La femme aux pieds nus (2008) et Notre

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La femme aux pieds nus (2008) et Notre
ATELIER DE LECTURE Vendredi 3 Avril 9 h 30
INYENZI OU LES CAFARDS (2006) Scholastique Mukasonga
Nous évoquerons d'abord :
La femme aux pieds nus
(2008) et Notre-Dame du Nil (2012, Prix Renaudot).
Ces deux ouvrages sont écrits dans un style sage, appliqué, le style irréprochable
des bons élèves de l'école coloniale africaine. On peut éprouver une certaine déception
devant ce manque de passion, de flamme.
Ces livres sont le lieu de la mémoire "d'avant", de l'hommage à sa mère qu'elle
évoque en parfaite symbiose avec les traditions ancestrales, celles qui vont de
l'(agri)culture aux chansons, en passant par le soin des animaux et la cuisine quotidienne.
C'est aussi l'évocation de l'École Supérieure, celle qui préparait l'élite féminine
rwandaise à la vie professionnelle et conjugale.
Pourtant, dans ces deux ouvrages écrits "après", plane la menace du drame à venir.
Des signes avant-coureurs de haine raciale, de revanche ethnique.
C'est que Scholastique Mukasonga remonte aux sources (vécues) de la tragédie du
Rwanda, déjà racontée en 2006.
INYENZI OU LES CAFARDS (2006)
En exergue du livre, Scholastique Mukasonga
dédie ce qu'elle va écrire à tous les membres de sa
famille assassinés pendant le génocide.
Puis, parlant des cauchemars qu'elle ne cesse de
faire encore, dix ans plus tard, elle nous fait entrer dans
le projet qu'elle s'est fixé : par l'écriture, donner une
sépulture à tous les membres de sa famille qui en ont
été privés, et en particulier à sa mère qui parlait, en
leitmotiv, du linceul dont elle voulait être recouverte à sa
mort.
Le récit commence au moment des premières
exactions des Hutus contre les Tutsis : l'horreur de l'exil
forcé commence en 1958 et se poursuivra, étape après
étape, dès que les familles auront recréé un mode de
vie, de culture de la terre, de relations de voisinage et de
commerce … Puis ce seront les attaques de nuit, la peur
généralisée et justifiée, puisque les pressentiments se
réaliseront et qu'aucune opposition, aucun secours ne
seront d'une quelconque efficacité. Et ce, jusqu'à
l'anéantissement.
Quand elle retourne au village, avec son mari français, pour tenter de faire le deuil
de sa famille (en l'absence de traces …), bien sûr les témoins survivants ne peuvent être
que de Hutus. Elle se heurtera donc à un mur de silence. La colère montera en elle. Et
pourtant, une fois, le même qui "n'a tué personne" … lui "demande pardon".
Bouleversant, magnifique, sans complaisance dans l'horreur ... Voilà le vrai sujet de
Schlostique Mukasonga. Récit objectif d'une tragédie vécue dans sa chair. C'est là qu'elle
atteint à un véritable talent.