Editorial : Hello, GoodBye !
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Editorial : Hello, GoodBye !
N° 55 Novembre 2014 Comité de rédaction VIGI VIGI Centre Antipoison - Centre de Pharmacovigilance 162, avenue Lacassagne - 69424 Lyon Cedex 03 Editorial : Hello, GoodBye ! A. Boucher J. Descotes A. Gouraud C. Payen C. Pulce J.M Sapori T. Vial Fan invétéré des Beatles, j’ai choisi le titre de l’un de leurs succès pour mon dernier éditorial de Vigitox. En effet, après avoir franchi, la première fois, le seuil du centre antipoison de Lyon, le 1er octobre 1973, je viens de le quitter définitivement, 41 ans plus tard, jour pour jour. Le premier Vigitox est paru en novembre 1992 ; 53 l’ont suivi. J’en aurai écrit l’éditorial 51 fois. Une longue page se tourne donc. Au cours de toutes ces années, il m’a été permis de voir se développer ces vigilances qui sont au cœur de Vigitox. Le minuscule centre antipoison égaré au fond d’un soussol de l’hôpital Edouard Herriot est devenu un service médical moderne dans des locaux VIGI La Fiche Technique de ISSN 2102-7196 rénovés au sein du site Lacassagne des HCL. Parallèlement, naissait la pharmacovigilance, lyonnaise et nationale, d’abord officieusement, en 1976, puis officiellement en 1979. Seul service de pharmacovigilance, créé en 1982, le centre de pharmacovigilance de Lyon a fusionné avec le centre antipoison, en 1988, pour former le service tel qu’il est encore aujourd’hui. Pour la première fois, une activité de toxicovigilance était individualisée au sein d’un centre antipoison, en 1990, avant que ne soient créés les centres antipoison et de toxicovigilance plus de 15 ans après. Last but not least, le centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance a été créé dans le service en 1994. VIGI La Fiche Technique de Ces activités, en dépit des interactions qui les rapprochent, ont suivi des chemins différents. La pharmacovigilance a bénéficié d’un développement rapide et structuré grâce au rôle déterminant joué par l’un de ses pionniers, le Pr Jacques Dangoumau, devenu directeur de la DPHM (ancêtre de l’actuelle ANSM), mais aussi aux nombreuses initiatives de l’association française des centres de pharmacovigilance, parmi lesquelles on peut citer l’ancêtre du comité technique, les journées françaises de pharmacovigilance ou la méthode d’imputabilité. Il est dommage que cette association ne joue plus ce rôle de propositions et de contre-pouvoir qui a longtemps été le sien. D’ailleurs, la pharmacovigilance de 2014 ne ressemble plus beaucoup à celle des années 80s : elle s’est bureaucratisée tout en se démédicalisant. L’impact de la pharmacovigilance à l’européenne se fait sentir… Les CEIP se sont développés avec une quinzaine années de décalage par rapport à la pharmacovigilance, selon le même schéma. Au risque de déplaire, qu’il me soit permis de m’interroger, en ces temps de pénurie budgétaire, s’il est raisonnable de maintenir deux réseaux si proches dans leur expertise, leurs objectifs et leur mode de fonctionnement. La situation est nettement plus nuancée quand on s’intéresse aux centres antipoison, à la toxicovigilance, et plus généralement à la toxicologie clinique, voire la toxicologie tout court. Il est vrai que les autorités de tutelle n’ont jamais, au cours de ces 40 années, fait la preuve de leur engagement à définir ce qu’est concrètement un centre antipoison ou la toxicovigilance, comment ils doivent être structurés, de quels moyens ils doivent bénéficier. Le déclin était inévitable et il est patent : le personnel des centres antipoison et de toxicovigilance est vieillissant, faute d’une relève suffisante expliquée au moins partiellement par ces incertitudes. L’intégration hospitalo-universitaire des CAPTV est en voie de disparition, tout comme la défunte toxicologie clinique et sans doute prochainement la toxicologie, sa mère nourricière. Qu’est devenue l’école française de toxicologie clinique si bien représentée autrefois à l’Hôpital Fernand Dans ce numéro : Editorial1-2 Le décret du 14 février 2014 « relatif à la toxicovigilance » 2 Intoxications par les lessives liquides sous forme de dosettes hydrosolubles 2-3 Erreur thérapeutique avec le méthotrexate faible dosage 3-4 Fiche technique L’effet antabuse : le point en 2014 Page 2 Widal de Paris ? Où est passé le service de toxicologie clinique et urgences médicales, profondément ancré dans la médecine légale, qu’avait créé et si formidablement développé mon maître le Professeur Louis Roche ? Existe-t-il encore une toxicologie universitaire en France ? Il y a une quasi absence de formations de 3ème cycle en toxicologie : pas de formation, pas de relève, plus de recherche… et un silence assourdissant à un moment où les médias et l’incompétence de leurs intervenants préférés ne peuvent répondre aux inquiétudes, légitimes ou non, de nos concitoyens. Depuis des années, les administrations centrales de santé ou de recherche ont délaissé la toxicologie : le résultat est atterrant ; et ce n’est pas la mode des portails de vigilance ouverts à tous, et donc surtout à n’importe quoi, qui va corriger la situation. A moyens constants, voire en baisse, cet afflux d’informations ne peut que diminuer la qualité du service rendu. Toutes ces années ont été pour moi l’occasion de suivre et, le plus souvent, de vivre les évolutions de chacune de ces activités. Je pars, au moins, avec la satisfaction de laisser une structure lyonnaise solide, sinon pérenne, dont les compétences dans le domaine de l’évaluation de la sécurité des produits chimiques et des médicaments sont reconnues. Je tourne donc la page et d’autres écriront la suivante : je leur souhaite très sincèrement de trouver les arguments qui permettront aux autorités de tutelle, locales, régionales et nationales de comprendre que ces activités sont essentielles à la santé publique et qu’elles ne peuvent se limiter à alimenter de pseudo-alertes médiatiques. L’alerte est au cœur des vigilances, mais trop d’alertes tue cette fonction primordiale qu’est l’alerte. J. Descotes Le décret du 14 février 2014 « relatif à la toxicovigilance » S’il existait déjà plusieurs textes règlementaires sur les Centres Antipoison (CAP), décret du 17 septembre 1996 relatif aux missions et moyens des CAP, arrêté du 18 juin 2002 relatif au système informatique commun des CAP, aucun texte n’encadrait l’activité de toxicovigilance (TV) contrairement, par exemple, à l’activité de la pharmacovigilance. Les CAP, qui assurent à la fois une « mission de Réponse Toxicologique à l’Urgence » et une « mission de Toxicovigilance », ne pouvaient que le déplorer. Les choses sont en train d’évoluer favorablement grâce à la parution du décret du 14 février 2014 « relatif à la toxicovigilance ». Ce texte, qui s’inscrit dans la loi HPST, comporte 3 parties : 1) Dans une 1ière partie, il définit la TV et son organisation. La TV a pour objet la surveillance et l’évaluation des effets toxiques, aigus ou chroniques, de l’exposition humaine à un mélange ou une substance, naturelle ou de synthèse, disponible sur le marché ou présent dans l’environnement. Cette activité recouvre la collecte et l’analyse d’informations pouvant générer des alertes, lesquelles permettent la mise en œuvre d’actions de prévention. Les CAP s’intègrent comme des éléments majeurs dans ce système en assurant –le recueil et l’évaluation de ces effets, –les expertises toxicologiques demandées par les services de l’état et, concourent pleinement au relais des éventuelles alertes (notamment en cas de menace pour la santé publique). 2) Dans une 2ième partie, il définit les caractéristiques des cas correspondant à une intoxication et les personnes soumises à l’obligation de leur déclaration. Un cas d’intoxication est défini par la survenue de tout effet toxique pour l’homme faisant suite à une exposition unique ou répétée, à un mélange ou une substance, naturelle ou de synthèse, disponible sur le marché ou présente dans l’environnement. L’obligation de déclaration, aux CAP géographiquement compétent, incombe –aux professionnels de santé pour tout cas d’intoxication grave (décès, mise en jeu du pronostic vital, incapacité temporaire ou permanente, hospitalisation de plus de vingt-quatre heures) qu’ils auraient constatés mais également, pour tout autre cas d’intoxication paraissant avoir un caractère inhabituel ou présenter un risque pour la santé publique ou faisant l’objet de surveillance spécifique (saturnisme, CO) et –aux fabricants, aux importateurs et aux distributeurs détenteurs d’une information relative à un cas d’intoxication impliquant une de leurs substances ou un de leurs produits. Cette déclaration aux organismes en charge de la TV exclut les déclarations relevant d’une obligation inhérente à un autre système réglementé de vigilance tel que la Pharmacovigilance. Par ailleurs, en cas d’intoxication potentielle, le décret renforce l’obligation faite aux industrielles (fabricants, importateurs) d’apporter aux organismes en charge de la TV (et donc aux CAP) tous les éléments complémentaires nécessaires à l’appréciation du risque afin qu’une gestion adaptée de l’intoxication soit assurée. 3) Enfin le texte définit les modalités de déclaration des mélanges et la nature des informations devant être mentionnées par les fabricants ou importateurs afin de prévenir ou gérer les risques pour l’utilisateur. Il ne reste plus au gouvernement qu’à promulguer les arrêtés d’application… J.M. Sapori http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTE XT000028600707&categorieLien=id Intoxications par les lessives liquides sous forme de dosettes de lessives hydrosolubles Les lessives liquides pour le linge (LLC) étaient classiquement présentées dans des flacons. Depuis une dizaine d’année, l’apparition sur le marché de dosettes hydrosolubles (DHS), de popularité grandissante, semble représenter un risque toxique accru, notamment chez l’enfant en bas âge. Les DHS se présentent sous la forme d’une capsule de 30-40 ml (variable selon les fabricants) entourée d’un film hydrosoluble. Page 3 Ce film protecteur est facilement dissout lors du contact avec l’eau mais également dans les milieux humides (salive, mains mouillées). Le contenu est sous tension du fait du procédé de fabrication et la faible résistance du film lors de la manipulation de la capsule favorise son éclatement et la projection du produit. Les dosettes sont de couleurs vives donc attractives et leur petite taille les rend facilement préhensibles par les enfants. Ces capsules sont contenues soit dans une boite rigide fermée par un clic soit dans un sachet souple zippé. Les conditionnements peuvent être transparents. Comme les LLC, les DHS sont à base de tensioactifs qui sont des composés irritants et moussants. Cependant, du fait du faible volume des DHS, la concentration en tensioactifs est environ trois fois plus élevée que dans les LLC. De fait, le contenu présente une viscosité plus importante ce qui rend le rinçage plus difficile. Les tensioactifs des DHS sont en solution dans du propylèneglycol le plus souvent (10-30%), ce qui représente un risque de toxicité théorique supplémentaire non confirmé à l’heure actuelle. Des intoxications sévères ont été observées à la suite d’ingestion. Classiquement, il s’agit d’un jeune enfant qui porte une dosette à la bouche. Le contenu va se libérer brutalement dans la cavité buccale et provoquer des vomissements souvent répétés du fait du caractère irritant du produit. La viscosité du produit peut conduire à un « tapissage » de la muqueuse pharyngée et/ou laryngée qui renforce l’irritation avec risque d’œdème ou de spasme laryngé et qui complique la décontamination. Du fait de la pression relative du contenu, sa libération brutale peut favoriser la survenue de fausses routes avec risque de pneumopathie d’inhalation évoluant parfois vers une détresse respiratoire. Les symptômes initiaux laissant présager une intoxication sévère sont des vomissements répétés associés à une toux importante et/ou persistante. La présence de ces signes doit conduire à une évaluation médicale. La présence d’une gêne respiratoire, d’un encombrement bronchique, d’un tirage, d’une désaturation impliquera l’hospitalisation pour un traitement symptomatique adapté. Des conséquences graves sont aussi observées à la suite de projection oculaire. L’application d’une pression trop forte sur la capsule peut entraîner son éclatement avec un risque de projection oculaire. Le contenu est irritant pour la muqueuse oculaire particulièrement fragile. La viscosité du produit rend le rinçage difficile et explique la fréquence des atteintes cornéennes allant de la simple conjonctivite à l’ulcération cornéenne plus ou moins étendue. Les symptômes sont représentés par une rougeur et une douleur oculaire. Un rinçage précoce et prolongé permet le plus souvent de limiter les lésions mais celui-ci est de réalisation délicate notam- ment chez les jeunes enfants. La persistance d’une douleur importante, l’ouverture difficile voire impossible de l’œil devront conduire à une consultation médicale rapide afin de vérifier l’intégrité cornéenne, l’atteinte cornéenne pouvant être étendue. Les projections cutanées ayant bénéficié d’un rinçage immédiat et prolongé sont sans conséquence. Par contre, des lésions cutanées sont possibles en cas de rinçage différé et/ou de contact prolongé via des vêtements souillés. Elles peuvent aller d’une simple rougeur cutanée jusqu’à la constitution d’une véritable brûlure. La conduite à tenir, quelque soit la voie d’exposition, est la décontamination précoce. Cette décontamination est un élément primordial de la prise en charge. Au niveau buccal, elle consiste en un nettoyage soigneux avec un linge humide ; les boissons doivent être transitoirement arrêtées afin de limiter les vomissements et la production éventuelle d’une mousse abondante. Au niveau cutané mais surtout au niveau oculaire, le rinçage doit être non agressif mais abondant avec de l’eau à environ 15°C (eau du robinet discrètement « tiédie » en fonction des zones géographiques et/ou de la saison), pendant une durée de 10-15 minutes. Toute manœuvre intempestive comme les vomissements provoqués, les boissons abondantes sont à proscrire. Suite à la multiplication des cas recensés, une étude descriptive et comparative aux LLC sur la période 2005-2012 réalisée par les centres antipoison et de toxicovigilance (CAPTV) a confirmé et quantifié ce risque. Le rapport de cette étude est disponible avec le lien suivant http://www.centres-antipoison.net/CCTV/Rapport_CCTV_ Dosettes_Hydrosolubles_vf.pdf Cette étude a identifié 7562 expositions aux DHS, a montré la prédominance des circonstances accidentelles (99,6%), le jeune âge des enfants (92% des exposés de moins de 5 ans et 7% de moins de un an), la fréquence des expositions symptomatiques (67%), la survenue de cas grave (1,4% des expositions). L’attractivité des dosettes (couleurs vives, aspect de « bonbons »), leur petite taille et un conditionnement laissé à leur portée et/ou mal fermé pourraient expliquer la sur représentation pédiatrique par rapport au LLC. L’existence de cas graves a conduit à des mesures de prévention appliquées par les industriels : boites opaques, fermeture sécurisée par un double clic, étiquetage de danger. La mise en évidence plus précise des circonstances ayant conduit à un accident, notamment chez le très jeune enfant, pourra permettre d’affiner les messages de prévention. A.M. Patat Erreur thérapeutique avec le Méthotrexate faible dosage Le méthotrexate (MTX) par voie orale est disponible sous formes de comprimés faiblement dosés (2,5 et 10 mg) pour le traitement de certaines maladies inflammatoires chroniques (polyarthrite rhumatoïde active, psoriasis de l’adulte, arthropathie idiopathique juvénile sévère) et en trai- tement d’entretien de certaines leucémies. La particularité de sa prescription repose sur une prise unique hebdomadaire à des doses comprises entre 7,5 et 30 mg. Ce schéma thérapeutique particulier est à l’origine d’erreurs qui se traduisent le plus Page 4 souvent par une prise journalière. Elles peuvent provenir du patient (mauvaise compréhension lors de l’instauration du traitement), d’une erreur de prescription ou d’administration (par exemple erreur de retranscription à l’occasion d’un séjour en établissement de santé ou dans les structures collectives comme les maisons de retraite). Malgré les faibles doses unitaires, une prise quotidienne (plus ou moins prolongée) peut être à l’origine d’effets indésirables hématologiques, rénaux, digestifs, parfois sévères, a fortiori lorsque le traitement est prescrit à des patients âgés. La survenue de plusieurs cas graves a justifié différentes mesures correctives successives mises en place par l’ANSM entre 2008 et 2011 (modification des RCP des spécialités concernées, mention explicite sur le conditionnement, courrier aux professionnels de santé, feuillet destiné aux patients pour leur rappeler les modalités de prise). Pour mieux évaluer les conditions de survenue et les conséquences de ces erreurs thérapeutiques, une analyse des cas enregistrés dans les bases de données des centres de pharmacovigilance (BNPV), du guichet des erreurs médicamenteuses de l’ANSM et des centres antipoisons et de toxicovigilance (SICAP) a été réalisée sur la période 2007-2013. Seuls les cas d’erreurs répétées avérées ou correspondant à des doses hebdomadaires cumulées supérieures à 30 mg ou plus de 2 fois la dose hebdomadaire prescrite ont été prises en compte. 75 cas ont été retenus (56 femmes et 19 hommes) dont 24 en 2012 et 2013, témoignant de la persistance de ces erreurs malgré les mesures de minimisation du risque. L’âge médian était de 76 ans et il s’agissait d’une indication rhumatologique dans 79% des cas. Dans 40% des cas, l’erreur est survenue à l’initiation du traitement. Une prise journalière était la cause la plus fréquente de l’erreur (88%). L’erreur s’est produite le plus souvent au domicile du patient et a eu lieu, dans un pourcentage non négligeable de cas (39%), lors d’une hospitalisation pour une pathologie intercurrente ou au sein d’un service de soins de suite ou une maison de retraite. Dans ce dernier cas, il s’agissait toujours de la poursuite d’un traitement prescrit en ambulatoire. La durée médiane de l’erreur était de 8 jours (1-90 jours) avec une dose médiane cumulée de 77,5 mg (20 à 230 mg). Le plus souvent, l’erreur a été détectée en raison de l’apparition de signes cliniques et biologiques évocateurs du surdosage (mucite intense, altération de l’état général, fièvre, dégradation de la fonction rénale, leucopénie). Si 13 patients (17%) sont restés asymptomatiques après un suivi d’au moins 4 jours à l’issue de la dernière prise de MTX, la majorité (83%) a présenté une ou plusieurs complications attribuables à l’erreur. Parmi eux, 47 patients (63%) Ecrivez-nous Centre Antipoison Centre de Pharmacovigilance 162, avenue Lacassagne 69424 Lyon Cedex 03 Tél. : 04 72 11 94 11 - Fax : 04 72 11 69 85 présentaient des critères de gravité de grade ≥ 3 selon les critères retenus par le « National Cancer Institute Common Terminology Criteria for Adverse Events ». Une atteinte hématologique était présente dans tous les cas sévères (dont 39 cas de grade 3), puis, par ordre de fréquence, on retrouvait une mucite (grade ≥ 3 dans 50 % des cas), une atteinte de la fonction rénale, une atteinte hépatique (50 % de grade ≥ 3), et des troubles digestifs. Les caractéristiques principales des patients présentant des critères de gravité, étaient un âge plus élevé (75,6 ans versus 69 ans) et une dose cumulative moyenne plus importante (93 mg versus 69 mg). L’évolution à distance des cas symptomatiques, documentée pour 55 des 62 patients, s’est faite vers le décès pour 9 d’entre eux (soit 12% de la totalité des erreurs rapportées). Tous les décès étaient consécutifs à une prise journalière avec une dose cumulée médiane de 82,5 mg. Huit des 9 décès ont été constatés dans les suites d’une erreur survenue au cours d’un séjour hospitalier ou en institution. Pour les autres patients, la guérison a été obtenue entre 5 et 45 jours. Le risque d’erreur avec le MTX faible dosage n’est pas exceptionnel et fait partie des «Nevers Events» (évènements qui ne devraient jamais arriver dans un établissement de santé). Les conséquences, notamment en cas de reconnaissance tardive de l’erreur, sont souvent graves avec un risque non négligeable de décès. Le traitement par MTX faible dosage nécessite une vigilance de tous les acteurs de soin : au moment de la prescription initiale, lors de l’ajout d’un traitement (interaction…), en cas de survenue d’une pathologie intercurrente (réévaluation de la posologie, surveillance biologique accrue), en cas d’hospitalisation ou de séjour en milieu institutionnel. Il convient de rappeler la nécessiter de mentionner clairement sur l’ordonnance (et sur le document remis au patient), le jour exact choisi pour la prise du traitement. A.M. Patat, T. Vial Appelez-nous Centre Antipoison 04 72 11 69 11 Toxicovigilance 04 72 11 94 03 Pharmacovigilance 04 72 11 69 97 Pharmaco Dépendance 04 72 11 69 92 VIGI La Fiche Technique de VIGI La Fiche Fiche Technique Technique de de La L’effet antabuse : le point en 2014 VIGItox n°55, Novembre 2014 Fiche Technique de Pharmaco-Toxicovigilance Définition de l’effet antabuse L’effet antabuse ou syndrome antabuse est une réaction provoquée par l’ingestion d’alcool (ou préparations en contenant), même en faible quantité, chez une personne rendue intolérante à l’alcool par l’exposition à certaines substances médicamenteuses ou non (champignons, produits phytosanitaires, solvants). Il se manifeste par des céphalées, un flush cutané (rougeur du visage et du tronc), des troubles digestifs (nausée, vomissements, diarrhée), un malaise général et des troubles cardio-vasculaires liés à une vasodilatation avec tachycardie réactionnelle accompagnée parfois de palpitations, d’une hypotension artérielle responsable de sensations vertigineuses et d’asthénie, voire d’un collapsus. Mécanisme à l’origine de l’effet antabuse La métabolisation de l’éthanol se fait de la manière suivante : l’éthanol est oxydé par l’alcool déshydrogénase (ADH) en acétaldéhyde. Ce dernier va subir une dégradation oxydative par l’aldéhyde déshydrogénase (ALDH) et donner de l’acétate puis de l’acétylCoA aboutissant au dioxyde de carbone, à de l’eau et de l’ATP après passage dans le cycle de Krebs. En cas d’inhibition de l’ALDH, inhibition pouvant être provoquée par un certain nombre de substances médicamenteuses ou non, l’acétaldéhyde ne peut être dégradée et s’accumule dans le sang. C’est l’accumulation d’acétaldéhyde dans le sang qui va provoquer l’effet antabuse. L’acétaldehyde, appelé aussi « éthanal » ou « aldéhyde acétique », est utilisé dans l’industrie chimique comme matière première de base dans la synthèse des acides acétiques, de résines, et d’adhésifs et dans l’industrie alimentaire comme agent de préservation alimentaire et de saveur (arôme alimentaire). On le retrouve dans la fumée de combustion, de cigarette et dans les gaz d’échappement. C’est un liquide incolore, très volatil, inflammable et miscible à l’eau. Son odeur fruitée peut être détectée à faible concentration 1 ppm (= 1.8 mg/m3) tandis qu’à forte concentration elle devient suffocante et piquante. Sous forme de vapeur, 40-70 % de la dose inhalée est absorbée. Sous forme liquide, l’absorption cutanée dépend du temps de contact entre l’acétaldéhyde et la peau ou les muqueuses. Responsable d’effets irritatifs de nature variable en fonction de la concentration et de la voie d’exposition, aucune intoxication systémique n’a été rapportée en milieu de travail. L’acétaldéhyde est classé parmi les substances pouvant être cancérogène pour l’homme (groupe 2B). Prise en charge du syndrome antabuse D’évolution habituelle spontanément favorable, il n’existe pas de traitement spécifique. Sa prévention repose sur l’exclusion de toute consommation d’alcool dans les situations à risque identifiées. Le Fomépizole (4-méthyl pyrazole), inhibiteur compétitif de l’alcool déshydrogénase hépatique (ADH) indiqué pour bloquer la métabolisation du méthanol et de l’éthylène glycol, possède également la capacité de bloquer la transformation de l’éthanol en acétaldéhyde et peut donc limiter l’aggravation d’un syndrome antabuse. Si un syndrome antabuse constitué n’est pas une indication de Fomépizole, un état de choc réfractaire dans un contexte de rechute alcoolique chez un patient traité par disulfiram, peut bénéficier de son administration en cas de persistance d’une éthanolémie significative. Les substances impliquées dans le syndrome antabuse Elles ont toutes la capacité d’inhiber l’ALDH. La durée de la période exposant au risque de survenue d’un syndrome antabuse en cas de prise d’alcool est variable d’une substance à l’autre et dépend de la durée de l’inhibition de l’ALDH. Les médicaments Certains médicaments sont incriminés dans la survenue du syndrome antabuse. L’exclusion de toute consommation alcoolique dépend de la durée du traitement mais aussi, pour les traitements de courte durée, de la durée de l’inhibition de l’ALDH dépendante :-du type d’inhibition (une inhibition irréversible expose à un risque plus prolongé qu’une inhibition compétitive) et, -de la demi-vie d’élimination de la substance impliquée. Les mécanismes à l’origine du syndrome antabuse restent encore spéculatifs pour de nombreuses substances et la durée de l’abstinence alcoolique difficile à préciser après l’arrêt du traitement en cause. 1. Le Disulfiram, molécule du sevrage alcoolique Le disulfiram est un dérivé soufré indiqué dans la dépendance alcoolique. L’inhibition de l’ALDH, qui entraîne une élévation de la concentration en acétaldéhyde 5 à 10 fois supérieure aux taux de base du sujet alcoolique, est l’effet thérapeutique recherché. L’accumulation d’acétaldéhyde liée à la rechute alcoolique est alors responsable de manifestations déplaisantes (bouffées congestives du visage, nausées et vomissements, sensation de malaise, tachycardie, hypotension) susceptibles de générer un véritable « dégoût » pour l’alcool. Le délai d’apparition des symptômes est de quelques heures et la régression se fait en un jour. 2. Les antiparasitaires Les traitements antiprotozoaires intestinaux tels que les nitro-5-imidazolés peuvent provoquer un effet antabuse. Les données de la littérature comme l’analyses des cas collectés dans la banque nationale de pharmacovigilance (BNPV) mentionne des cas avec les molécules suivantes : métronidazole, ornidazole, secnidazole et tinidazole. Les cas les plus fréquents sont rapportés avec le métronidazole (Flagyl®). Le délai d’apparition de l’effet est souvent rapide après l’ingestion d’une faible quantité de boisson alcoolisée (comme un verre de vin). Les symptômes régressent spontanément en quelques minutes à quelques heures. Bien que le secnidazole ait un usage mono dose, toute consommation alcoolique doit être évitée dans les 3 à 5 jours suivant son administration en raison de sa demi-vie de 25 heures. Le sulfiram, analogue du disulfiram, entrant dans la composition de l’Ascabiol (topique cutané utilisé pour traiter la gale) a également été impliqué, ce qui laisse supposer une absorption cutanée significative notamment en cas d’application intempestive. 3. Les antifongiques Parmi les antifongiques par voie générale, la griséofulvine et le kétoconazole sont les deux molécules identifiées pour causer un effet antabuse. Un cas récent, enregistré dans la BNPV, mentionne l’apparition d’un flush cutané, de troubles digestifs, d’une hypotension artérielle et une sensation de paresthésie des extrémités, une heure après l’absorption d’un comprimé de griséofulvine avec de la bière (33 cl). 4. Les antibiotiques Certaines céphalosporines de 2ème génération (moxalactam et céfamandole) entraînent un syndrome antabuse. Cet effet serait lié à un groupement tétrazole positionnée sur le 3ème carbone du noyau de l’acide aminocéphalosporanique des céphalosporines 2G. Cette structure chimique exercerait une action de type compétitive au niveau de l’ALDH. Le délai d’apparition des symptômes est de 15 minutes environ et leur régression spontanée est obtenue en 30 minutes. 5. Les sulfamides hypoglycémiants Le glipizide, le gliclazide et la glibenclamide, molécules de la famille des sulfonylurées, possèdent un groupement sulfonyle lié à un groupe urée (carbamide) inhibant l’ALDH. Le syndrome antabuse est marqué par une sensation de chaleur et de picotement de la partie supérieure du corps. Le délai d’apparition après l’ingestion d’une faible quantité d’alcool est de 30 à 40 minutes. La régression se fait en 2 heures environ. une cuisson prolongée. Le coprin noir d’encre, Coprinus atramentarius est le plus fréquemment impliqué notamment en cas de cuisson insuffisante. Sa substance active, la coprine [N-5-(1-hydroxycyclopropyl) glutamine] est métabolisée en 1-aminocyclopropanol. C’est ce métabolite qui va inhiber l’ALDH et provoquer l’accumulation d’acétaldéhyde liée à une prise d’alcool. Le délai nécessaire à une inhibition significative de l’ALDH est de 1 à 3 heures et une alcoolisation très modérée concomitante au repas peut n’avoir aucune conséquence si l’éthanol est métabolisé avant que l’inhibition de l’ALDH soit suffisante. A l’inverse et en raison d’une inhibition prolongée de l’ALDH sur 3 à 5 jours, un syndrome antabuse peut apparaître lors d’une prise d’alcool à distance de l’ingestion des champignons (notamment au cours des repas suivants). Si les symptômes régressent habituellement en 2 à 4 heures, des évolutions plus lentes ont été rapportées. A titre d’exemple, chez un patient ayant présenté un effet antabuse typique, 2 heures après un repas de coprins accompagné de 3 pintes de bières, une tachycardie a persisté pendant 2 jours. D’autres champignons peuvent être impliqués comme le Boletus luridus contenant de la muscarine et les gyromitres contenant de l’hydrazine. Les champignons Certains champignons comestibles sont composés de toxines inhibant l’ALDH. Ces toxines peuvent être dégradées par Classez la Fiche Technique de chaque numéro de VIGItox Les expositions professionnelles 1. La cyanamide calcique C’est un engrais minéral utilisé en agriculture. Lors de l’épandage, l’absorption se fait par voie percutanée et/ou par déglutition des poussières inhalées. Cette substance est un puissant inhibiteur de l’ALDH hépatique. La symptomatologie du syndrome antabuse secondaire à l’absorption d’alcool, régresse en moins de 24 heures. 2. Le thirame et le zirame Ce sont des fongicides de contact à large spectre appartenant à la famille des dithiocarbamates. De structure apparentée au disulfiram, ce sont des inhibiteurs de l’ALDH. L’exposition à ces fongicides se fait au moment de leur pulvérisation et l’intolérance à l’alcool (s’exprimant 30 à 60 minutes après l’ingestion d’une boisson alcoolisée) peut persister cinq à dix jours après l’arrêt de l’exposition professionnelle. 3. N,N-DiMéthylFormamide (DMF) C’est un solvant utilisé dans la fabrication des fibres acryliques et des cuirs synthétiques. Il pénètre dans l’organisme au niveau percutané ou par inhalation (70% de la dose inhalée de DMF est absorbée). Il existe différents métabolites conjugués du DMF : le HMMF, le NMF et le HMF. Ces derniers sont responsables d’une inhibition compétitive de l’ALDH. S. Bost