Rue Cases-Nègres - collegeaucinema37.com
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Rue Cases-Nègres D’Euzhan Palcy L’intervenant : Stephan Krezinski : C’est celui qui a rédigé le dossier de travail. Il est réalisateur, scénariste (courts métrages, documentaires) et professeur à La Sorbonne. Après la projection : réactions à chaud La préparation en amont est nécessaire, notamment concernant Le cadre historique et géographique La langue créole : pas toujours sous-titrée (il faudra faire un travail sur les personnages et entre autres, préciser leurs noms) Le son : très fort au début Une certaine lenteur dans l’action, avec un jeu un peu artificiel au début de certains enfants. (les 2 fois où ce film a été programmé à Collège au cinéma, ça a très bien marché) La réalisatrice : Euzhan Palcy est née entre 1953 et 1959 (par coquetterie, ne donne pas sa date de naissance exacte, donc il a écrit 1956, un moyen terme). Comme dans le film, l’éducation a beaucoup d’importance pour elle, avec des adultes qui l’encouragent, la poussent. Quand elle est enfant, on passe des films hollywoodiens où les héros sont des blancs, où le noir n’est que le groom ou le clown. Le livre « La Rue Cases-Nègres » est le livre de chevet de tous les martiniquais. Le déclic se fait quand elle voit Orfeo Negro car c’est la première fois qu’un noir a une vraie place au cinéma. Elle décide donc de réaliser un film à partir de son livre préféré. Alors que tout le monde au CNC a voté pour elle quand elle a proposé son projet (c’est la première réalisatrice noire en France), elle se heurte à un mur : même si son sujet est fédérateur, il s’agit d’un enfant noir et on craint que les enfants blancs ne puissent s’y intéresser !!!! (Ocelot avec Kirikou s’est vu objecter la même chose !!). Rue Cases Nègres a eu un vrai succès public à l’époque et pourtant il semblerait qu’il y ait eu « blocage » pour le festival de Cannes (sous des prétextes plus ou moins fallacieux…). Présenté à Venise, il a obtenu le Lyon d’argent. Malgré le gros succès de son premier film (et donc le démenti des craintes exprimées) E .Palcy s’est heurtée aux mêmes réticences pour son autre film Une saison blanche et sèche, film plus polémique et plus nettement engagé. Depuis, E.Palcy essaie de mener une carrière cahin-caha. Elle essaie en ce moment de faire un film sur Toussaint L’ouverture (Haïti). L’affiche : riche en informations Une typographie arts déco Gouvernorat pour le cadre et drapeau français pour les couleurs de fond, mais le rouge peut être celui de la colère. Au centre, un visage « épique » entouré comme un soleil (semble s’extraire, en s’élevant, grâce à ceux qui sont de dos et qui semblent le regarder s’élever) : l’enfant va pouvoir témoigner (le fait est que le livre est autobiographique). Document Anne-Laure Poitevin, professeur de lettres au collège Raoul Rebout à Montlouis sur Loire Association Collège au Cinéma 37 Remarque : le générique se présente sur fond de cartes postales anciennes de la Martinique Les personnages : Il y a deux types de personnages : les enfants, les adultes. Dans les enfants, il y en a trois principaux : José, le personnage principal (son nom est la contraction du prénom et nom de l’écrivain). C’est le personnage central : il est l’image romanesque de la réussite. Il fait quelques bêtises d’enfant mais il est le héros (voir dossier). Léopold : c’est l’enfant mulâtre. Il est riche et a le privilège des blancs mais la base est faussée car son père blanc refuse de le reconnaître et donc il deviendra révolté. La mère de Léopold, noire, écoute sur son phonographe, « j’ai deux amours » de Joséphine Baker, dont la double lecture peut-être en plus de celle que l’on connaît celle de la dichotomie entre la couleur de peau et le colonialisme (métaphore qui peut s’appliquer aussi à Léopold et sa mère). Tortilla : du même âge que José et Léopold, elle est aussi bonne élève. Cependant, elle n’aura pas droit aux privilèges que José acquerra grâce à l’éducation car, son certificat en poche, elle doit arrêter l’école (et là un travail avec nos élèves voyageurs sur cette question peut être tout à fait pertinente !). Elle a un rôle quasi maternel. Ce personnage est rajouté dans le film (rôle non présent dans le livre) : volonté supplémentaire de Palcy de parler de la place encore plus difficile de la femme (cf la chanson de J.Lennon « Woman is the negar of the world ») Dans les adultes : M’man Tine : personnage extraordinaire qui réunit en elle tout le côté instinctif et maternel qui protège et guide José. (José est orphelin dans le film, pas dans le livre, pour permettre à M’man Tine d’être le cœur émotif du film). Personnage central et incontournable. Médouze : c’est la mémoire coloniale. Son éducation est plus construite : c’est un sage, comme le père spirituel de José. Il évoque l’Afrique duelle : à la fois magique (c’est celle des origines) et négative (elle est liée à la mort). Ses connaissances sont plus philosophiques que pragmatiques. Dans le roman, il n’a pas cette valeur éducative. L’instituteur : statut incarné par plusieurs personnages. Au début, il est noir mais il « blanchit » au fur et à mesure de l’élévation de José dans les niveaux de l’éducation. Le dernier professeur, blanc, est bienveillant, reconnaît la valeur de son élève au-delà de sa couleur de peau. Les instituteurs du film s’inscrivent dans un double rapport : celui des valeurs de la république, et celui du post colonialisme (= parodie de l’esclavagisme car les noirs sont libres mais exploités). Carmen : fanfaron, foufou. Il montre sa frustration par rapport au prestige social. Il « réussit » car il est joli garçon mais c’est José qui le porte. Remarque : les différences entre le roman et le film peuvent permettre un travail théâtral (possible aussi avec d’autres œuvres) pour montrer la différence entre dramaturgie et romanesque. Document Anne-Laure Poitevin, professeur de lettres au collège Raoul Rebout à Montlouis sur Loire Association Collège au Cinéma 37 La séquence proposée : Remarque : la planche est nettement plus sombre que ce qu’elle est dans le film. Elle se situe vers la fin du film, au moment de la réussite effective (et ceci concrètement grâce à l’argent de la bourse). Sur la séquence entière : on passe du triomphe à la mort, de la réussite à l’ « échec ». (cf. la vieille servante noire dans le Mirage de la vie, film de 1959) 1er plan : rangement méticuleux, presque religieux, des 300F (gros plan, voire insert). 2ème à 6ème plan : plan de contextualisation, se présente un peu comme un plateau de théâtre (cadre qui contextualise l’univers de M’man Tine et de José). Détail : là elle n’a pas de foulard, pour la 1ère fois dans le film : ce foulard dans la culture créole symbolise la protection (cuirasse par rapport à la dureté de la vie) ; là, c’est comme si elle renonçait à sa vie de travailleuse presque esclave. Les propos tenus pendant ce passage font écho à cela : « dernière livraison», « Dieu merci ils ont augmenté ta bourse. En vérité, je n’aurais pas pu tenir plus longtemps ». L’enfant donne son argent (fierté, reconnaissance) qui récompense le sacrifice de la grand-mère. Le champ/contrechamp met en évidence la taquinerie de l’enfant qui parodie le bourgeois blanc. 7ème plan : on voit toute la culture martiniquaise : le fétiche de Médouze qui côtoie le Christ (héritage de la culture blanche). Ce plan à la fois réaliste et symbolique est comme un « résumé » de cette femme. 8ème à 11ème plan : Elle agit comme si elle disait adieu à ce qu’elle aime le plus au monde. C’est presque un plan de tragédie grecque : sûrement les plans les plus forts du film. 12ème plan : L’affiche au 2ème plan est celle du film « Le chanteur de jazz » qui est tout un symbole. C’est le 2ème film parlant de l’histoire et le personnage principal est grimé en noir pour gagner sa vie. C’est un film de 1927 (on est en 1930, donc on ancre le film dans l’Histoire). C’est celui qui a vraiment laissé une trace (contrairement au premier film parlant) et c’est en même temps un petit clin d’œil sur le statut des noirs. 15ème plan : Ce qui est intéressant, c’est l’idée de la cage. C’est une métaphore qui passe pour une donnée concrète. On part d’une situation vraisemblable, banale, pour exprimer qu’en fait Flora est doublement enfermée : • • Position inférieure de part sa couleur de peau Enfermée dans ses préjugés : pour réussir dans un monde social qui n’a pas été bâti par elle 24ème vers 25ème plan : belle ellipse. On passe de la nuit au jour. On sent qu’il y a urgence, on voudrait que ça aille vite mais le suspense temporel se place à l’intérieur du plan. 26ème plan : finalement José semble y aller « à reculons » Les thèmes principaux : L’éducation : c’est LE thème du film. C’est le moteur autobiographique de la réalisatrice. Dans le film, elle se fait par le biais des différents adultes (voir ci-dessus) mais c’est aussi ce que fait José avec Carmen par exemple. L’éducation est apprentissage autant que connaissance. Document Anne-Laure Poitevin, professeur de lettres au collège Raoul Rebout à Montlouis sur Loire Association Collège au Cinéma 37 La pauvreté : elle est le cadre dans lequel évolue José et les siens avec le paradoxe que la « liberté » de l’ex-esclave se traduit par un carcan tout aussi sclérosant. Elle rejoint le thème de l’éducation entre autres avec l’image de cette case dans laquelle on tapisse les parois de pages de journaux : est-ce cela qui a donné envie à l’enfant d’apprendre ou c’est parce qu’il apprenait qu’il a eu envie de tapisser la case ainsi ? Le « mérite républicain » : le texte trop long a été « zappé » dans le dossier mais est mis sur le site de Collège au cinéma 37. Ce rêve universaliste de l’école pour tous est lié au rêve colonialiste d’«élever ces peuples inférieurs des ténèbres vers la lumière». Trois textes de Krezinski, proposés pour le dossier, n’ont pas été retenus dans la version définitive du dossier (trop longs ou trop polémiques) : La place du Noir dans le cinéma occidental L’association Collège au Cinéma 37 remercie Stéphan Krezinski pour sa venue à Tours et pour son analyse du film Rue Cases-Nègres. Document Anne-Laure Poitevin, professeur de lettres au collège Raoul Rebout à Montlouis sur Loire Association Collège au Cinéma 37