ALIMENTATION DE L`IMMUNODEPRIME Objectifs - CClin Sud-Est

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ALIMENTATION DE L`IMMUNODEPRIME Objectifs - CClin Sud-Est
ALIMENTATION DE L’IMMUNODEPRIME
Alimentation
GARDES E, Toulouse
Octobre 2009
Objectifs
Fournir aux malades immunodeprimés une alimentation aussi dépourvue que possible de germes, de façon
à ce qu'elle ne représente pas une source de contamination pour ces patients, tout en assurant une certaine
diversité et une qualité gustative du fait de leur habituelle inappétence.
Maîtriser le risque aux différentes étapes de la production ; de la préparation en cuisine, à la remise en
condition dans les unités de soins, jusqu'à la remise au patient (selon démarche HACCP).
Techniques et méthode
I – Rappel des risques liés à l’alimentation de l’immunodéprimé
Même si la fréquence des toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) et le taux de morbidité sont très
inférieurs aux chiffres extrahospitaliers, l’alimentation représente un risque important de bactériémie chez les
malades immunodéprimés.
Deux types de risques doivent être maîtrisés :
•
Les risques alimentaires classiques liés à la production de repas en collectivité qui ont trois
origines possibles :
o La contamination initiale peut être le fait du fabricant et/ou fournisseur
o La multiplication des microorganismes qui sont éventuellement présents dans les denrées alimentaires
(matières premières) est liée principalement aux facteurs temps et température.
o La recontamination microbienne peut provenir des denrées alimentaires non conditionnées ou de
l’environnement : atmosphère, personnel, participation de non-professionnels à la préparation des repas,
défauts de nettoyage et de désinfection des matériels en contact avec les denrées alimentaires.
•
Les risques liés à l'immunodépression impliquant des germes opportunistes présents dans ou
sur les aliments et susceptibles d'infecter le patient par la voie digestive ou respiratoire. Le risque
aspergillaire, dont la contamination est principalement aéroportée mais non exclusivement, est à prendre en
compte particulièrement chez ces patients.
La diminution des risques d’infection à porte d’entrée digestive se fait par réduction de la flore digestive
(décontamination digestive) et par réduction de la quantité de germes apportés par l’alimentation. On parle
dans ce cas d’alimentation pauvre en germes ou décontaminée ; aucun aliment ne pouvant être stérile, on le
considère décontaminé quand la flore microbienne totale est inférieure à 100 000 bactéries par gramme.
Ces mesures visent à éviter l’apport de tout microorganisme pathogène et à réduire l’apport des
microorganismes non pathogènes.
Ce sont surtout les patients d'hématologie en aplasie profonde (inférieure à 500 polynucléaires) et/ou
prolongée (supérieure à 10 jours), principalement après intensification pour auto ou allo-greffe de moelle
osseuse ou après chimiothérapie très hématotoxique, qui relèvent de ces recommandations.
Mais une évaluation du risque potentiel au cas par cas doit être conduite pour tout patient immunodéprimé.
II – Choix des aliments pour l’immunodéprimé
Il n’existe pas de normes spécifiques pour les modalités de traitement des aliments pour immunodéprimés. Il
est recommandé, parallèlement à l’application des bonnes pratiques d’hygiène alimentaire, de fixer des
seuils qualitatif et quantitatif acceptables en fonction du niveau d’immunodéppression, ainsi que la liste des
aliments à exclure et les méthodes d’assainissement correspondantes.
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1) Aliments à proscrire
-
produits végétaux crus non épluchables de manière aspetique car risque d’infections à E.coli,
Listeria et Salmonella
charcuteries crues ou conditionnées sous vide après cuisson car risque d’infections à Clostridium et
Listeria
viandes et volailles crues ou peu cuites car risque d’infections à Campylobacter jejuni, Salmonella
enteridis et Staphylocoques
œufs crus ou cuisinés car risque d’infections à Salmonella enteridis et Staphylocoques
poissons et fruits de mer crus ou cuisinés car risque d’infections à Vibrio species, à virus à tropisme
gastro-intestinal et Cryptosporidium parvum
produits laitiers crus ou pasteurisés car risque d’infections à E.coli, Listeria et Staphylocoques
lait non pasteurisé, bière, cidre et jus de fruits frais ou pasteurisés car risque d’infections à Brucella,
E. coli, Salmonella et Cryptosporidium
eau chaude sanitaire, eau du robinet, glaçons car risque d’infections à Pseudomonas aeruginosa et
à germes aérobies
pain car risque d’infections à Bacillus
plantes, aliments ou aromates susceptibles d’être contaminées par des spores aspergillaires (thé,
poivre, potages lyophilisés, kiwis,…)
2) Aliments retenus pour l’alimentation de l’immunodéprimé
Selon leur qualité microbiologique et leur procédé de production, les aliments tolérés peuvent être classés
en deux catégories. Les méthodes d’assainissement possibles sont :
- la pasteurisation 65-100°C
- la stérilisation humide 120°C – UHT 140°C – sèche 180°C
- le chauffage en four à air pulsé 250°C
- la radappertisation
Tableau I : Aliments retenus pour l'alimentation de l'immunodéprimé
2. Aliments subissant un procédé
d’assainissement dans l’établissement
Caractéristiques Aliments industriels dont la contamination est Aliments subissant un procédé
nulle ou très faible, pouvant être remis tels d’assainissement validé, assurant un niveau
quels après désinfection de leur enveloppe
de contamination faible, surveillé juste avant
remise au patient
2a.Plats cuisinés élaborés en cuisine
1a.Produits industriels ne se conservant pas
centrale et conditionnés en barquette
au frais, non périssables (date péremption
individuelle (aluminium préférable) ou
>1an) et en récipients multidoses : brique,
conserve
conserve, flacon verre
Catégories
Aliments
1. Aliments satisfaisants d'emblée
1b. Produits industriels ne se conservant pas
au frais, non périssables (date péremption
>1an) et en conditionnement individuel:
biscuits secs, biscottes, confitures, chocolat
2b. Fruits épluchables parfaitement sains :
pommes, oranges, bananes
1c. Préparations lactées non fermentées et en
conditionnement individuel : fromage à
tartiner, tranches de fromage à pâte molle,
crèmes desserts
Boissons
1d. Eau embouteillée destinée à l’alimentation 2c. Produits déshydratés : potage, tisane,
avec contrôle visuel de la propreté
café soluble
Eau des fontaines réfrigérées avec contrôle
de potabilité et recherche des germes de
l’hospitalisme
Lait UHT
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III – Préparation des différents groupes d’aliments retenus
1) Locaux et bionettoyage
Il n’existe pas de réglementation précise sur les locaux mais la conception architecturale doit permettre le
respect de la marche en avant. L’office relais n’est pas destiné à la confection ni à la cuisson des aliments
mais peut être utilisé éventuellement au conditionnement des plateaux repas, voire au réchauffement des
plateaux différés. L'office alimentaire sera protégé de tout accès pendant le temps d’utilisation.
La fréquence du bionettoyage est définie selon les surfaces et matériels à traiter et en fonction de l’activité.
Un détergent-désinfectant ayant l’agrément alimentaire (DDA) est préférable.
2) Hygiène du personnel
Lors de la manipulation des aliments, le personnel respectera les règles habituelles d'hygiène corporelle et
comportementale: pas de bijoux, lavage hygiénique des mains, ou désinfection par friction avec une solution
hydroalcoolique (SHA), tenue propre, port de surblouse, gants à usage unique, masque et charlotte.
3) Matériel
Les surfaces de travail et les plateaux seront nettoyés et désinfectés avec un DDA, avant le dressage.
Au niveau des risques liés à la vaisselle, aucune contamination n’a été rapportée à ce jour. Il est donc inutile
de stériliser la vaisselle et celle-ci peut donc être :
- à usage unique non stérile mais dont la contamination aura fait l’objet d’une étude
- traitée en lave-vaisselle qualifié et régulièrement entretenu, possédant un cycle de désinfection
(température de rinçage de 90°C). La vaisselle ainsi traitée ne devra pas être manipulée avant le dressage
du plateau, en conséquence elle sera maintenue dans le lave-vaisselle fermé.
Les carafes et pots à eau subissent un traitement quotidien, car l’eau est servie pour une durée maximum de
24h. Et ce matériel est remplacé par du matériel propre pour les besoins supplémentaires au cours des 24h.
4) Préparation et distribution des produits de la première catégorie
Les produits industriels en récipients multidoses (1a) sont ouverts au dernier moment, après avoir désinfecté
l'enveloppe extérieure à l'aide d'une lingette imprégnée d'un DDA. Le transfert du produit dans l'assiette
propre se fait dans des conditions d'environnement protégées (portes et fenêtres fermées, sans allées et
venues d'autres personnels) et/ou sous hotte à flux laminaire. Le réchauffage est défini selon les recettes
(four air pulsé ou four micro ondes > 1300W).
Les produits industriels en portions individuelles (1b, 1c) sont présentés au patient après élimination de
l'emballage extérieur (carton) et désinfection du conditionnement à l'aide d'une lingette imprégnée d'un DDA.
Le patient peut ouvrir lui-même les opercules à l'exception de ceux des boîtes métalliques coupants.
Le plateau est dressé au dernier moment en respectant les chaînes chaudes et froides. Pour son transport
jusqu'à la chambre d'isolement, le plateau peut être couvert d'une protection (cloche, film, chariot fermé) qui
sera ôtée avant son introduction dans la chambre.
5) Préparation et distribution des produits de la seconde catégorie
Les plats cuisinés conditionnés en barquettes individuelles (2a) sont, après avoir désinfecté à l’aide d’une
lingette imprégnée d’un DDA l’enveloppe extérieure, remis en température dans un four à chaleur pulsée
(250°C) au dernier moment.
Les plats cuisinés conditionnés en conserve (2a) sont ouverts au dernier moment, après avoir désinfecté
l'enveloppe extérieure à l'aide d'une lingette imprégnée d'un désinfectant alimentaire. Le transfert du produit
dans l'assiette propre se fait dans des conditions d'environnement protégé (portes et fenêtres fermées, sans
allées et venues d'autres personnels) ou sous hotte à flux laminaire. Le réchauffage est défini selon les
recettes (four air pulsé ou four micro ondes > 1300W).
Les fruits pelables (2b) doivent être désinfectés avant, épluchage sous flux laminaire et dépôt dans un
récipient propre, ou épluchage par le patient.
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Les produits déshydratés (2c) sont reconstitués extemporanément dans l'office. Ils font l'objet d'une ébullition
d'au moins une minute avant d'être versés dans un récipient propre.
Le plateau est dressé au dernier moment en respectant les chaînes chaudes et froides. Pour son transport
jusqu'à la chambre d'isolement, le plateau peut être couvert d'une protection (cloche, film, chariot fermé) qui
sera ôtée avant son introduction dans la chambre.
IV - Surveillance
1) Surveillance du process
La surveillance de la qualité de la nourriture doit être faite à toutes les étapes de la chaîne alimentaire
pouvant intervenir sur la qualité du produit, en cuisine centrale et dans les offices. Elle fait l’objet d’une
traçabilité rigoureuse.
2) Contrôles microbiologiques
Des contrôles alimentaires permettent d’évaluer la qualité microbiologique du produit et de valider la maîtrise
des points critiques. Ces contrôles jusque dans les unités de soins sont les gages de la qualité et de la
sécurité. Malheureusement, il n'existe pas de critères microbiologiques spécifiques pour l'alimentation des
immunodéprimés. Les valeurs cibles et valeurs d'action, ainsi que la fréquence des contrôles doivent être
définies en interne, selon sa propre analyse du risque.
Pourront être effectués :
• Des contrôles de validation des nouveaux produits de la première catégorie
L'évaluation de la qualité microbiologique d'un nouveau produit voulant être présenté tel quel au patient
pourra être faite par le biais d'une analyse microbiologique sur au moins 5 échantillons du même produit,
tous satisfaisants.
• Des contrôles de routine sur des plats témoins de la deuxième catégorie ayant subi le même procédé
d’assainissement
On peut se contenter d'un simple dénombrement des microorganismes aérobies à 30°C dans la mesure où
la qualité microbiologique des plats avant réchauffage est validée par les autocontrôles réglementaires
imposés à la cuisine centrale. Mais des seuils microbiologiques complémentaires au cours de l’isolement
protecteur peuvent être vérifiés : flore totale < 100 UFC/g et absence de Pseudomonas aeruginosa,
Aspergillus sp. et autres pathogènes/g d’aliment.
• Des prélèvements de surfaces, de l’environnement et des matériels
Ils sont faits pour juger et de la qualité du bionettoyage, et d’une éventuelle contamination, avec des valeurs
cibles définies par le CLIN.
3) Satisfaction des patients
Le questionnaire de sortie est l’occasion de recueillir l’avis des patients en matière d’alimentation, au niveau
de la diversité et du goût notamment. En effet, la qualité de l’alimentation peut influer sur la composante
psychologique dans le processus de guérison chez ces patients fragilisés souvent dénutris.
Responsables
I – Réglementation
Le règlement CE n°852/2004, à l’intention des exploitants du secteur alimentaire, fixant des règles générales
d’hygiène applicables à toutes les denrées alimentaires, est applicable depuis le 1er janvier 2006 et
s’applique pour l’ensemble de la chaîne alimentaire : de la préparation à la consommation. Il vient en
remplacement des dispositions jusque là opposables dans notre pays, avec en particulier, l’arrêté du 29
septembre 1997 ou Arrêté de Restauration collective/Sociale (ARS).
Les sept principes de l’HACCP sont repris par ce règlement.
Dans le cadre de la certification des établissements de santé, l’alimentation et la préparation des repas sont
des secteurs qui participent aux soins et font l’objet d’une évaluation, au sein des fonctions hôtelières. La
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fonction restauration ne se limite pas à la cuisine centrale, elle exige une réponse globale et pluridisciplinaire
qui place le repas, élément du soin au patient, au cœur de la réflexion.
II - Acteurs
Le médecin clinicien est le seul responsable pour le choix des aliments autorisés pour chaque patient selon
le degré d’immunodépression.
Le cadre infirmier ou diététicien s'assure du respect des procédures et de la gestion du système qualité.
Le patient et son entourage devront être informés des contraintes liées à son alimentation.
L’hygiène alimentaire à l’hôpital s’inscrit dans la politique générale de lutte contre les infections
nosocomiales, donnant au CLIN une responsabilité à part entière dans ce domaine, mais aussi au titre des
surveillances et dans le cadre de la maîtrise de l’environnement.
Par voie de circulaire, la mise en place d’un Comité de Liaison en Alimentation et Nutrition (CLAN) est
encouragée. Il a surtout pour objectifs de s’intéresser aux apports nutritionnels des patients.
Comme toute entreprise de restauration collective, les organismes de contrôle sont sollicités : services
vétérinaires, direction de la concurrence et de la consommation, direction des affaires sanitaires et sociales.
Pour en savoir plus
Guides et recommandations
Haute Autorité de Santé. Manuel de certification des établissements de santé V2010. 2009. (NosoBase
n°25646)
CCLIN Sud-Est. Démarche HACCP en cuisine centrale. Fiches pratiques pour la prévention du risque
infectieux, Mai 2004. (NosoBase n°13712)
CCLIN Sud-Est. Démarche HACCP en office alimentaire de service. Fiches pratiques pour la prévention du
risque infectieux, Mai 2004. (NosoBase n°13713)
Règlement CE n°852/2004 du parlement européen et du conseil du 29 avril 2004, relatif à l’hygiène des
denrées alimentaires. Journal Officiel de l’Union Européenne du 30 avril 2004 : 1-54. (NosoBase n°25760)
CCLIN Ouest. Hygiène de la restauration dans les établissements de santé. 2001; 75 pages. (NosoBase
n°8617)
CCLIN Sud-Ouest. Hygiène en restauration dans les établissements de santé. 2000; 48 pages. (NosoBase
n°7962)
CDC. Guidelines for preventing opportunistic infections among hematopoietic stem cell transplant recipients.
2000; 49(RR10): 1-128. (NosoBase n° 22065)
Fédération Nationale des Centres de Lutte Contre le Cancer. Standards, Options et Recommandations pour
la surveillance et la prévention des infections nosocomiales en cancérologie. Bulletin du Cancer 2000 ; 87(78): 557-591. (NosoBase n°20205)
Société Française d’Hygiène Hospitalière. Conférence de consensus : Prévention du risque aspergillaire
chez les patients immunodéprimés. Hygienes 2000; VIII(6): 305-598. (NosoBase n°11219)
Ministère de la santé publique et de l’environnement de Belgique. Recommandations du conseil supérieur
d’hygiène : Hygiène dans le secteur alimentaire. 1993.
Références
Gardes E, Verdeil X, Marty N. Modalités de préparation de l’alimentation du patient greffé de moelle
osseuse. Hygiènes 2009; XVII(1) : 53-58. (NosoBase n°24246)
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Thiveaud D. Hygiène et sécurité alimentaire en milieu hospitalier. Argos 2006 : 1-12.
Decade C, Marty L, Cabrit R, Manuel C, Demontrond D, Mann G. Gestion du risqué infectieux d’origine
alimentaire dans les unités de soins. Congrès national de la SFHH 2005 ; 29-32.
Darmon M, Azoulay E. Isolement du patient immunodéprimé en réanimation : propositions de
recommandations. Réanimation 2002; 11(4): 284-287. (NosoBase n°25752)
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