Note 2010 11 02 Taxe habitation
Transcription
Note 2010 11 02 Taxe habitation
Fnasat-Gens du voyage Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et Gens du voyage Paris, le 2 novembre 2010 59, rue de l’Ourcq 75019 Paris Tél. 01 40 35 00 04 Fax 01 40 35 12 40 www.fnasat.asso.fr Note relative à la taxe annuelle d’habitation pour les résidences mobiles terrestres La taxe annuelle d’habitation des résidences mobiles terrestres a été créée par la loi de finances de 2006, à l’initiative du député Chartier. Ce dernier, dans l’exposé sommaire de son amendement, considère que le non assujettissement à la taxe d’habitation des « Gens du voyage », constituerait une rupture d’égalité avec les citoyens sédentaires. C’est pourquoi il propose la création de cette taxe, permettant ainsi de contribuer au financement des aires d’accueil. Si l’objectif de cette loi semble louable, le moyen pour y parvenir est critiquable sur plusieurs points. Il est d’abord spécifique, puisqu’il ne s’agit pas d’une extension de la taxe d’habitation sur les locaux vers les caravanes, mais d’un nouvel impôt, forfaitaire et nonlocal : il pourrait même être qualifié de discriminatoire. Il est ensuite paradoxal, car prétendant répondre à une inégalité de traitement sur la taxe d’habitation, cette nouvelle taxe financerait uniquement les dispositifs d’accueil de la loi 2000-614 dite loi Besson, oubliant ceux liés à l’habitat, que sont les terrains familiaux (locatifs et en propriétés privées) et l’habitat adapté. Ainsi, l’ensemble des « Gens du voyage » serait taxé pour financer des outils, situés sur le domaine public, qu’ils fréquentent temporairement pour certains, voire jamais pour d’autres. C’est comme si l’on affectait le produit de la taxe d’habitation des sédentaires à des équipements d’hébergement à usage temporaire comme les terrains de camping ou les hôtels. Cela reviendrait à créer un doublon avec la taxe de séjour, qui « est établie sur les personnes non-domiciliées dans la commune et n'y possédant pas une résidence à raison de laquelle elles sont passibles de la contribution mobilière ». (art. 3 de la loi du 24 septembre 1919). Si l’on veut rester en cohérence, les dispositifs d’accueil et d’habitat pour les « Gens du voyage » devraient alors être financés respectivement par la taxe de séjour et la taxe d’habitation classique, élargies à ce genre d’équipement. Concernant l’habitat, il faut rappeler que les « Gens du voyage ont des points d’ancrage, reconnus légalement par la notion de « terrain familial » et pour lesquels ils doivent obtenir une déclaration préalable pour une autorisation de stationnement de plus de 3 mois pour les résidences mobiles constituant leur habitat permanent. Ces lieux de résidence sont assujettis à la taxe foncière, parfois à la taxe d’habitation s’il y a un bâti. Cette dernière, comme nous le rappelle la documentation fiscale (DGI DB6D1), est l’héritière de l’ancienne contribution mobilière. Elle s’applique principalement à des locaux meublés affectés à l’habitation, situés dans des immeubles bâtis imposables à la taxe foncière sur les propriétés bâties. Or, cette dernière va s’appliquer jusqu’aux bateaux aménagés pour l’habitation, à la condition d’être utilisé en un point fixe (art. 1381-3° du Code Général des Impôts). Il existe cependant des exceptions à cette règle du bâti, puisque « les habitations légères ou des baraquements qui sont simplement posés sur le sol ou sur des supports de toute nature et qui ne disposent pas en permanence de moyens de mobilité » y sont assujettis également. (Ces constructions sont depuis la réforme du code de l’urbanisme de 2007 intégrées dans la catégorie des « Habitations Légères de Loisirs ».) Par contre, ni les mobil-homes, ni les caravanes ne le sont, comme il l’est rappelé dans la réponse qu’apporte le ministre de l’économie et des finances à une question écrite posée par le député Mazeaud le 12 mars 1990. En effet, « le Conseil d’Etat a jugé que les caravanes qui disposent en permanence de moyens de mobilité leur permettant d'être déplacées ne sont pas imposables à la taxe d'habitation quelles que soient les conditions de leur stationnement et de leur utilisation (C.E. requête n°63824 du 11 avril 1986). » D’ailleurs, dès 1981, on retrouve cette logique dans un autre arrêt (C.E. requête n°20656 du 21 octobre 1981), qui précise que le législateur n’a pas étendu cet impôt aux caravanes, même utilisées « de manière permanente ». Au regard de ces explications, il semble qu’une caravane dépourvue d’un de ses moyens de mobilité au sens de la circulaire du 20 octobre 1972, ayant un usage d’habitation, soit soumise à la taxe d’habitation « classique », même si le terrain ne lui appartient pas. On peut penser notamment aux caravanes qui composent les bidonvilles situés à la périphérie des grandes villes françaises, abritant des populations migrantes en grande précarité. Alors que la même caravane, également à usage d’habitation mais ayant conservé ses moyens de mobilité, serait elle soumise à cette taxe annuelle. Il y a bien là une rupture d’égalité. De plus, il est important de noter que depuis le vote de la loi de finances 2006 est intervenue en 2007 une réforme majeure (décret 2007-18 du 5 janvier 2007), intégrant la notion de résidence mobile constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs dans le code de l’urbanisme. Désormais, le mode d’occupation du sol n’est plus le stationnement, mais bien l’installation, soumise à déclaration préalable si elle dépasse la durée de 3 mois. Si l’on suit la logique du Conseil d’Etat, c’est donc bien au législateur de faire évoluer la taxe d’habitation, en intégrant dans son calcul les résidences mobiles constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs, dès lors que ces derniers remplissent deux conditions : - être à la fois propriétaires ou ayant la jouissance d’un terrain familial, - et bénéficier d’une autorisation de stationnement de plus de 3 mois pour leurs habitations mobiles. Ce n’est donc pas uniquement la résidence mobile qui doit être assujettie, mais c’est l’ensemble qu’elle forme avec le terrain sur lequel elle est installée. Le calcul de la taxe foncière, bâtie ou non-bâtie, prendrait également en compte la présence des caravanes sur cette parcelle, qui deviendrait alors la résidence principale de l’utilisateur. Quant aux recettes de ces taxes, elles seraient locales, affectées aux collectivités concernées par les problématiques d’accueil et d’habitat, et non départementales, comme le prévoit le texte actuel, ce qui éviterait des disparités entre des stationnements constatés à un moment précis et le taux d’équipement à l’échelle d’un département. Ces propositions ont l’avantage de ne pas créer un nouveau dispositif spécifique et inapplicable, mais bien d’intégrer fiscalement les citoyens ayant un mode de vie nonsédentaire, sans discrimination, dans le droit commun.