10 | Passé, présent, futur

LES CHRONIQUES D’HUBERT JAPPELLE
La démocratie et la culture en question
10 | Passé, présent, futur
La perte des mémoires collectives, l’abrasement des particularités,
l’éradication des cultures, l’uniformisation des goûts, des usages,
etc,
sont bien les conditions de la réalisation du plus misérable
projet qu’il soit possible de concevoir : une production et une
consommation rationalisée à l’échelle de toute la planète. Or c’est,
la mémoire, les mémoires, toutes les mémoires qui sont les « cibles »
stratégiques de ce projet débile et monstrueux. C’est en travaillant
méthodiquement à cette amnésie générale que cette économie là, met
notre liberté en jeu, qu’elle nous menace de nous précipiter têtes
vides dans le monde vide qu’elle crée. Dans ce contexte sans
précédent, dans la nécessité où nous sommes à devoir faire face à la
situation inédite dans laquelle nous nous trouvons tous, la plus
extrême vigilance intellectuelle s’impose, et nous impose de nous y
opposer d’abord par la force de la pensée critique, par la
reconsidération de notre rapport à l’histoire afin de nous resituer
dans une durée, qui lie de façon dynamique passé, présent et avenir.
Citons encore Anna Arendt dans sa préface à la crise de la culture :
« la transmission des œuvres du passé n’a rien de passéiste, du rêve
d’un retour en arrière. Le passé, mais également le futur est une
force et non un fardeau que l’homme devrait porter sur ses épaules
comme un poids mort dont les vivants devraient se débarrasser dans
leur marche vers le futur. » « Le passé n’est jamais mort dit William
Faulkner, il n’est même pas passé. » Ce passé, reprend Anna Arendt,
qui s’étend jusqu’à l’origine, ne nous tire pas en arrière, mais nous
pousse en avant. Pour l’homme qui vit toujours dans l’intervalle entre
le passé et le futur, le temps n’est pas quelque chose de continu, le
temps est brisé en son milieu là où nous vivons, et ce point est le
moment du constant combat qui nous fait exister entre passé et futur.