le triomphe de l`amour - Philidor - Centre de musique baroque de

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le triomphe de l`amour - Philidor - Centre de musique baroque de
LE TRIOMPHE DE L’AMOUR
Ballet de cour de Jean-Baptiste Lully
Mercredi 13 novembre 2002
Opéra royal du château de Versailles
une coréalisation Centre de Musique Baroque de Versailles/
Établissement public du musée et du domaine national de Versailles
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PROGRAMME
LE TRIOMPHE DE L’AMOUR
Ballet royal en un Prologue et seize entrées (1681)
de Jean-Baptiste Lully
(1632-1687)
Livret de Philippe Quinault
avec
SOLISTES VOCAUX DE LA SIMPHONIE DU MARAIS
Françoise Masset, dessus
Vénus, Diane, 2de Indienne
Julie Hassler, dessus
Amphitrite, La Nuit, 1ère Indienne, La Jeunesse
Sophie Landy, dessus
Nymphe de Flore
Clara Georgel-Delunsch, dessus enfant
L'Amour
Renaud Tripathi, haute-contre
1er Plaisir, Le Mystère, 1er Carien, Arcas
Jean-Louis Georgel, taille
Le Silence, 2d Carien, Mercure
Philippe Roche, basse
2d Plaisir, Neptune, Chef des Cariens,
Un Indien, Jupiter
COMPAGNIE « LE BALLET DES ARTS »
Françoise Denieau
Natalie van Parys
Gilles Poirier
Georges Keraghel
Marc Leclerc
Indienne, Bergère, Amoureuse
Ariane, Bergère, Flore
Songe, Indien, Apollon, Jeunesse
Endymion, Indien, Berger, Zéphyre
Songe, Bacchus, Berger, Amoureux
LE CHŒUR DU MARAIS
LA SIMPHONIE DU MARAIS
DIRECTION
: HUGO REYNE
chorégraphie : Françoise Denieau
mise en espace : Françoise Masset
lumière : Daniel Brochier
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CHŒUR DU MARAIS
Florence Goyer, Sophie Landy, Delphine Malik-Vernhes,
Laure Pény-Lalo, dessus
Hervé Mignon, Stéphane Lévy,
Gilles Guénard, bas-dessus
José Canalès, Benoît Porcherot, Stéphane Werchowski, tailles
Frédéric Albou, Stefan Früh, Vincent Pelloux,
François Echassoux, basses-tailles
LA SIMPHONIE DU MARAIS
direction musicale : HUGO REYNE
Alice Piérot, premier violon
Nathalie Fontaine, Katerina Krassoutskaia, Marie-Claude Lebey,
Bérangère Maillard, Léonor de Récondo, Domitille Vigneron, violons
Françoise Couvert, Judith Depoutot, Vassilis Tsotsolis, altos I
Alain Pégeot, Céline Cavagnac, altos II
Françoise Rojat, alto III
Hilary Metzger, basse de violon (basse continue)
Maturin Matharel, Paul Rousseau, basses de violon
Matthieu Lusson, viole de gambe (basse continue)
Marc Wolff, théorbe (basse continue)
Olivier Houette, clavecin (basse continue)
Olivier Clémence, Benoît Richard, hautbois
Philippe Allain-Dupré, François Nicolet, flûtes traversières
Domitille Vigneron, Olivier Clémence, Philippe Allain-Dupré,
François Nicolet, Benoît Richard, flûtes à bec
Emmanuel Vigneron, basson
Les costumes de cette soirée ont été gracieusement mis à disposition par
le Centre de Musique Baroque de Versailles, l’Opéra de Tours
et le Printemps des Arts de Nantes.
Ce concert-spectacle est réalisé en partenariat avec La Chabotterie (Conseil Général de Vendée)
et Le Centre de Musique Baroque de Versailles.
La Simphonie du Marais est missionnée par le Conseil Général des Yvelines.
La partition et le matériel d’orchestre ont été réalisés
par Claire Guillemain et Hugo Reyne pour La Simphonie du Marais.
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LE TRIOMPHE DE L’AMOUR
Le Triomphe de l’Amour fut créé au château de Saint-Germain-en-Laye le 21 janvier 1681, durant les
fêtes traditionnellement organisées à la Cour pendant le Carnaval. La création avait été initialement
prévue le 3 novembre 1680, jour de la saint Hubert, mais la date fut repoussée à deux reprises, en
raison d’une maladie du Dauphin. Voici ce que l’on pouvait lire dans le Mercure galant, avant même
le début des représentations :
« Je vous ay deja mandé qu’on faisoit de grands apprests pour un Balet magnifique, qui a
pour Sujet, Le Triomphe de l’Amour. Ce n’est ny un Opéra, ny un Ballet en Machine,
mais seulement une Mascarade, qui devoit estre dancée à Versailles le jour de la Feste de
S. Hubert. La maladie de Monseigneur le Dauphin ayant obligé de la reculer, on l’a remise
jusqu’au douziéme jour de Janvier. Je puis vous assurer par avance, qu’on n’aura rien veu
de plus somptueux que les Habits. Les Dialogues qui séparent les Entrées en plusieurs
endroits, & que Mr de Lully a mis en Musique, sont d’une beauté qui passe tout ce qu’on a
veu de cette nature ; & comme il n’y aura point de changemens de Théatre, la Décoration
qui régnera pendant ce Balet, sera d’une invention toute singuliere. Il est composé de vingt
Entrées, dont je vais icy ajoûter l’ordre, avec les Noms des Seigneurs & Dames qui doivent
avoir l’honneur de dancer avec Monseigneur le Dauphin, & Madame la Dauphine. »
Mercure galant, décembre 1680, p. 317-318
Avec ce spectacle, Quinault et Lully renouaient avec la grande tradition du ballet de Cour où de
nombreux courtisans, parmi lesquels le Roi lui-même, se plaisaient à paraître sur scène. Fort en
vogue durant les jeunes années de Louis XIV, le genre avait disparu de la Cour depuis le Ballet de
Flore de Benserade et Lully (1669) ; l’opéra naissant l’avait supplanté. C’est à la demande du Roi et
pour fêter la récente union du Dauphin et de Marie-Anne-Christine-Victoire de Bavière que ce ballet
fut composé. Les jeunes époux partageaient une passion commune pour la musique et pour la
danse, tous deux étant notamment d’excellents danseurs. Avec Le Triomphe de l’Amour, divertissement
magnifique pour lequel rien ne fut épargné, le Roi pourrait voir renaître le type de spectacles
musicaux qu’il avait tant aimé, avec cette fois-ci, pour interprètes, certains de ses enfants – légitimes
ou légitimés – et la fine fleur de la jeunesse de sa cour. En raison de son état de santé, le Dauphin
ne put participer à la première et ne monta sur scène que lors de la reprise du ballet deux jours plus
tard, le 23 janvier 1681. Jusqu’au 17 février, le spectacle fut donné trois à quatre fois par semaine,
mais le Dauphin n’assura, pour les mêmes raisons, qu’une représentation par semaine.
Afin que Le Triomphe de l’Amour fut une réussite, des moyens considérables avaient été mis en
œuvre. Tout d’abord, les concepteurs de toutes les parties du spectacle étaient les meilleurs artistes
du moment. Ainsi, aux côtés des deux grands professionnels de la scène lyrique qu’étaient Lully et
Quinault, figurent Pierre Beauchamps qui régla les ballets, Jean Bérain qui imagina les costumes,
ainsi que le célèbre Carlo Vigarani qui se chargea de la conception du décor et des machines.
Pour ce qui a trait à la préparation du ballet, nous disposons d’un document rare, le Memoire du
pain, vin, verres et bouteilles quy ont esté fournis aux repetitions du ballet du triomphe de L’amour quy ont
commencé le Jeudy 5.e decembre 1680 fourny par Cordier, fournisseur des Menus Plaisirs. Cordier fait le
compte, jour après jour, des bouteilles de vin distribuées aux interprètes professionnels lors de
chaque répétition, ce qui permet de connaître avec précision le type de répétition dont il s’agissait
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et leur dates. Son Memoire constitue paradoxalement, et au-delà de l’aspect anecdotique, un
document exceptionnel qui permet donc de retracer le travail de préparation pour la mise en place
du ballet. Ainsi, nous apprenons qu’à partir du 5 décembre 1680, il y eut tous les soirs une répétition
de danse. Le 16 décembre débutèrent les répétitions « pour la musique et la symphonie », c’est-àdire pour les chanteurs que l’on désignait alors par le terme de « musiciens » et les instrumentistes.
Tout aussi régulières que les précédentes, elles furent organisées chez Lully ou dans l’appartement
du Dauphin. Il y en eut jusqu’à deux par jour, toujours en présence de Lambert (beau-père de Lully
et célèbre maître de chant) et de Quinault. Vinrent ensuite à partir du 4 janvier 1681 des répétitions
sur scène, avec la participation de Vigarani pour veiller au bon fonctionnement de la machinerie.
Le Mémoire signale à partir du 15 janvier la présence de Bérain, ce qui signifie qu’à cette date
débutèrent les répétitions en costumes.
Les moyens musicaux mis en œuvre pour l’exécution de ce ballet étaient importants puisque les
deux bandes de violons, soit quarante-sept cordes, furent réunies pour l’occasion, ainsi que vingt et
un joueurs d’instruments à vent (flûtes, hautbois et bassons) et dix instrumentistes pour la réalisation
de la basse continue, parmi lesquels le célèbre Marin Marais ainsi que Jean-Henry et Jean-Baptiste
Henry Danglebert, éminents clavecinistes. Ainsi, l’orchestre était-il constitué de soixante-dix-huit
instrumentistes. À cet ensemble considérable, il convient d’ajouter les quarante-huit chanteurs
(solistes et choristes confondus) qui participèrent aux représentations ainsi que les dix-huit danseurs
professionnels qui se mêlèrent aux dames et seigneurs de la Cour. Les moyens considérables
déployés tant pour la préparation que pour l’exécution de ce ballet témoignent de l’importance de
l’événement.
Le Triomphe de l’Amour reprend la structure du ballet de Cour puisque les vingt entrées qui le
composent s’articulent autour du thème, certes vague mais néanmoins unificateur, exprimé par le
titre. Comme il était de coutume dans le ballet de cour, de grands danseurs professionnels se
mêlaient dans les Entrées aux jeunes seigneurs. Mais là où l’œuvre se distingue des pièces qui l’ont
précédée, c’est en la place tout à fait considérable accordée à la musique, de loin beaucoup plus
importante que dans les compositions analogues antérieures. Nous pouvons assurément y voir
l’influence de l’opéra.
L’œuvre totalise au fil des différentes Entrées seize récits soigneusement intégrés à l’action
dramatique – encore une nouveauté –, nombre qui dépasse de loin celui des ballets précédents. Le
chœur se voit aussi confier un rôle de premier plan et la partition comprend même un grand double
chœur dont les deux groupes restent chacun d’un côté de la scène pendant toute la représentation.
En outre, Lully emprunte dans cette pièce des éléments du langage de l’opéra, notamment celui des
récitatifs, ou encore des airs accompagnés par l’orchestre, parfois précédés de longs préludes
instrumentaux. Un soin tout particulier semble avoir été accordé à l’instrumentation et deux
passages méritent de retenir notre attention. Le Prélude pour l’Amour est destiné à un ensemble que
l’on ne rencontre que très rarement, qui réunit des flûtes d’Allemagne (ou traversières) et des flûtes
à bec. Ce prélude est écrit à quatre parties (la texture de l’orchestre lullyste est habituellement à
cinq) et superpose des tailles ou flûtes d’Allemagne, des quintes de flûtes, une petite basse de flûte
et la grande basse de flûte que double la basse continue. Les trois parties inférieures sont tenues par
des flûtes à bec. Le second passage remarquable du point de vue de l’instrumentation est constitué
par une longue section organisée autour de l’apparition successive sur scène de la Nuit, du Mystère
et du Silence. Pour caractériser ces personnages, Lully a choisi de les associer aux sonorités
particulières des cordes munies de sourdines. Ce passage débute par un long prélude d’orchestre
de quatre-vingt-sept mesures, au départ duquel Lully précise que « Tous les Instruments doivent
avoir des sourdines & joüer doucement, particulierement quand les voix chantent, & ne point oster
les sourdines que l’on ne l’ait marqué ». L’orchestre, avec sourdines, soutient donc le reste de cette
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section et ne retrouvera sa pleine sonorité qu’à l’occasion de l’Entrée des Songes pour laquelle « Il faut
oster les Sourdines ». Il s’agit là de l’un des rares exemples dans la musique française de cette époque
où l’emploi des sourdines est attesté.
Le Triomphe de l’Amour fut repris dès le 10 mai 1681 sur la scène de l’Académie royale de musique.
Cette reprise constitue un événement marquant dans l’histoire de l’institution puisque ce fut la
première fois que, pour remplacer les dames de qualité qui s’étaient produites à la Cour, Lully fit
paraître sur la scène de l’opéra des danseuses professionnelles (les rôles féminins étaient auparavant
tenus par des danseurs travestis). L’œuvre fut également reprise, toujours à l’opéra, en janvier 1682
puis en 1696 et connut même un rayonnement provincial puisqu’elle fut représentée en 1686 sur la
scène de l’Académie royale de musique de Marseille.
NATHALIE BERTON
Ingénieur de recherche du
Centre de Musique Baroque de Versailles
LE TRIOMPHE DE L'AMOUR, DE LULLY
CONCERT-SPECTACLE 2002
La Simphonie du Marais, créée à l’occasion du tricentenaire Lully en 1987,
poursuit son voyage à travers l’œuvre du grand créateur de l’opéra français.
Dans le corpus imposant de Lully, nous avons choisi cette année Le Triomphe de
l’Amour qui se situe à mi-chemin entre le ballet et l’opéra. Après un travail l’an
passé avec des comédiens pour Le Bourgeois Gentilhomme, nous œuvrons cette
année avec des danseurs.
Françoise Denieau, Françoise Masset et moi-même proposons donc la
recréation du Triomphe de l’Amour dans une version mise en espace avec
chorégraphie, costumes et lumières : un concert-spectacle où chanteurs,
danseurs et instrumentistes interviendront tour à tour pour servir l’ingénieuse
architecture de ce chef d’œuvre de Lully et Quinault.
HUGO REYNE
Décor de Jean Berain pour Le Triomphe de l’Amour
représenté à Saint-Germain en 1681