Le dialogue 5+5 et son volet défense : une

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Le dialogue 5+5 et son volet défense : une
Affaires stratégiques info – 18 avril
Le dialogue 5+5 et son volet défense : une coopération à promouvoir
Par le CDT Hervé Braun, groupe D1, stagiaire de la promotion « Ceux de 14 » à l’Ecole de Guerre*
Le « Dialogue 5+5 » est un forum entre les dix pays de l’ouest de la Méditerranée qui présente des
résultats encourageants et possède des atouts solides. Le « 5+5 » est à l’origine de nombreuses
coopérations interministérielles. Le domaine de la défense, très impliqué, en est un élément moteur.
Si ces efforts se poursuivent, ce forum sera promis à un avenir certain.
Une Méditerranée incontournable
La mer méditerranée est un espace d’une grande importance stratégique. Passage obligé pour les
navires commerciaux et militaires, elle relie l’océan Atlantique à l’océan Indien. La plupart des
pétroliers en provenance des pays du Golfe empruntent cette route, sans compter les navires de
croisière et de tourisme qui mouillent dans ses eaux. Une approche commune des problématiques
est dans l’intérêt de tous les pays méditerranéens.
La genèse du Forum 5+5
A partir des années 90, plusieurs rapprochements multilatéraux vont voir le jour entre les pays du
pourtour méditerranéen. Le premier d’entre eux est le forum 5+5. Comprenant l’importance d’une
gestion collective de la sécurité en Méditerranée, dix pays ont cherché à se rapprocher en 1990 : cinq
pays de la rive nord (Portugal, Espagne, France, Italie et Malte) initient un forum de discussion
informel avec l’Union du Maghreb Arabe (ou UMA : Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie et Libye).
C’est la naissance du 5+5. Les ministres des Affaires étrangères, qui visent à développer un
rapprochement à la fois politique et économique sont à l’origine de cette initiative. L’embargo et les
différentes sanctions envers la Libye, de 1992 à 2001, vont empêcher toute avancée dans ce cadre, le
forum est alors mis en sommeil forcé.
Le Forum 5+5 reprend vie en 2001, avec son volet défense. La France, en décembre 2004, décide de
prendre les devants en matière de sécurité et de défense, en organisant la réunion des dix ministres
de la défense. L’objectif est double : passer outre les blocages du processus de Barcelone (1) et
consolider le 5+5 en misant sur un de ses volets des plus porteurs, celui de la Défense. Il offre en
effet un réel cadre de liberté aux pays participants, qui choisissent ensemble les axes de coopération.
Des relations apaisées voient le jour et durent dans le temps, notamment dans le domaine de la
défense.
Les atouts encourageants du consensus « 5+5 Défense »
Le Forum 5+5, avec son volet Défense, semble s’être engagé dans la bonne direction. Les
coopérations militaires se font autour de quatre grands thèmes : la surveillance et la sécurité
maritime, la sûreté aérienne, la contribution à la protection civile et le domaine de la formation et de
la recherche. Les qualités du « 5+5 Défense » ont été mises en avant par le contre-amiral JeanFrançois Coustillière (2) : « le dialogue de défense repose sur l’équité de traitement de leurs
préoccupations. Cette relation de partenariat réellement respectueux des attentes de chacun
constitue sans doute l’atout majeur ». Toutes les avancées accomplies dans ce cadre restent solides
et pérennes, car elles reposent sur des choix effectués en commun. Le consensus existe et perdure
grâce à un réel climat de confiance.
La coopération militaire, fédératrice, se concrétise par des axes de rapprochement entre
responsables militaires, avant même que cela se soit généralisé à tous les niveaux des États. Elle est
donc éminemment politique car elle peut précéder le rapprochement diplomatique. Elle a un impact
positif direct sur les éléments de stabilité régional (sécurité, confiance). Ce besoin existe bel et bien.
Le principe de liberté participative propre au « 5+5 Défense » offre un cadre de collaboration
militaire privilégiée. L’Algérie et le Maroc, qui connaissent des tensions à leur frontière commune,
liées principalement au désaccord sur la question du Sahara Occidental (3), ont trouvé au sein du 5+5
un cadre de rapprochement politique et diplomatique. L’intérêt commun prime, et les divergences
ne peuvent que ralentir certains dossiers, sans jamais geler le processus.
En comparaison, l’absence d’une telle latitude au sein de l’union pour la Méditerranée rend plus
difficiles le lancement de projets méditerranéens plus larges. Le nombre plus important de pays a
tendance à rendre les choses plus complexes. Aujourd’hui, il existe encore de nombreux sujets
d’accroches comme la question du Proche-Orient, la guerre civile en Syrie, la question chypriote, ou
encore la récente crise politique en Egypte. Le forum 5+5 ne semble vraisemblablement pas souffrir
de ce mal.
Vers un avenir tout tracé
Récemment les pays du 5+5 ont réaffirmé leur volonté d’aller de l’avant et de continuer à renforcer
leur coopération. Les pays d’Afrique du Nord y trouvent un cadre apaisé de discussion et de
rencontre. La présence des pays européens facilite la coopération des pays maghrébins. Par exemple,
en 2012, le président tunisien Moncef Marzouki avait indiqué quelques éléments de continuité : « le
5+5 est un modèle de coopération et de complémentarité, ces valeurs peuvent aider à surmonter les
problèmes des deux sous-régions ». Selon lui, « ce dialogue devrait aider à affronter des défis comme
le terrorisme, le crime transfrontalier, le trafic d’armes ».
Les liens qui existent aujourd’hui pourraient servir efficacement à renforcer et aider les transitions
démocratiques. En 2011, le printemps arabe a gelé le processus pour les pays concerné (Tunisie et
Libye). Mais aujourd’hui, ces pays collaborent et discutent des problématiques qui les concernent.
Pour la Libye, qui est pleine reconstruction et potentiellement au bord du péril politique, le 5+5
permet de tisser des liens. Ils pourront certainement aider le pays à se redresser. Le dialogue « 5+5
Défense » dans ses domaines de compétence, offre de bonnes perspectives, qui de plus sont
conformes aux aspirations initiales du processus de Barcelone.
Une coopération assidue est également souhaitable pour traiter tout ce qui touche à l’immigration
Sud-Nord. Le 5+5 Défense doit créer des outils de lutte contre les trafics migratoires, surtout pour
éviter que le drame de Lampedusa ne se reproduise. L’Union européenne travaille à gérer
humainement et dignement le problème. Le 5+5 doit travailler en amont, en favorisant une bonne
coopération maritime des pays qui sont concernés les premiers. Plus largement, le dialogue défense
permet de lutter contre l’insécurité maritime. Dans ce cadre, l’Italie travaille sur les systèmes
d’échange d’information maritime.
De plus en plus de dirigeants et d’acteurs militaires prennent conscience de la force du
rapprochement 5+5. Cela se concrétise notamment sur le terrain, entre militaires, dans le cadre du
collège 5+5 défense (volet formation du « 5+5 défense »). Lancé en 2007, les pays collaborent dans la
formation militaire. 300 auditeurs ont déjà été formés depuis. Par exemple, lors d’un exercice, des
stagiaires de L’Ecole de Guerre (Paris) ont participé à un entraînement de commandement à Alger
avec d’autres officiers supérieurs de chaque pays du 5+5. L’objet de cet exercice était de confirmer la
pérennité du réseau activable en cas de crise majeure et d’organiser conjointement les secours
(l’Algérie et l’Espagne souhaitent mettre en place et consolider un tel réseau). L’enjeu est de taille :
ces officiers seront destinés à occuper des postes de responsabilité importants au sein de l’armée
française. Il est important qu’ils soient pleinement sensibilisés dès aujourd’hui à ce rapprochement
autour de la méditerranée.
Article publié sur la proposition de l’Ecole de guerre.
(1)Processus de Barcelone : initiative lancée en Espagne en 1995, qui scelle la naissance d’un
partenariat large, entre l’Europe et les pays du pourtour méditerranéen. Ce processus est destiné à
encadrer des projets lancés entre ces pays, dont les intérêts convergent, en raison de leur proximité
géographique autour de la Méditerranée. Le nombre important de pays membres, aujourd’hui
rassemblés autour de l’Union Pour la Méditerranée (UPM), et la multiplication des intérêts
empêchent la finalisation de plusieurs accords.
(2)Le contre-amiral (2S) Jean-François Coustillière est responsable du cabinet de consultant JFC
Conseil, spécialisé dans les relations internationales en Méditerranée. Il est actuellement le président
du conseil d’administration d’Euromed-IHEDN.
(3)Problématique du Sahara Occidental : le territoire est revendiqué à la fois par le Maroc (lequel
l’appelle Sahara marocain) et par la République arabe sahraouie démocratique (RASD), proclamée
par le Front Polisario en 1976. Ce mouvement a pour objectif l’indépendance totale du Sahara
occidental, revendication soutenue par l’Algérie (Source Wikipédia).
*Issu de la promotion 1998 de l’Ecole de l’Air, le commandant Hervé Braun est pilote commandant de
bord sur C130 Hercules. Affecté à l’ET 2.61 « Franche Comté », il a été engagé au Gabon et au Tchad.
Il a également été pilote officier d’échange sur C130H aux Etats-Unis, à Dyess AFB au Texas.
Récemment, il a participé à l’opération Epervier et Serval. Il est aujourd’hui stagiaire de la promotion
« Ceux de 14 » à l’Ecole de Guerre.