Variation phénotypique et moléculaire des hémoglobinopathies en

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Variation phénotypique et moléculaire des hémoglobinopathies en
ARTICLE ORIGINAL
Variation phénotypique et moléculaire des hémoglobinopathies en milieu
carcinologique
Abaza Hajer*, Gara Yosr*, Ben Chaabene Arij*, Douik Hayet*, Harzallah Latifa*, Boussen Hamouda**, Guemira Fethi*
*- Service de Biologie Clinique
**- Service de Médecine. Institut Salah Azaiz, Tunis, Tunisie
Faculté de médecine de Tunis, Université Tunis El Manar
Abaza H., Gara Y., Ben Chaabene A., Douik H., Harzallah L.,
Boussen H., Guemira F.
Abaza H., Gara Y., Ben Chaabene A., Douik H., Harzallah L.,
Boussen H., Guemira F.
Variation phénotypique et moléculaire des hémoglobinopathies en
milieu carcinologique
Phenotypic and molecular changes of hemoglobinopathies in cancer
LA TUNISIE MEDICALE - 2013 ; Vol 91 (n°02) : 133-137
LA TUNISIE MEDICALE - 2013 ; Vol 91 (n°02) : 133-137
résumé
Pré-requis: Les anomalies de l’hémoglobine se divisent en
anomalies qualitatives et anomalies quantitatives. Ces variants
comportent des polymorphismes souvent utiles comme marqueurs de
population. Actuellement plus de 693 types d’hémoglobines
anormales sont répertoriés. Ces hémoglobinopathies peuvent
survenir chez des sujets atteints de pathologies cancéreuses.
But : Rapporter les associations hémoglobinopathies-cancers. Notre
étude a été réalisée à l’Institut Salah Azaïz (ISA) concernant les
hémoglobinopathies en milieu carcinologique sur une période
s’étalant du mois de Mai 2004 au mois de Février 2008.
Méthodes : L’étude phénotypique et biochimique de l’hémoglobine
a révélé la présence de 328 porteurs d’anomalies de l’hémoglobine
sur un total de 10550 patients suivis à l’ISA. 7 types d’anomalies de
l’hémoglobine ont été identifiés (HbS, Hb C, Hb O arab, Hb D, Hb
G, mutant rapide et ß thalassémie.
Résultats : Le trait drépanocytaire représente l’hémoglobinopathie
la plus répandue (51,3%). 48,2 % des sujets porteurs d’anomalies de
l’hémoglobine sont suivis pour des pathologies malignes. Parmi ces
hémoglobinopathies, on a révélé la présence de deux mutants rapides
de l’hémoglobine correspondant à l’hémoglobine Bangkok. Ce type
de mutant rare est décrit pour la première fois en Tunisie. Selon
l’étude génotypique de ces deux cas, l’hémoglobine Bangkok résulte
de la substitution au niveau de la chaîne ß de l’acide aspartique par
la glycine, suite à une mutation au niveau du codon 56. Une étude
phénotypique familiale a révélé la présence de mutations similaires
chez certains membres de la famille.
Conclusion : Notre travail nous a permis de constater une fréquence
relativement importante d’anomalies rares de l’hémoglobine chez
des malades présentant des processus tumoraux variés.
summary
Background: The abnormalities of the haemoglobin divide into
qualitative abnormalities and quantitative abnormalities. This variant
contains polymorphisms often useful as markers of population. At
present more than 693 types of abnormal haemoglobin are listed.
This hemoglobinopathies can arise at reached subjects of cancerous
pathologies.
Aim: To bring to report association hémoglobinopathies-cancers.
Methods: Our study was realized to the Institute Salah azaiz (ISA)
concerning hémoglobinopathies in carcinologic environment over a
period spreading out of May 2004 in February 2008. The phenotypic
and biochemical study of haemoglobin revealed the presence of 328
carriers of abnormalities of the haemoglobin on a total of 10550
patients followed to ISA. 7 types of abnormalities of the
haemoglobin were identified (HbS, Hb C, Hb O arab, Hb D, Hb G,
fast mutant and ß thalassemia.
Results: The sickle cell line represents the most wide-spread
hémoglobinopathie (51.3 %). 48.2 % of the carrier subjects of
abnormalities of the haemoglobin are followed for malignant
pathologies. Among these hemoglobinopathies, we revealed the
presence of two fast mutants of the haemoglobin corresponding to
the haemoglobin Bangkok. This type of rare mutant is described for
the first time in Tunisia. According to the genotypic study by these
two cases, the haemoglobin Bangkok results from the replacement at
the level of the chain ß some aspartic acid by the wisteria, further to
a transfer at the level of the codon 56. A phenotypic study family
revealed the presence of similar transfers at certain members of the
family.
Conclusion: Our work allowed us to notice a relatively important
frequency of rare abnormalities of the haemoglobin at patients
presenting varied tumoral processes.
mots-clés
Key-words
Hémoglobinopathies, cancer, hémoglobine Bangkok, étude
moléculaire
Hemoglobinopathies, cancer, haemoglobin Bangkok, molecular
study
133
Abaza H. - Variation phénotypique et moléculaire des hémoglobinopathies
Les hémoglobinopathies sont des anomalies héréditaires de
globule rouge résultant d’une anomalie de structure ou de
synthèse siégeant sur les chaînes de globine. Il s’agit d’une
pathologie hétérogène aux niveaux cliniques, biologiques et
moléculaires allant des formes totalement asymptomatiques
aux formes les plus graves. La fréquence, la distribution des
hémoglobinopathies dans le monde et les moyens
thérapeutiques encore limités, font des ces anomalies un
véritable
problème
de
santé
publique.
Une
hémoglobinopathie peut être rencontrée dans plusieurs
formes génétiquement variées. Il peut s’agir des formes
hétérozygotes, homozygotes, double hétérozygote ou une
double association d’hémoglobinopathies différentes. Le
problème peut se diversifier davantage et on peut trouver des
associations d’hémoglobinopathies avec d’autres maladies
génétiques conduisant à des syndromes plus au moins graves
selon les individus. Plus récemment, et avec le
développement des moyens diagnostiques, il est devenu
possible de mettre en évidence une hémoglobinopathie en
association avec d’autres pathologies acquises au cours
d’analyse systématique du sang d’un malade ou du sang qui va
lui être transfusé. Dans le présent travail nous rapportons
l’association des hémoglobinopathies avec le cancer.
M AT E R I E L E T M E T H O D E S
A) Matéri el :
Dans la première partie de notre travail, nous nous sommes
intéressés à l’étude phénotypique de l’hémoglobine des
patients suivis à l’Institut Salah Azaiz (ISA) de Tunis pour
processus tumoral, sur une période s’étalant du mois de Mai
2004 au mois de Février 2008. Tous les prélèvements
parvenus ou prélevés au laboratoire sont recueillis sur EDTA
et ont subi une étude hématologique (hémogramme) et une
étude biochimique de l’hémoglobine. Pour les sujets suivis
pour un processus malin, l’origine géographique et la nature
de la tumeur ont été précisées.
Dans la 2 ème partie, nous nous sommes intéressés au cas de
deux patientes : l’une âgée de 30 ans suivie pour
adénofibrome du sein et l’autre âgée de 62 ans, suivie pour
carcinome canalaire infiltrant du sein .Pour ces deux patients,
notre étude a comporté deux approches : une approche
phénotypique et une autre génétique.
B) Métho des :
a) Etude hématologique :
A partir du sang prélevé sur EDTA, une numération sanguine a
été réalisée comportant le taux d’hémoglobine en g/dl, le
nombre de globules rouges (GR) en 10 6 GR/mm, le nombre de
globules blancs en 103 GB/mm3, Le taux d’hématocrite en%)
Et une numération des plaquettes.
b) Etude biochimique de l’hémoglobine comportant, une
électrophorèse à pH alcalin, une electrophorèse à pH acide et
un dosage de l’Hb.
c) Etude génétique
Nous nous proposons d’analyser les anomalies structurales
de l’Hb des deux patients précédemment citées.
134
Le but de cette étude est d’étudier le gène b de ces deux
patientes chez lesquelles l’étude électrophoretique, a révélé
l’existence de mutants rapides de l’hémoglobine.
Nous avons extrait d’abord de l’ADN génomique à partir d’un
prélèvement du sang total sur un tube EDTA par méthode
phénol chloroforme. Après nous avons déterminé les
concentrations de cet ADN par spectroscopie à une densité
optique de 260 nm. Le génotypage de ces individus a été
effectué par la technologie de PCR- séquençage.
R E S U LTAT S
L’étude phénotypique des patients suivis a l’ISA de Tunis, a
concerné 10550 sujets adultes. Cette étude a révélé un total de
328 porteurs d’anomalies de l’Hb. Ces malades se
répartissent en 109 hommes et 219 femmes avec un sex-ratio
de 0,49. Ces patients sont suivis dans 170 cas (51,8%) pour
des pathologies bénignes et dans 158 cas (48,2%) pour des
tumeurs malignes. Au total, sept types d’anomalies de l’Hb
ont été identifiés (HbS, C, D, O arabe, Hb G, mutants rapides
et thalassémies).Toutes ces anomalies se trouvent a l’état
hétérozygote, sauf un seul cas de drépanocytose homozygote
SS (tableau 1). Les 158 sujets cancéreux se répartissent en 81
hommes (51,3%) et 77 femmes (48,7%). La répartition des
types d’anomalies de l’Hb chez les cancéreux est représentée
dans le tableau 2. La répartition des hémoglobinopathies
selon le type de cancer est représentée comme c’est indiqué
dans le tableau 3.
Tableau 1 : Fréquence des anomalies de l’Hb
Nombre de sujets
Pourcentage (%)
porteurs d’anomalies
177
A/S
54
27
A/C
8,2
5
A/D
1,5
1
A/G
0,3
8
A/O
2,5
2
Mutant rapide
0,6
1
S/S
0,3
107
β thalassémie mineure107
32,6
328
Total
100
Type d’anomalie
Tableau 2 : Pourcentage des anomalies de l’Hb chez les cancéreux
Nombre de sujets
Pourcentage (%)
porteurs d’anomalies
81
A/S
51,3
9
A/C
5,7
2
A/D
1,3
1
A/G
0,6
3
A/O
1,9
1
Mutant rapide
0,6
1
S/S
0,6
50
β thalassémie mineure107
38
158
Total
100
Type d’anomalie
LA TUNISIE MEDICALE - 2013 ; Vol 91 (n°02)
Tableau 3 : Répartition des hémoglobinopathies selon le type de cancer
Type de tumeur
Cancer du sein
Cancer du poumon
Cancers digestifs
Lymphome malin non hodgkinien
ostéosarcome
Cancer de la peau
Cancers urologiques
Cancers ORL
Maladie de hodgkin
Cancers gynécologiques
Origine indéterminée
Tumeurs rares
A/S
21
7
9
7
1
4
3
9
1
16
3
A/C
2
A/D
1
A/G
1
A/O
A/mutant rapide
1
1
1
2
1
1
S/S
1
β thal
9
9
10
6
8
5
8
1
2
1
Etude des deux cas po rteurs de mutant rapi de de l ’Hb :
Nous nous sommes intéressés à l’étude phénotypique et
moléculaire des deux patientes porteuses de mutant rapide à
l’état hétérozygote. La patiente n°1, âgée de 30 ans, sans
antécédents particuliers, a été opérée à 2 reprises (en 2000 et
2003) pour nodules multiples récidivantes des deux seins.
L’examen anatomopathologique a conclu à un adénofibrome,
sans signes de malignités. Pour cette patiente, une étude
familiale a été réalisée.
Les données recueillies sont représentées ci-dessous :
Les sujets IV et V sont atteints d’adénofibrome du sein. Tous
les autres membres de la famille sont cliniquement sains.
La patiente n°2 âgée de 62 ans, suivie à l’ISA depuis 19 ans
pour carcinome canalaire infiltrant garde SBR I du sein droit,
soumis à un traitement conservateur avec chimiothérapie.
Les paramètres hématologiques recueillis par l’hémogramme
montrent que les sujets prélevés ne présentent aucune anémie
ou autre anomalie hématologique. La figure 1 représente la
mobilité électrophorétique des hémoglobines sur gel
d’agarose à pH alcalin des sujets prélevés. Les résultats de
l’étude électrophoretique sont représentés dans le tableau 4.
L’étude moléculaire a été limitée à l’étude du gène b chez les 2
patientes. L’étude phénotypique a montré l’existence d’une
anomalie de structure de la chaîne b globine.
Figure 1 : Répartition du nombre de réveils nocturnes
1
4
total
35
16
23
15
3
4
3
18
6
27
3
5
Le gène b est le siège de plusieurs mutations au niveau de ces
régions exoniques. Nous avons donc procédé à
l’amplification des trois exons au niveau de ce gène de 5’ vers
3’.
Tableau 4 : Quantifications des différentes fractions hémoglobiniques
Sujets
I
II
IV
V (patiente n°1)
VI
Patiente n°2
Hb A%
42
97.7
45.4
46
98
42.4
Hb A2 %
1.8
2.3
2.6
2.5
2
2.5
Mutant rapide %
56.2
52
51.8
55
Les couples d’amorces utilisés pour chaque région du gène ß
amplifiée sont représentés dans le tableau 5.
La digestion enzymatique de l’exon I et II a révélé la présence
d’une seule bande de taille 739 pb, il s’agit d’un fragment
non digéré qui correspond au gène ß muté. Au niveau de ce
gène ß
La substitution G-A au niveau du codon 56 de l’exon II est
traduite par le remplacement de la glycine par l’acide
aspartique. Il s’agit bien d’un gène ß Bangkok. Cette
mutation est retrouvée à l’état hétérozygote chez les deux
patientes.
Le profil de séquençage de l’exon II a montré l’existence
d’une substitution G-C et C-G au niveau du codon 88 du gène
ß. Cette mutation se traduit par la substitution du même acide
aminé : la leucine (GTC- CTG). Il s’agit donc d’une mutation
silencieuse qui existe à l’état homozygote chez la première
patiente et à l’état hétérozygote chez la deuxième patiente
(tableau 6).
DISCUSSION
Notre étude de dépistage des anomalies de l’hémoglobine a
porté sur 10550 patients de l’ISA de Tunis et a révélé la
présence de 328 porteurs d’hémoglobinopathies. Parmi ces
patients, 158 malades (48,2%) sont suivis pour processus
cancéreux. La prévalence globale des hémoglobinopathies
chez les sujets suivis à l’ISA est à de 3,1%. La drépanocytose
hétérozygote est l’anomalie prédominante dans notre série
135
Abaza H. - Variation phénotypique et moléculaire des hémoglobinopathies
Tableau 5 : Les 2 couples d’amorces utilisés pour l’amplification spécifique des exons I, II et III du gène ß-globine
Région
Exon I
Et
Exon II
Exon III
Amorces
CHINA 1 :
5’-GTACGGCTGTCACTTAGACCTCA-3’
PC06 :
5’-ATCATTCGTCTGTTTCCCATT-3’
DI :
5’- CTAATCTCTTTCTTTCAGGG-3’
D22 :
5’-TGGACAGCAAGAAAGCGAGC-3’
Tm °C
Position
58
70180-70205
56
70899-70919
51
71365-71384
57
71783-71802
Taille de l’amplification
739 pb
430 pb
Tableau 6 : Représentation schématique du gène ß ainsi que l’emplacement des amorces utilisées
EXON
CHINA 1
IVS-1
EXON 2
IVS-2
PCO6
D1
(54% de l’ensemble des cas dépistés et 51,3% des cancéreux)
rejoignent les données de la littérature puisque la
drépanocytose est l’hémoglobinopathie la plus répondue
dans le monde (1, 2). L’Hb S est aussi le varient le plus
fréquent en Tunisie (3, 4).
Dans notre étude, la b thalassémie vient en second rang, avec
une fréquence de 32,6% chez l’ensemble des malades et 38%
chez les cancéreux. En Afrique du nord, les prévalences de la
b thalassémie sont de 2,5% en Mauritanie, 1,5% au Maroc,
2% en Algérie et entre 4,6 et 7,7% en Libye (5, 6).
L’hémoglobinose C hétérozygote occupe la 3 ème place dans
notre série (8,2% dans l’ensemble des malades et 5,7% chez
les cancéreux). Cette anomalie est classée la seconde en
Afrique, surtout dans l’Afrique de l’Ouest avec une prévalence
maximale de 15,7% au Mali.
L’Hémoglobine O arab est un variant peu fréquent dans le
monde (7-10). Sa prévalence dans notre série est de 2,5%
chez tous les patients étudiés et de 1,9% chez les cancéreux.
L’Hb D est une anomalie rare dans notre série : 5 cas soit
1,5% des cas dépistés, dont 2(1,3% atteint de pathologie
cancéreuse. La fréquence de cette anomalie est faible en Libye
(0,36%) (92) et en Turquie (0,31%) (10).
Dans notre étude, le trait drépanocytaire représente
l’hémoglobinopathie la plus fréquente chez la plupart des
cancéreux, sauf ceux atteints de la maladie d’hodgkin, de
cancer du poumon, cancer digestifs et tumeurs rares où le trait
drépanocytaire est majoritaire.
Dans notre série, près de 23% des sujets sont atteints de
cancer du sein, viennent ensuite les cancers gynécologiques
(17,1%) puis digestifs (14,5%) et ORL (11,4%). Plusieurs
études rapportent l’existence la coexistence drépanocytosecancer chez un même individu. Afin de déterminer l’incidence
de cancer et le taux de mortalité par cancer chez les
drépanocytaires aux USA, Dawkin et al (7) ont réalisé une
étude s’étalant sur une période de 10 ans de 1986 a 1995
intéressant 696 patients atteints de drépanocytose. Parmi
ces patients, 5 ont développé un cancer durant cette période.
136
EXON 3
D22
Etude mo l écul ai re
Le gène ß codant pour la synthèse de la chaîne ß globine est
localisé sur le bras court du chromosome 11. Des mutations
peuvent survenir au niveau du gène ß donnant naissance à des
anomalies de structure de l’Hb. Ces variants résultent le plus
souvent de mutations ponctuelles présentant des tableaux
cliniques variés (11-12). L’étude génotypique des deux
patientes porteuses de mutants rapide a révélé la présence de
mutation au niveau du codon 56 de l’exon II (GGC - GAC) se
traduisant par la substitution de la glycine par l’acide
aspartique. Cette mutation correspond à la définition d’une
hémoglobine J de type Bangkok. L’hémoglobine J est un
variant rare de l’hémoglobine qui peut résulter soit d’une
mutation de la chaîne ß u de la chaîne α. L’hémoglobine J
Bangkok connue aussi sous le nom J Korat ou Hb J Manado
a été décrite pour la première fois chez un nouveau né
d’origine chinoise et canadienne en 1970. Elle est retrouvée
en Indonésie, en Thaïlande et au japon et occasionnellement
chez les noirs américains et les chinois (11-12). Les sujets
homozygotes et hétérozygotes pour ce variant de la chaîne ß
(L2 B2 56Gly- Asp) sont asymptomatiques. En cas
d’association
avec
d‘autres
hémoglobinopathies,
l’hémoglobine J Bangkok peut être responsable de
manifestations cliniques. L’association Hb J Bangkok et Hb
S constitue un tableau clinique grave. Selon certaines études
d’autres anomalies chromosomiques sont incriminées dans
les associations hémoglobinopathies cancers (13-14).
Nowel et al (15) rapportent deux cas de drépanocytaires
développant une leucémie myéloïde chronique. Chez ces
patients des délétions complète et partielle au niveau du
chromosome 5 ont été retrouvées.
D’autre part, Stricker et al (16) dans leur étude
chromosomique des quatre cas de drépanocytaires, ont révélé
des altérations au niveau du chromosome 5 chez deux malades
atteints de leucémie, suggérant ainsi la possibilité d’un lien
chromosomique entre les deux maladies. Puisque chez les
drépanocytaires le taux de division mitotique est élevé au
niveau de la moelle osseuse et puisque le renouvellement
LA TUNISIE MEDICALE - 2013 ; Vol 91 (n°02)
cellulaire accru est corrélé à un risque plus élevé d’anomalies
chromosomiques, il n’est pas surprenant que le taux de
désordres chromosomiques soit plus élevé chez les
drépanocytaires.
CONCLUSION
Notre étude confirme la fréquence relativement élevée des
hémoglobinopathies en milieu carcinologique et montre
l’importance de son dépistage à notre institut afin
d’améliorer la prise en charge des ces patients. Par ailleurs,
l’hémoglobine J Bangkok n’a jamais été décrite auparavant
en Tunisie, l’existence de cette anomalie hémoglobinique
chez 2 patients atteints de tumeurs mammaires poserait la
question d’une éventuelle association sur le plan génique
entre cette hémoglobine J Bangkok et le processus tumoral
du sein.
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