Faut-il taxer le JUNK FOOD

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Faut-il taxer le JUNK FOOD
DW • 68
Faut-il taxer le JUNK FOOD ?
‘Que ton aliment soit ta seule médecine !’ Hippocrate
Mens sana in corpore sano
POUR :
Bien dormir, pratiquer une activité sportive
régulière, manger sainement. Telles sont les habituelles recommandations de nos médecins. Cela
semble facile, une évidence, selon certains.
De par les effets économiques
d’une ’junk food tax’ ;
Pourtant, selon l’Organisation mondiale de la
santé, il y aurait au bas mot 2,6 millions d’individus qui décèderaient chaque année des suites
de leur surpoids ou obésité. Un milliard d’adultes
dans le monde sont en surpoids. Si l’on ne réagit
pas, ce chiffre augmentera de 50% d’ici 2015.
La conséquence la plus dramatique de ce
constat est bien sûr la forte diminution de la
qualité de vie, suivi par le décès prématuré.
Pourtant, une alimentation saine aide à prévenir
de nombreuses maladies cardiovasculaires, problèmes respiratoires, diabètes (non insulinodépendants), certaines types de cancers, fatigue,
irritabilité...
A qui en incombe la responsabilité? Aux
consommateurs de ‘junk food’ ? Aux entreprises
? Aux gouvernements ? Quoi qu’il en soit, ce sont
les impôts des contribuables qui servent à payer les
dépenses supplémentaires de la sécurité sociale,
occasionnées par les maladies directement liées à
la malbouffe. Aux Etats-Unis, les dépenses de sécurité sociale directement dues à l’obésité (on ne
parle même pas ici de surpoids) sont estimées à
plus de 79 milliards de US$ en 2008 !
Dans la même logique que le tabac, l’alcool
et les émissions de CO2, ne pourrions-nous pas
internaliser ce coût ‘extra’ (qui n’est pas compris
dans le prix lorsque l’on suit la loi du marché
libre) au moyen d’une taxe sur la malbouffe?
Un rapport de l’Université de Nottingham et
de l’Université d’Oxford démontre que l’introduction d’une taxe sur le ‘junk food’ au Royaume-Uni épargnerait chaque année la vie de
3000 personnes au minimum. Parue en 2006,
cette étude semble avoir eu peu de retombées
politiques. Le lecteur trouvera dans le
tableau ci-contre une analyse des
raisons qui poussent certains à
aduler la taxe, pendant que
d’autres la décrient.
• le prix de vente augmenterait,
entraînant une diminution
des quantités demandées et
réduisant ainsi la charge sur
la sécurité sociale, le taux de
mortalité et augmentant la
qualité de vie ;
• l’argent récolté par la taxe
pourrait non seulement financer en partie cette même
sécurité sociale, mais également servir à subsidier les
produits sains ;
• subsidier des produits sains
en augmenterait les quantités consommées. Ce qui occasionnerait la baisse du coût
de la sécurité sociale ;
CONTRE :
X
Cependant, si cette taxe a la prétention de pouvoir
sauver des vies, il serait absurde de la rejeter! En effet,
les pauvres en seraient les vrais bénéficiaires, in fine.
X
ertains opposants affirment que choisir de manger
C
mal ou non fait partie de leurs droits, et que l’état n’a
pas à s’insinuer ainsi dans la vie privée des citoyens.
A ces craintes, l’on peut aisément répondre qu’à partir du
moment où le coût supplémentaire chargé à la sécurité
sociale est supporté par tous, il n’y a plus vraiment lieu
de parler de droit ou de « liberté individuelle ». De plus,
la taxe ne bannirait pas le junk food du marché, mais en
découragerait simplement l’achat ! Enfin, des études ont
prouvé que certaines graisses saturées ont un effet pervers
sur le cerveau, influençant ainsi nos « choix personnels »,
ils font en sorte que nous en mangions toujours plus !
X
• si les produits taxés pouvaient être clairement repérés
par le consommateur, celui-ci n’aurait plus besoin
de se référer aux étiquettes
(souvent complexes à analyser). Le marché subirait ainsi
moins d’asymétrie informationnelle.
‘Taxer les pauvres’ ? La malbouffe étant ordinairement
meilleur marché, ces derniers en sont les principaux
consommateurs. La taxe sera principalement subie par
les plus démunis.
E nfin, il n’est pas simple de distinguer les produits
devant être taxés des autres. Par exemple, on associera facilement les sodas à la catégorie du ‘ junk food ‘,
mais qu’en est-il des jus de fruits sucrés ? Beaucoup d’entre eux contiennent autant de calories que
d’autres softs, mais de nombreuses personnes ne les
considèrent pas comme ‘mauvais pour la santé’. Il est
à craindre qu’une hausse du prix des sodas augmenterait de façon biaisée la demande pour ces jus de fruits
sucrés, par effet de substitution.
Pour conclure …
La « taxe malbouffe » serait donc une bonne source
de revenu pour l’état. Elle permettrait de faire payer le
coût social du ‘junk food ‘ directement aux consommateurs et épargnerait des milliers de vies. Il est cependant
indispensable de bien penser quels produits seraient
taxés (afin de ne pas créer une situtation d’injustice
parmi les firmes concernées), ainsi que l'affectation du
profit généré (subsidier les produits sains, financer la
sécurité sociale).
La ‘taxe malbouffe’ est certes délicate à mettre en
place, mais ces difficultés ne devraient pas, à mon sens,
justifier son rejet par les politiques.
Par Alixe Leclercq
Classement de 15 pays
d'après l’espérance de vie à
la naissance. Liste non exhaustive.
Japon
Islande
Suisse
Espagne
France
Italie
Hollande
Belgique
Royaume-Uni
Allemagne
Luxembourg
Emirats arabes unis
Chili
Danemark
Etats-Unis 82.6
81.8
81.7
80.9
80.7
80.5
79.8
79.4
79.4
79.4
78.7
78.7
78.6
78.3
78.2
CIA World Factbook (2009 estimates)