Une autobiographie à double fond

Transcription

Une autobiographie à double fond
LES LIVRES ET LES IDÉES
Rigoberta Menchú
Par David Stoll
Une autobiographie
à double fond
ANDRÉ-MARCEL D’ANS *
Une histoire digne d’un Pirandello dont la pièce
se serait appelée « à chacun sa contre-vérité »,
et dont on verra que notre commentateur est
particulièrement bien placé pour en démêler
l’écheveau.
L
e scandale éclata le 15 décembre 1998 à la « une » du New
York Times : commentant la publication prochaine d’un livre sur
Rigoberta Menchú 1, le journaliste
Larry Rohter dévoilait au public
ce que tout réel connaisseur des
Indiens et de la situation politique
au Guatemala avait d’emblée décelé : le récit au tobio graphique
sur lequel s’est bâtie la renommée
mondiale de la Prix Nobel de la
Paix de 1992 n’entretient qu’une
« relation tangentielle » avec la
vérité 2.
Ayant pris le soin de faire vérifier
sur place l’exactitude des témoigna ges sur les quels se fondait
David Stoll, l’auteur de cette
démonstration, Larry Rohter, ne
pouvait que confirmer que, sur des
points essentiels de son autobiographie, Rigoberta Menchú a bel
et bien menti. Ainsi, loin d’être la
jeune Indienne analphabète et mo-
nolingue qu’elle prétend être restée
jusqu’à l’âge de 20 ans (pour n’apprendre alors, dit-elle, la langue de
l’oppresseur qu’afin de révéler au
monde le malheur de son peuple),
Ri go berta Men chú a en réa lité
passé la plus grande partie de son
en fance et de son ado les cence
dans des inter nats de bon nes
sœurs où, partageant son temps
entre les travaux domestiques et la
scolarité, elle avait pu poursuivre
ses études, en espagnol, jusqu’au
début du niveau secondaire.
Cette mise au point biographique
ne modifie pas seulement – et de
façon radicale – le profil général du
personnage ; elle exclut également
que la jeune Rigoberta ait pu, dans
le même temps, suivre sa famille
dans sa migration annuelle vers les
zones tropicales où, en tant que
travailleurs chichement payés, les
Indiens miséreux des montagnes
s’en vont louer leurs bras pour les
récol tes. Pourtant, à en croi re
Rigoberta, c’est au cours d’un de
ces déplacements saisonniers, effectués dans des conditions épouvantables, que son petit frère Nicolás, de sept ans plus jeune qu’elle,
serait décédé en sa présence. Or,
tout indique que cet enfant n’a
jamais existé. Certes, on identifie
bien sur place un Nicolás Menchú,
frère de Rigoberta ; mais il est de
dix ans son aîné et, toujours bien
en vie au jourd’hui, il comp te
précisément au nombre des témoins qui, sur de nom breux
points, ne confirment pas les dires
de son illustre sœur !
La famille de Rigoberta ne vivait
d’ailleurs pas dans des conditions
telles qu’on puisse croire qu’elle ait
dû s’engager tout entière, année
après année, pour aller travailler
sur les terres tropicales. Collaborateur assidu du clergé catholique
après avoir œuvré pour le Peace
Corps américain,Vicente Menchú, le
père de Rigoberta, n’était ni pauvre
ni ignorant : catéchiste formé dans
le cadre de l’Action catholique, il
était le leader attitré d’un groupe
de 44 familles, au bénéfice duquel
il avait obtenu des titres de propriété sur un vaste terroir de près
de 28 km2 (2 753 ha). Et si de fait,
tout au long de sa vie,Vicente Men-
1
David Stoll,
Rigoberta Menchú
and the Story
of All Poor
Guatemalans,
Boulder (Colorado),
Westview Press,
1999, xxiv + 336 p.
2
Élizabeth Burgos,
Moi, Rigoberta
Menchú. Une vie, une
voix, la Révolution au
Guatémala. Traduit
de l’espagnol par
Michèle Goldstein,
Gallimard, Coll.
« Témoins », 1983.
Le manuscrit,
en espagnol, de ce
best-seller mondial
avait été couronné
à La Havane par
le Prix Casa de las
Américas, dès avant
sa publication
originale à Paris,
en français.
Sociétal
N° 28
Mars
2000
* Professeur d’anthropologie et de sociologie politiques à l’Université Paris VII, spécialiste de l’Amérique latine et de la Caraïbe.
97
LES LIVRES ET LES IDÉES
chú entretint un litige foncier, ce
n’est nullement, comme le prétend
Rigo berta, contre de grands
propriétaires blancs ou métis avides de le déposséder, mais contre
d’autres Indiens appartenant à la
famille de son épouse. Ledit conflit
ne por tait d’ailleurs pas sur la
to talité des terres de Vicente
Menchú, mais seulement sur une
frange de 151 ha, où se trouvaient
cons trui tes les mai sons de son
hameau. Le reste de son territoire
(2 602 ha) n’était pas contesté.
3
S. Hvalkof et
P. Aaby (dir.),
Is God an
American ? An
Anthropological
Perspective on the
Missionary Work
of the Summer
Institute of
Linguistics,
Copenhague,
International
Workgroup
for Indigenous
Affairs (IWGIA)
et Survival
International,
1981, 192 pages.
4
Is Latin America
Turning
Protestant ?
The Politics of
Evangelical
Growth,
Los AngelesBerkeley,
University of
California Press,
1990.
5
Between two
Armies in the Ixil
Towns of
Guatemala, New
York, Columbia
University Press,
1993.
Sociétal
N° 28
Mars
2000
98
Il est bien d’autres points sur lesquels le récit de Rigoberta Menchú
prend beaucoup de libertés avec
la vérité. Ainsi, s’il est exact que
le 12 janvier 1980, au sein d’un
groupe de preneurs d’otages qui
avaient envahi l’Ambassade d’Espagne, Vicente Menchú trouva la
mort dans l’incendie qui embrasa
cet édifice au moment de l’assaut
que lui donnèrent les forces de
l’ordre..., si de même, il est indubitable que Petrocinio Menchú, autre
frère de Rigoberta, puis la propre
mère de celle-ci, périrent également aux mains des forces répressives de l’armée guatémaltèque, il
n’en reste pas moins que dans
son accumulation de détails horrifiants, le récit que fait Rigoberta du
martyre de ses proches apparaît
peu crédible. En tout état de cause,
il s’avère qu’en nette contradiction
avec le témoignage visuel qu’en
donne Rigober ta, ni elle ni sa famille n’ont pu être présentes lors
de l’exécution de Petrocinio.
Pose également problème l’épisode relatif à Petrona Chona, amie
de jeunesse de Rigoberta qui, à en
croire cette dernière, aurait été
sauvagement assassinée sur l’ordre d’un grand propriétaire foncier
aux avances de qui elle se serait
refusée. Sur place, personne ne
confirme la réalité de ce meurtre,
ni d’ailleurs l’existence de Petrona
Chona. En revanche, tout le monde
conserve le souvenir d’une quasihomonyme, Pascuala Xoná, exécu tée par son mari pour cause
lés en profondeur par un très large
d’adultère ! Ce fait divers semble
spectre d’influences religieuses, albien avoir subi les retouches nélant depuis la théologie catholique
cessaires pour pou voir prendre
de la libération jusqu’aux diverses
place dans l’amoncellement d’épimouvances évangélistes et pentesodes mélodramatiques (« digne
côtistes. Au fil des ans, la constance
d’un roman de Victor Hugo », eset le sérieux de ses travaux ont fait
time Larry Rohter) qui fait le fond,
de David Stoll un des meilleurs déassaisonné d’un charabia ethnocrypteurs de l’imbroglio politicologico-politique, du récit de Rigoethnique guatémalberta Menchú.
tè que, claire ment
La démonstration
décrit par lui dans un
Aussitôt révélée, la
que l’autobiographie
autre fort bon livre 5.
démonstration que
cette autobiographie du prix Nobel de
Rien donc n’incite à
se révèle truffée la Paix était truffée
voir en David Stoll
d’exagérations et de
de faits imaginaires
un esprit malveillant
faits imaginaires susou même sim ple cita de par le monde suscita de par
ment superficiel, prêt
une émotion consi- le monde une émotion
à tirer parti du scandérable. Sauf, bizarconsidérable… sauf
dale portant sur une
rement, en France
célébrité pour asoù Moi, Ri go ber ta en France !
surer sa propre reMenchú a été édité
nommée.Tout indique au contraire
pour la première fois et s’est
qu’on trouvera chez lui une attivendu à 150 000 exemplaires, mais
tude robustement critique, avant
où personne ne semble curieux
tout attentive au point de vue des
d’apprendre ce que dit David Stoll,
Indiens, et donc a priori nullement
et pourquoi il le dit.
hostile à la cause que défend Rigoberta Menchú. Dès sa préface
IMBROGLIO
d’ail leurs, Stoll é nonce sans am GUATÉMALTÈQUE
bages qu’à ses yeux, il ne fait aucun
doute qu’au Guatemala une dicl ne s’agit pourtant pas d’un autature impitoyable s’est livrée au
teur né gli geable : chercheur
massacre délibéré de milliers de
américain de 48 ans, David Stoll
paysans indigènes ; que Rigober ta
est honorablement connu depuis
Menchú y a personnellement perlongtemps dans le monde de l’andu la moitié de sa famille proche ;
thropologie. En 1981, nous figuet que c’est bien pour préser ver
rions déjà lui et moi au sommaire
sa vie qu’elle a dû s’enfuir en exil.
d’un ouvrage collectif mettant sévèrement en cause l’action des
Seulement voilà : tout cela étant
mis sio nnai res fon da men ta lis tes
d’une vérité incontestable, comaméricains auprès des peuples inment se fait-il que nous trouvions
digènes de l’Amérique latine 3. Person autobiographie à ce point altésévérant dans cette voie critique,
rée par d’évidents mensonges ?
Stoll devait publier quelques années plus tard un ouvrage de synLE MILITANTISME PIÉGÉ
thèse sur cette question 4.
PAR L’ÉCRITURE
I
C’est dans la continuité de ces premiers travaux qu’à partir de 1987,
David Stoll décida de concentrer
ses recherches sur le Guatemala,
pays où chacun sait que – comme
c’est encore le cas aujourd’hui au
Chiapas – les engagements politiques des autochtones sont travail-
À
un moment donné, pour se
défendre, Rigoberta Menchú
laissa entendre que les inexactitudes
contenues dans son récit seraient
imputables à Élisabeth Burgos, l’anthropologue vénézuélienne (alors
épouse de Régis Debray) qui, en
janvier 1982, au cours d’un huis-clos
UNE AUTOBIOGRAPHIE A DOUBLE FOND
d’une semaine dans son ap par tement parisien, avait enregistré
son témoignage.Transcrivant celuici afin d’en faire un livre, c’est elle
qui y aurait introduit les distorsions
aujourd’hui reprochées à Rigoberta.
Ayant rencontré Élisabeth Burgos
qui mit à sa disposition l’ensemble
des cassettes enregistrées avec
Rigoberta, David Stoll rejette catégoriquement cette allégation :
selon lui, le contenu de Moi, Rigo ber ta Menchú est bien conforme à
ce qui a été enregistré en 1982. De
mon côté, après avoir été pendant
quelque temps le directeur de
thèse d’Élisabeth Burgos, pas plus
que David Stoll, je ne la crois soupçonnable d’avoir sciemment modifié les déclarations de son informatrice.
Pour comprendre les raisons qu’a
aujourd’hui Rigoberta Menchú de
se sentir piégée par la mise en écrit
des décla rations de l’a nonyme
qu’elle était en 1982 (mais que les
circonstances ont depuis lors
trans formée en une cé lé bri té
mondiale, interlocutrice obligée de
tous les puissants de la planète), il
faut, comme l’a fait David Stoll,
analyser l’enchaînement des stratégies textuelles et politiques qui,
au dé part d’accommodements
relativement justifiables avec la
vérité, finirent par aboutir à de flagrantes contre-vérités.
Tout d’abord, en effaçant de sa retranscription les questions qu’elle
avait posées, puis en procédant
à la mise en ordre chronologique
des informations obtenues, et enfin
en découpant en 34 chapitres le
récit ainsi reconstitué, Élisabeth
Burgos a conféré au témoignage de
Rigoberta la fallacieuse unité d’un
long monologue continu, apparemment structuré par l’intention de
dégager le sens des événements dans
le fil d’une narration organisée. En
procédant ainsi, sans modifier la
substance factuelle des épisodes
narrés, elle dénaturait la rhétorique
essentiellement orale de son inter-
locutrice : en 1982, la vérité qui
mé dia ti que in terna tio nal 6 . À
quelques détails près, le texte sors’ex primait par la bouche de Rigotit indemne de cette vérification,
berta n’était pas celle du discours
mettant ainsi en évidence le rôle
savant, mais celle du cri de la vicjoué par cette instance dans la
time et de la militante, chez qui les
mise au point et le contrôle de la
événements relatés ne sont pas à
complainte résistancielle de Rigosaisir dans la logique d’une démonsberta Menchú.
tration où les faits font of fi ce de
preuves, mais dans le
Mais il y a plus grave :
cadre d’une invitale livre de David Stoll
tion à compa tir où, Croire que « mille
apporte la démonsla plainte personnelle petits Vietnam »
tration que ce n’est
se fondant dans la pouvaient s’allumer
pas seu le ment le
déploration col lec témoignage de Rigoti ve, rien ne s’oppose à travers toute
berta qui a été « arà ce que des souf - l’Amérique latine par
rangé » dans le sens
frances réelle ment l’action d’une poignée
de la doxa révolu en courues par cer tionnaire : bien avant
tains fassent l’objet de révolutionnaires
cela, en amont du réd e r e p o r t s s u r aptes à faire
cit, les événe ments
d’autres qui ne les s’exprimer le potentiel
eux-mêmes avaient
ont pas circonstanrevendicatif
été manipulés !
ciellement subies.
des masses paysannes
Pour comprendre
À l’époque, ceci n’a causa la perte du Che
ceci, il faut se rappas été perçu par
peler que la gauche
Élisabeth Burgos, qui lui-même
révolutionnaire guapréférait considérer
témaltèque s’inspirait au départ du
que les histoires de vie qu’elle
foquisme guévariste, théorie selon
avait recueillies auprès de mililaquelle, même en l’absence de tratantes exilées d’Amérique latine
vail politique antérieur, d’innom(ensemble dont faisait initialement
brables foyers (focos) de guérilla
par tie le récit de Ri go ber ta)
(mille « petits Vietnam », disait-on
constituaient des do cu ments,
alors) pourraient être allumés à
révélateurs de faits directement
travers toute l’Amérique latine
passibles d’analyse, plutôt que le
par l’action décidée d’une poirésultat de stratégies intellectuelgnée de révolutionnaires aguerris,
les complexes, au sein desquelles
aptes à faire s’exprimer le potenla mise en écri ture constitue déjà
tiel revendicatif des masses payune action décisive. Sa réticence à
sannes.
accepter ce point de vue est, me
semble-t-il, la cause pre mière
Cette théorie – qui devait causer la
du non-aboutissement de sa thèse
perte du Che lui-même – péchait
(du moins sous ma direction).
par l’analyse rudimentaire qui était
faite de la paysan nerie indigène,
Cela étant dit, l’irréprochable
que ces intellectuels urbains consifidélité d’Élisabeth Burgos dans la
déraient comme une masse indifférestitution des dires de Rigoberta
renciée, uniformément appauvrie
Menchú, se démontre une fois de
et exploitée, donc prête à prendre
plus par le fait que, préalablement
conscience de son exploitation et
à toute publication, elle prit la
à s’engager dans la lutte armée.
précaution de soumettre son
David Stoll n’a pas de mal à démonma nus crit à l’approbation de l’or trer que telle n’était pas la situation
ga ni sa tion révolutionnaire guatédans le Quiché, région natale de
maltèque, alors en exil à Mexico,
Rigo berta Men chú, où – comme
pour qui Rigoberta Menchú était
partout ailleurs sans doute – la soen passe de devenir un faire-valoir
6
À savoir l’EGP,
Ejército Guerrillero
de los Pobres (Armée
de la Guérilla
des Pauvres),
désignation qui ne
laisse pas d’étonner
quand on sait qu’à
travers sa porteparole, Rigoberta
Menchú, cette
organisation se vit
honorer d’un... Prix
Nobel de la Paix !
Sociétal
N° 28
Mars
2000
99
LES LIVRES ET LES IDÉES
ciété indigène s’avère profon dé ment stratifiée, comportant notamment des paysans aisés et influents qui ne sont pas forcément
en conflit avec les propriétaires non
indiens, mais peuvent tout aussi
bien entretenir de virulentes rivalités vis-à-vis d’autres indigènes.
cette fiction par la gauche et la
multiculturalistes, droits-de-l’homdroite guatémaltèques leur a permistes et féministes-antimachistes,
mis, en 1996, de se réconcilier sans
boulimiques d’anecdotes médiafrais en s’absolvant de tous leurs
tiques entretenant à un niveau
crimes respectifs, une fois de plus
élevé leur taux d’adrénaline « posur le dos des Indiens.
litiquement correcte ». L’ennui,
c’est que ces gens-là
Pour ceux-ci, le gâchis
sont aussi des ma- Tout au long
politique est total :
niaques de l’authenCette situation ne correspondant
de retour au pays,
ticité. De l’analyse du processus qui fit
pas à la théorie révolutionnaire qui
Rigoberta n’a pas été
méticuleuse de David 200 000 morts
voulait que les Indiens fussent glola bienvenue dans sa
Stoll, ils ne peuvent au Guatémala,
balement hostiles aux métis, ce
région natale ; depuis
entendre – pour la
sont les faits qu’il fallait modifier
lors cantonnée dans
rejeter ou pour s’en les Indiens ont servi
bien entendu, et non la théorie. Une
la capi ta le, elle y
irriter – que la seule de chair à canon pour
grossière provocation y pour vut :
développe un acti« dénonciation » des une gauche radicalisée
deux propriétaires ladinos du voisivisme qui s’infléchit
« menson ges » de
nage de Vicente Menchú (mais avec
de plus en plus dans
Rigober ta, refusant et assez indifférente
qui celui-ci n’avait jamais connu la
le sens d’un ethnode comprendre qu’un à leur sort
moindre dissension) furent grana tio na lisme sans
tel livre, plus indultuitement assassinés par des terprise réelle sur le cours des événegent pour celle-ci que pour la galeroristes anonymes. Dès lors, le
ments. C’est ainsi que, le 16 mai
rie que son image amuse, apporte
cycle atroce de la vengeance et de
1999, le référendum constitutionnel
la démonstration que tout au
la répression embrasa la région :
qu’elle et ses partisans avaient soulong du processus atroce qui fit
prise entre la guérilla et les forces
tenu de toutes leurs forces, n’a vu
200 000 victimes au Guatémala, les
armées, la paysannerie indigène eut
se rendre aux urnes que 18,5 % des
Indiens n’ont servi que de chair à
beau tenter de se protéger en se
électeurs. Parmi ceux-ci, dans ce
canon pour une gauche univermettant éclectiquement au ser vice
pays qui compte 60 % d’Indiens,
sitaire absurdement radicalisée, et
de l’une et de l’autre, elle devint fiseuls un peu plus de 40 % se déau fond assez indifférente au sort
nalement l’otage et la victime de
clarèrent en faveur des réformes
réel de ceux qu’elle entraîne dans
proposées, qui incluaient l’octroi de
l’une comme de l’autre. Jusqu’à ce
son combat.
droits légaux et culturels aux indique finalement, force restant à la
gènes. Pis encore : au lendemain
loi, l’exil vers le Mexique s’impose
RECONCILIÉS
de
Noël 1999, à l’issue d’une camaux séditieux comme la seule sauSUR LE DOS DES INDIENS
pagne entièrement axée sur le mainve garde possi ble. À juste titre,
e n’est donc pas en détien de l’ordre et de la sécurité, c’est
David Stoll fait remarquer que, dès
fenseur d’un projet d’avenir
le candidat du parti créé par le géle début des années 80, c’est donc
consciemment conçu pour les
néral Ríos Montt, notoirement asune guérilla vaincue qui, depuis son
siens, mais en tant
socié aux pires exactions commises
refuge à l’é tranger,
que vale tail le enpendant le conflit, qui a remporté
défend médiatiqueUne icône idéale pour
voyée au casse-pipe,
les élections présidentielles.
ment une cause déjà
que Vicente Menchú
perdue sur le terrain. l’internationale des
a rencontré la mort.
Cherchant visiblement à reprendre
foreign well-wishers
De la même façon, sa
élan après la rude secousse que lui
Dans cette optique,
entretenant à
fille Rigoberta n’est
ont infligée les révélations de David
le personnage en
pas l’auteur délibéré
Stoll, Rigoberta Menchú vient de
pagne et en huipil de un niveau élevé
de la supercherie qui
déposer en Espagne, contre ledit
Rigo ber ta Menchú leur taux d’adrénaline
l’a rendue porteuse
général, une plainte pour crimes
devenait une icône
« politiquement
d’une biographie bicontre l’humanité. En fait, elle n’a
idéale : convaincante
douillée, visant à faire
plus le choix de son personnage :
en Indienne, elle est correcte »
gober par l’opinion
que pourrait-elle faire d’autre que
aussi suffisamment
mon diale le mythe d’un monde
de continuer à coltiner comme une
lettrée pour pouvoir s’a dresser
indien irréductiblement en résisvalise à double fond celui dont,
à ce nouveau pu blic-cible que
tance. David Stoll a beau jeu de
avec sa fausse autobiographie, on
cons ti tue l’in terna tio nale postfaire observer que le par tage de
l’a rendue porteuse ? l
moderne des foreign well-wishers :
C
Sociétal
N° 28
Mars
2000
100

Documents pareils