Prise en charge préhospitalière et orientation des infarctus
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Prise en charge préhospitalière et orientation des infarctus
Prise en charge préhospitalière et orientation des infarctus myocardiques aigus Montluçon, du 20 au 21 juin 1997 Président Pr J-E. Delacoussaye (SAMU 30) Modérateurs Dr P. Cristofini (SAMU 75) Dr P. Goldstein (SAMU 59) Rapporteur Dr J-L. Blanc (SAMU 42) Secrétaires Dr M. Chadal (SAMU 03 Montluçon) Dr T. Taillandier (SAMU 03 Montluçon) Animateurs Dr C. Albercque (SAMU 80) Dr Ch. BAÏETTO (CH Montluçon) Dr H. Bernamer (Hopital Bichat, Paris) Dr F. Heudron (Polyclinique StFrançois, Montluçon) Pr J. Cassagnes (CHRU G.Montpied, Clermont-Ferrand) Dr M. Goralski (SAU, CH Orléans) Dr P-B. Petitcolin (SAMU 87) Dr M. Romano (Clinique de la Roseraie, Aubervilliers) Dr O. Tavolaro(Clinique de la Roseraie, Aubervilliers) I : Introduction : La prise en charge et l'orientation des infarctus du myocarde aigus (IDMA) en préhospitalier reposent sur la collaboration du médecin régulateur et du médecin de l'Unité Mobile Hospitalière (UMH), agissant en liaison étroite avec le médecin traitant et les médecins spécialisés référents. Cette coopération débute dès la réception de l'appel par le SAMU-Centre15, se poursuit lors de la prise en charge sur place par l'UMH et continue lorsque le patient est confié au service spécialisé destinataire. Le rô;le coordinateur du médecin régulateur est essentiel à chacune de ces étapes. L'incidence de l'IDM est évaluée entre 100 000 et 150 000 nouveaux cas par an en France. Ceci représente une activité cardiologique de 20 à 40 % des SAMUSMUR (Lille 25 %, Paris 20 %). Les deux principales problématiques actuelles sont marquées par la possibilité d'une défibrillation immédiate si besoin et d'une reperfusion précoce quelles qu'en soient les modalités. II : Quelle attitude en régulation médicale face à une douleur thoracique ? Le motif le plus courant de recours au SAMU-Centre 15 lors des IDMA est la douleur thoracique. Il s'agit plus rarement de la manifestation d'une complication de l'IDMA. Dès ce moment, la préoccupation majeure du médecin régulateur est d'assurer une prise en charge et une reperfusion précoce. En effet, 25 à 50 % des morts subites sont en rapport avec un IDMA. Tout appel pour douleur thoracique doit impérativement avoir une réponse médicale "praticienne" organisée par le SAMU - Centre 15. 2.1 Conduite de l'interrogatoire : L'interrogatoire doit être systématiquement réalisé par le médecin régulateur et doit permettre d'évoquer le diagnostic d'IDMA en allant à l'essentiel, afin de ne pas retarder l'envoi de l'UMH et donc la prise en charge médicale. Il faut tenter si possible d’interroger le patient lui-même ou à défaut un tiers semblant fiable. L’interrogatoire doit aboutir à une prise de décision en 90 à 120 secondes en cas de douleur typique. Terrain : sexe, âge (classiquement femme de plus de 70 ans et homme de plus de 50 ans. Ne pas récuser le diagnostic systématiquement chez le sujet plus jeune). Caractéristiques de la douleur typique : • • • • • son siège rétrosternal, en barre, médiothoracique son caractère constrictif ses irradiations au bras gauche et au maxillaire inférieur sa durée supérieure à 30 minutes sa résistance à la trinitrine sublinguale Recherche de critères cliniques de gravité ou de signes d’accompagnements : • • • • • dyspnée sueurs nausée vomissements malaise avec perte de connaissance Antécéde nts coronariens et traitements suivis Recherche (facultative) de facteurs de risque (FDR) : hérédité, hypertension artérielle (HTA), tabagisme, diabète, dyslipémie. Enfin, il faut parfois penser à chercher des signes cliniques atypiques devant des tableaux inexpliqués afin de rattacher les doléances décrites à une pathologie coronarienne : douleur épigastrique ou abdominale, signes digestifs. 2.2 : Critères d’envoi : d’une UMH • • • • • • si appel par un médecin libéral ayant ou non fait un électrocardiogramme (ECG) si signes de gravité si clinique typique si clinique atypique mais patient ayant des antécédents coronariens et/ou vasculaires, appelant spontanément le 15 si clinique atypique avec FDR, +/- âge, +/- antécédents, +/- signes d’accompagnement si douleur épigastrique avec signes d’accompagnement et FDR. Envoi du médecin traitant ou de garde disposant d'un électrocardiographe : si clinique atypique sans FDR ni signes d’accompagnement • De toute façon, toute douleur thoracique ayant motivé un appel au SAMU-Centre 15 doit être vue par un médecin au maximum dans l'heure. 2.3 Conseils aux patients en attendant l'équipe : Décubitus, repos strict, pas d'auto-médication par la trinitine (TNT) ou dérivés si celle-ci n'a pas été déjà administrée. III : Prise en charge initiale A cette étape, le médecin de l'UMH recueille et confronte toutes les données objectives qui vont lui permettre de décider, en relation avec le médecin régulateur, de la stratégie thérapeutique. 3-1 Critères diagnostiques : 3-1-1 Cliniques : cf. chapitre régulation 3-1-2 Electriques : Les critères électriques sont fondamentaux à l'établissement du diagnostic. Pour cette raison les appareils de diagnostic et de monitorage doivent ê;tre choisis avec soin et régulièrement entretenus. Le tracé ECG doit comprendre les 12 dérivations classiques, V7-V8-V9, et les dérivations droites V3r-V4r. Enfin, des renseignements cliniques doivent ê;tre notés (douleur + ou -, avant TNT, après TNT ...) Critères ECG classiques : • • Sus-décalage de ST supérieur à 1 mm convexe ou rectiligne dans au moins deux dérivations adjacentes ou concordantes avec ou sans signes en miroir. En cas de grandes ondes T symétriques et concordantes, il importe de refaire un ECG dix minutes plus tard pour vérifier leur évolution : un début de sus-décalage dans le même territoire est en faveur de l'IDMA. 3-1-3 Test à la trinitrine (sous forme de spray) : Quand le réaliser ? • • • • Sur un patient allongé Après le premier ECG (après avoir réalisé les dérivations droites) Pression artérielle (PA) systolique > 100 mmHg Refaire un ECG si le test à la TNT entraîne une modification de la douleur Contre indications : • • • Bradycardie : fréquence cardiaque (FC) < 50/min Sueurs PA basse, infarctus du ventricule droit 3-1-4 Bilan clinique minimum requis : • • • • • • • Conscience PA mesurée aux 2 bras et répétitive (prise de façon manuelle puis éventuellement à l'aide d'un appareil automatique en surveillance) Pouls, fréquence respiratoire Palpations des pouls périphériques Recherche de signes congestifs (distension des jugulaires, auscultation pulmonaire - cf. classification Killip). Recherche d'un souffle cardiaque à l’auscultation. Dans ce cas, il importe d'en préciser l'antériorité. En effet, la découverte d'un souffle cardiaque évoque une complication de l’infarctus (rupture de pilier...) ou un autre diagnostic (souffle aortique d’une dissection) et impose d’orienter le patient vers un plateau technique médico-chirurgical adéquat. La découverte d’un souffle jusqu’alors inconnu chez une personne présentant un IDMA avec mauvaise tolérance hémodynamique peut inciter à diriger le patient vers un centre possédant un service de chirurgie cardiaque. 3-2 Forme compliquée de l’IDMA : 3-2-1 Eléments cliniques : • • mauvaise tolérance hémodynamique : PA basse, troubles de conscience, sueurs, pâleur. signes congestifs : signes d’insuffisance cardiaque cotée selon la classification Killip : I : pas d’insuffisance cardiaque (IC) II : IC modérée = crépitants au tiers des 2 champs pulmonaires III : oedème aigu du poumon (OAP) franc = crépitants à la moitié des 2 champs pulmonaires IV : choc cardiogénique (OAP + PA basse + vasoconstriction) 3-2-2 Eléments électriques : • • troubles du rythme : extra systoles ventriculaires (ESV), fibrillation ventriculaire (FV) troubles de conduction : cf. chapitre traitement des complications 3-2-3 Facteurs de mauvais pronostic : • • • • • âge élevé récidive d’IDM IDM antérieur avec FC > à 100/min instabilité hémodynamique apparition d’ESV 3-3 Précisions à donner lors du bilan au médecin régulateur : • • • • • antécédents coronariens en priorité, puis autres antécédents importants traitements en cours élements diagnostiques cliniques et électriques, heure d’apparition de la douleur état clinique du patient : o paramètres de base o complications (rythmiques, hémodynamiques, souffle, classe Killip...) traitements mis en oeuvre et évolution sous traitement 3-4 Bilan Biologique : Les prélèvements sanguins sont à réaliser dans le cadre de protocoles avec le service receveur mais ne sont pas systématiques. Biologie diagnostique : • • • troponine T et I : elles n’ont pas fait la preuve de leur intérêt diagnostique en raison d'une positivité retardée. myoglobine : pas d’expérience en préhospitalier isoenzyme CPK : diagnostic spécialisé et non fait en extrahospitalier Ces critères sont accessoires en préhospitalier et ne doivent pas retarder la décision thérapeutique. Tout malade pris en charge par le SMUR, présentant une douleur thoracique alors qu’aucun diagnostic n’a pu être porté doit être au moins admis aux Urgences pour bilan complémentaire. 3-5 Mise en condition d’un IDMA non compliqué : • • • • • • • • • • • • • • non médicamenteuse : . voie veineuse périphérique (VVP) + cristalloïde monitorage ECG continu et permanent avec défibrillateur vérifié. (La disponibilité d’un défibrillateur semi-automatique ne dispense pas d’un transport médicalisé.) pas d’oxygénothérapie systématique médicaments : o - acide acétyl salicylique : 250 mg à 500 mg intraveineux (IV) sauf contre- indications (allergie vraie, ulcère digestif en évolution) traitement antalgique : . morphine titrée 2mg par 2mg en IV en première intention ou morphinomimétiques de synthèse type nalbuphine dérivés nitrés IV : pas d’indication systématique à la phase aigue d’un IDMA non compliqué (indication dépendante d’accords locaux). En cas d'utilisation, la posologie est de l'ordre de 2mg/h de Risordan® ou 1 mg/h de trinitrine), en dehors des contre-indications (suspicion d’infarctus du ventricule droit, PA systolique < 100 mmHg). Ils doivent être arrêtés aux moindres signes d’intolérance que sont une tachycardie inexpliquée ou une chute tensionnelle. Béta-bloquants IV : en l’absence d’évaluation de la fonction ventriculaire gauche ils ne seront pas utilisés en préhospitalier. héparine : en fonction du protocole du service receveur et/ou du choix du thrombolytique et de contre-indications éventuelles, la dose préconisée est de 5 000 UI en bolus, éventuellement relayée par 800 à 1000 UI/h au pousse seringue électrique (PSE). médicaments à ne pas utiliser : . inhibiteurs de l’enzyme de conversioninhibiteurs calciques sulfate de magnésium à titre prophylactique lidocaïne à titre prophylactique 3-6 Traitement des complications : • • • • • • Fibrillation ventriculaire : choc électrique externe à 200 J puis lidocaïne (1 mg/kg en bolus puis 30 mg/kg/24h) si récidive sous lidocaïne : béta-bloquants en première intention (aténolol : 5 mg IV renouvelable une fois), amiodarone en deuxième intention. Autres indications de la lidocaïne : • • • ESV fréquentes (> 6/min), polymorphes, en doublets, triplets ou salves, à couplage court. posologie : même dose que précédemment Troubles de la conduction : 1°) en cas d’IDMA inférieur, les blocs auriculoventriculaires (BAV) du IIème ou IIIème degré doivent bénéficier en première intention de sulfate d'atropine 0,5 à 1 mg IV directe o 2°) en cas d’IDMA antérieur, tout bloc de branche (BdB) apparaissant après la prise en charge par l'UMH, surtout s'ils s'accompagne d'une mauvaise tolérance hémodynamique doit bénéficier d'une reperfusion coronaire au sein d'un plateau technique adéquat. En effet, l'apparition d'un BdB dans ce contexte fait craindre l'apparition d'un bloc complet et traduit généralement une nécrose étendue. o • • • • • • Il faut éviter d'utiliser de l'isopropyl noradrénaline (Isuprel ) à la phase aigue d’un IDM. Pour les BAV résistants au sulfate d’atropine, un entrainement électro-systolique par voie externe doit être mis en place en favorisant les systèmes d'entraînement dont le taux de capture est le plus performant Poussée d’HTA (> 180 mmHg de systolique) persistante après analgésie : 1ère intention : béta-bloquants IV (aténolol 5 mg en IV lente) 2ème intention : augmentation des doses de dérivés nitrés 3ème intention : anti-hypertenseurs d’action centrale type urapidil (Eupressyl®) Décompensation cardiaque : • modérée : o oxygénothérapie o diurétiques de l’anse de Henlé : furosémide,bumétamide o dérivés nitrés à dose hémodynamique (2 à 4 mg/h) • suspicion de choc cardiogénique 1°) en cas d'hypotension sans signes congestifs au cours d'une nécrose inférieure avec ou sans bradycardie, une épreuve de remplissage aux hydroxy-éthyl-amidons (Elohes®) à raison de 1 ml/kg est instituée. En cas de bradycardie, 0,5 mg IV de sulfate d'atropine est injecté. 2°) en cas d'hypotension associée à des signes congestifs gauches (dyspnée. crépitants, désaturation) : oxygénothérapie + dobutamine. 3°) en cas d'hypotension associée à des signes congestifs droits isolés (turgescence jugulaire) : remplissage. Son inefficacité ou l'apparition d'une orthopnée conduit à associer des catécholamines. 4°) critères d’intubation au cours d'un choc cardiogénique : Les indications sont larges et ce d'autant qu'il apparaît des troubles de la conscience ou un épuisement V : Reperfusion • • • • Il faut reperfuser au plus vite les malades dès que l’IDMA a été diagnostiqué. 2/3 des IDMA ne bénéficient pas encore d'une stratégie de reperfusion. une thrombolyse intrahospitalière de principe doit être considérée comme une mauvaise politique de prise en charge préhospitalière (17 % de vies sauvées par les thrombolyses préhospitalières par rapport aux thrombolyses intrahospitalières). il n'existe pas actuellement d'argument scientifiquement formel pour favoriser un mode de reperfusion par rapport à un autre. 1°) Dans les conditions idéales, quels sont les malades qui doivent bénéficier d’une angioplastie ? • • • • • • thrombolyse contre-indiquée choc cardiogénique instabilité hémodynamique antécédents de revascularisation échec de la thrombolyse (persistance de la douleur et des troubles électriques) complications mécaniques (en concertation avec le service de chirurgie cardiaque) 2°) Les autres malades : • • Angioplastie en fonction des accords locaux Ou thrombolyse : o si absence de contre-indications. Concernant l'âge, c'est surtout l'âge physiologique qui doit être pris en compte, tout en sachant que le risque d'hémorragie cérébrale augmente avec l'âge. o délai : systématique si intervalle < à 6 h o à discuter avec le service receveur si intervalle compris entre 6 et 12 h o quel médecin ? médecin SMUR formé à la médecine d’urgence ayant o bénéficié d’un enseignement spécialisé à la prise en charge des urgences cardiologiques o quel produit ? thrombolytique choisi en fonction des habitudes locales. o après et en cours de thrombolyse, des signes électriques de reperfusion tels qu'un rythme idioventriculaire accéléré (RIVA) doivent être si • possible enregistrés et signalés à l'équipe receveuse. pas de thrombolyse s'il existe un doute diagnostique d'IDMA. VI : Orientation des patients : Tout malade pris en charge pour infarctus quel que soit son âge doit être conduit dans une Unité de Soins Intensifs Cardiologiques (USIC). Si la procédure d'angioplastie ne peut être débutée dans l’heure qui suit le diagnostic, il faut favoriser la thrombolyse. En cas de contre-indications absolues à la thrombolyse antécédents d’accident vasculaire cérébral (AVC), de traumatisme crânien récent, de chirurgie datant de moins de 6 semaines, de syndrome hémorragique en cours), il faut pouvoir mettre en oeuvre une procédure de cardiologie interventionnelle, à condition que le délai entre le début de la douleur et l’admission soit inférieur à 12 h. Les patients en état de choc cardiogénique et éloignés d’un centre de cardiologie interventionnelle doivent bénéficier à défaut d’une thrombolyse et d’un transfert vers un centre opérationnel. En cas de doute diagnostique clinique d’infarctus (ECG non contributif, bloc de branche gauche, Pace-maker) il faut orienter le patient dans un centre où; peuvent être pratiqués les examens complémentaires en urgence pour affirmer ou infirmer ce diagnostic : coronarographie, échocardiographie. En cas de doute sur la nécessité d’une revascularisation, l’abstention thérapeutique est justifiée en préhospitalier. BIBLIOGRAPHIE 1 Antman E-M., Tanasijevic M-J, Thompson B., Schactman M., Mc Cabe C-H., Cannon C-P."etal" Cardiac specific troponin I levels to predict the risk of mortality in patients with acute coronary syndromes. N. Engl. J. Med. 1996; 335 : 1342-1348. 2 Barriot P. Role des services d'urgence dans la prise en charge de l'infarctus du myocarde. JEUR 1989; 2 : 211-218. 3 Bassand J-P., Castaigne A. Le traitement thrombolytique de l’infarctus du myocarde. La lettre du cardiologue 1995; 242 : 5-13. 4 Bernstein M., Unger P-F., Morabia A., Urban P., Chevrolet J-C., Rutishauser W.,"et al". Pourquoi les beta-bloquants ne sont ils pas prescits en urgence au cours de l'infarctus aigu du myocarde ? Réan. Urg. 1996; 5 : 331-335. 5 Beurrier D., Dibon O., Schwalm F., Houplon P., Danchin N. Le traitement médical de l’infarctus du myocarde en dehors de la thrombolyse. 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