique eussent dominé la recherche en droit
de la santé, les chercheurs universitaires combinent à présent d’autres
paradigmes théoriques et travaux empiriques diversifiés pour résoudre
les problèmes liés aux politiques en matière de santé. Catherine Régis
applique, par exemple, la littérature relative à la prévention des conflits,
laquelle est bien établie dans des secteurs tels que la construction et l’ingénierie, à l’adoption de nouvelles technologies en matière de santé.
Un aspect qui prend de plus en plus d’ampleur en droit de la santé est la
disparition des de frontières et la mondialisation en expansion. Plusieurs
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auteurs dans ce volume se penchent d’ailleurs sur la mondialisation des
enjeux dans le domaine de la santé, compte tenu de la migration des gens
et des maladies par-delà les frontières. Steven Hoffman et Asha Behdinan
soutiennent, pour leur part, que les États ne peuvent à titre individuel
combattre la menace que constitue la migration libre des super-bactéries
et réclame une solution juridique collective et internationale. Katherine
Lippel explore, quant à elle, le phénomène de la mondialisation en se demandant si le droit canadien de la santé et de la sécurité du travail est bien
outillé pour relever les défis posés par une économie de plus en plus mondialisée, caractérisée par le recours répandu à la sous-traitance, la précarité des emplois et l’externalisation des travaux pénibles et dangereux.
Parallèlement, Lisa Forman fonde sa réflexion sur l’abondante littérature
de ces dernières années en explorant le droit de l’individu à la santé, à la
fois par l’entremise des lois nationales et des obligations internationales,
en combinant ces deux sources diverses du droit et de l’interprétation.
Comme on peut le constater à la lecture de ces textes, le droit de la santé au Canada est devenu un domaine aussi dynamique que diversifié, tant
par l’ampleur et la portée des enjeux qu’il explore que par les approches
théoriques qu’il adopte. Il s’agit en outre d’un domaine qui, au Canada,
reflète une communauté très unie et engagée à rester à l’affût des talents
qui bâtiront l’avenir. À cet égard, outre le fait de commémorer la création
du Centre de droit, politique et éthique de la santé à l’Université d’Ottawa,
notre conférence est venue conclure le Programme de formation en droit
et en politique de la santé des Instituts de recherche en santé du Canada
(IRSC). Ce programme a ainsi aidé financièrement 134 étudiants qui poursuivent des études supérieures en droit de la santé dans cinq universités
dans l’ensemble du Canada, soit la Dalhousie University, l’Université de
Sherbrooke, l’Université de l’Alberta, l’Université d’Ottawa et l’Université
de Toronto. Au cours des quatorze dernières années, ce programme de
formation a joué un rôle déterminant dans l’appui offert aux chercheurs
en droit de la santé d’un océan à l’autre. Bon nombre de ces étudiants
ainsi formés ont depuis joint les rangs du corps professoral et collaboré
à ces volumes, notamment les professeurs Régis et Forman, et l’une de
nos interlocuteurs, la professeure Hardcastle. Au nom de la communauté
du droit de la santé du Canada, nous tenons à exprimer notre plus vive
gratitude aux Canadiens et Canadiennes qui appuient notre travail par
l’entremise du programme de formation des IRSC. Nous continuerons de
développer nos forces dans ce domaine et ce, afin de mieux répondre aux
besoins des Canadiens et Canadiennes en matière de santé.
The Future of Health Law: A View Forward
From 2016
Lorian Hardcastle* and Colleen M. Flood**
Health law’s success is arguably best measured by its ability to respond to
critical challenges faced by governments, patients, and health care professionals. In November 2015, the newly created Centre for Health Law,
Policy and Ethics at the University of Ottawa brought together leading
scholars from across Canada and abroad to analyze the critical challenges looming on the horizon, such as the regulation of end-of-life care, the
legal and ethical vacuum in the governance of robotics and other medical
devices, and the health threats posed by an increasingly globalized world,
where germs don’t carry passports! The papers presented at this 7th National Health Law Conference appear in this volume, along with forthcoming special editions of the Alberta Law Review, Dalhousie Law Journal,
and the McGill Journal of Law and Health.
As recently as a few decades ago, health law scholarship focused almost exclusively on legal issues arising from the doctor-patient relationship, such as negligence and consent. Health law has quickly evolved to
become a uniquely diverse field that touches upon nearly all other areas of
the law, including constitutional law, tort law, criminal law, property law,
and international law, among others. It is also unique in the way that it
draws deeply from other disciplines, including bioethics, philosophy, political science, economics, and the health sciences. The breadth of topics
covered in this volume speaks to the vibrancy of the field of health law,
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Associate Director, University of Ottawa Centre for Health Law, Policy and Ethics; Assistant Professor, University of Ottawa Faculty of Law.
Director, University of Ottawa Centre for Health Law, Policy and Ethics; Professor and
University Research Chair in Health Law and Policy, University of Ottawa Faculty of Law.
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with the papers exploring future legal challenges that span such diverse
topics as health and human rights, public health, health technology, and
quality of care.
As illustrated by several of the papers in this volume, legal scholars are
increasingly questioning the health law status quo by scrutinizing traditional approaches to negligence and consent law. For example, Elaine
Gibson’s paper explores our reliance on negligence claims as a mechanism
to compensate injured patients and the feasibility of a system of no-fault
compensation. Health technologies increasingly allow us to move care out
of traditional settings such as physicians’ offices, but these developments
may require us to rethink laws governing consent to treatment and the privacy of health information. In her paper, Karen Eltis addresses one such
technology—the GPS monitoring of patients with dementia. Another important development in the doctor-patient relationship has been the shift
from paternalism towards patient autonomy, as exemplified by laws requiring doctors to disclose material risks when obtaining consent. While
information may empower patients in their decision-making process, the
accuracy of that information is important. In his contribution to this volume, Tim Caulfield problematizes the increasing reliance on celebrities as
a source of health information (Gwyneth Paltrow? No!).
Although health law traditionally focused on the doctor-patient relationship, many scholars now focus on issues at the broader systems level,
such as the regulation of pharmaceuticals, the oversight of health research,
and public health law. While public health laws once focused primarily on
infectious disease control, legal scholars are now exploring the use of the
law as a tool to reduce chronic illnesses caused, for example, by obesity
and tobacco consumption. Lara Khoury’s paper examines the future of
class actions as a procedural tool, not only in terms of holding tobacco
companies responsible for the injuries caused by their products, but also
as a tool to prevent dangerous products from entering the market in the
first place. David Sweanor and Adam Houston similarly address tobacco
consumption, but focus on regulation and public policy, rather than litigation. Specifically, they advocate laws and policies that permit and indeed
encourage harm reduction measures, such as electronic cigarettes, and
challenge the public health community’s resistance to the same.
With growing health care budgets, constitutional challenges to legal
limits on private health care, and debates about expanding Medicare,
health systems issues will continue to form an important part of debates
over the future of health law. Many of these challenges have account-
The Future of Health Law: A View Forward From 2016
ability as a core issue (i.e. governments’ accountability for the processes
and evidentiary bases on which health policy decisions are made). In her
contribution to this volume, Martha Jackman addresses this central issue,
arguing that accountability mechanisms, both in relation to the overall
performance of the health care system and individual access to care, must
be designed to reflect and reinforce fundamental human rights principles.
Jackman’s use of human rights law is illustrative of another expansive
trend in health law towards greater theoretical diversity. While ‘black-letter’ law and bioethics once dominated health law scholarship, scholars
are now bringing other diverse theoretical paradigms and empirical work
to bear on health policy problems. For example, Catherine Régis applies
dispute-prevention literature, which is well-established in sectors such as
construction and engineering, to the adoption of new health technologies.
An increasing focus of health law is the disappearance of borders and
globalization. Several of the authors in this volume consider the globalization of health challenges, given the migration of people and diseases
across borders. For example, Steven Hoffman and Asha Behdinan argue
that individual states cannot fully address the threat of migrating superbugs and call for a collective international legal response. Katherine Lippel considers globalization in enquiring whether Canadian occupational
health and safety law is adequate to face the challenges posed by an increasingly globalized economy, characterized by widespread sub-contracting, precarious employment, and externalization of hazardous work.
Similarly, Lisa Forman draws on a body of literature that has gained traction in recent years, which explores the right to health both through domestic laws and international obligations—marrying these two diverse
sources of law and understanding.
As illustrated by the papers in this volume, health law in Canada has
evolved to become a dynamic and diverse field, both in the breadth of
issues it encompasses and the theoretical approaches it embraces. It is
also a field in Canada that reflects a tight-knit community, committed to
mentoring talent for the future. In this regard, in addition to commemorating the creation of the Centre for Health Law, Policy and Ethics at the
University of Ottawa, our conference was the finale event for the Canadian Institutes of Health Research (CIHR) Training Program in Health
Law, Ethics and Policy. This program has funded 134 students pursuing
graduate studies in health law at five universities across Canada—Dalhousie University, the Université de Sherbrooke, the University of Alberta,
the University of Ottawa, and the University of Toronto. Over the past
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fourteen years, this training program has been instrumental in supporting
health law scholars from coast-to-coast. Reflective of this support, many
previous trainees are now Faculty members who have contributed to these
volumes, including Professors Régis and Forman, and one of the present
interlocutors, Professor Hardcastle. On behalf of the health law community of Canada, we want to express our grateful thanks to the people of
Canada for supporting our work through the CIHR Training Program. We
will continue to develop the strength of our field, to continually respond
to Canadian health needs.