Genève porte plainte contre la centrale nucléaire française du Bugey

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Genève porte plainte contre la centrale nucléaire française du Bugey
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2016/03/02/01016-20160302ARTFIG00398-geneve-porteplainte-contre-la-centrale-nucleaire-francaise-du-bugey.php
 Genève porte plainte contre la centrale nucléaire française du Bugey
Par Mélanie Faure -Publié le 02/03/2016 à 21:54
La centrale nucléaire de Bugey est en service depuis 1972.
Les Suisses dénoncent la mise en danger d'autrui et la pollution des eaux causées par la structure,
située à proximité de la frontière helvétique. La centrale représente jusqu'à 4,5 % de l'électricité
produite en France.
Le canton suisse de Genève, frontalier avec la France, a porté plainte contre X concernant la centrale
nucléaire française du Bugey, qui fait partie des plus vieilles en France. Il dénonce la « mise en danger
d'autrui » et la « pollution des eaux ». Une conférence de presse aura lieu lundi en présence de
l'avocate française Corinne Lepage, fervente opposante à l'atome, du maire de Genève, Esther Alder, et
du conseiller administratif, Rémy Pagani, indique le quotidien Le Progrès. Sollicités, ni EDF, qui
exploite cette centrale d'une puissance totale de 3,7 gigawatts, ni le ministère français de
l'Environnement et de l'Énergie, n'ont souhaité faire de commentaire.
Si les Suisses s'intéressent à la centrale française du Bugey, c'est parce qu'elle se situe sur la commune
de Saint-Vulbas dans le département de l'Ain, à 70 km de Genève à vol d'oiseau. Mercredi, la
présidente de l'association « Sortir du nucléaire Bugey », Madeleine Chatard-Leculier, a jugé que la
plainte suisse était « l'aboutissement (des) actions de toutes ces années sur la dangerosité de cette
centrale vieillissante ». En France, une fermeture de la centrale du Bugey est régulièrement réclamée
par les organisations anti-nucléaires, qui pointent notamment du doigt sa situation à une trentaine de
kilomètres de Lyon. La fermeture de cette structure n'a cependant jamais été évoquée ni par EDF, ni
par l'État français, actionnaire à plus de 84 % de l'électricien. Car lorsque les quatre réacteurs
fonctionnent, la centrale représente 4,5 % de la totalité de l'électricité produite en France.
Les Suisses avaient également contesté sans succès le décret autorisant EDF à construire sur le site un
centre de stockage de déchets nucléaires. Appelé Iceda (Installation de conditionnement et
d'entreposage de déchets activés), ce centre doit permettre de stocker une partie des déchets issus des
neuf réacteurs d'EDF en cours de démantèlement en France (Brennilis, Bugey-1, Saint-Laurent,
Chinon, Creys-Malville).
Genève est passée à « la vitesse supérieure ». - Cela fait plusieurs années que la Suisse demande la
fermeture de la centrale nucléaire du Bugey. Le canton de Genève et la municipalité avaient déjà dans
le passé lancé des démarches, mais aucune n'avait abouti. En mars 2015, la Ville de Genève a annoncé
vouloir durcir le ton contre la structure qui fonctionne depuis les années 1970 et qui est considérée
comme très vétuste. « Nous avons donc décidé de passer à la vitesse supérieure », avait alors déclaré à
la presse le conseiller administratif de la Ville de Genève, Rémy Pagani. La centrale compte un
réacteur en cours de démantèlement, trois autres en fonctionnement et un à l'arrêt depuis le 27 août
2015. L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a demandé à EDF de réparer une dégradation de
l'étanchéité du revêtement métallique de l'enceinte du réacteur actuellement stoppé.
Dans les années 90, la ville de Genève avait déjà mené le combat contre la centrale nucléaire de CreysMalville, dans l'Isère, qui a cessé de fonctionner en 1998. Seule la fermeture de la centrale de
Fessenheim dans le Haut-Rhin, la plus vieille du parc des 58 réacteurs français, est à l'ordre du jour,
quoique sa concrétisation ait pris du retard. Elle s'inscrit dans la promesse présidentielle faite par
François Hollande et dans la trajectoire fixée par la loi sur la transition énergétique de plafonnement du
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parc à son niveau actuel et de réduction de la part de l'atome à 50 % de la production totale d'électricité
d'ici 202.
http://www.leprogres.fr/france-monde/2016/03/02/geneve-porte-plainte-contre-la-centrale-du-bugey
Ain
 Genève porte plainte contre la centrale nucléaire du Bugey
La ville et le canton suisses intentent une action pénale concernant la centrale nucléaire française de
l'Ain pour mise en danger de la vie d'autrui et pollution des eaux.
Le 02/03/2016 à 15:15 mis à jour à 18:00 Réagir (4)
La centrale nucléaire du Bugey est implantée sur la commune de Saint-Vulbas, dans l'Ain. Photo
archives Jean-Pierre Balfin
Selon le quotidien suisse Le Temps, le canton et la ville de Genève vont porter plainte contre la
centrale française du Bugey, dans l'Ain, pour mise en danger de la vie d'autrui et pollution des eaux.
Représentés par l'avocate et ancienne ministre française de l'Environnement Corinne Lepage, la ville et
le canton suisses ont annoncé le dépôt d'une plainte pénale contre X concernant la centrale nucléaire
française.
Une conférence de presse lundi. - Contactées, les autorités genevoises n'ont pas souhaité commenter
cette décision. Le conseiller d'Etat Antonio Hodgers, la maire de Genève Esther Alder et le conseiller
administratif Rémy Pagani ne s'exprimeront que lundi lors d'une conférence de presse avec Corinne
Lepage.
En mars 2015, Genève avait déjà annoncé qu'elle durcirait le ton contre la centrale du Bugey, située à
quelque 70 kilomètres de Genève. Active depuis le début des années 1970, la centrale est l'une des plus
vétustes de France.
 Les centrales nucléaires françaises inquiètent les pays frontaliers
Le Monde.fr | 03.03.2016 à 16h33 | Par Pierre Le Hir
La ville et le canton de Genève ont annoncé, mercredi 2 mars, le dépôt d’une plainte contre X pour
« mise en danger délibérée de la vie d’autrui et pollution des eaux », visant le site nucléaire du Bugey,
l'Ain.
C’est un véritable tir de barrage qu’essuient, depuis deux jours, les installations nucléaires françaises.
Les attaques viennent de pays frontaliers, Suisse et Allemagne, qui s’inquiètent de la sûreté des
centrales nucléaires de Bugey (Ain) et Cattenom (Moselle). Mais aussi des associations antinucléaires
hexagonales, qui ont dans leur collimateur l’EPR en cours de construction à Flamanville (Manche),
ainsi que le futur Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) de Bure (Meuse), où doivent être
enfouis les déchets radioactifs.
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La ville et le canton de Genève, tout d’abord, ont annoncé, mercredi 2 mars, le dépôt d’une plainte
contre X pour « mise en danger délibérée de la vie d’autrui et pollution des eaux », visant le site
nucléaire du Bugey, distant d’environ 70 kilomètres à vol d’oiseau. L’avocate Corinne Lepage, exministre française de l’environnement et présidente du mouvement le Rassemblement citoyen-CAP21,
qui représente les intérêts helvétiques, a indiqué que la plainte avait été déposée le même jour à Paris.
Voilà longtemps que les autorités genevoises demandent la fermeture du site du Bugey, qui compte
quatre réacteurs nucléaires mis en service entre 1978 et 1979. Elles s’opposent aussi à la construction,
dans l’enceinte de la centrale, d’une Installation de conditionnement et d’entreposages des déchets
activés (Iceda), destinée à accueillir une partie des résidus radioactifs issus des neuf réacteurs français
en cours de démantèlement (Brennilis, Bugey 1, Chinon A1, A2 et A3, Chooz A, Saint-Laurent A1 et
A2, auxquels s’ajoute le surgénérateur superphénix de Creys-Malville).
Les écologistes allemands ont dans leur viseur la centrale mosellane de Cattenom, qui compte, elle
aussi, quatre réacteurs couplés au réseau entre 1986 et 1991.
Les écologistes allemands, de leur côté, ont dans leur viseur la centrale mosellane de Cattenom, qui
compte elle aussi quatre réacteurs couplés au réseau entre 1986 et 1991. Un rapport commandé par le
groupe des Verts au Bundestag, dont rend compte le quotidien régional allemand Trierischer
Volksfreund, pointe, selon le journal, des normes de sûreté « insuffisantes » qui conduiraient, OutreRhin, à son déclassement. Le leader des Verts au Parlement allemand, Anton Hofreifer, a demandé au
gouvernement fédéral d’ouvrir des négociations avec la France en vue de la fermeture de la centrale
pour « danger imminent ».
EDF, qui ne commente pas la plainte visant les installations du Bugey, répond, au sujet de Cattenom,
que « ce site fait l’objet d’un important programme de modernisation afin d’améliorer en permanence
son niveau de sûreté ». Exemples : l’installation en cours de diesels d’ultime secours, prévus dans le
cadre des travaux « post-Fukushima », ou encore la tenue, en décembre 2015, d’un exercice
d’intervention de la nouvelle Force d’action nucléaire rapide (FARN). La première des quatre tranches
nucléaires doit passer, en 2016, sa troisième visite décennale, qui décidera de son éventuelle
prolongation au-delà de trente ans.
L’Autorité de sûreté nucléaire française (ASN), lors de la présentation, en avril 2015, de son rapport
sur l’« état de la sûreté et de la radioprotection en France », portant sur l’année 2014, avait fait état
d’un bilan « globalement assez satisfaisant », tout en soulignant « la nécessaire mise à niveau » de la
sûreté des installations nucléaires françaises.
En janvier, son président, Pierre-Franck Chevet, a précisé que la mise en œuvre de l’ensemble des
mesures de renforcement décidées après l’accident de Fukushima, en particulier un « noyau dur »
garantissant l’alimentation en eau et en électricité en cas d’accident, « demandera encore de cinq à dix
ans ».
S’agissant spécifiquement de la centrale du Bugey, le dernier rapport de l’ASN notait que « les
performances en matière de sûreté nucléaire restent globalement en retrait par rapport à l’appréciation
générale que l’ASN porte sur EDF » et faisait état d’« interventions, réalisées à la suite d’anomalies
techniques, non satisfaisantes ». Pour Cattenom, il pointait « plusieurs écarts aux référentiels
d’exploitation ainsi qu’une maîtrise imparfaite des installations », concluant que « le site doit retrouver
davantage de rigueur dans l’exploitation des installations ».
Areva doit mener des essais de qualification afin de démontrer que la cuve de l’EPR de Flamanville est
fiable.
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Aux attaques venues de nos voisins européens s’ajoutent des actions judiciaires engagées par des
organisations françaises hostiles à l’atome. L’association Notre affaire à tous et le Comité de réflexion
d’information et de lutte antinucléaire (Crilan) ont annoncé, jeudi 3 mars, qu’ils déposaient un recours
devant le Conseil d’Etat en vue de l’annulation d’un arrêté du 30 décembre 2015 relatif aux
équipements sous pression nucléaires.
Cette appellation technique recouvre tous les équipements contenant un fluide radioactif, tels que la
cuve où se produit la fission nucléaire, les générateurs de vapeur ou le circuit de refroidissement,
autant de composants cruciaux pour la sûreté. L’arrêté incriminé, expliquait en janvier le président de
l’ASN, vise à donner aux exploitants « un délai supplémentaire de trois ans » pour se mettre en
conformité avec la nouvelle réglementation, plus contraignante, qui s’applique depuis 2005 à ces
équipements.
Cet arrêté, accuse Marie Toussaint, présidente de Notre affaire à tous, « permet en réalité aux
industriels de déroger à leurs obligations essentielles de sûreté ». Aux yeux des antinucléaires, il a été
taillé sur mesure pour l’EPR de Flamanville, dont l’acier du couvercle et du fond de la cuve présente
des défauts réduisant sa résistance à la propagation de fissures. « Autoriser une cuve potentiellement
fragilisée, c’est faire courir des risques insensés à la population », dénoncent les associations.
Une lecture contre laquelle s’inscrit en faux le patron de l’autorité de sûreté. « Il ne s’agit pas d’un
arrêté fait pour Flamanville », affirme Pierre-Franck Chevet, encore moins d’un « chèque en blanc »
donné aux exploitants. S’agissant de la cuve de l’EPR, dont l’ASN avait elle-même rendu publics les
défauts en avril 2015, son fabricant, Areva, doit mener des essais de qualification afin de démontrer
qu’elle est fiable.
L’autorité de contrôle se prononcera ensuite, avec l’appui des experts de l’Institut de radioprotection et
de sûreté nucléaire (IRSN), son avis étant prévu « à la fin de l’année ». Si les tests sur la cuve ne sont
pas jugés concluants, « je ne vois pas d’autre solution que la changer », a prévenu M. Chevet.
Pour faire bonne mesure, cinq associations et ONG, dont Sortir du nucléaire, Les Amis de la Terre et
France nature environnement, ont décidé d’attaquer devant le Conseil d’Etat un autre arrêté. Celui, pris
le 15 janvier par la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, sur le coût du futur stockage géologique
des déchets nucléaires à haute activité et à vie longue, dans le sous-sol de la commune de Bure.
L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) avait évalué le prix de la
construction et de l’exploitation, sur une durée de cent quarante ans, à 34,4 milliards d’euros. Les
producteurs de déchets (EDF, Areva et le CEA) l’avaient chiffré, eux, à 20 milliards d’euros. Mme
Royal a coupé la poire en deux, en tranchant à 25 milliards.
Pour les opposants au projet, ce « coût minimisé » constitue « un cadeau à une filière nucléaire en
déroute ». « Ce choix, protestent-ils, aboutira à faire payer par les générations futures les sommes non
provisionnées. Déchets ingérables et lourde facture : un bel héritage ! »
Même si elle n’est peut-être pas coordonnée, cette contestation tous azimuts de la filière nucléaire
française ne pourra qu’accentuer la pression qui pèse sur elle, au moment où ses acteurs historiques,
EDF et Areva, traversent une grave crise financière. Et où la question de la prolongation de la durée de
vie des réacteurs fait polémique. En France mais aussi, à l’évidence, au-delà de nos frontières.
Pierre Le Hir
Journaliste au Monde
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GENEVE PORTE PLAINTE CONTRE LA CENTRALE NUCLEAIRE FRANÇAISE DU BUGEY
Gestion des risques | 03-03-16 | Florence Roussel
Le canton de Genève (Suisse) a décidé de porter plainte contre X au sujet de la centrale nucléaire du
Bugey (01). Située à une centaine de kilomètres de la capitale économique suisse, cette centrale
possède quatre réacteurs de 900 MW chacun. Elle fait partie des plus anciennes centrales nucléaires de
France (mise en service au début des années 70).
La plainte porte sur "mise en danger de la vie d'autrui et pollution des eaux". La centrale connaît en
effet des problèmes de fuites depuis plusieurs années au niveau du réacteur numéro cinq.
Interrogée sur ce sujet à l'occasion d'un point presse, Ségolène Royal a indiqué qu'elle attendait de
recevoir tous les éléments en sa possession. La ministre de l'Environnement a surtout rappelé que
depuis la loi sur la transition énergétique, les pays voisins de la France situés à proximité d'une centrale
sont invités à participer aux Commissions locales d'information (CLI) : "La Suisse sera donc présente à
la prochaine CLI du Bugey prévue le 4 avril prochain. Elle pourra poser toutes les questions qu'elle
souhaite", a-t-elle déclaré.
Florence Roussel, journaliste, rédactrice en chef
© Tous droits réservés Actu-Environnement
http://www.liberation.fr/futurs/2016/03/03/il-faut-imaginer-qu-un-accident-de-type-fukushima-puissesurvenir-en-europe_1437315
Interview
 « Il faut imaginer qu’un accident de type Fukushima puisse survenir en
Europe »
Par Coralie Schaub - 3 mars 2016
Le président de l’Autorité de sûreté nucléaire, Pierre-Franck CHEVET, déplore le manque de prise de
conscience des risques.
Pierre-Franck CHEVET préside l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), une autorité indépendante
considérée comme le gendarme de l’atome. Cet X-Mines, qu’on ne peut pas soupçonner d’être
antinucléaire, alerte pourtant de plus en plus fortement sur la sûreté. (Photo Thomas Humery)
En janvier, vous avez martelé que « le contexte en matière de sûreté nucléaire est particulièrement
préoccupant ». Pourquoi ?
Je n’ai pas employé les mêmes mots les années précédentes. Ce jugement vient de trois constats. On
entre dans une période où les enjeux en termes de sûreté sont sans précédent. La poursuite du
fonctionnement des réacteurs d’EDF au-delà de quarante ans est un enjeu de sûreté majeur, c’est très
compliqué techniquement. EDF estime les travaux à 55 milliards d’euros, cela donne une mesure de
leur ampleur. C’est moins médiatique, mais il y a le même sujet pour toutes les autres installations,
comme l’usine de retraitement de la Hague ou les réacteurs de recherche du Commissariat à l’énergie
atomique et aux énergies alternatives (CEA).
Tout le système industriel nucléaire a été construit, pour faire simple, dans les années 80. Or, 1980 +
40, ça fait 2020. A 40 ans, il ne se passe pas brutalement des choses très graves sur une installation
nucléaire. Mais c’est un âge déjà respectable, qui oblige aussi à se demander comment améliorer la
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sûreté en fonction des nouveaux standards post-Fukushima. C’est un deuxième enjeu absolument
énorme.
Face à ces enjeux qui montent, les acteurs du nucléaire ne sont pas en pleine forme, c’est le moins
qu’on puisse dire. Ils ont tous, EDF, Areva, mais aussi le CEA, de grosses difficultés économiques,
financières ou budgétaires. La concomitance de ces trois constats me fait dire que la situation est
préoccupante à court et moyen termes. Or, nous n’avons pas obtenu à ce stade les moyens
supplémentaires nécessaires pour assurer pleinement notre tâche. Nous sommes donc contraints, en
2016, de nous concentrer sur les installations qui fonctionnent, le risque le plus urgent est là.
Vous répétez que la prolongation des centrales au-delà de quarante ans n’est pas acquise. Or,
Ségolène Royal se dit « prête » à les prolonger dix ans…
Si la ministre de l’Energie confirme qu’elle est d’accord pour qu’EDF propose la prolongation et
qu’on étudie la question, ça n’est ni illogique ni un scoop. Mais cela ne veut pas dire qu’elle sera
acceptée, essentiellement par moi. Sur ce sujet, c’est l’ASN qui décide. Elle se prononcera de manière
« générique » sur les modalités de prolongation en 2018, pour ensuite prendre position, réacteur par
réacteur, à partir de 2020. Pour avoir vu la ministre récemment, il n’y a pas de doute dans mon esprit
sur le fait que le rôle de l’ASN est connu et respecté.
S’il y avait passage en force contre votre avis, que feriez-vous ?
On dirait non. La loi de transition énergétique dit que la décision de prolonger à cinquante ans ou plus
est soumise à notre accord. C’était moins clair dans les lois précédentes.
Areva est en faillite, EDF en grande difficulté. Cela ne risque-t-il pas de menacer la sûreté ?
Quand une entreprise n’a pas les moyens, il y a à l’évidence un risque qu’elle puisse rogner sur
certains investissements, notamment dans la sûreté. Peut-être pas les plus cruciaux, mais sur des
investissements intermédiaires. Or, nous avons prescrit des choses, avec des délais. Je veillerai à ce
que ces obligations soient respectées. Nous faisons énormément d’inspections et la loi nous a donné un
pouvoir de sanction accru en cas de non-respect de nos demandes.
Mais il y a aussi des sujets plus subtils : ces entreprises sont en pleine réorganisation, il faut veiller à ce
que cela soit cohérent avec les grands enjeux de sûreté, au niveau de l’organisation en général mais
aussi des personnes. Il faut qu’un certain nombre de compétences clés, dans les équipes d'exploitation,
soient là et aux bons endroits pour que la sûreté soit bien gérée au quotidien.
Vous avez dit que les anomalies «très sérieuses» de la cuve de l’EPR de Flamanville ont été
découvertes « sous pression de l’ASN et non par l’exploitant ». Areva et EDF font-ils leur boulot ?
En tout cas, pour l’anomalie de la cuve, c’est assez frappant. Les anomalies n’ont été détectées que
parce que nous avons demandé des contrôles, mesures et essais supplémentaires. Areva n’était pas
convaincu de leur utilité. Ils ont fini par faire les essais en affirmant qu’ils montreraient que ce n’était
pas nécessaire. Pas de chance pour eux, il se trouve qu’effectivement, on a vu une anomalie. Il y a déjà
eu des anomalies par le passé, ça ne me trouble pas, il faut simplement les traiter. Par contre, je
constate que c’est avant tout notre système de contrôle qui a mis en évidence le problème, et pas leurs
contrôles internes.
Or, le premier responsable de la sûreté, c’est avant tout l’exploitant, c’est lui qui est en charge
directement. J’ai beau faire mon métier aussi bien que possible, je ne peux travailler que par sondages.
Une situation où seul le gendarme est chargé de contrôles, ça ne marche pas. Les entreprises doivent
faire leur boulot en interne, d’abord. C’est pour cela qu’on sera attentifs à leurs organisations internes,
notamment à ce que leur chaîne de contrôle interne soit bien dotée, en nombre et en compétences.
C’est pour ça que j’ai fait cette remarque, et elle est importante.
Vous venez aussi d’alerter sur une corrosion plus rapide que prévue à la Hague, site d’Areva qui est
aussi le plus radioactif de France.
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Malheureusement, l’analogie est assez forte avec ce qui s’est passé pour l’anomalie de la cuve de
l’EPR. C’est parce que nous avons demandé qu’ils fassent un check-up complet de l’installation que
des contrôles ont été faits sur les évaporateurs et qu’on a pu voir le problème. Ces derniers [où sont
concentrés les produits de fission, ndlr] n’avaient jamais été contrôlés. On leur a demandé de renforcer
les contrôles qui auraient dû être faits, pour suivre ce phénomène de corrosion. Si ça se passe mal, on
prendra des décisions d’arrêt, mais on n’en est pas là.
Diriez-vous qu’« EDF sous-estime le risque d’un accident nucléaire », comme l’a fait en 2012
Jacques Repussard, le directeur de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ?
(Pause. Soupir) Je n’ai pas ce sentiment. Ils sont dans leur rôle, veulent nous convaincre qu’ils font les
choses bien, c’est la vie. Après Fukushima, il me paraît de toute manière assez difficile d’avoir une
telle position. On l’avait affirmé alors et on continue à le faire, on n’a pas de problème à dire qu’un
accident est possible.
Il disait aussi qu’avant Fukushima, il y avait une « omerta » sur la sûreté. Y a-t-il aujourd’hui une
transparence totale ?
En tout cas, nous, on s’y attache. Quand on a annoncé l’anomalie de la cuve de l’EPR, on n’a pas eu
que des compliments, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais c’est la vie. On dit les choses, c’est notre
principe de base. La transparence s’améliore, même si je ne dis pas que c’est parfait. Les commissions
locales d’information autour de chaque installation montent en puissance. Quand nous faisons des
inspections, les avis sont publics. Et les avis de l’IRSN seront désormais rendus publics avant même
que l’ASN prenne une décision dessus.
De plus en plus de gens critiquent un déni du risque et une « fuite en avant » de la part de « l’État
nucléaire » français.
Ce n’est pas comme ça que je le perçois. D’abord, on est là pour faire notre boulot. Cela met quelques
ressorts dans le système. Il y a des difficultés, c’est vrai, des tensions entre les acteurs…
L’ASN est-elle engagée dans un bras de fer avec EDF ?
Il y a un bras de fer. Mais dans un système industriel qui a tous ces problèmes, il faut bien que la
tension sorte quelque part. La prolongation, ce n’est pas forcément une fuite en avant, la question a
potentiellement du sens. Simplement, techniquement, on ne sait pas encore ce qu’on en fait. On fixera
les conditions que l’on veut voir réunies et si les industriels estiment que c’est trop cher, ils en tireront
les conséquences et ça ne se fera pas.
La date de fermeture de Fessenheim approche et EDF investit des dizaines de millions d’euros pour
sa sûreté. Pourquoi ne pas l’arrêter tout de suite ?
L’ASN s’est prononcée en 2011 ou 2012 sur les deux réacteurs de Fessenheim en disant qu’ils
pouvaient fonctionner dix ans de plus, sous réserve qu’il soit fait des améliorations de sûreté. Si c’est
fermé plus tôt, ça ne me dérange pas. Par contre, j’insiste, les améliorations de sûreté demandées
doivent être faites. En cas d’accident, si les travaux n’ont pas été faits, on me demandera des comptes,
et c’est logique.
Quid du risque terroriste ?
Nous ne sommes pas en charge du sujet. Par contre, la question de savoir comment on dimensionne
une installation pour qu’elle résiste à des agressions malveillantes est très proche de la réflexion pour
faire face à un tsunami, par exemple. Après Fukushima, nous avons demandé d’installer des systèmes
en plus. Quand une installation a un pépin, l’enjeu est d’arriver à mettre de l’eau dans le système pour
le refroidir. Pour cela, il faut des tuyaux, des pompes, et de l’électricité. On a demandé à tous les
exploitants de renforcer cela. D’abord sous forme de moyens mobiles à déployer le jour venu. C’est
désormais fait. Par contre, on est les seuls en Europe à avoir demandé les mêmes mesures, mais en dur.
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On demande un gros diesel, des pompes et tuyaux dans un local bunkerisé. Ce sera déployé dans les
cinq à dix ans sur l’ensemble des installations.
In fine, la question n’est-elle pas si, mais quand il y aura un accident majeur en Europe ?
Oui, il y en aura. Il faut imaginer qu’un accident de type Fukushima puisse survenir en Europe. Je ne
sais pas donner la probabilité et on fait un maximum pour éviter que ça arrive, mais malgré tout, on
pose le principe que ça peut arriver. En tout cas, il faut partir de cette idée-là, ne serait-ce que pour
demander les améliorations de sûreté. On a peut-être un peu oublié que Fukushima, c’était seulement il
y a cinq ans. C’est une perte de mémoire collective, pas uniquement des politiques ou des entreprises.
Au moment de Fukushima, on a observé très vite une baisse des gens favorables au nucléaire, de 50 %
à 40 %. Un an après, on était revenus à 50 %…
En cas d’accident majeur, sommes-nous bien protégés ?
On fait le maximum, je ne dis pas que c’est parfait. D’abord, il faut s’y préparer, il y a très
régulièrement des exercices de crise. Des simulations aussi réalistes que possible, même si on ne peut
pas évacuer toute une ville juste pour un exercice. Fukushima a eu des conséquences de natures
diverses pour les populations jusqu’à 100 kilomètres autour de la centrale. Et les gens ont dû être
évacués durablement dans un rayon de 20 km, ce qui est déjà énorme.
Si on pose ce schéma en Europe, il faut en tirer les conséquences et faire en sorte que nos moyens de
gestion de crise soient adaptés, en allant au-delà du rayon de 10 km qui est celui des plans particuliers
d’intervention (PPI) actuels autour des installations. Il faut regarder une zone plus large, jusqu’à 100
km. Deuxième chose, en traçant des cercles de 100 km de rayon autour des centrales en Europe, on
s’aperçoit que dans beaucoup de cas, un accident concernera plusieurs pays. Il faut donc absolument
renforcer la cohérence des mesures de protection des populations entre pays européens, ce qui n’est
toujours pas acquis à ce stade. Aujourd’hui, de part et d’autre d’une frontière, deux pays peuvent
utiliser, par exemple, des seuils différents de contamination au-dessus desquels on recommande de ne
pas manger tel aliment. Cela ne va pas. C’est pour ça que toutes les autorités de sûreté européennes ont
poussé collectivement, fin 2014, pour un système où on a une approche cohérente de gestion d’un
accident nucléaire. Et pour dire qu’il faut se préparer dans une zone de 100 km.
Beaucoup demandent à ce que la distribution actuelle de comprimés d’iode dans un rayon de 10 km
autour des centrales françaises soit étendue à ces 100 km…
Nous y sommes favorables. En cas d’accident, il y a six réflexes à avoir, parmi lesquels la prise de
comprimés d’iode stable pour saturer la thyroïde avant que de l’iode radioactif ne puisse s’y fixer. Les
comprimés distribués en 2009 arrivent à leur date de péremption, donc on a organisé une campagne de
redistribution dans le rayon habituel des 10 km. On en profite pour parler des autres réflexes, le
premier étant de se calfeutrer dans un bâtiment. Par ailleurs, au niveau départemental, il y a des stocks
de comprimés qui peuvent ensuite être distribués.
Mais au-delà de cette zone, il faut sortir de chez soi pour aller chercher des comprimés ! Comment
faire si on est dans le nuage radioactif, sachant qu’il faut les prendre avant son passage pour que ce
soit efficace ?
Si on est dans le nuage, effectivement, il ne faut pas sortir. Mais oui, il faudra absolument préciser les
conditions dans lesquelles on achemine à temps les comprimés jusqu’aux personnes. Je ne sais pas si
la solution sera d’étendre la pré-distribution des comprimés à 100 km ou d’avoir un circuit très fiable
de distribution au moment où… Tout cela se prépare, ça ne dépend pas que de l’ASN. En attendant, il
y avait urgence à renouveler les comprimés, donc la campagne se déroule en l’état du système, dans
les 10 km. Il faut aussi avoir en tête que si on pré-distribue trop largement et on banalise la chose, on
ne sait pas où seront les comprimés le jour venu. Dans la zone des 10 km, on constate, malgré nos
efforts, que les gens ne vont pas les chercher en pharmacie. Et même quand on leur livre les
comprimés par la Poste, au bout d’un certain temps, ils ne savent plus où ils sont.
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La population n’est donc pas consciente du risque ?
On avait fait un sondage au moment de la première campagne de distribution. Seuls 50 % des gens
avaient les comprimés chez eux. Quand on leur a demandé pourquoi, il y avait deux visions. En gros,
soit « de toute manière je serai mort, c’est pas un comprimé qui va me sauver ». Soit le déni du risque :
« Il n’y a pas eu de pépin, donc il n’y en aura pas, donc pas besoin de comprimés. » On essaie de lutter
contre ces deux visions, car les deux sont fausses mais aboutissent à ce que les gens ne se protègent
pas.
Coralie Schaub
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 Le ministère de l'Environnement allemand souhaite la fermeture de
Fessenheim
Par Le figaro.fr avec AFP- Publié le 04/03/2016
Après les révélations de la presse allemande selon lesquelles le niveau de gravité de l'incident de
Fessenheim n'avait pas été jugé correctement à l'échelle internationale des événements nucléaires, le
ministère de l'environnement allemand demande la fermeture de la centrale.
La centrale nucléaire française de Fessenheim, toute proche de la frontière avec l'Allemagne, est "trop
vieille" et "devrait être fermée le plus vite possible", a déclaré vendredi un porte-parole de la ministre
allemande de l'Environnement Barbara Hendricks.
Mme Hendricks a déjà par le passé exprimé cette position sur Fessenheim, la plus vieille centrale du
parc français, revenue dans l'actualité vendredi à propos d'un incident survenu en 2014.
Hier déjà, c'était la centrale nucléaire du Bugey qui avait fait parler d'elle. En cause, la plainte déposée
par le canton de Genève "pour mise en danger d'autrui et pollution des eaux".
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