Forum Social Mondial 2015 : quatre questions à Abderrahman Hedhili

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Forum Social Mondial 2015 : quatre questions à Abderrahman Hedhili
Forum Social Mondial 2015 : quatre questions à Abderrahman Hedhili
Extrait du Le Journal des Alternatives
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Forum Social Mondial 2015 :
quatre questions à
Abderrahman Hedhili
- Journal des Alternatives - Journal des Alternatives - 03.2015 - Journal des Alternatives. Vol.6 - No.01, janvier 2015 -
Date de mise en ligne : vendredi 16 janvier 2015
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Forum Social Mondial 2015 : quatre questions à Abderrahman Hedhili
À trois mois de la prochaine édition du Forum Social Mondial (FSM) qui aura lieu à Tunis, Tunisie. Abderrahman
Hedhili, coordinateur du comité d'organisation du FSM 2015 et président du Forum Tunisien pour les Droits
Économiques et Sociaux (FTDES) fait le point sur la situation politique, les mouvements sociaux et la question
climatique en Tunisie.
Dans cette période post-électorale [1], que signifie pour la Tunisie accueillir à nouveau le Forum Social
Mondial ?
Deux grandes questions se posent en Tunisie aujourd'hui. La dernière décennie, avant la révolution, fut marquée par
les mouvements sociaux. D'abord avec des mouvements qui se sont déclenchés en 2002-2003 dans le secteur
textile. Puis, le grand tournant est arrivé avec le mouvement du bassin minier. La révolution, elle-même, portait des
revendications d'ordre social. Le profil des martyrs, des blessé, est celui de personnes venant des régions les plus
pauvres du pays. Ce sont des gens pauvres qui se sont révoltés pour des revendications sociales. Et la question
sociale reste un axe majeur pour les mouvements sociaux aujourd'hui.
La deuxième question qui se pose aujourd'hui, est liée à la question économique et sociale, c'est celle de la situation
dans le monde arabe, du terrorisme, de la paix, de la guerre... Donc je crois que l'on a deux grands axes qui seront
au centre des débats pour les tunisiens, partagés avec d'autres mouvements sociaux. Celui des droits sociaux, et
celui de la paix et des conflits armés.
Depuis la révolution, les gouvernements différents gouvernement furent libéraux. Ainsi, la question économique et
sociale, était absente du débat national. C'est-à-dire dans la sphère politique, pour le gouvernement et pour Nidaa
Tounes qui a été élu aux dernières législatives... Si on regarde la composition du parlement actuel, la majorité est
constituée de libéraux. De plus, les hommes d'affaires sont arrivés dans ce parlement. C'est la même politique
menée depuis Ben Ali qui continuera. Les classes moyennes et les classes populaires vont payer seules les factures
des crises.
Donc c'est un débat profond qui est ouvert pour les mouvements et les acteurs sociaux Tunisiens. Il leur faut se
préparer pour une nouvelle phase avec le nouveau gouvernement à venir.
D'autre part, d'autres questions se posent. L'émigration qui, aujourd'hui, touche surtout les jeunes, est largement due
à la question économique et sociale. Les difficultés poussent les jeunes vers l'émigration clandestine. Le salafisme,
le djihadisme, le terrorisme sont également reliés à la question économique et sociale.
Toutes ces questions brûlantes intéressent directement les mouvements sociaux tunisiens.
Quel fut l'apport du Forum Social de 2013 à ces mouvements ?
Lors de la dernière décennie, Ben Ali était au pouvoir. Le mouvement altermondialiste, la dynamique maghrébine et
la dynamique mondiale, ont soutenu les mouvements sociaux d'avant la révolution. La solidarité avec les militants du
bassin minier au cours de leurs procès, avec les mouvements du secteur textile...
La dynamique tunisienne a la spécificité d'avoir toujours été en lien avec des mouvements de terrain, des
protestations, des mouvements sociaux... C'est dans cette optique que l'on poursuit la préparation du FSM de 2015.
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Nous essayons au maximum dans le cadre des mobilisations d'aujourd'hui, de faire en sorte que les acteurs sociaux
du terrain soient présents pour le prochain Forum. Pour débattre de leurs causes, de leurs revendications, pour
développer leurs réseaux et discuter de ce qu'ils pourront faire ensemble après le FSM.
Cette fois-ci, le débat est plus profond qu'en 2013 concernant l'impact de ce Forum. C'est vrai qu'il y avait des
acteurs sociaux qui étaient présents en 2013, avec plusieurs dynamiques fortes, notamment la dynamique Femmes.
Mais nous avons réalisé une évaluation interne et il est apparu qu'en 2013 nous étions particulièrement préoccupés
par la question organisationnelle. Mais cette fois-ci, nous avons l'expérience de l'organisation d'un FSM, donc nous
mettons le focus sur l'implication dans le prochain forum des acteurs sociaux de terrain, avec leurs causes, leurs
mouvements... La dernière fois, la question de l'organisation nous a pris beaucoup de temps. Il y a eu une
importante mobilisation de la société civile tunisienne et des acteurs sociaux. Mais il nous semble prioritaire de
travailler davantage avec les acteurs et les mouvements de terrain pour cette fois-ci.
Quelles sont les attentes des mouvements tunisiens vis-à-vis des mouvements internationaux qui seront
présents pour le FSM ?
Aujourd'hui on n'est pas seuls à Tunis. On est reliés les uns aux autres.
Les politiques néolibérales ont des conséquences aujourd'hui en Tunisie. La question de la Banque Mondiale, du
FMI et leurs politiques en Tunisie, la politique européenne vis-à-vis des pays du Sud... Beaucoup de questions se
posent qui doivent être discutées et approfondies par le débat avec les autres mouvements internationaux. Car
toutes ces questions qui nous touchent directement touchent aussi les autres acteurs en Europe, en Amérique
Latine, en Asie ou en Afrique. Donc on va essayer d'approfondir le débat sur toutes ces questions et faire en sorte de
s'organiser ensemble pour la suite. Cela permettra d'y voir plus clair. Peut-être de développer des campagnes et des
plans d'action, des agendas en commun pour ce qui vient après le FSM...
Un des rendez-vous suivant sera la COP21 [2] à Paris en décembre 2015. Comment la question climatique se
pose en Tunisie ? Quelle réponses sont portées par les mouvements sociaux ?
Par notre observatoire social [3], nous avons constaté que la question principale dans les mouvements jusqu'à
présent était celle de l'emploi et du développement. Le chômage, la pauvreté... Mais ces derniers temps, des
mouvements sont nés autour des questions de pollution, d'environnement... C'est surtout le cas à Djerba, à Gabès, à
Sfax et dans la baie de Monastir. C'est une question qui n'est pas posée par des intellectuels dans des séminaires.
Elle est posée par des mouvements spontanés nés ces six derniers mois. Ce sont des mouvements de masse
concernant la question de l'environnement.
Nous allons organiser un forum thématique concernant l'environnement car c'est une question qui est présente dans
la dynamique des mouvements sociaux tunisiens. Elle doit donc être posée.
Ce forum thématique sera l'occasion de faire se rencontrer tous ces acteurs de Gabès, de Djerba, du bassin minier,
pour une ou deux journées, afin de développer notre vision commune de cette question. Ce forum aura lieu avant le
FSM pour mobiliser les différents acteurs, et faire en sorte qu'ils soient actifs ensuite au coeur du Forum Social
Mondial.
Propos recueillis par Nils Loret
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Post-scriptum :
Notes
[1] Les tunisien-ne-s ont élu leur parlement en octobre 2014 et leur président de la République deux mois plus tard, en décembre.
[2] Conférence des Nations-Unies sur le Changement Climatique
[3] Le FTDES est porteur d'un projet appelé Observatoire Social Tunisien visant à produire et mettre à disposition des mouvements sociaux des
connaissances, renforcer les capacités de plaidoyer, améliorer la responsabilité sociale et environnementale, mettre en place des projets
solidaires d'alternatives au développement.
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