229-240 - Netcom

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229-240 - Netcom
Networks and Communication Studies
NETCOM, vol. 19, n° 3-4, 2005
p. 229-240
Apprendre à conduire,
apprendre à se conduire :
un objectif familial de la mobilité au quotidien
Maryse Pervanchon1
Résumé.— Dans l’état actuel de l’évolution de nos mobilités, on ne peut négliger d’analyser le rôle de
la voiture. La fonction réelle et symbolique du « relier » qu’elle opère, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur
de l’habitacle, sert bien sûr à organiser nos déplacements, c’est-à-dire à maîtriser le temps et l’espace2.
Mais nous mettre entre les mains un moyen de contrôler les distances par modulation de la vitesse
individuelle revient aussi à nous donner un droit d’action sur la fonction symbolique de la distance
sociale et donc sur l’organisation de nos relations sociales et de notre société. En ce sens le système dit
de « conduite accompagnée », généralisé en France depuis 1989 pour les jeunes à partir de 16 ans,
propose socialement des temps et des lieux d’échange entre générations en famille et est devenu un
mode et un modèle de renégociation de la dépendance relationnelle entre des parents et leurs
adolescents tout en réglant au quotidien une partie des impératifs de la mobilité familiale.
Mots-clés.— Conduite accompagnée, Construction de l'autonomie, Distance sociale, Être-ensemble,
Lien familial, Mobilité familiale
Summary.— Learning to drive, learning to behave : a family goal of the daily mobility.— In
the actual state of evolution of our mobility, we cannot neglect to analyse the role of the car. The real
and symbolic function of the “connect” that it does, so much outside than inside the car, serves of
course to organize our trips, that is to say to master time and space. But putting in our hands a mean
to control the distances by modulating the individual speed also means to give us a right to act upon
the symbolic function of the distance and therefore upon the organization of our social relationship
and our society. In that way, the system of “accompanied driving”, in place in France since 1989 for
the youngers aged 16 and more, offers some time and space for social interaction between family
generations and became a mode and a way of negotiating the relational dependence between parents
and teenagers, accomplishing a part of daily imperatives of family mobility.
Keywords.— Accompanied driving, Construction of autonomy, Family bond, Family mobility, Social
distance, To be-togethe
1. MCF Sociologie, Université de Toulouse 2, Cers – UMR 5117. 5 allées Antonio-Machado, F –
31058 Toulouse. 1. Tél. & Fax 05 61 87 30 69. Courriel : [email protected], [email protected]
2. On pourra en trouver la démonstration in : M. Pervanchon, Du monde de la voiture au
monde social Conduire et se conduire. Paris : L’Harmattan, 1999.
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INTRODUCTION : ÉLÉMENTS D’UN CADRAGE DE LA RÉ-APPROPRIATION
DU COMPAGNONNAGE AU VOLANT DANS LES MOBILITÉS FAMILIALES
Il existe dans notre quotidienneté des objets techniques qui sont des transmetteurs symboliques, en particulier parce qu’ils proposent socialement des temps et
des lieux d’échange entre générations : la voiture est de ceux-là et l’aventure de la
« conduite accompagnée3 » en France est devenue un mode et un modèle de renégociation de la dépendance relationnelle entre des parents et leurs adolescents, tout en
participant à l’organisation au quotidien d’une partie des déplacements familiaux.
Il y a dans la possibilité légalement offerte de conduire dès 16 ans à côté des
parents accompagnateurs une façon nouvelle de se relier à eux sans être à leur
merci, de consommer ensemble l’espace et le temps, de partager un sentiment de
responsabilité et quelque chose d’intense et de discret qui transforme les guerres
intestines ou déclarées, entre les jeunes de 16-18 ans et leurs parents, en moments
de trêve sur la route du lycée, du supermarché ou du lieu de vacances.
Ce compagnonnage d’un nouveau type avait, dans l’esprit des créateurs, un
objectif de départ plutôt sécuritaire en réponse à la question de fond : comment
faire acquérir l’indispensable expérience du volant dans des conditions de moindre
risque ? L’élément de réponse, qui s’est s’imposé à l’époque, fut de commencer l’apprentissage plus tôt en donnant toute son importance au concept de maturation et
au rôle de la motivation dans la mise en place des attitudes de sécurité chez les
adolescents. D’où l’idée d’abaisser l’âge d’accès au volant et de placer, à côté du
jeune qui conduit, un garant de vécu positif, un co-pilote, un guide, un modérateur,
nous l’avons appelé « accompagnateur ». Alors pourquoi les parents ne seraient-ils
pas ces accompagnateurs des premiers tours de roues à l’adolescence, comme ils
ont été les accompagnateurs des premiers pas dans l’enfance ? Ce qui revient à offrir
aux adolescents à partir de 16 ans la possibilité en termes d’espace-temps et de
confiance, de se fabriquer leur propre expérience des situations de conduite, sous
l’œil expérimenté de leurs parents, sans poser l’obtention du permis de conduire
comme un préalable au plaisir et au droit de prendre le volant.
Remarquons qu’il n’y a en fait rien de bien nouveau dans cette idée, mis à
part sa transformation en système reconnu et encadré officiellement. En effet il est
manifeste que des générations de conducteurs — probablement moins de conductrices — ont effectivement appris à conduire au volant de la voiture paternelle, soit
sous la haute autorité de ce même père, soit en trompant délibérément sa
surveillance, ce qui dans nos sociétés assurantielles contemporaines autoritaires
devient maintenant une vraie prise de risque !
Repartons de ces concepts : accompagner, accompagnement, accompagnateur ; tous ces mots impliquent une notion de partage pour un moment, ou
pendant une période déterminée avec l’idée de faire un déplacement en commun,
3. On trouvera en annexe un bref rappel de l’organisation technique de cette formule d’apprentissage à la conduite automobile.
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réel ou symbolique, puisque ces mots peuvent se relier à des contenus fort différents dans les champs de la santé, du travail, de la musique, de la religion, ou de
l’éducation pour ne citer que ceux-là. Mais c’est dans un cadre plus original, que
nous présentons ici ce concept, puisqu’il s’agit de l’associer à « conduire » : « conduite
accompagnée ». Voilà en effet un tissage moins classique, celui de la voiture et de la
circulation routière, puisque c’est de cette conduite-là dont il s’agit et du compagnonnage familial qui marque maintenant l’accès au volant dès l’âge de 16 ans et
sans limite d’âge. Ce changement dans l’organisation du système d’apprentissage de
la conduite en France, depuis une dizaine d’années, a commencé à faire basculer
une image conformiste de l’accès au volant. La « conduite accompagnée » aboutit
également à une réorganisation sociale de la formation mais aussi — et c’est plutôt
ce qui nous intéresse ici — à la création de nouveaux liens parents/enfants, ou à
leur re-création au moment de l’adolescence autour de la voiture et des trajets familiaux pris comme prétextes de ces nouveaux modes d’expression, avec les conséquences en termes de projets éducatifs et sécuritaires.
Le rôle principal de l’accompagnateur ou de l’accompagnatrice est d’être
présent à chaque sortie du jeune au volant et de partager tous ces — ses —
moments forts de la première maîtrise de l’objet convoité. L’accompagnateur est là
aussi pour maintenir dans la voiture une ambiance d’où sont exclues l’angoisse, la
culpabilité, la provocation, la compétition ou la répression.
Le rôle de l’accompagnateur se situe au cœur d’un double paradoxe de mise
en place de cet apprentissage de la route :
• le premier consiste à faire acquérir aux jeunes le champ des normes qui
régissent l’accès à l’usage de l’espace routier, sachant parfaitement que les usagers
dits expérimentés de cet espace se comportent comme s’ils avaient oublié ces
normes ou n’avaient plus envie d’en tenir compte ;
• le second paradoxe c’est qu’il n’y a pas un modèle unique de conduite
automobile. Il faut donc faire acquérir un ensemble de principes à géométrie
variable, assez souples et précis à la fois, pour gérer la multitude de nos déplacements individuels dans l’espace privé de la voiture, tout en s’appropriant l’espace
public de la chaussée, convoité par les autres au même moment.
Le principe est celui du vivre ensemble dans cet espace clos et de l’acceptation de ce qui est de l’ordre d’un certain plaisir, d’une liberté, d’une autonomie
qui est en train de se conquérir, tout en maintenant la prise de risque dans les
limites d’une sécurité qu’il faut apprendre à construire avec les autres. Avec toute
l’émotion qui se rattache pour des parents et des enfants précisément à cet apprentissage du détachement et de l’autonomie et qui ne se fait pas sans confiance
mutuelle et reconnaissance de la place de chacune et de chacun.
Au fil de l’application de ce compagnonnage, ce qui est remarquable, et original, c’est la façon dont l’ingéniosité des familles a suscité et construit une organisation et une synchronisation des déplacements familiaux autour de cette possibilité
et comment de nouvelles formes de mobilités familiales et de relations sociales sont
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apparues par ré-appropriation de cette conduite accompagnée. On pourrait, sur ce
thème particulier de l’apprentissage de la route, confirmer que les ruses, les
tactiques, les adaptations, « ces arts du faible » comme les nomme Michel de Certeau,
constituent autant de « façons de faire avec » le réel qui tiennent autant de la ré-appropriation et d’une certaine forme de reconnaissance proche de la résistance. Ces
formes particulières de lucidité et de perspicacité dans l’analyse des opportunités ne
servent-elles pas aussi à mettre à l’épreuve les rapports sociaux4 ?
Comment s’organisent les conditions de cet accompagnement dans la mobilité familiale ? pour aller où ? pour quoi faire ?
Des éléments de réponse à ces questions s’inscriront ici dans une analyse de
la construction d’une « bonne » distance individuelle, qui se complète par la
construction d’une « bonne » distance sociale pour aboutir, comme nous le verrons,
à la mise en œuvre de principes de bonne conduite qui, dans nos sociétés automobilisées, se superposent et ne font plus qu’un au volant et dans la vie.
1. UNE CONSTRUCTION DE LA « BONNE » DISTANCE INDIVIDUELLE :
ENTRE PLAISIR ET PRISE DE RISQUE
Conduire à 16 ans à côté des parents accompagnateurs est devenu une
façon nouvelle de faire du lien familial5 et de consommer ensemble l’espace et le
temps, de partager un sentiment de responsabilité. Ce que nous avons pu remarquer, et qui était loin des objectifs de départ, c’est que la parole dans la dynamique
de cette bulle devient ou redevient possible entre des parents et des enfants qui, à
table ou dans la maison, ont assez souvent des difficultés de communication et se
cantonnent à des territoires assignés.
Pour tenter de répondre à la question : « Qu’est-ce qu’ils y trouvent ? », nous
pouvons dire qu’effectivement les parents et les jeunes y trouvent plutôt leur compte
et leurs plaisirs mais aussi y retrouvent une forme de satisfaction d’être ensemble.
Plaisirs multiples donc.
• Plaisir physique de la nouvelle maîtrise de la machine convoitée : il n’est
pas exagéré de dire que les générations actuelles des jeunes apprentis conducteurs
sont nées en voiture ; depuis leur prime enfance ils et elles sont transportés, harnachés dans les sièges bébé normalisés, bercés par les vibrations, les accélérations
et les freinages de cet objet commun et communautaire qu’est la voiture ; pour bon
nombre d’entre eux l’attente semble longue, l’impatience grandit et le désir s’affirme
de passer du siège arrière au siège avant et plutôt à la place tant convoitée du poste
de conduite, puisqu’ils ont bien eu le temps de comprendre et de ressentir toute la
reconnaissance, réelle et symbolique, que cette place confère dans nos sociétés.
4. On retrouvera ces problématiques exposées dans d’autres champs par Marc Bessin et
Laurence Roulleau-Berger in L’Homme et la Société, n° 143-144.
5. Des grands-parents, des oncles et tantes, des beaux-parents en familles recomposées tiennent aussi ce rôle avec plus ou moins de heurts et bonheurs et plutôt sur des trajets de vacances.
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• Plaisir de la valorisation par le regard des autres qui se rattache à la
conduite, d’autant plus pour un jeune de 16 ans ; il y a une sorte de griserie à se
montrer dans cette situation face aux « copains », et « aux profs » en se garant devant
le lycée ; se construit aussi une manifestation de la transition du statut enfant/adulte
dans cette confrontation au regard des parents ; cela implique de ne pas perdre la
face et donc de faire la preuve de ses capacités ; par rapport à la fratrie, le plaisirfierté reste fort et son utilité est repérable dans tous les discours.
• Du côté des parents le plaisir-valorisation qu’ils ressentent est tout aussi
manifeste : ils ont souvent renoncé sur le plan scolaire à « aider en maths ou en
français » mais, en matière de conduite d’une voiture, pères et mères retrouvent
une responsabilité, un mode de revalorisation de leurs compétences et une reconnaissance renouvelée aux yeux de leurs adolescents, (un rôle parental peut-être ?)
même si leur conduite n’est pas exempte de critiques d’ailleurs plutôt clairement
formulées par les jeunes apprentis.
Selon les discours recueillis au fil de plusieurs années d’enquête, on peut
distinguer trois grands modes d’intervention des accompagnateurs qui évoluent
d’ailleurs au fur et à mesure que la confiance s’instaure et que les performances et
les compétences de l’apprenti conducteur s’améliorent :
- un cas de figure où l’accompagnateur s’implique pédagogiquement fortement, jouant un rôle d’éducateur dominant jusqu’à empêcher l’autonomie du jeune
et provoquer parfois des réactions vives ;
- un second cas de figure où l’accompagnateur tient plutôt un rôle de guide,
tout en réagissant aux problèmes d’adaptation à l’environnement. Les moments de
mobilité en famille sont alors plus calmes permettant à la discussion de s’installer ;
l’objectif plus ou moins clairement exprimé est celui de s’inscrire en même temps
dans un processus d’émancipation, avec une espèce d’enjeu d’honneur qu’il y a à
réussir une construction d’autonomie à l’adolescence comme on a réussi à lâcher la
main dans des expériences antérieures.
Mais on trouve aussi des accompagnateurs laxistes ou très confiants, que ce
soit par choix ou par ignorance, et qui se sentent davantage passagers qu’assistants
de conduite.
• Enfin, et ce n’est pas le moindre des plaisirs racontés, par les deux générations, celui d’une certaine complicité, d’une forme de satisfaction « d’être-ensemble »
qui se construit au fil des kilomètres et passe par la parole retrouvée entre un fils —
une fille — et ses parents. Ce qui est particulièrement remarquable, c’est la façon
dont, quel que soit le style d’accompagnement de l’adulte, chaque famille s’est
approprié ce processus de construction d’expérience en l’insérant au mieux dans la
mobilité familiale ordinaire et quotidienne avec pour effet direct un resserrement,
aussi momentané soit-il, des liens intergénérationnels. On peut remarquer aussi que
cette parole retrouvée est celle plaisante d’une parole calmée, sans les éclats de la
maison, où l’écoute mutuelle semble possible. L’alchimie de la voiture qui roule
transforme plutôt les guerres intestines ou déclarées entre les adolescents et leurs
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parents en moments de trêve et en stimulant de la parole. En voiture on essaie de
« ne pas s’énerver ou s’engueuler comme on le fait à table », c’est une trêve.
Pourtant ce rôle d’accompagnement n’est pas exempt de tension, de difficultés de dosage, d’expression d’une bonne distance à tenir. Être patient, « savoir
expliquer les choses », ne pas avoir peur donc faire confiance, voilà qui n’est pas
aussi évident que ça, même si ces compétences-là font partie intégrante du rôle
parental, s’il fallait en donner une description. « Là, il faut vraiment avoir un certain
talent », peut-on entendre. Effectivement placé pour la première fois en position de
passager de son enfant, confié à lui ou elle dans un objet vécu comme personnel,
qu’on a le sentiment de maîtriser, de dominer, de connaître du bout des doigts et de
la pointe des pieds, dont la manipulation est tellement familière depuis des années
qu’elle est devenue « automatisée », et que nous avons l’impression de l’endosser
comme une seconde peau, est loin d’être confortable ! « C’est vrai que la situation
est assez contraignante pour tous les deux. Donc il faut savoir rester calme. On est
obligé de s’adapter et réagir tout de suite », constatent les accompagnateurs.
Il s’agit bien, dans cette fonction d’accompagnement, de reconnaître et de
faire reconnaître, de prendre en compte et de faire prendre en compte, les fonctions hors normes de la voiture et d’accepter de vivre ce qui est de l’ordre du
plaisir avec cet objet tout en faisant sentir le poids de la norme.
Il s’agit bien de faire comprendre que la prise de risque avec la voiture est à
maintenir dans des rails de sécurité, ceux du respect de la loi et des autres autour.
Il s’agit bien de sensibiliser à une sorte de juste milieu du savoir-vivre.
On peut se demander si cette activité d’accompagnement ne revient pas à
une illustration in vivo des défis permanents qu’il y a dans nos relations aux autres
dans une perspective de citoyenneté et de sociabilité, avec les ajustements individuels et sociaux que cet apprentissage implique. On peut faire l’hypothèse que la
parole qui peut s’exprimer dans l’habitacle est signe que cette disposition de l’accompagnement devient dispositif de mise en forme d’une autre distance possible
entre les deux générations. C’est une façon de trouver « la bonne distance », de
permettre un arbitrage entre le proche et le lointain, de vivre une espèce de modèle
d’équilibre, de gestion de l’harmonie de la distance spatiale et générationnelle.
2. UNE CONSTRUCTION DE LA « BONNE » DISTANCE SOCIALE :
ENTRE LIEU DE TRAVAIL ET LIEU DE RÉSIDENCE,
ENTRE ACTIVITÉS FAMILIALES ET ACTIVITÉS DE LOISIRS
Il y a pour toutes ces familles qui ont décidé de procéder à ce mode d’apprentissage de la conduite, une ré-appropriation de l’organisation des déplacements, non
seulement sans remettre en cause les emplois du temps souvent serrés tant pour les
jeunes que pour les parents, mais encore une adaptation à leur complexité tout en
répondant au contrat signé avec l’auto-école et l’État, qui consiste à faire parcourir au
moins 3 000 km à l’apprenti conducteur, avant l’examen, en conduite accompagnée.
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Cette répartition du volant au quotidien révèle l’imagination bricoleuse ou « bricolante » des familles pour aboutir à des compromis, ou mieux à des équilibres. Contrairement à ce qui avait été pronostiqué, voire conseillé, par les expérimentateurs, les
familles « font conduire » leurs apprentis essentiellement « pour aller en déplacement
en famille ». On ne prend jamais la voiture simplement pour remplir le contrat et le
carnet de bord, mais pour faire des courses, pour des activités de la famille, pour
aller au travail en passant par le lycée, la semaine. Le week-end c’est le jeune qui
conduit la famille vers les centres commerciaux pour les courses, ou chez les amis,
les grands-parents, ou les lieux de loisir ensemble. Ce qui revient à faire des petits
trajets, plutôt répétitifs, souvent inférieurs à 10 km par jour, « pour des déplacements
précis, pratiques ».
Les moments de disponibilité motorisés des couples modernes actifs sont
tellement contraints, réglés, programmés avec précision, que sortir « comme ça pour
faire un trajet sans but, pour rien, juste pour conduire » n’est même plus envisageable au quotidien. Comme l’explique un jeune conducteur : « Je ne prends pas la
voiture pour mes propres besoins. J’intègre la conduite accompagnée dans les
besoins de la famille ». Les parents confirment qu’il faut jongler avec les contraintes de
temps et que le meilleur compromis pour effectuer les 3000 km obligatoires reste de
les insérer dans la mobilité quotidienne de la famille. Les trajets s’effectuent donc
d’abord en fonction des besoins. Face à l’enquêteur qui n’est pas sans faire remarquer
qu’il serait intéressant de varier les situations routières pour un apprentissage plus
complet, les rationalisations fusent: « il y a déjà suffisamment de pollution », ou bien
« je suis toujours en voiture et je n’ai pas envie de rajouter des sorties juste pour ça » ou
encore « ça lui fait déjà une bonne expérience, moi j’ai pas eu cette possibilité ».
C’est donc dans le cadre de cette mobilité-là que la parole se fait ou se refait
comme l’exprime aussi ce père de famille : « Je dirais que c’est un peu notre
boudoir, c’est un peu notre premier salon où l’on cause, le premier et d’ailleurs le
dernier salon où l’on cause. C’est-à-dire qu’en dehors de ce lieu, c’est vrai qu’on
n’a pas énormément de contacts. Donc c’est un peu le moment des conversations
libres encore qu’elles soient limitées par les nécessités de rester concentré ».
Ce ne sont pas des conversations de fond sur des problèmes graves qu’on
aborde, mais ce sont des conversations qui tournent soit autour de l’actualité, par
exemple sportive, mais aussi politique, vestimentaire ou de mode, soit autour
d’achats ou de changements pour la chambre de l’adolescent-e ou pour la maison
etc., mais on parle aussi du domaine scolaire et tout cela sur une autre tonalité.
C’est l’occasion parfois pour un père ou une mère de donner quelques indications,
soit pour confirmer ce que le fils ou la fille ressentent, et en général c’est plutôt
comme ça, soit pour une mise en garde devant certaines visions des choses qui
peuvent être appelées à évoluer. C’est aussi le moment d’expression des choses
plus difficiles à raconter ou à entendre, ou des solutions à chercher, sur le thème
de la sexualité. « Donc là on est plutôt dans le moyen et long terme et pas dans la
crise de nerf à court terme ».
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Certains parents expliquent cette possibilité par le fait que les enfants se
trouvent dans une position de responsabilité qui les rend particulièrement réceptifs
à tout ce qui peut les mettre dans une position non infantile, dans une position
d’avenir, une position d’avenir adulte. Bien sûr la place qu’occupe l’enfant au
volant favorise une autre vision des choses ou plutôt une autre forme de l’interrelation. Ici s’exprime quelque chose de la responsabilité et de la confiance à
l’œuvre possible dans cette bulle. Au contraire, à la maison, la situation redevient
complètement inverse et le jeune redevient l’enfant à qui l’on parle comme à un
enfant. Et là, il est question de sorties, de négociations, de permissions, d’autorisations, de dépenses et on sent bien que l’adolescent n’est pas en position de répliquer, sans fabriquer du conflit, ou du chantage. Il se remet dans sa position
d’enfant dont on pourvoit à la subsistance. « Donc à table il est là on le nourrit à la
fois de nourriture et de bons conseils et de catéchisme pour sa conduite ».
On peut faire l’hypothèse que cette mobilité familiale, ce moment particulier
d’être-ensemble, dans une temporalité socialement bornée et acceptée, crée paradoxalement une rupture qui permet à l’adulte d’introduire sa propre rupture sans
culpabiliser « le gosse », d’entendre certaines choses qu’il ne pourrait pas entendre,
accepter d’entendre, et que le parent ne pourrait de toute façon pas lui dire dans un
environnement domestique stable. On peut aussi estimer, faisons-en aussi l’hypothèse — des parents l’ont d’ailleurs exprimé ainsi — que la vulnérabilité de la situation extérieure, à cause des risques inhérents à la conduite à chaque instant,
renforce ou crée du rapprochement à l’intérieur de l’habitacle. L’univers plutôt sécurisé de « la maison », avec son environnement stabilisé et hiérarchisé pour ce qui est
des rôles sociaux attendus et intériorisés, serait un frein à la possibilité de l’expression verbale calme, ou un stimulant à la possibilité de l’expression dramatisée.
3. UNE FAÇON POUR DES PARENTS DE METTRE À L’ŒUVRE LEURS PRINCIPES
ÉDUCATIFS ET SÉCURITAIRES : BIEN CONDUIRE C’EST AUSSI BIEN SE CONDUIRE
Les problématiques de la sécurité routière et de la mobilité sont si intimement liées qu’il n’est pas envisageable de les aborder séparément, les parents aussi
en ont conscience et y sont sensibles. De même que c’est en forgeant que l’on
devient forgeron, c’est en conduisant que l’on devient conducteur et surtout « bon »
conducteur. Comme si, par une sorte de transduction, acquérir la maîtrise des
gestes au volant, maîtriser la conduite d’une voiture, devient et reste signe d’une
maîtrise de son corps, d’une maîtrise de sa pensée et de sa conduite dans la vie de
façon générale. Comme le dit un père accompagnateur : « J’irai pas jusqu’à dire
que quelqu’un qui conduit mal sa vie conduit mal sa voiture, mais faudrait pas
me pousser beaucoup pour faire des rapprochements ».
D’autres études sur ce registre ont montré que la conduite automobile n’a
pas seulement une composante technique, c’est-à-dire l’enchaînement réussi :
perception-décodage-compréhension-action-mémorisation, aboutissant à des
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mouvements bien ajustés, mais elle a aussi une dimension morale. En effet s’instaure un jugement de valeur qui se mesure à la fois par le respect des règles du
code de la route, mais aussi par l’appropriation des normes implicites au volant et
par les jugements de normalité et d’anormalité que chaque conducteur porte sur la
manière dont les autres font usage de leur voiture et qu’en retour les autres portent
sur lui. Cette dimension morale devient le fil conducteur et le passage de l’amplification de la conduite : de sa spécificité routière, le pas est franchi vers sa généralité de comportement et d’activité au sens large.
Il est trivial de dire que l’activité de conduite n’est pas une activité isolée :
elle est insérée dans la plupart de nos activités quotidiennes, et conduire nous
engage dans les mêmes espaces de circulation au même moment que la multiplicité des autres conducteurs. Ce qui implique que conduire ne suffit pas : il faut
conduire bien, et ce bien conduire n’est pas défini dans une check-list précise,
comme pour le pilotage d’un avion par exemple, mais relève d’abord d’un principe
permanent d’attention, d’interprétation, de coordination, d’adaptation à un
contexte qui se transforme à chaque tour de roue, y compris sur les trajets les plus
familiers. Si l’on rajoute à cette description ce qui relève d’une effervescence
émotionnelle et d’une activité morale au moins sur le thème du respect, de la
prudence, de la solidarité, nous sommes très proches d’une définition de sens
commun de ce qui caractérise la vie elle-même. L’éthos de la conduite fait le « bon »
conducteur, comme l’éthos de la vie fait le « bon » citoyen.
C’est cette analogie repérée des valeurs qui finit par s’imposer au fil des kilomètres dans les conditions de la conduite accompagnée pour des parents qui
tentent de cette façon d’appliquer des principes éducatifs dont la mobilité en
voiture permet l’application.
S’IL FALLAIT CONCLURE…
On pourrait dire qu’il y a dans cette mobilité auto-construite, une façon de se
sentir dans un processus d’auto-façonnage — faut-il voir dans ces jeux sur les mots
un effet symbolique ? — : au fond s’engager dans une telle expérience fait partie de
l’imaginaire personnel qui permet d’espérer obtenir des transformations sur sa
propre expérience et minimise la notion d’échec pour les deux générations en
présence. Le fait de pouvoir « remuer » ou agir l’expérience ordinaire permet à
d’autres réalités ou à d’autres modes de relation d’émerger de façon inattendue, ce
qui est vécu comme un bénéfice, une récompense ou une reconnaissance. La vie
sociale est constituée activement par le faire de ses membres : cette conduite accompagnée est une ré-appropriation individuelle réussie d’une possibilité légale.
On pourrait insister sur le fait que nous avons d’une certaine façon canalisé
une énergie sociale de formation, de prévention et d’être-ensemble dans une dynamique sans cesse renouvelée, sans en avoir épuisé d’ailleurs toutes les implications.
Nous sommes au cœur d’un phénomène qui se vit par ceux qui l’animent comme
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une juxtaposition de réalités partielles et en même temps comme un enchevêtrement de réalités multiples dont chacun peut jouer. Il faut remarquer que la voiture,
du fait de son statut d’objet social total, se prête magistralement à ce jeu relationnel.
On peut à la fois se perdre et se retrouver dans cet espace clos de négociation qui
joue de l’ambivalence dedans/dehors. Il est possible avec cet objet culturel d’interpeller le contexte social pour tenter de faire changer son propre champ relationnel
conflictuel et de prise de risque. Avec la voiture nous sommes dans la simultanéité
et dans le processus du « trans- » : pour l’exemple proposé, celui du trans-familial.
Cet objet tant décrié — probablement à juste titre — peut aussi se faire « lien
social symbolique ». Il nous semble qu’il permette une façon de se relier aux autres
dans une perspective de citoyenneté et de sociabilité tout en construisant la prise
de conscience qu’il y a, en conduite, un défi permanent qui fait l’objet d’ajustements individuels et de choix sociaux. Ce mode dynamique de compagnonnage
permet à ces adolescents de se relier aux parents sans se sentir à leur merci et aux
parents de prendre de la distance dans cette proximité. Il s’agit d’un véritable
échange qui peut se faire sans autre rituel que celui du partage du volant dans les
activités de tous les jours. Cette quotidienneté donne du sens, nous l’avons
entendu : les trajets familiers quand ils deviennent familiaux peuvent restaurer une
parole devenue difficile, voire impossible, dans la stabilité réglée du lieu de vie.
Grâce à la relation de confiance, qui s’instaure à travers la voiture entre jeune
et accompagnateur, nous sommes vraiment au cœur d’un projet familial d’action
éducative à la sécurité avec toute l’émotion authentique6 qui s’y rattache. C’est par la
dynamique de la mobilité au quotidien que la voiture devient un mode moderne de
renégociation de la dépendance relationnelle. Cette façon moderne de consommer
ensemble l’espace-temps, de vivre une proxémie orientée dans la même direction
réelle et symbolique, se réalise au fil des contraintes familiales en partageant un
sentiment de responsabilité et quelque chose de discret mais d’intense que suscite
ce ventre magique qu’est la voiture. On est en tout cas avec la mise en œuvre du
concept d’autonomie, si souvent entendu, au cœur d’une construction de soi que la
voiture propose, et d’un rapport au monde qu’aucun autre objet ne permet à ce
degré. Cette figure de l’autonomie paradoxalement est un mode de socialisation.
« Et là quand nous sommes tous deux en position d’observateur dans la
voiture, dans la voiture nous avons beaucoup de complicité sur l’observation. Alors
c’est pas tellement en tant que conducteurs, c’est en tant que passagers communs
que nous avons des regards sur la publicité, nous avons des regards sur les gens,
sur les autres conducteurs, et nous avons de grands éclats de rire en voyant défiler
le monde tel qu’il est et non pas tel qu’on le voit à la télévision. C’est une espèce de
spectacle en commun que nous regardons. Nous ne regardons jamais ensemble la
télévision, par contre on regarde le monde à travers le pare-brise ensemble et là on
peut commenter et c’est une bonne partie de rigolade. » Un père…
6. Au double sens d’avérée, incontestable, mais aussi de l’ordre du juste, et en tout cas qui
mérite intérêt de recherche.
APPRENDRE À CONDUIRE, APPRENDRE À SE CONDUIRE
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BIBLIOGRAPHIE UTILE
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240
NETCOM, vol. 19, n° 3-4, 2005
ANNEXE : RAPPEL TECHNIQUE
Ce processus d’apprentissage
volontaire, progressif et continu de la
« conduite accompagnée », offert dès
16 ans (et sans limite d’âge) sur l’ensemble du territoire français et des DOM,
se déroule en deux temps :
1. Une formation initiale en autoécole à partir de 16 ans, comprenant
20 heures au moins, avec préparation à
l’examen du code. Le niveau de compétence atteint est tout à fait équivalent à
celui des jeunes qui continuent de passer
le permis à 18 ans, en 18 ou 20 heures
aussi. Le niveau de compétence atteint
doit permettre au jeune de prendre les
bonnes décisions de conduite sans mettre
en danger sa sécurité ni celle des autres,
même si la réalisation technique n’est pas
encore parfaite, — comment serait-ce
possible en 20 heures d’apprentissage ? Il
s’agit donc de ne pas gêner, ne pas surprendre et éviter d’être surpris, en insistant sur l’activité prévisionnelle.
N’oublions pas que pour les générations actuelles des 12-15 ans qui
baignent dans cette culture automobile,
tenir un volant ou manipuler une boîte de
vitesses n’offre pas davantage de difficultés que de manipuler un micro-ordinateur, une machine à calculer ou des jeux
électroniques plus ou moins sophistiqués.
L’auto-école délivre alors sans
examen une attestation de fin de formation initiale.
2. La délivrance de cette attestation déclenche en parallèle l’autorisation
de l’assureur de la voiture des parents qui
couvrira les risques de la période de
conduite accompagnée qui commence.
Pendant deux ans, jusqu’à ses 18 ans, le
jeune doit parcourir au moins 3 000 kilomètres accompagné à chaque sortie par
son accompagnateur, dans la voiture
assurée pour cette phase d’acquisition de
l’expérience au volant. Du point de vue
de l’assureur pour être autorisé à tenir ce
rôle il faut avoir plus de 25 ans, être titulaire du permis B depuis au moins 3 ans
et ne pas avoir été condamné pour
certains délits (homicide ou blessures
involontaires, conduite en état d’ivresse,
suspension ou annulation de permis,
délit de fuite…). Des techniciens EDF par
exemple peuvent tenir ce rôle pendant
leurs activités de relevés de compteur à
domicile en zones rurales.
Deux rendez-vous pédagogiques
à l’auto-école ponctuent cette durée, l’un
aux environs de 1 000 kilomètres parcourus accompagné, l’autre vers 3 000, un
peu avant l’examen du permis qui se
passe donc au terme d’une authentique
acquisition d’expérience de la conduite et
avec les meilleures chances de succès.
Ce n’est pas ici le lieu de développer davantage les caractéristiques
techniques de ce nouveau cursus pédagogique, mais je voudrais insister sur le rôle
de l’accompagnateur. Que ce soit le père
et/ou la mère, ou un autre adulte choisi
ou non dans la famille, qui accepte cette
responsabilité, l’accompagnateur n’est pas
un formateur technique, ni un professionnel de la route. C’est un conducteur
confirmé qui accepte de prêter sa voiture,
et qui dans cet habitacle, s’impose d’être
un adulte chef de bord confiant, un garant
de bon comportement.