Cons vaincus - Maison des Leaders

Transcription

Cons vaincus - Maison des Leaders
Entre vous et moi Rémi Tremblay est patron depuis l’âge de 22 ans. Ancien PDG d’Adecco Canada,
il a fondé Esse Leadership, une firme qui accompagne les leaders et leurs équipes.
Son dernier ouvrage, J’ai perdu ma montre au fond du lac (2009), coécrit avec
Diane Bérard, indique aux gestionnaires la voie de la tranquillité.
74
Cons vaincus
En tant que leaders, nous cherchons sans cesse à convaincre
les autres. Pour y arriver, nous développons notre pouvoir de
persuasion et nous étudions des techniques de communication. Notre objectif : rallier les autres autour de notre vision
des choses, en pensant : « Qui m’aime me suive! » C’est
d’ailleurs la mission que je m’étais donnée quand je suis
devenu patron.
Avant de nous présenter devant
ceux que nous avons à convaincre
(employés, membres des conseils
d’administration, clients), nous
nous préparons mentalement et
nous élaborons des argumentaires solides, animés par
la volonté de faire passer nos
points de vue, parce que
nous tenons à avoir raison.
Bref, nous voulons gagner.
Avec une telle attitude de
conquérants, soit nous débattons « contre » ceux qui
n’adhèrent pas à notre point
de vue, soit nous faisons taire
ceux qui, même s’ils ont des
idées géniales, renoncent à les
faire valoir parce qu’ils n’aiment pas
la bagarre. Nous sortons alors de ces
échanges, pour le moins stériles, gonflés
à bloc. Et nous savourons notre victoire en nous
disant : « Ça y est, je les ai cons vaincus ! »
Mais, au fond, qui veut des employés cons vaincus, qui
ne pensent plus par eux-mêmes ou qui ont renoncé à
se battre ? Ou, pire encore, qui veut des collègues qui feignent
de se rallier à nos idées simplement pour nous flatter ?
En Occident, on nous enseigne toute notre vie comment
en imposer aux autres. Or, je propose que les leaders développent une autre façon de faire, qui repose sur la découverte des
autres. Comment mieux les comprendre, connaître leurs
points de vue, leurs intentions, leurs projets, leurs rêves ?
Comment recueillir l’opinion de chacun, lancer le dialogue,
provoquer des questionnements ? Le but, c’est de stimuler
l’intelligence, l’autonomie et la liberté de penser, afin que
jaillissent de meilleures idées.
À cette fin, je suggère un mode de gestion davantage axé
sur l’écoute, pour inspirer une parole encore plus juste.
Au cours d’un récent voyage au Burkina Faso que j’ai fait
en compagnie d’un groupe de leaders, nous avons
eu le privilège de rencontrer le roi des Mossi,
un peuple de ce pays. Quand l’un de nous
lui a demandé quelles étaient selon lui
les trois qualités essentielles d’un
leader, il a répondu : « L’écoute,
l’écoute et l’écoute. » Une réponse qui m’a conforté dans
ma conception du leadership.
À l’évidence, il faut porter
plus d’intérêt aux autres,
croire à leur potentiel, à la
richesse de la diversité des
regards et à la force exponentielle du dialogue. Certes,
cela exige une bonne dose
de confiance en soi, alliée à
une solide résistance face aux
jugements de ceux qui verront
dans ce comportement d’ouverture
un manque de leadership ou de
vision personnelle.
Pour ma part, ce changement d’attitude
— qui privilégie la découverte de l’autre au lieu de sa conquête
—, a enrichi ma pensée, ma faculté de discernement et la pertinence de mes décisions. Quand il n’est plus question de con
vaincre à tout prix, chaque personne s’engage dans
l’action, ayant trouvé par elle-même un sens à la vision commune. Et, loin de « noyer » ma vision des choses, cette approche me conduit à des sommets que je n’aurais jamais osé rêver
d’atteindre seul. Me voilà donc le seul « vaincu » par cette
approche, qui s’avère brillante et payante.
Et vous… Quel sera votre objectif à votre prochaine
rencontre de gestion : comprendre ou être compris ?
Illustrations : Martin Gagnon (R. Tremblay), Boris Zaytsev

Documents pareils