Armand Guibert - BIU Montpellier

Transcription

Armand Guibert - BIU Montpellier
Armand Guibert : de Horus à Oiseau privé
Texte d’introduction à l’exposition "Armand Guibert, le poète nomade" organisée à la
Bibliothèque Raimon Llul en 2007 à l'occasion du colloque "la Méditerranée d'Audisio à
Roy" et de la journée Armand Guibert, rédigé par Guy Dugas, directeur de l’IRIEC Montpellier 3 et Céline Brugeron, docteur en littérature comparée.
Armand Guibert est né le 11 Mars 1906, à Azas en Haute-Garonne.
Il fait ses études de 1914 à 1922 à Saint-Sulpice, dans le Tarn, puis les poursuit à l’Université de
Toulouse de 1922 à 1926, où il obtient une Maîtrise d’anglais.
De 1926 à 1928, il est lecteur à l’Université de Cambridge.
En octobre 1929, il est nommé professeur d’anglais en Tunisie, au collège de Sousse, où il rencontre
Jean Amrouche, puis à partir de 1932, au Lycée Carnot. C’est en Tunisie qu’il fonde la revue Mirages,
qui bénéficie d’une collaboration internationale, et les éditions de Mirages, où il publie en 1934 un
Hommage à Patrice de la Tour du Pin. De 1934 à 1937, il devient le fondateur des Cahiers de
Barbarie, une collection d’ouvrages de poésie et de critique. Il reçoit le Prix de Carthage en 1938,
pour le Périple des îles tunisiennes.
Pendant l’été 1941, il fait une brève escale à Alger. C’est là qu’il rencontre Albert Camus et
Emmanuel Roblès, dans l’entourage de l’éditeur Edmond Charlot.
A l’automne 1941, Guibert arrive à Lisbonne muni d’une bourse de voyage des Hautes Etudes du
Portugal. Il y découvre l’œuvre de Fernando Pessoa qu’il s’appliquera sans relâche à faire connaître en
France.
De 1944 à 1945, il enseigne au Lycée Chateaubriand à Rome, et assure la direction littéraire d’un
hebdomadaire français, Présence.
A la fin de la guerre, il regagne Paris où il enseigne au Lycée Charlemagne, et finit par s’établir Quai
d’Anjou.
Guibert était bibliophile, et avait créé une thébaïde dans cet appartement. Dans un entretien avec Guy
Dugas, Jules Roy fera une observation sur son environnement :
Il gardait tout. Chez lui à Paris dans son île où je n’allais plus, à cause des quatre étages à
escalader, il vivait comme dans une bastide dont les cloisons de livres et de dossiers menaçaient
sans cesse de s’écrouler. Il couchait au milieu des manuscrits et des lettres, qui recouvraient
d’autres manuscrits… C’était l’homme de l’écrit poétique, qui devenait lui-même écrit et poésie,
tandis que les années le transformaient en une sorte de magicien à demi cassé, de vieillard à l’œil
aigu, toujours inquiet, aux aguets, en quête de ce qui pouvait arriver à chaque instant. Comme il
vivait encore avec tous ceux qu’il avait édités ou découverts… Et il en était très fier – à juste titre.1
Il ne renonce pas pour autant aux voyages et prétexte à la moindre occasion des missions pour
l’Education Nationale pour sillonner l’Océan Indien, l’Afrique, notamment le Sénégal, et l’Amérique
du Sud, faisant des conférences et participant à de nombreux colloques à chaque escale.
Il meurt en juillet 1990 dans sa maison de Saint-Sulpice.
Guibert se passionna pour le Mythe Méditerranéen, ainsi lors d’une conférence au Centre universitaire
méditerranéen de Nice le 1er Janvier 1971, Guibert explique :
La Méditerranée, je rougirais, en un lieu comme celui-ci, de rappeler que c’est, plus qu’une aire
géographique, une patrie spirituelle, le lieu de bien des syncrétismes, un creuset. La Mer
Classique, disaient jadis les maîtres d’école – la Mer Métisse, j’aime mieux ce qualificatif de
Léopold Sédar Senghor – a su depuis des siècles façonner selon le génie qui lui est propre, des
Barbares, au sens grec du terme, prédestinés.
1
Une famille de rebelles, hommage à Armand Guibert, Editions Torii, 1991, p.43.
1
Guibert était professeur d’anglais, poète, critique, mais également un épistolier assidu. Une lettre à une
inconnue, témoigne de son goût d’écrire au quotidien :
[…] Je solliciterai seulement votre indulgence pour le décousu de cette lettre sans art. Il se trouve
que j’aime m’entretenir avec mes amis aussi bien absents que présents – certains m’appellent le
dernier épistolier du siècle, ce siècle qui ne sait plus que téléphoner…2
D’autre part, Armand Guibert nous a laissé une étonnante autobiographie, conservée sur trois feuillets
dactylographiés, écrite à la troisième personne, où il se met en scène très librement. L’extrait que nous
avons choisi est l’introduction de ce curriculum vitae :
D’ascendance cathare, mais ayant longtemps vécu à l’étranger, en poste pour son plaisir, ou en tant
que chargé de mission, Armand Guibert s’est toujours inquiété, en s’imprégnant de la culture de
chacun des pays où il a séjourné, de propager la langue et les courants de pensée du sien propre, et
d’être ainsi un lieu de confluences et d’échanges. Par lui un André Gide, un Albert Camus, etc, ont
été amenés, selon leur propre aveu, à découvrir la figure de tel poète malgache, de l’Infant Dom
Henri, de Fernando Pessoa.3
L’action d’Armand Guibert dans le domaine des Belles Lettres a fait de lui un passeur de livres, à
travers ses traductions, ses travaux de critique et son œuvre de poète, d’éditeur, et de découvreur. Le
legs Armand Guibert inauguré le 8 Mars 2007, permettra de continuer à faire vivre au sein du Fonds
Roblès-Patrimoine méditerranéen un ensemble riche et précieux, grâce aux travaux de nombreux
étudiants et chercheurs.
2
3
Ibid, p.41.
3 feuillets dactylographiés conservés au Fonds Roblès.
2