SALON DE L`ARTISANAT FEMININ DU NIGER (SAFEM)
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SALON DE L`ARTISANAT FEMININ DU NIGER (SAFEM)
ASSEMBLÉE PERMANENTE DES CHAMBRES DE MÉTIERS ET DE L’ARTISANAT SALON DE L’ARTISANAT FEMININ DU NIGER (SAFEM) Mission de compagnonnage artisanal au profit de 12 artisanes potières de la région de Zinder au Niger, organisée par l’APCMA dans le cadre du projet de renforcement des compétences des artisanes du Niger (RC-TEC) « Une des grandes divergences est leur rapport à la terre qui est beaucoup plus proche que le nôtre dans la mesure où le contact direct, physique, se fait pratiquement en permanence » Niamey, du 10 novembre au 7 décembre 2011 Daniel Caralp Le Niger a vu apparaître les premières productions céramiques du continent africain. L’extraordinaire hétérogénéité et le dynamisme des traditions céramiques nigériennes témoignent d’une vitalité qui ne s’est jamais démentie. Des variations techniques, morphologiques et ornementales sont perceptibles à des niveaux parfois très locaux. Quel que soit le lieu de fabrication, la production céramique est le fruit des compétences techniques transmises de génération en génération dans le respect des traditions. Elle est spécifique à chaque identité ethnique. La poterie de Mirriah bénéficie d’une grande réputation qui va bien au-delà des frontières du Niger. Elle dispose de caractéristiques propres qui la distinguent des poteries de Boubon et de Nogaré. Elle est caractérisée par une terre d’aspect noir intense. En effet lors de la cuisson, l’oxyde de carbone, après avoir saturé le réseau interne de la terre, se fixe en surface et donne cet aspect caractéristique de la céramique de Mirriah. La production est très importante dans cette localité et la majorité des femmes travaillent la terre depuis leur enfance. Cette activité ancestrale est pratiquée après l’accomplissement des nombreuses tâches domestiques. La poterie demeure un enjeu social, économique voire politique. En effet, les pratiques céramiques sont déterminantes parce qu’elles permettent aux femmes d’avoir un apport financier important et elles leur confèrent une reconnaissance sociale. Les potières ont une très bonne connaissance du métier. Elles ont des gestes parfaitement maîtrisés et des attitudes adaptées qui découlent sur des formes de très bonne qualité. Toutefois, au vu de leurs contraintes extérieures, elles doivent souvent aller vite. Ce travail trop rapide a des répercussions non négligeables sur leur production. Durant le processus de réalisation d’une pièce, certaines séquences de travail peuvent être corrigées et améliorées afin de limiter les imperfections ou les risques de perte. La notion de temps pour la réalisation des poteries demanderait à être reconsidérée dans plusieurs séquences de travail et notamment en ce qui concerne le séchage. L’apport des technologies nouvelles des pays industrialisés ne me semble pas envisageable. D’une part, ces changements radicaux déstructureraient leur équilibre social. En effet, leur héritage de transmission doit être conservé car c’est une part essentielle de leur identité. D’autre part, les potières n’en ont pas les moyens financiers. Aussi est-il préférable de respecter leur approche plastique et leurs traditions céramiques. La cuisson des poteries est un moment cruciale. En effet, le feu va révéler ou sanctionner le travail. La terre va subir des transformations et devenir un autre matériau avec une identité physico-chimique totalement différente. Ce nouvel état sera irréversible. Il me semble judicieux de conserver le mode de cuisson utilisé actuellement et de faire en sorte de l’améliorer de façon à limiter les chocs thermiques et obtenir une température de fin de cuisson un peu plus importante. Toutefois, il me semble intéressant de leur soumettre d’autres approches techniques facilement appropriables et certains outils et outillages accessibles. Ces propositions peuvent faire évoluer leur production sans pour cela dénaturer ce qui caractérise leur artisanat. Un certain nombre de formes de poteries traditionnelles sont actuellement délaissées et ne font plus partie de leur production du fait de l’arrivée massive sur le marché africain de productions industrielles venant de pays émergeants, notamment de Chine. Il serait souhaitable de redynamiser cette production traditionnelle en favorisant les possibilités d’expositions et de commercialisations nationales et internationales. Les artisanes ont une connaissance du métier égale à la nôtre dans un contexte différent. Les problèmes fondamentaux plastiques restent les mêmes mais la culture, le processus mental et les conditions de travail sont totalement différents. Une des grandes divergences est leur rapport à la terre qui est beaucoup plus proche que le nôtre dans la mesure où le contact direct, physique, se fait pratiquement en permanence. Notre rapport au matériau est, à bien des égards, dissemblable. En effet, dans les pays industrialisés, l’outil à main ou électrique a pris une place très importante et le contact direct avec la terre s’est considérablement réduit. Avec certaines techniques, nous n’avons même plus besoin de toucher la terre. D’autre part, les matériaux sont pour la plupart des matériaux de synthèse et donc industriels. Chaque terre est mise au point afin de répondre à des critères bien spécifiques. Parfois, les productions artisanales mais surtout industrielles nous interpellent dans la mesure où l’on n’identifie pas le matériau terre dans le produit fini ! Les potières africaines, quant à elles, sont en contact direct avec le matériau. Cela va de l’extraction de la terre jusqu’à la pièce finie. L’outil à main intervient dans bien des cas de façon occasionnelle. Ces différences d’approche sont très importantes. Compte tenu de toutes ces observations et afin de préserver au mieux ce patrimoine ancestral encore bien vivant et plein de ressources, mon intervention s’est organisée plus sous forme d’échanges et de propositions que d’un apport de connaissances. Les potières ont un haut niveau de pratique. Elles se sont approprié certaines situations de travail qu’elles vont pouvoir inclure dorénavant dans leurs productions futures, sans pour autant dénaturer leur artisanat bien spécifique. D’autre part, ces nouvelles situations de travail leur permettront, je pense, d’élargir leur champ d’investigation dans leur pratique céramique future. Je tiens à remercier tout particulièrement : Madame Aïchatou Kané Boulama Monsieur Rafael Paniagua Madame Marie Fromont Monsieur Djibey Issa ainsi que Mesdames les Potières.