Labos/grossistes exportateurs : La CJCE a-t-elle
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Labos/grossistes exportateurs : La CJCE a-t-elle
Dossier Europe Labos/grossistes exportateurs La CJCE a-t-elle sifflé la fin de la partie ? Dans un arrêt du 16 septembre dernier1, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) vient de se prononcer au regard du droit des abus de position dominante. La décision sonne plutôt comme une victoire pour les industriels du médicament. L es pratiques de contingentement mises en place par les laboratoires pharmaceutiques envers les grossistes exportateurs sont-elles licites au regard du droit de la concurrence ? Les juridictions et autorités de la concurrence communautaires et nationales ont répondu positivement à cette question ces dernières années au regard du droit des ententes anticoncurrentielles2. A l’origine de l’arrêt du 16 septembre, la décision adoptée par la filiale grecque de GSK de cesser, puis de limiter, l’approvisionnement en médicaments des grossistes dont l’activité était tournée, non pas uniquement vers le marché grec, mais également vers l’export. Au terme d’un contentieux national assez complexe, ce litige arriva devant une juridiction qui a décidé de demander son avis à la CJCE sur cette pratique. L’arrêt de la Cour n’est certes pas entièrement négatif pour les exportateurs : la juridiction communautaire y réaffirme que le fait pour un laboratoire de refuser de satisfaire les commandes d’un grossiste constitue un abus de position dominante. En outre, la Cour rejette en grande partie les justifications avancées habituellement par les laboratoires en défense de leur pratique, à savoir la forte réglementation étatique des prix et de la distribution dans ce secteur, l’utilité minime du commerce parallèle pour le consommateur final (elle estime même que le commerce parallèle doit nécessairement conduire à certains avantages pour eux) et refuse de se prononcer sur les conséquences négatives du commerce parallèle sur les investissements en recherche et développement. Une avancée importante Mais cet arrêt constitue surtout une avancée importante pour les laboratoires. Il leur est en effet reconnu le droit d’adopter les mesures nécessaires à la protection de leurs in- 48 PHARMACEUTIQUES - OCTOBRE 2008 térêts en refusant de faire droit aux demandes anormales qui leurs seraient présentées. Si la difficulté pratique sera de déterminer ce qu’est une commande anormale, tel sera le cas d’une demande destinée non à approvisionner essentiellement le marché national, mais essentiellement l’export. Concrètement, si les laboratoires pharmaceutiques ne peuvent refuser de livrer un grossiste du seul fait qu’il exercerait également une activité à l’export, ils peuvent en revanche limiter la quantité des produits livrés aux besoins nécessaires au marché national (avec une certaine marge de progression). L’analyse de la CJCE semble rejoindre ainsi les positions (et solutions pratiques) adoptées par le Conseil de la concurrence et la Cour d’appel de Paris en 2005 et 20073. La partie n’est peut-être pas finie, mais la vie des grossistes principalement exportateurs va devenir de plus en plus difficile… n Emmanuel Dieny Avocat à la Cour, Paris (1) CJCE, 16 septembre 2008, Sot. Lélos kai Sia EE e.a./ GlaxoSmithKline AEVE Farmakeftikon Proïonton, aff. jtes C-468/06 à C-478/06. (2) Cf. en particulier CJCE, 6 janvier 2004, Bayer, aff. jtes C-2/01P et C-3/01P. (3) Cf. Pharmaceutiques n° 154, février 2008, « Distribution pharmaceutique et droit de la concurrence : les autorités françaises à la pointe de l’analyse ».