Partie 1 de la recherche (R7) : La recherche en terre crue, état de l`art

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Partie 1 de la recherche (R7) : La recherche en terre crue, état de l`art
Schults Julia
Matériau pour l'éco-conception
PROCESS DE FABRICATION
POUR BRIQUE EN TERRE CRUE COMPRIMEE AUTOBLOQUANT
Partie 1 de la recherche (R7) :
La recherche en terre crue, état de l'art
Introduction
Mon travail de recherche s'inscrit dans la continuité d'une réflexion menée au premier semestre sur la
manière dont on pourrait réactualiser la construction en terre crue. En effet les nouveaux outils
numériques et robotiques (bras de robots industriels, imprimante 3D, etc) qui se démocratisent aussi
bien chez les particuliers, les entreprises, ou même les écoles d'architecture, sont l'occasion pour nous de
questionner les moyens de fabrication et de conception de brique, et essayer de dépasser l'image
passéiste et archaïque dont elle souffre encore.
Résultats google image pour le mot clef : « architecture terre crue » :
la terre crue est encore associée à des méthodes artisanales et des constructions vernaculaires.
1. Les années 1980 : une première redécouverte de la construction en terre crue
Car si ce matériau millénaire a été utilisé dans de nombreuses civilisations -Romaines, Musulmanes,
Chinoise, Aztèques ou encore Indus- 1 sous différentes formes, (adobe, pisé, bauge, torchis), et
perfectionné selon les époques et les savoirs-faire locaux, il a été rapidement détrôné lors de la révolution
industrielle au profit de nouveau matériaux tels que le béton, l'acier ou le verre, et relégué au rang de
matériaux pauvre et obsolète.
Ce n'est que dans les années 1980, suite à la première crise énergétique, que la terre crue regagne
l'intérêt des architectes, qui cherchent à faire redécouvrir les avantages de ce matériau au grand public à
travers deux grands projets phare :
- une exposition organisée en 1979 par le centre Georges Pompidou intitulée « Des architectures de Terre
Crue, l'avenir d'une tradition millénaire », qui retrace l'histoire de ce mode de construction et promeut
ses qualités esthétiques, économiques et constructifs ;
- la construction de 62 logements sociaux en 1985 pour la ville nouvelle de l'Isle d'Abeau (région Rhône
Alpes), opération lancée l'OPAC (Office Public d'Aménagement de Construction de l'Isère).
Construits en pisé, parpaings en terre cru et terre crue et paille sur ossature bois, le « Domaine de la
Terre » veut démontrer que les qualités de ce matériaux sont tout à fait adaptées à nos modes de vie
occidentaux et pourraient apporter une alternative à la construction en béton, très énergivore: « Il était
indispensable de compléter l’exposition par une démonstration en vraie grandeur pour que la terre
n’apparaisse pas seulement comme une élucubration d’intellectuels » 2 explique ainsi l'architecte belge Jean
Dethier, spécialiste de la construction en terre et à l'origine de l'exposition.
Le bâtiment des architectes Gilles Peraudin
et Françoise-Hélène Jourda, construction en pisé
1. Des architectures en Terre, ou l'avenir d'une tradition millénaire, ouvrage collectif, Centre Georges Pompidou, 6 mai 1993,
p.5
2. Pierre Lefevre, « Retour d'expérience, le domaine de la terre », lien: presse_domainedelaterre_ecologik12.pdf
L'innovation de ce projet concerne aussi la mise en œuvre, désormais industrialisée et mécanisée: ainsi
les blocs de terre comprimée sont produits dans une centrale automatisée fabricant des agglomérés de
béton, tandis que les murs en pisé sont montés dans des coffrages métalliques, la terre est compactée par
des pisoirs mécaniques.3 Ce transfert possible d'une mise en œuvre artisanale et laborieuse, à une mise
en œuvre automatisée et plus rapide, témoigne ainsi du potentiel de ce matériaux à être adapté à nos
modes de construction.
Ainsi, d'une simple expérimentation échelle, 1, le domaine de la Terre est reconnue comme « opération
pilote de portée internationale » et accueille 40 000 visiteurs par ans les premières années. 4 La
démonstration est réussie : « Avec le recul, on constate que les performances énergétiques des logements (...)
sont globalement meilleures que celles des logements sociaux de l’époque. Le pisé présente un gain de
performance thermique de 20% par rapport aux standards. Grâce à son inertie thermique et à son très bon
comportement hygrométrique, il offre un très bon confort global » 5
Pourtant le projet n'a eu qu'un succès limité d'après son initiateur, qui explique cela par deux raisons :
d'une part la non reconnaissance de ce matériau à l'époque, mais surtout, la main mise des industriels
du béton sur la construction en France : « Les freins sont tels (lobby des cimentiers et des grands industriels,
l'absence de suivi des pouvoirs publics, les réglementation archaïque – on attend toujours la sortie d’un DTU)
que bâtir en terre aujourd’hui reste une niche réservée à quelques passionnés ». 6
2. L'organisation de la filière terre crue
Pourtant depuis une dizaine d'année, la prise de conscience de l'impact environnemental de la
construction en béton a donné un nouvel élan à la construction en terre crue, qui cherche à se
moderniser. Une filière commence à s'organiser autour de trois pôles :
-la recherche autour de la composition du matériaux, les techniques de fabrication et la géométrie ;
- l'industrialisation de la production ;
-la transmission des savoirs, désormais possible grâce à la mise en ligne des informations pour le grand
public et les auto-constructeurs.
a. Les recherches sur le matériau
En France, les programmes de recherche se développent autour de plusieurs laboratoires et association
(Laboratoir CraTerre, l'INSA de Lyon, Projet BATAN, Projet TerCRuso, association Areso, etc) pour
étudier le comportement chimique et mécanique du matériaux, et mettre au point des techniques
nouvelles de construction. Ainsi CraTerre oriente ses recherches sur une optimisation de la composition
du matériaux (teneur en eau, élaboration de terre composite avec fibres végétales, création de nouveaux
liants argiles/ bio-polymères) dans le but de créer un nouveau béton d'argile environnemental. 7
La recherche sur le matériau s'invite aussi dans les écoles d'architecture: si l'Ensag est la plus connue car
elle travaille directement avec le laboratoire CraTerre, l'on peut constater un intérêt grandissant de la
part des étudiants qui cherchent à se familiariser avec ce matériau dans d'autres écoles. Ainsi sur le site
https://seminairemateriaux.wordpress.com/ mis en place par l'équipe pédagogique de Recherche amc2
de l'école Paris-malaquais, on peut lire différents mémoires directement liés à la construction en terre
crue (recherche sur un stabilisant d'origine animale, recherche de composition terre crue-charbon de
bois, industrialisation du processus en terre crue, avantages thermiques de la construction en terre crue,
etc).
3. http://maisons-paysannes.org/wp-content/uploads/2013/10/domaine-terre-MPF-176.pdf
4. http://maisons-paysannes.org/wp-content/uploads/2013/10/domaine-terre-MPF-176.pdf
5. Pierre Lefèvre, Revue EcologiK, décembre 2009/janvier 2010
6. http://maisons-paysannes.org/wp-content/uploads/2013/10/domaine-terre-MPF-176.pdf
7. http://craterre.org/data/download/c2d2_beton_argile_environnemental_final.pdf
b. L'industrialisation de la fabrication
Les techniques de mise en œuvre ont elles aussi évoluées et participent au développement de ce
matériau. Ainsi une des grandes innovations de ces dernières années concerne les blocs de terre crue
comprimées (BTC). Le principe est de comprimer la brique dans une presse simple ou double, pour la
rendre plus compacte. Au delà du temps gagné pour la fabrication par rapport au moulage d'une brique
d'adobe, l'avantage de cette technique est qu'elle peut se faire de façon industrielle ou manuellement, et
donc est accessible aussi bien aux entreprise qu'aux auto-constructeurs.
moule double pour BTC
démoulage de la brique
briqueterie de BTC Argio, Belgique.
De la même manière, la mise en œuvre du pisé emprunte à la mise en œuvre du béton : la terre est
préalablement mélangée de façon mécanique (img.1), puis déversée dans des coffrages métalliques
(img.2) et compactée(img.3)
img1
img 2
img 3
Ci-dessus : mise en œuvre d'un mur en pisé dans un coffrage, technique empruntée à la mise en œuvre du béton.
Chantier du conservatoire Européen des echantillons de Sols de l’INRA, Val de Loire
c. Un matériau privilégié pour l'auto-construction
Les industriels, en vantant les qualités de leur matériaux sur leur site, deviennent les premiers
promoteurs de la construction en terre crue, qu'ils accompagnent souvent du label « éco construction »,
tandis que les mairies encouragent leurs habitants à construire leur maison en terre crue. Sa
disponibilité, son coût faible, son recyclage et sa fabrication simple rend le matériaux particulièrement
attractif pour les auto-constructeurs ; des tutoriaux pédagogiques sont mis en ligne sur DailyMotion ou
Youtube, des fiches techniques sont publiés, tandis que des conférences sont organisées pour sensibiliser
le grand public, comme par exemple l'architecte Francis Kerré qui a été invité à l'émission TED,
(Technology, Entertainment and Design), pour montrer que la construction en terre des pays d'Afrique
peut être source d'inspiration pour nos sociétés. 8
8. How to build with clay… and community.
http://www.ted.com/talks/diebedo_francis_kere_how_to_build_with_clay_and_community#t-475850
3. La recherche sur la géométrie autobloquante et fabrication robotisée : potentiels et limites.
a. Vers de nouvelles briques ostéomorphes.
Une autre approche consiste à optimiser non plus la composition du matériau mais la structure même
d'une construction en terre, en jouant avec la géométrie de briques en terre et en intégrant des systèmes
de fabrication robotisée dans leur recherche.
Ainsi des étudiants de l'école d'Harvard dans leur projet « Flowing Matter » (fig.4) ont utilisé les
potentiels des nouveaux outils de fabrication robotique et de conception numérique pour réinterroger la
forme de la brique, en s'inspirant des recherches effectuées sur les modèles ostéomorphes autobloquants
9
(fig3) et qui jusqu'à présent était compliqués à fabriquer.
Fig.4 : les briques paramétriques sont dessinées sur
grasshopper puis découpées au fil à l'aide d'un bras ABB
10
9.Arcady V.Diskin, Yuri Estrin, Elena Pasternak, Han C. Khor, Alexei J. Kanel-Belov, « Fracture resistant structure based on
topological interlocking with non planar surface », in Advanced Engeneering Materials n° 3, 2003
10. Brady Peter and Terry Petter, Inside Smart Geometry. Expanding the Architectural Possibilities of Computational Design, AD
Smart 01, 2003
Or si ces systèmes semblent prometteurs et ouvrent de nouvelles perspectives dans la construction en
terre, elle soulève deux questions pour pouvoir être un système viable: l'une est dans une application en
architecture, l'autre dans sa fabrication.
En effet, d'une part le projet propose de faire des « voiles » ondulés en briques autobloquantes non
standards. Ce projet est viable si le système autobloquant est plus résistant qu'un mur de pisé et justifie
donc la fabrication de nombreuses briques différentes. Ce travail de résistance sera effectué par Daria
Ardant pour son R8.
D'autre part, même si ces briques ne sont utilisées que pour un mur droit, si l'on pousse le
raisonnement plus loin et que l'on veut adapter cette géométrie à toute une architecture, il faut penser
son application dans la structure complète (mur, ouverture,etc). Lorsque l'on dessine l'ensemble, (figure
5), nous nous rendons bien compte que certaines pièces devront être faites sur mesure.
Figure 5 : application d'une brique autobloquante pour une ouverture. Si les briques sont toutes standards pour le mur, la jonction
entre le mur et le cintre nécessite des pièces sur mesure pour que l'ensemble de la structure soit autobloquante.
Cette présence des « brique sur mesure » n'est pas nouveau, et on le trouvait déjà dans la construction
en brique « classique » comme le souligne Philippe Araguas dans son ouvrage Brique et Architecture dans
l'Espagne médiévale : XIIIè-Xvème siècle : « Très tôt cependant, il semble que l'on ait fabriqué des briques
de dimension particulière destinées à des usages spécifiques. C'est ce qu'avait déjà noté Alberti à propos
des constructions romaines. Ce pragmatisme s'est maintenu en Italie : Palladio s'en fait le témoin
lorsqu'il écrit : « on fera des briques plus grandes ou plus petites selon ce que leur usage requiert ».
L'étude des grands édifices Italiens du Trecento et du Quatrocento a montré que les maîtres d'oeuvre
italien n'hésitaient pas à faire réaliser des briques de dimension extraordinaire pour tel ou tel usage. »11
On distinguaient deux types de briques sur mesure : les briques parallélépipédiques qui suffisaient d'être
retaillées à l'aide d'une « laye » ; les briques non parallélépipédiques qui étaient soit « moulées », soit
« sculptées », toujours d'après l'auteur.
On peut trouver une similitude entre cette dernière méthode et les travaux de Harvard cités plus haut
sur la découpe au fil pour sculpter des briques complexes.
Or dans cette recherche, la découpe se limite à l'argile et ne se confronte pas aux contraintes d'un
matériau de terre crue, comme de l'adobe ou du btc.
11. Philippe Aragus, Brique et Architecture dans l'Espagne médiévale : XIIIè-Xvème siècle, Casa de Velazquez, 2003, p.35
b. La question de la fabrication
Au premier semestre, nous avons donc voulu mettre à
l'épreuve ce mode de fabrication appliquée à une brique
de terre comprimée (test1) puis à une brique d'adobe
humide (test2), pour en distinguer ses réels potentiels ou
ses limites.
Méthode 1 : découpe de la brique
Test 1: Brique compressée à 2mPa
Résultats : la terre est trop compacte
et la découpe impossible.
Test 2 : Brique d'adobe humide
Résultats : la découpe est possible
mais le mélange est encore trop dense
pour que le fil puisse découper de façon précise
la géométrie.
Après des résultats peu concluants, nous avons donc voulu tester la technique du moulage.
Méthode 2 : moule usiné au robot.
Usinage du contre moule
au robot
fabrication du moule en plâtre
Pression de la brique
Si les résultats étaient plus satisfaisants en terme de précision de la géométrie, cette technique a pourtant
été coûteuse en terme de temps et de matériaux car, une fois les tests finis, les contre moules en
polystyrène et les moules en plâtre ne sont pas recyclables. D'autre part le moule en plâtre cassait
rapidement sous l'effet de la pression exercée lors du compactage. Ce système n'est donc pas viable pour
faire une structure entière.
Conclusion :
Ainsi pour le moment les techniques de fabrication actuelles de BTC , même si elles ont évolué, ne sont
plus suffisantes pour faire avancer la recherche en briques autobloquantes, quelles soient standards ou
sur mesure. Ma recherche se concentrera ainsi sur la mise en place d'un process de fabrication de BTC
autobloquantes qui intègre des moules facilement recyclables et avec une bonne résistance à la
compression.
Partie 2 de la recherche (R8) :
Intentions, inspiration et protocole
Objectif : réaliser une petite arche de quelques briques en BTC autobloquante avec le système de
fabrication mis au point pour le valider.
Calcul du coût globale + quantité de matière + temps + énergie dépensée.
Etape 1 : la fabrication du moule/ recherche matériaux
Deux types de process existent pour la fabrication de moule:
-sable + liant + catalyseur (1)
exemples : sable/ résine/laser utilisé en impression 3D (inconvénient : non recyclable)
recherche sable/ cire/laser Eric LeMéné, R9 (recyclable, mais les matériaux ne peuvent plus
être séparés une fois mélangés)
-sable sans liant (2)
cohésion par dépression, gazage ou gel. (utilisé en fonderie)
Pour ma recherche j'aimerai expérimenter ce deuxième type de process, qui permet de récupérer le
matériau brut à la fin de la fabrication.
L'idée est d'imprimer un contre-moule en impression 3D en cire, qui pourra ensuite être refondu et
réutilisé, pour effectuer l'empreinte sur le moule en sable qui pourra lui aussi être récupéré à la fin de la
fabrication.
Protocole :
tests préliminaires sur la cohésion du sable / gel, puis sable /dépression.
Tests comparatifs des échantillons avec un autre échantillon à base de sable+ liant (cire).
Mise à l'épreuve lors de la presse de la brique.
Etape 2 : la presse
En fonction des résultats obtenus dans la premières partie de la recherche, et si le temps le permet, il
serait aussi intéressant d'intégrer une réflexion sur un nouveau moyen de presser la brique dans le
process global de fabrication.
Bibliographie :
Des architectures en Terre, ou l'avenir d'une tradition millénaire, ouvrage collectif, Centre Georges
Pompidou, 6 mai 1993,
Pierre Lefèvre, Revue EcologiK, décembre 2009/janvier 2010
Arcady V.Diskin, Yuri Estrin, Elena Pasternak, Han C. Khor, Alexei J. Kanel-Belov, « Fracture resistant
structure based on topological interlocking with non planar surface », in Advanced Engeneering
Materials n° 3, 2003
Pierre Lefevre, « Retour d'expérience, le domaine de la terre », lien:
presse_domainedelaterre_ecologik12.pdf
Philippe Aragus, Brique et Architecture dans l'Espagne médiévale : XIIIè-Xvème siècle, Casa de Velazquez,
2003, p.35
internet :
http://maisons-paysannes.org/wp-content/uploads/2013/10/domaine-terre-MPF-176.pdf
http://craterre.org/data/download/c2d2_beton_argile_environnemental_final.pdf
How to build with clay… and community.
http://www.ted.com/talks/diebedo_francis_kere_how_to_build_with_clay_and_community#t-475850

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