Les Suisses n`ont pas peur du noir
Transcription
Les Suisses n`ont pas peur du noir
ÉDITO Et vous, vous avez peur la nuit quand vous marchez dans une ruelle obscure? P osez cet te quest ion aux Suisses et ils vous répondront non à 90% (et à 70 % pour les femmes). De manière plus surprenante encore, «l’enquête suisse de victimisation» menée régulièrement par des chercheurs de l’Université de Lausanne montre que les angoisses nocturnes des Suisses n’ont pas augment é durant ces vingt dernières années alors que les agressions et les cambriolages ont doublé dans le même temps (lire ci-contre)! Au comble de la sérénité, les victimes d’agression méritent une mention particulière, elles qui ne se disent pas plus désécurisées que la moyenne. Tout bien compté, les chercheurs lausannois arrivent donc à la conclusion que les Helvètes figurent parmi les moins craintifs au monde, derrière les Suédois et les Indiens. la ville n’ont pas les moyens de déménager. Ils doivent ainsi apprendre à souffrir en silence parce que les élites plus aisées croient préférable d’occulter des événements polit iquement incorrects. Ensuite parce que les Suisses prouvent depuis deux décennies que l’on peut les traiter en adultes. Les travaux des criminologues lausannois montrent ainsi que le débat public sur les problèmes de sécurité a toujours contribué à rassur er la population. Et que cet te transparence explique en grande partie l’appréciat ion raisonnable des Suisses par rapport à l’augmentation de la criminalité. Quelqu’un parviendra-t-il à troubler cet te approche sereine du danger généré par la criminalité? C ertaine ment pas, et c’est une surprise, les intervent ions des médias et les commentaires des polit iciens populistes. A en croire les t ravaux lausannois pilot és par le professeur Martin Killias, ces deux facteurs n’auraient aucun effet sur la conception que chacun se fait de sa propr e sécurit é. Il en faut plus que le récit sanglant d’une bagarre ent re dealers dans le quartier pour inquiét er durablement un citoyen ét ranger au milieu de la drogue. M algré ces preuves multiples d’int elligence données par les Suisses, l’appréciation de la mont ée du proxénét isme et du trafic de drogue, notamment du fait d’une criminalité «t ransfr ontalière», reste monopolisée par l’aile zurichoise d’un parti politique de dr oite nationaliste. Une situation préoccupante, si l’on entend Martin Killias. D’ abor d parce que le t abou politique érigé autour de cet te question fait des victimes indirectes : certains habitants des quart iers où la criminalité est plusieurs fois supérieure à la moyenne de P ersuadé que l’on ne fait jamais assez confiance à l’int elligence des gens pour résoudre les problèmes, «Allez savoir!» consacre donc plusieurs pages aux travaux des criminologues lausannois. Plongez-y sans arrière-pensée: il n’y a pas là mat ière à en faire des cauchemars. Au cont raire, les solut ions esquissées par le professeur Killias dans son int erview (en page 8) méritent de trouver un écho bien au-delà des sphères universitaires. Jocelyn Rochat Les Suisses n’ont pas peur du noir