Le Temple de Léto au Létoon de Xanthos. Étude architecturale

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Le Temple de Léto au Létoon de Xanthos. Étude architecturale
Sélection d’ouvrages présentés en hommage
lors des séances 2013 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
J’ai l’honneur de déposer sur le bureau de l’Académie,
de la part de ses deux auteurs, Erik Hansen, et
Christian Leroy, la publication du Temple de Léto au
Létoon de Xanthos, Étude architecturale. Parue au
moment où les autorités turques ont mis fin à
l’activité des missions françaises à Xanthos et au
Létoon, ce XIe volume des Fouilles de Xanthos est un
magnifique témoignage de l’activité de l’équipe du
Létoon, qui a associé un archéologue français,
professeur émérite d’histoire grecque à l’université
de Paris I et un architecte danois, professeur
d’architecture, chargé d’enseigner la restauration des monuments à l’Académie des
Beaux Arts de Copenhague, ce qui explique que ce coffret élégant ait été publié aux
Presses de l’Université Aarhus, grâce à une subvention de la Fondation Carlsberg.
Il comprend deux fascicules, un dit de texte (230 p.), qui comporte quelque 150
illustrations, dessins, photos et tableaux, soigneusement commentés, et un portfolio de
36 planches, toutes dessinées à la même échelle, le 1/50e.
Le temple de Léto a été construit à l’époque hellénistique. Mais une forme de
culte est attestée dès le VIe siècle : une terrasse est alors aménagée pour le culte lié à la
source qui est à l’origine du récit de la venue de Léto : fuyant Délos avec les deux
jumeaux Apollon et Artémis, la déesse est insultée par les paysans quand elle voulut s’y
rafraîchir ; pour les punir elle les transforme en grenouilles, qui restées très nombreuses
sur le site. Ce temple subsiste jusqu’à la construction de l’église paléochrétienne, quand
le péristyle Est est abattu, tandis que le naos lui-même est réutilisé pour un usage non
identifié. Au siècle suivant, le site est abandonné, ce qui reste du temple abattu par des
pillards cherchant à récupérer tout ce qui peut être utile, en particulier les scellements
métalliques. Mais les couches d’alluvion qu’apportent les inondations annuelles du
fleuve Xanthos protègent cet amas de blocs qui s’était en grande partie effondré sur luimême. Quand le site est identifié, au XIXe siècle, 80 à 90% des blocs sont là, plus ou
moins mutilés.
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Sélection d’ouvrages présentés en hommage
lors des séances 2013 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
D’où un travail considérable quand la missions française commence à l’explorer
à partir de 1962 : il fallut déplacer et ranger plus de 1000 pierres fragiles pesant pour la
plupart plusieurs centaines de kilos, dans une région où le premier camion-grue ne fut
introduit que dix ans plus tard. Mais une fois relevé, dessiné, cet ensemble donnait la
possibilité de reconstituer le temple avec un luxe d’informations d’une richesse
exceptionnelle : c’est le sujet de ce livre, divisé en deux parties : les constructions
antérieures au temple et le temple lui-même. L’essentiel se trouve dans la très belle
illustration graphique, dont le texte constitue le commentaire. Elle est due pour la quasitotalité à Eric Hansen, dont on retrouve les qualités de précision, rigueur et élégance
qu’il avait déjà manifestées dans la publication du trésor de Siphnos, puis du temple
d’Apollon à Delphes. S’il prête attention à tous les détails du dessin, le lecteur pourra
suivre en détail les étapes de la construction d’un temple et même repérer les erreurs de
montage de l’architecte antique ou distinguer les différentes sortes d’outils utilisés par
les carriers antiques.
Une des surprises de la fouille fut la découverte, sous le temple hellénistique, des
premières installations du culte, La source sort au pied d’un grand rocher. Dès le VIe
siècle, un dallage y est installé et un escalier mène à l’esplanade aménagée sur le rocher,
où s’élèveront les trois temples. Mais le plus remarquable est une construction carrée du
IVe siècle, dont la partie inférieure a été soigneusement incluse dans la cella du temple
hellénistique de Léto : les auteurs y reconnaissent avec beaucoup de vraisemblance un
premier bâtiment de culte, dont le socle était constitué par une belle maçonnerie en
blocs polygonaux. Le lit supérieur porte des entailles rectangulaires qui devaient
recevoir les montants en bois d’une élévation en pisé et en bois, telle qu’on peut la
reconstituer d’après des bas-reliefs gravés sur des tombes lyciennes.
Plus tard, les Lyciens enchâssent ce socle de pierre dans l’écrin somptueux que
constitue le temple hellénistique. Le livre nous présente la reconstitution minutieuse,
étape par étape, de ce temple de 32 x 15 m, avec son péristyle d’ordre ionique et une
colonnade corinthienne à l’intérieur, son prodromos profond et un opisthodome très
court. On part de l’édification des soubassements, la pose de la krépis et de la base des
murs (moment où disparaît le vieux temple, chapitre 2), l’installation des orthostates, la
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Sélection d’ouvrages présentés en hommage
lors des séances 2013 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
construction des 15 assises des murs, dont chacune est identifiable grâce au fruit de la
face extérieure des blocs. Une attention particulière est portée aux angles (chap. 6), dont
la mise en place est indispensable pour assurer la reconstitution des murs. Le pillage du
monument avait laissé en bon ordre quatre colonnes tombées parallèlement, ce qui a
assuré la restitution.
Le livre montre bien le grand raffinement de cette construction. Il se voit dans le
soin de la modénature, dans l’élégance du décor des chapiteaux ou du chéneau. Plus
subtilement, le traitement de la surface des blocs au ciseau à dents permettait
d’accrocher au mieux la lumière et de faire varier l’éclairage tout au long de la journée.
Les auteurs évoquent à bon droit la grande tradition de l’école d’Asie Mineure, à
la suite de Pythéos de Priène. Ils proposent de dater le temple du milieu du IIe siècle, en
s’appuyant sur la découverte de monnaies dans la cella. Mais ces dépôts sont
d’interprétation délicate et d’autres dates ont été proposées. Mais l’objectif des deux
auteurs était ailleurs : reconstruire le temple sur le papier en étudiant en détail les
formes et les techniques de construction : ils ont parfaitement remplie cette tâche. A la
fin, le lecteur est convié à une visite du monument sur plan, ce qui laisse aux successeurs
le soin de le remonter et de le replacer dans l’histoire de l’architecture. Ce qui ne peut se
faire qu’à partir de ce superbe dossier.
Olivier Picard
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