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Comment naissent les firmes "allogènes" ?
- l'exemple de Gemplus Card par
Jean-Benoît Zimmermann, CNRS-GREQAM, Marseille
Dans les problématiques du développement local fondées sur l'attractivité, la question qui se
pose est celle de la capacité des territoires à attirer des entreprises, dites allogènes, en quête de
localisation. Or toute firme étant née dans un contexte historique et territorial donné, il est
intéressant de s'interroger sur la manière dont une entreprise, selon sa trajectoire propre, a été
amenée à se distancier de son creuset d'origine pour chercher un déploiement spatial élargi qui
lui permette d'assurer sa croissance et sa pérennité. L'analyse de ce processus amène à une
prise en compte de la dynamique industrielle dans laquelle se trouve engagée la firme, dans le
contexte concurrentiel et d'innovation qui lui est propre. Elle ouvre une approche du couple
conceptuel ancrage territorial - globalisation fondée sur une analyse de la trajectoire historique
des entreprises et des marchés.
Le cas de Gemplus Card nous semble, dans ce sens, fournir un exemple particulièrement
éclairant de la manière dont une entreprise, engagée dans une activité à fort contenu en
connaissance, est conduite, partant d'un fort ancrage territorial, à assurer son développement
et sa croissance par une stratégie de globalisation.
Gemplus est née en 1988 dans les Bouches-du-Rhône, de par la volonté d'une équipe d'anciens
cadres de Eurotechnique-Thomson Composants, de pérenniser l'activité de production de
télécartes, dans lequel le nouveau groupe SGS-Thomson ne voulait pas s'engager. Centrée au
départ sur une application unique, la télécarte, l'activité de Gemplus s'étend rapidement à un
plus large éventail d'applications, amenant l'entreprise à sophistiquer ses relations avec son
propre aval utilisateur et à diversifier en interne et en externe (sous-traitance, partenariat) la
gamme des compétences susceptibles d'être mobilisées. Elle est aujourd'hui leader mondial de
la carte à puce avec 43% du marché.
Entreprise née avec un fort ancrage territorial et un attachement affiché de ses dirigeants pour
la Provence, elle génère dans son succès les conditions de son éventuel nomadisme1, sa
croissance et sa compétitivité passant aujourd'hui par une organisation industrielle et
commerciale globale. Elle doit savoir jouer à la fois des synergies d'un déploiement
1
Zimmermann (1995).
2
international et des proximités des applications et des marchés, tout particulièrement sur les
nouveaux marchés porteurs: Amérique et Asie. Gemplus réalise dores et déjà 87% de son
chiffre d'affaires hors de France avec 52% pour la zone Europe-Moyen Orient-Afrique, 21%
pour les marchés américains et 14% pour l'Asie-Pacifique. Mais ces deux dernières zones
atteignent un taux de croissance annuel de respectivement 84 et 109%, pour 55% de
croissance globale du groupe.
Pour cette entreprise, le rôle de la proximité dans les facteurs d'ancrage doit nécessairement
être considéré au regard des questions de la mondialisation. Le rapprochement avec le marché
est tout à fait essentiel. C'est dans ce sens que s'est adaptée l'organisation actuelle de Gemplus
avec des centres de recherche et d'innovation à l'étranger: Californie et tout récemment
Singapour et Montréal, qui constituent autant de points d'ancrage sur les différents continents.
La question reste donc posée de savoir ce qu'il adviendra de l'ancrage originel de l'entreprise en
Provence, vis-à-vis de sa stratégie de déploiement mondial. La réponse réside indéniablement
dans la capacité de son environnement local dans les Bouches-du-Rhône à contribuer à la
dynamique d'innovation de l'entreprise.
Dans une première partie nous décrivons les grandes lignes du processus historique
d'émergence d'un tissu micro-électronique dans les Bouches-du-Rhône. Il constitue le contexte
de la création de Gemplus Card et de la naissance d'un pôle carte-à-puce, qui seront ensuite
analysées en seconde partie. Nous examinerons en troisième partie, les conditions de
fonctionnement qui s'imposent à l'entreprise, entre un ancrage territorial d'origine et des
perspectives de marché mondiales qui tendent à lui imposer un déploiement organisationnel à
une échelle planétaire. Nous verrons enfin, dans la quatrième partie, que la pérennité de
l'ancrage de Gemplus dans son site provencal dépendra de la capacité du tissu local à
accompagner l'entreprise dans sa dynamique d'innovation.
1. Genèse d'une entreprise: l'émergence
électronique dans les Bouches-du-Rhône
d'un
tissu
micro-
L'origine de l'émergence d'un tissu micro-électronique dans les Bouches-du-Rhône remonte à
la création et l'implantation de la société Eurotechnique sur la zone industrielle de Rousset en
1979. Dans le cadre de son troisième "Plan Composant", dit "Plan MOS" qui visait à
positionner l'industrie française dans le domaine des semi-conducteurs, le gouvernement
français avait poussé deux grandes entreprise publiques, Saint-Gobain et Matra (entreprises du
3
verre et de l'armement, respectivement), à entrer dans l'industrie micro-électronique par la
création de joint-ventures avec des partenaires américains (National-Semiconductor et Harris
respectivement), sur la base de l'apport technologique de ceux-ci.. Dans ce même contexte,
Thomson-Efcis (Thomson allié au CEA2 et au CNET3) sera incité à réaliser une joint-venture
avec Motorola, localisée sur le site de Grenoble. Ainsi "Eurotechnique" a-t-elle vu le jour
comme opération conjointe de Saint-Gobain et NSC (51%-49% du capital, respectivement).
Eurotechnique, localisée à Rousset, était confiée à la direction de Jean-Luc Grandclément,
lorrain d'origine et ancien cadre de Motorola France. De son côté, Matra-Harris, localisée à
Nantes était confiée à la direction de Marc Lassus, également ancien cadre de Motorola et
futur fondateur de Gemplus, après un passage chez Eurotechnique-Thomson Composants.
La qualité de vie sur le site et alentours a été un facteur positif permettant l'attraction des
ressources humaines indispensables à la mise sur pied de l'entreprise. Mais le motif déterminant
de la localisation réside dans la possibilité de bénéficier des aides publiques accessibles en tant
que zone classée "bassin de reconversion industrielle" (aujourd'hui "Objectif 2B" de la
Communauté Européenne).
En 1981, dans le contexte du "Plan d'Action Filière Electronique", NANOMASK est créée sur
la zone industrielle de Rousset, à l'aide du CNET, afin de développer une activité spécifique de
production de masques par faisceaux d'électrons, pour couvrir les besoins de Eurotechnique et
trouver une valorisation sur une échelle plus large.
En 1983 une réorganisation de la filière électronique, sous tutelle publique, conduisait ensuite à
l'absorption d'Eurotechnique dans la branche "composants" du groupe Thomson. La fusion de
l'activité micro-électronique de Thomson avec le groupe italien SGS-Ates, en 1987, devait
enfin donner naissance au groupe SGS-Thomson Microelectronics, dit "S.T.", lequel
parviendra en 1996 au palmarès des dix plus grandes firmes mondiales de l'industrie des
composants électroniques. De son côté Nanomask rachetée en 1989 par le groupe chimique
américain DuPont deviendra DuPont Photomask (DPPM).
Un pôle industriel voué à la micro-électronique était ainsi né sur la Z.I. de Rousset, dans le
cadre d'une politique industrielle nationale, sur la base de capitaux publics ou semi-publics et
d'un apport technologique, issu de la recherche publique (CNET) et de partenaires industriels
américains. C'est par le biais des hommes, issus de la région ou venus s'y installer dans ce
contexte, et qui forment déjà une petite communauté des professionnels du silicium, que de
nouvelles entreprises vont voir le jour, à proximité de ce noyau initial, dans un rayon de moins
2
3
Commissariat à l'Energie Atomique
Centre National d'Etudes des Télécommunications, département recherche de France Télécom.
4
de 10 kilomètres. Tous sont issus du site Eurotechnique-Thomson de Rousset, à une exception
près d'un créateur venu de Thomson-Aix, avec par conséquent une culture différente
(Testinnovation).
Ce qu'il est important d'emblée de comprendre est que le marché de la micro-électronique, s'il a
connu dès l'origine des trends technologique et de croissance réguliers, n'en est pas moins
l'objet de fluctuations à court terme très erratiques, résultant des irrégularités de la demande
combinées aux enchaînements de générations technologiques. Cette situation difficile à gérer
pour les entreprises, aussi bien en termes d'investissements que d'emplois, ajoutée aux
difficultés d'un décollage, dans une industrie aux conditions de concurrence sévères, et à la
reprise par Thomson composants, a généré chez Eurotechnique-Thomson une succession de
périodes d'euphorie et d'embauches, suivies de ralentissements et de replis, se traduisant alors
par des encouragements aux départs. C'est la raison pour laquelle plusieurs ingénieurs et
cadres ont décidé de créer leur propre entreprise sur des créneaux technologiques spécifiques
de la filière silicium.
D'autres entreprises verront le jour ou viendront s'implanter à Rousset et alentours durant cette
période, faisant bénéficier le pôle d'un environnement industriel et de services, tandis que
d'autres entreprises, préexistantes, développent une offre spécifique pour la micro-électronique
(salles blanches, nettoyage, ...). A ce panel il faut également ajouter le développement d'une
offre et d'une compétence en matière d'automatismes et de robotique, avec Cybernétix, créée
à Marseille en 1985 et dont l'un des quatre axes de développement a concerné, dès l'origine, la
micro-électronique.
Ainsi, malgré son faible ancrage territorial, Eurotechnique-Thomson a été à l'origine d'effets
d'entraînement certains, qui se sont traduits par la création de plusieurs PME, positionnées
dans des créneaux spécialisés, sur la Z.I. de Rousset même ou dans ses environs immédiats
(Gréasque). Mais, bien qu'ayant parfois bénéficié de la bénédiction et d'un soutien formel
(aides au départ, prises de participation) ou informel de leur entreprise d'origine, ces nouveaux
entrepreneurs ne se sont pour la plupart pas trouvé en situation de partenaires ou de
fournisseurs privilégiés de celle-là. Ils ont dû conquérir des positions concurrentielles sur le
marché national et européen sans en général pouvoir utiliser leur implantation territoriale
comme tremplin pour aborder un marché global. Il n'empêche que, malgré la faiblesse du
maillage, ainsi que l'a fort bien analysé Jacques Garnier (1991)4, leur origine commune explique
sans doute la naissance d'un véritable milieu qui, plus que par des relations formelles de
coopération, s'est exprimé par une sorte de solidarité entre les acteurs, notamment sur le plan
technologique (réglage et adaptation de machines et équipements spécifiques).
4
Jacques Garnier (1991).
5
Cette dynamique de créations et d'essaimages va sembler buter, vers la fin des années 80, sur la
même crise qui affecte ST Rousset, de par la reconsidération de la place de Rousset dans le
nouveau groupe et de par la crise sur le marché mondial des semi-conducteurs. Alors qu'il
fallait pour ces entreprises trouver les moyens de se fortifier sur un espace global, le manque de
fondements territoriaux réels de ce jeune tissu, rendait de plus en plus caduque la référence
locale. "La communauté des ingénieurs passés ou formés chez Eurotechnique/SGS-Thomson
semble avoir perdu de son efficacité. Quelle que soit la santé, généralement bonne, de chacune
des entreprises, le développement localisé de l'espace productif micro-électronique semble
s'être altéré."5 C'est à une rupture de logique que l'on va assister avec la création et le succès de
Gemplus, puis avec la reprise dans les années quatre-vingt-dix.
2. La création de Gemplus et la naissance d'un pôle carte-à-puce
Gemplus qui est aujourd'hui le leader mondial de la carte à puce (et de la carte plastique) a été
créée en Mai 1988 par une équipe d'anciens cadres de Eurotechnique-Thomson Composants,
impliqués depuis 1984 dans l'activité de production de puces pour télécartes6. Le leader, Marc
Lassus, avec été lui-même à la tête de la joint-venture Matra-Harris à Nantes, lors de sa
création.
La création de Gemplus doit être resituée historiquement dans le cadre du Plan Composant
(Plan MOS) et relativement aux activités de France Télécom. Dans le cadre du Plan MOS,
France Télécom avait reçu pour mission de s'appuyer sur le dispositif français pour ses besoins
en électronique plutôt que d'aller se fournir aux Etats-Unis et, par conséquent, de confier aux
sociétés en cause les designs relatifs à ses propres besoins. C'est ainsi que l'un des premiers
designs confiés à Eurotechnique en 1983 a été le ET1001, c'est à dire la puce qui devait
équiper la télécarte. L'objectif était un volume de production de l'ordre du million de cartes,
mais on n'entrevoyait pas la croissance qu'allait connaître le marché. Les puces produites par
Eurotechnique, packagées en micro-modules, sont encapsulées par Schlumberger, puis en 1985
également par Solaic -Orléans- de manière pour FT à ne pas être dépendant d'un seul
fournisseur.
5
6
J.Garnier Op.Cit.
Marc Lassus, Jean-Pierre Gloton, Daniel Le Gal, Philippe Maes, Gilles Lisimiaque
6
Mais en 1987 le marché avait explosé et à la demande de FT une usine de fabrication de cartes
avait été entièrement mise au point avec l'équipementier marseillais Cybernétix. Restait à
trancher pour Thomson la question de savoir si cette usine allait être réalisée en interne ou en
externe. La décision de retrait, suite à la fusion SGS-Thomson, a finalement été à l'origine de la
création de Gemplus. Celle-ci a été rendue possible et couronnée de succès grâce à un
partenariat et une relation de confiance avec France Télécom qui commande un million de
télécartes à Gemplus dès sa création en Mai 1988.
L'entreprise bénéficie dès l'origine d'un capital de 30 MF, constitué principalement de la
participation des fondateurs, de fonds de capital-risque et d'un apport de SGS-Thomson, pour
un tiers du capital environ, sous la forme de rachat de technologie. Ainsi Gemplus, créée
pourtant à contre-courant de SGS-Thomson, est paradoxalement la seule entreprise qui
bénéficie d'un lien aussi substantiel avec celle-ci, tant sur le plan financier, que technologique et
commercial (fourniture de puces).
Gemplus s'installe d'abord à Aix-en-Provence puis très rapidement sur la zone d'activités de
Gémenos en 1989 et à la Ciotat en 1991, zones sur lesquelles l'entreprise bénéficie de très
intéressantes incitations d'ordre fiscal en relation avec les opérations de reconversion des
chantiers navals. Ce positionnement au Sud marque sur le plan spatial une volonté de se
démarquer avec le pôle Silicium centré sur la Haute Vallée de l'Arc autour de SGS-Thomson,
tout en gardant une réelle proximité avec celui-ci et avec Aix-en-Provence7. Il correspond, au
plan industriel, à un positionnement aval, fortement utilisateur de circuits micro-électroniques
qu'il s'agit d'incorporer dans un produit de consommation de masse. Centrée au départ sur une
application unique, la télécarte, l'activité de Gemplus s'étend rapidement à un plus large
éventail d'applications, amenant l'entreprise à sophistiquer ses relations avec son propre aval
utilisateur et à diversifier en interne et en externe (sous-traitance, partenariat) la gamme des
compétences susceptibles d'être mobilisées.
C'est un véritable pôle industriel innovateur qui se construit ainsi autour de Gemplus, avec une
multiplicité de sous-traitants8, des coopérations technologiques dans et hors de la filière du
silicium, mais aussi l'apparition de petites entreprises qui vont chercher à se positionner sur le
marché de la carte à puce en développant des designs ou des applications spécifiques.
Dans son ensemble, le pôle micro-électronique dans les Bouches-du-Rhône s'organise en deux,
voire trois pôles distincts: pôle micro-électronique à proprement parler, au Nord, pôle carte-à-
7
des conventions ayant été signées en vue de la réembauche de personnels en provenance de ST-Rousset et de
Thomson-Aix.
8
1200 sous-traitants tous azimuts dont 400 nouvellement créés, selon les estimations de l'entreprise elle-même.
7
puce au Sud et un ensemble d'équipementiers plus dispersé. Constitué à partir et autour de
Gemplus ce pôle a son barycentre au sud de l'Aire Métropolitaine Marseillaise, du fait de
l'implantation du leader à Gemenos et La Ciotat. Outre Gemplus, on y trouve un nombre
croissant de petites entreprises, à la création desquelles le leader a souvent apporté son soutien
et qui interviennent parfois comme partenaires, parfois comme concurrentes. Certaines se sont
spécialisées dans des applications spécifiques comme les systèmes d'identification et de
paiement (Topcard à Meyreuil) ou les bornes de ports de plaisance (Sofabodi à La Ciotat), les
collectivités (GDEI à Cannes, pour les cantines scolaires)...; d'autres se sont positionnées dans
des créneaux technologiques particuliers, comme les technologies sans contact (Stella à
Château Gombert), le copyright électronique (Euritis à Château Gombert) ou la cryptoélectronique (Inside Technologies à Aix) ou dans des produits complémentaires, comme les
lecteurs (SCM à La Ciotat et ICCMOS à Gemenos). Gemplus et une partie de ses soustraitants directs sont localisés dans le périmètre étroit de Gémenos-La Ciotat. Les autres
entreprises et partenaires se répartissent dans l'ensemble de l'Aire Métropolitaine Marseillaise
(Marseille, Les Miles, Meyreuil, La Ciotat, Gemenos) voire même au delà (Cannes), sansdoute plus soucieux d'une proximité avec leur clientèle que d'un effet de polarisation autour du
leader.
Ce pôle entretient des relations privilégiés avec le premier pôle, micro-électronique, dont il est
client et avec lequel il entretient également d'importantes relations de coopération
technologique. Il bénéficie également d'importantes relations avec le troisième pôle, des
équipementiers, dans la mesure où ses besoins en équipements ne correspondent pas pour
l'essentiel à une offre standard et nécessitent d'être développés en partenariats avec des
fabricants d'automatismes et d'équipements de production (Cybernétix, Testinnovation). Il a
contribué à la naissance et à la croissance des plus significatifs d'entre eux, d'origine locale.
Enfin, il s'appuie sur l'ensemble de la structure économique et sociale qui l'environne et plus
particulièrement à l'échelle de l'Aire Métropolitaine, du Département et de la Région.
3. Proximité et globalisation:
Gemplus constitue un cas d'espèce. Entreprise née avec un fort ancrage territorial et un
attachement affiché de ses dirigeants pour la Provence, elle génère dans son succès les
conditions de son éventuel nomadisme. Leader mondial de la carte à puce, avec 43% du
marché, sa croissance et sa compétitivité passent aujourd'hui par une organisation industrielle
et commerciale globale. Elle doit savoir jouer à la fois des synergies d'un déploiement
international et des proximités des applications et des marchés, tout particulièrement sur les
8
nouveaux marchés porteurs: Amérique et Asie. Gemplus réalise dores et déjà 87% de son
chiffre d'affaires hors de France avec 52% pour la zone Europe-Moyen Orient-Afrique, 21%
pour les marchés américains et 14% pour l'Asie-Pacifique. Mais ces deux dernières zones
atteignent un taux de croissance annuel de respectivement 84 et 109% pour 55% de croissance
globale du groupe.
Aujourd'hui le déploiement mondial du groupe est effectif et continue à se renforcer, à l'image
de son capital qui se veut délibérément industriel et multi-national. Gemplus est présent dans
les cinq continents, avec 8 filiales européennes, des filiales aux Etats-Unis, au Canada et en
Amérique Latine, une filiale à Singapour et une autre au Japon.
Sur la plan de la production, les sites provençaux continuent de jouer un rôle moteur (un
nouveau site de production de 6000 m² à Gémenos, nouveaux investissements de production à
Gémenos et à La Ciotat). Mais l'effort d'investissement de production de Gemplus concerne
aussi un rapprochement avec les deux grands marchés porteurs que sont l'Asie et les
Amériques, avec l'ouverture de deux usines, l'une à Tianjin (Chine) et l'autre à Cuernavaca
(Mexique). Enfin la stratégie de positionnement sur le marché américain passe par le rachat, en
1994, des activités de fabrication, personnalisation et commercialisation du leader américain
des cartes plastiques conventionnelles, avec ou sans pistes magnétiques, pour une valeur
globale de 296,5 MF. La société mère du Groupe DataCard étant elle-même détenue à 95%
par la famille Quandt, actionnaire de Gemplus.
Sur le plan R&D, la nécessité d'une proximité avec les marchés d'applications a conduit
Gemplus à organiser une structure mondiale de ses centres de développement. Si le coeur du
dispositif réside encore dans le bipôle Gémenos-La Ciotat, Gemplus dispose désormais de
centres de recherche hors de France, au contact des nouveaux grands marchés porteurs: à San
Francisco, Montréal, Singapour et Bangalore (Inde).
Selon Marc Lassus, la stratégie du groupe va être, à l'avenir, de conserver au siège social de
Gémenos la direction stratégique et les brevets, la production et la commercialisation des
produits étant confiées aux différentes filiales à travers le monde (Les Echos, 22 Avril 1997).
Concernant le coeur provençal de son dispositif, Gemplus s'appuie sur un important réseau de
fournisseurs et de sous-traitants (900 à 1200 entreprises, toutes activités confondues) dont
certaines travaillent principalement pour elle. Elle coopère avec une multiplicité de partenaires
et fournisseurs à l'émergence ou au succès desquels elle a contribué, aussi bien en amont
(équipementiers), qu'en horizontal (technologies micro-électroniques et technologies carte à
puce) ou qu'en aval (marchés d'applications).
9
Enfin les circuits micro-électroniques encartés par Gemplus sont acquis auprès de deux ou
trois fondeurs qui produisent des produits smart-card, selon des designs soit propres à
Gemplus, soit partagés avec le fournisseur. Bien que ces achats ne soient par conséquent pas
uniquement réalisés en local (de même que ST ou Atmel-ES2 ont d'autres clients carte-à-puce
que Gemplus), il reste intéressant de noter que les achats de Gemplus équivalent aujourd'hui à
30% de la capacité de production de ST Rousset et atteindraient 100% d'ici 3 à 4 ans. On
comprend dès lors la formidable capacité d'entraînement par l'aval d'une firme comme Gemplus
sur le pôle micro-électronique provençal.
Née dans un contexte territorial fort, Gemplus a fondé sa croissance sur la mise à profit d'effets
de proximité et du jeu d'interactions qu'ils autorisent comme fondement d'une dynamique
d'innovation, clef du succès de l'entreprise, donnant naissance à l'amorce d'un véritable milieu
innovateur.
ST Rousset est bien entendu fournisseur de ce pôle, sur un segment de marché qui connaît
aujourd'hui des taux de croissance considérables et un gigantesque potentiel d'applications et
de marché. De 1993 à 1996, la part de l'activité du site consacrée à ces produits est passée de
moins de 10% à plus de 35% du chiffre d'affaire. Sur cette ligne de produits et sur cette ligne
seulement, Rousset a acquis une capacité de commercialisation en direct, pour 40 à 50% de la
production, auprès de ses principaux clients: Gemplus, Schlumberger et Solaic. ST Rousset
renforce ses compétences et ses capacité de design au contact avec ce pôle. Le travail sur les
télécartes a ainsi été l'occasion de développer une compétence sur les mémoires non volatiles.
Cette compétence s'est étendue au développement d'une activité EPROM9 -et aujourd'hui
EEPROM10- dans laquelle ST est devenu numéro 3 mondial. ST Rousset s'ouvre également à
des compétences sur de futurs marchés porteurs, comme celui des "tags"11, à travers des
coopérations technologiques avec Gemplus et d'autres partenaires.
Pour ce qui concerne Gemplus, le rôle de la proximité dans les facteurs d'ancrage doit
nécessairement être considéré au regard des questions de la globalisation. Le rapprochement
avec le marché est tout à fait essentiel. Il deviendra incontournable dans la mesure où l'on va
dans le sens d'une customisation, même pour ce qui concerne les grandes séries; et cela ne
peut se faire en délocalisé.
9
Erasable Permanent Read Only Memory (l'effaçage de la mémoire pouvant être obtenu par exposition aux
rayons ultraviolets).
10
Electricaly Erasable Permanent Read Only Memory (l'effaçage étant cette fois obtenu par application d'un
certain niveau de différence de potentiel électrique).
11
Le concept de tag, direct héritier de celui de la carte à puce, correspond à une notion d'étiquette électronique,
communicante, qui devrait à terme supplanter le code-barre.
10
Aujourd'hui, la micro-électronique est présente dans un nombre croissant d'équipements de
notre environnement quotidien et domestique. Gemplus ouvre une nouvelle porte qui est celle
de la puce jetable (voie qui a été amorcée par les calculettes et les montres). Il s'agit
d'accrocher des marchés à la fois de cycle plus court et de grande série. Cela requiert une
proximité du marché:
.connaissance du marché
.définition du besoin et traduction en solution produit
.écoute des "bruits" générateurs de petites intuitions (les facteurs de différenciation essentiels à
la compétitivité sur de tels marchés nécessitent du flair).
En ce qui concerne l'implantation en PACA, il s'agit d'un marché de 6 millions de personnes.
Sur la seule base du potentiel d'absorption d'un tel marché, on pourrait faire travailler deux fois
les capacités actuelles de Rousset. A l'inverse de l'aérospatial, l'essentiel ici n'est pas d'attirer
des grands donneurs d'ordres, mais des entreprises qui vont trouver des clients locaux. C'est
comme cela qu'a fonctionné l'industrie et le marché japonais: en fabriquant en premier lieu pour
des clients de première proximité. Ce modèle est un modèle de développement en trois
phases:
.première phase: satisfaire le marché local sur lequel on se stabilise et à partir duquel on
effectue une montée en puissance par exportation; pour Gemplus, cette phase correspond au
partenariat avec France Télécom pour la télécarte en vue du marché français puis à l'export
vers l'Allemagne, l'Irlande et l'Argentine.
.deuxième phase: ciblage par continent ou par grande zone géographique, avec un client leader
par continent. C'est dans ce sens que s'est adaptée l'organisation actuelle de Gemplus avec des
centres de recherche et d'innovation à l'étranger: Californie et tout récemment Singapour et
Montréal, qui constituent autant de points d'ancrage sur les différents continents12.
.la troisième phase est à proprement parler celle de la globalisation; elle consiste à mettre en
place, sur la base de ces ancrages multiples, un réseau commercial global.
12
Voir J.L.Crozel (1997).
11
4. Ancrage territorial et réseaux d'innovation
La logique d'innovation adoptée depuis lors par Gemplus est celle dite du Sunflower13
(tournesol):
Applications
Opérateur: Société créée en
Joint venture
Adicarte
(gestion de soins à domicile)
Software
spécifique
Hardware
spécifique
Carte
Design
Chips
Core Business
Technologies
partenaire
partenaire-fournisseur
Toute application de la carte à puce s'appuie sur la conjugaison de savoirs spécifiques en
matière de micro-électronique (design), de carte, de hardware et de software. Ces technologies
constituent le coeur de l'organisation de Gemplus et s'appuient chaque fois que nécessaire sur
des partenariats avec des entreprises qui maîtrisent les technologies spécifiques qui vont
intervenir dans la réalisation du produit (combinatoire). Ainsi la conception du système de
télépéage s'est appuyé sur un partenariat technologique entre Gemplus (cartes à puces) et
Topcard (pour les interfaces à infrarouges), dans le cadre plus large du programme européen
13
laquelle s'apparente très précisément à une logique de grappes technologiques.
12
DRIVE/GAUDI. L'ensemble des opérateurs de transports de l'Aire Métropolitaine Marseillaise
a apporté les conditions d'une expérimentation en vraie grandeur.
L'application se développe et prend corps sous la forme d'une organisation ad'hoc, en général
fondée sur un partenariat étroit avec le client leader, utilisateur pilote, par conséquent
partenaire à part entière du processus d'innovation. L'exploitation opérationnelle et
commerciale de l'application sera confiée, le cas échéant, à une société conjointe créée avec ce
client innovateur. Ce sont souvent des start-up, généralement de petites tailles (5 à 10
personnes) que Gemplus a contribué ainsi à créer et qui innervent peu à peu ce pôle innovateur
en consolidation autour de la carte à puce. Ex: GDEI, cartes pour cantines scolaires (Cannes),
Sofabodi (La Ciotat) pour les bornes d'accès...
Selon ce schéma, la stratégie de Gemplus consiste à aller vers l'aval, vers le marché, afin de
"flairer" les applications potentielles porteuses.
Dans ce sens, une acquisition de technologie nouvelle résulte d'une intuition - anticipation des
applications possibles à moyen terme, donc d'une vision du marché à 1, 3, 5 ans. Le stock de
technologies disponibles (partenariats, achats,...) est par définition mondial (y compris au plan
de l'organisation interne Gemplus - 160 ingénieurs RD- où les ressources technologiques sont
nécessairement gérées globalement). Cela suppose une fonction de veille technologique apte
à une mission de détection, veille qui peut se faire soit en mode passif (observation, repérage),
soit en mode pro-actif (susciter quelque chose chez un partenaire possible).
Au delà encore, le renouvellement des concepts de produits de Gemplus, sur la base de son
potentiel technologique propre peut conduire à terme à la future création de nouvelles fleurs
dont chacune des applications constitueront les propres pétales. Exemple: les tags: étiquettes
électroniques, répondent à un besoin de traçabilité. Développé initialement pour Air Liquide
pour la traçabilité de ses bouteilles, puis transformé en véritable étiquette électronique,
communicante à 40 cm. Ce nouveau produit suppose un effort important pour faire tomber le
coût de production, en dessous de la barre des 20 centimes, ouvrant ainsi le marché au
potentiel des codes-barres (4 à 5 milliards consommés par jour...). Il sera possible alors
d'ouvrir une nouvelle fleur spécifique.
La stratégie de partenariat et de veille (passive et surtout pro-active) menée par Gemplus en
vue d'une croissance fondée sur le renouvellement et l'élargissement de la gamme des
applications est par définition globale, à l'échelle du stock existant et potentiel de technologies
considéré.
13
Il n'empêche que les effets de proximité jouent dans un sens positif (connaissance-identification
et communication), dans le cadre du pôle provençal de micro-électronique, aussi bien dans la
réalisation d'une catégorie de produits-applications, que dans le cadre d'une veille pro-active.
Ici, le rôle du CREMSI14 peut être extrêmement important dans le sens de susciter des pistes
de RD à des partenaires du réseau
.
a.dans le core-business
Les technologies en cause autour des cartes à puce relèvent de quatre dimensions essentielles
que sont:
1. la mémorisation
2. le "raisonnement": systèmes de calcul- décisions, cryptographie,...
3. la communication
4. l'appréhension de l'environnement par micro-capteurs et micro-senseurs.
Si les deux premières sont en bonne partie maîtrisées, il n'en va pas de même des deux
dernières qui sont en chantier. Ainsi: que peut proposer IBS (Gréasque) sur la base de
technologies d'implantation ionique en vue de réaliser une antenne de communication intégrée
à la puce, pour faire de la communication à distance? Si le partenaire local est capable de
proposer le premier une technologie performante, il devient partenaire et fournisseur de la ligne
de production qui en résultera.
La pérennité de la présence de Gemplus et du tissu qui gravite autour, en Provence, dépendra
de la capacité du tissu local à fournir une part minimale de ces "briques" constitutives des
futurs produits de Gemplus.
b. dans les pétales
La différenciation local-non local résulte avant tout du marché: ainsi pour Adicarte, le marché
c'est le département; au delà la logique de marché sera française puis s'élargira à l'international.
L'important est de bien détecter la cible, d'où l'intérêt de travailler avec des partenaires en local.
La proximité est indispensable à la réalisation de ce schéma; mais la stratégie de déploiement
de Gemplus à proximité des marchés, fait que pour Gemplus, la proximité est mondiale: il s'agit
d'être implanté un peu partout pour savoir ce qui va émerger (avec une dominante pro-active
pour l'Europe), pour comprendre ce que veut le client local. Cela suppose donc une structure
d'organisation qui aille plus loin que le déploiement commercial au sens strict.
14
Centre Régional d'Etudes de la Microélectronique du Silicium, réseau fondé à l'initiative de la Commune de
Rousset, du Conseil Régional et de Conseil Général, en 1993, en vue de mobiliser l'ensemble des acteurs locaux
de la filière silicium et de construire un ancrage dont l'absence avait été mise en évidence lors de la menace de
départ de SGS-Thomson du site de Rousset.
14
Ainsi, Gemplus leader mondial sur le marché de la carte-à-mémoire, anime en Provence un
tissu très actif de PME aux services desquelles il fait appel. Aux effets d'entraînement interindustriels s'ajoutent les effets de type "réseaux d'innovation" qui sont sans doute les meilleurs
garants d'une dynamique de moyen-long terme. Et la présence de petites entreprises qui, de
partenaires, sont passées dans le rôle de compétiteurs (Topcard, Stella, ...) est sans doute un
indicateur de la capacité du pôle à engendrer une dynamique d'activité qui déborde la sphère
d'influence directe du leader. C'est sans aucun doute un signe de "bonne santé" du tissu.
La question des effets d'entraînement par l'aval est, un facteur important de la consolidation du
tissu industriel et technologique de la micro-électronique dans l'Aire Métropolitaine
Marseillaise. Le pôle carte-à-puce est un acteur majeur de cette logique, comme l'informatique
communicante commence à l'être pour le pôle grenoblois. Mais son ancrage sur le long terme
n'est pas à l'abri de futurs bouleversements. Concernant Gemplus, l'ancrage de l'entreprise dans
le pôle provençal constitue une réalité paradoxale, dans la mesure où la croissance de la firme
suppose d'organiser une proximité avec les utilisations de par le monde et les grands marchés
porteurs sont américains et asiatiques. Plus largement la croissance de la micro-électronique est
désormais fondée sur l'élargissement du domaine des applications. Cette dynamique profite
commodément sur des effets de proximité géographique qui favorisent l'interaction entre
spécialistes. La présence d'autres avals utilisateurs constituerait un facteur d'ancrage
stratégique pour le pôle micro-électronique et il est donc nécessaire ici d'élargir le
raisonnement au delà d'une politique de stricte filière.
Conclusion
Ainsi le cas de Gemplus nous offre-t-il l'exemple d'une entreprise, née dans un fort contexte
territorial et dont la dynamique de développement et de croissance conduit à se distancier du
territoire en même temps que de s'en rapprocher d'autres, au sein d'une organisation globale.
Divers enseignements nous paraissent devoir en être tirés.
En premier lieu, le cas présenté fournit une excellente illustration de la distinction qui doit être
introduite entre le nomadisme15 des activités industrielles et technologiques, d'une part, et le
phénomène des délocalisations d'entreprises et d'établissements16, d'autre part, qui correspond
typiquement quant à lui à la recherche d'économies en termes de coûts de production (le plus
couramment coûts de la main d'œuvre) relativement à une fonction de production prédéfinie et
inchangée (à des effets de substituabilité des facteurs près). Tandis que ce dernier joue la
15
16
Voir Colletis, Gilly, Pecqueur, Perrat, Zimmermann (1997)
Voir Arthuis (1993)
15
concurrence des territoires sur des facteurs génériques, le nomadisme de l'entreprise, au
contraire, s'inscrit dans le cadre d'une architecture organisationnelle globale de l'entreprise et
tend à capter, au sein des territoires, les ressources spécifiques sur lesquelles elle fondera sa
compétitivité. Et, dans une optique dynamique, l'ancrage territorial de la firme deviendra une
réalité dès lors que celle-ci passera d'une logique de "prédation"17 à une logique de coconstruction, avec le territoire, de telles ressources.
En deuxième lieu, on comprend que la globalisation de l'entreprise, condition nécessaire du
maintien de sa compétitivité ne signifie pas un retrait de tout engagement territorial. Bien au
contraire, l'entreprise entend s'appuyer sur la proximité géographique avec des marchés
fortement différenciés pour en identifier les spécificités, formuler les problèmes productifs
résultants et envisager les ressources technologiques nécessaires à leur résolution. On rejoint
ici l'idée que la globalisation ne peut en aucun cas être identifiée à une homogénéisation de
l'industrie et des marchés sur un espace planétaire indifférencié, mais "répond désormais à une
combinaison complexe de critères tenant aux marchés, aux conditions de production,, aux
capacités de production et d'acquisition de technologies"18.
Ce mode d'organisation constitue, en troisième lieu, une présence territoriale forte, dans le sens
d'une articulation avec l'aval, qui, en ce qui concerne la micro-électronique, constitue une
dimension stratégique de croissance et d'innovation. Dans le cas de Gemplus, cette articulation
suppose non seulement de créer et d'entretenir des relations avec les grands donneurs d'ordre
sur les marchés porteurs (carte téléphonique, carte bancaire, ...). Elle nécessite également,
comme nous l'avons dit, de s'appuyer sur une proximité géographique avec les marchés, sur un
plan tout à la fois sociologique, culturel ... , mais aussi de par la capacité qu'une telle proximité
autorise de réaliser des expérimentations en vraie grandeur avec des utilisateurs pilotes,
desquelles découlent de nouvelles applications, de nouveaux marchés. Reste qu'une telle
dynamique d'innovation suppose également la formulation et la résolution de problèmes
productifs nouveaux, mobilisant des compétences technologiques renouvelées et spécifiques.
Ici, pour Gemplus, il ne peut y avoir d'a priori territorial irrémédiable et le réservoir de
compétences est mondial, la proximité s'inscrit avant tout sur le plan organisationnel19. Mais la
proximité géographique, si elle n'est pas requise, favorise l'interaction entre spécialistes avant
même la formulation effective d'un problème productif inédit20, générant ainsi un ancrage
territorial fondé sur une dynamique d'innovation21. Ainsi, Micropolish, SGS-Thomson et
17
Perrat (1995)
Delapierre et Milelli (1993)
19
Sur la distinction entre proximité géographique et proximité organisationnelle, voir Bellet, Colletis et Lung
(1993).
20
Colletis et Pecqueur (1995).
21
Zimmermann J.B. (Sous la coordination de) (1995).
18
16
Gemplus ont initié un partenariat technologique tripartite consacré à des problèmes
d'amincissement de plaquettes, dans le cadre du développement des tags22. Mais l'ancrage
territorial n'est jamais définitivement acquis et la firme qui en se déployant a acquis un
caractère "allogène", c'est-à-dire a disjoint sa logique de fonctionnement de celle du territoire23,
est toujours susceptible de faire usage de son nomadisme et de se désengager du territoire qui
l'a vu naître et se développer.
Bibliographie:
Arthuis J. (1993), "Les délocalisations en France", Editions d'Organisation, Paris
Bellet M., Colletis G. et Lung Y. (1993) , "Economie de proximités", Numéro Spécial, Revue d'Economie
Régionale et Urbain, N°3.
Colletis G; Gilly J.P., Pecqueur B., Perrat J. et Zimmermann J.B. (1997), "Firmes et territoires: entre
nomadisme et ancrage", Espaces et Sociétés, Numéro Spécial "Entreprise et territoire", N° 88/89, 1997.
Colletis G. et Pecqueur B. (1995), "Politiques technologiques locales et création de ressources spécifiques" in
A.Rallet et A.Torre (Eds.) (1995)
Crozel J.L. (1997), "Recherche: Gemplus joue la carte de la proximité", La Provence 1er Octobre.
Delapierre M. et Milelli C. (1993) "Les firmes multinationales - des entreprises au cœur d'industries
mondialisées", Vuibert, Géographie Economique.
Garnier J. (1991), "Hautes technologies dans le pays d'Aix-en-Provence", rapport LEST, Ville d'Aix-enProvence.
Perrat J. (1995), "Mondialisation des groupes industriels, gestion de l'innovation et ancrage territorial Péchiney et Rhône Poulenc en Rhône-Alpes"-, Rapport PPSH 118, ADEES Rhône-Alpes, Lyon, Janvier
Rallet A. et Torre A. (.Eds.) (1995) "Economie industrielle et Economie spatiale", Economica.
Zimmermann J.B. (1995), "Dynamiques industrielles: le paradoxe du local", in A.Rallet et A.Torre (Eds.)
(1995).
Zimmermann J.B. (Sous la coordination de) (1995), "L'ancrage territorial des activités industrielles et
technologiques - une approche méthodologique", Rapport final, Convention d'étude 2394 du Commissariat
Général du Plan, Juillet.
Zimmermann J.B. (1998), "Nomadisme et ancrage territorial: propositions méthodologiques pour l'analyse des
relations firmes-territoires", Revue d'Economie Régionale et Urbaine, N°1998-2, Avril.
22
L'amincissement des plaquettes permet de réduire les contraintes mécaniques qui s'imposent aux wafers. Par
conséquent, au lieu de fragiliser les circuits, il permet de leur conférer la souplesse nécessaire à leur intégration
dans des tags.
23
Dans ce sens on pourrait considérer qu'une firme devient allogène dès lors que disparaît, dans son mode de
fonctionnement, le primat de la proximité géographique sur la proximité organisationnelle qui est, par
définition, a-spatiale.
17
Résumé:
Les stratégies d'attractivité mises en œuvre par les territoires pour attirer des investissements
productifs en quête de localisation induisent une distinction entre deux types d'investissements
selon leur origine, endogène ou non. Toute firme étant née dans un contexte territorial donné,
parler de firme "allogène" suppose qu'à un moment donné de son histoire, l'entreprise ait été
conduite à prendre des distances avec ce territoire d'origine, pour initier un déploiement spatial
élargi. Ce phénomène constitue un des aspects majeurs de la globalisation. L'exemple de
Gemplus Card, présenté ici, est celui d'une entreprise née dans un contexte territorial fort. Son
succès et sa croissance rapide l'ont amenée à définir une stratégie de développement global, à
l'échelle mondiale, donc à se distancier de son territoire d'origine, en même temps que de se
rapprocher d'autres territoires, sur d'autres continents. La pérennité de son ancrage initial
dépendra de la capacité du tissu territorial à contribuer à la dynamique de l'innovation dans
laquelle est engagée l'entreprise.
Abstract:
Territorial strategies oriented to the attraction of productive investments in search of
localisation induce the distinction between to types of investments according to their
endogenous or not origin. All the firms are born in a territorial context, then qualify an
enterprise as "allogenous" infers that, at a given moment of its history, such a firm has been led
to grow apart from this territory of origin, in order to initiate an enlarged spatial spreading out.
This phenomenon represents one of the major aspects of globalisation process. The Gemplus
Card case, that is exposed in this paper, is the one of an enterprise born is a very actual
territorial context. Its success and its rapid growth have pushed it to define a global
development strategy, at a world level, then to take distances with its territory of origin, while
drawing closer to other territories, in other continents. Perpetuation of its initial territorial links
would depend from the ability of the territorial fabric to contribute to the dynamics of
innovation Gemplus is engaged in.
Classification JEL: L23, L63, O18, R3, R58
Keywords: Proximity, Entreprise, Industry, Territory, Globalisation, Territorial Anchoring,
Nomadism, Microelectronics, Smart-card.
Mots-clefs: Proximité, Entreprise, Industrie, Territoire, Globalisation, Ancrage Territorial,
Nomadisme, Micro-électronique, Carte-à-puce.

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