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France 9 0123 Dimanche 30 - Lundi 31 janvier 2011 Jean-Noël Jeanneney: «Prenons garde à la France qui gronde» L’historien juge urgent de légiférer sur les conflits d’intérêts, alors que l’hostilité croît envers les politiques Entretien H istorien, ancien ministre, Jean-Noël Jeanneney réagit à l’annonce d’une loi destinée à lutter contre les conflits d’intérêts dans le droit-fil des mesures proposées par le rapport Sauvé, rendu mercredi 26 janvier. Il estime que ce serait le signe d’une démocratie mature. Auteur d’un livre sur les milieux d’affaires et le pouvoir au XXe siècle, L’Argent caché (Seuil, 1984), il juge préoccupante l’hostilité de l’opinion envers le personnel politique. Faut-il légiférer sur les conflits d’intérêts, comme vient de l’annoncer Nicolas Sarkozy ? Ce n’est pas parce que le projet d’une nouvelle loi est brandi par lui à chaque fait divers qu’il faut déconsidérer le principe d’une législation sur une affaire aussi importante que le conflit d’intérêts. Il s’agirait de tout sauf d’une loi de circonstance : la maturation d’un esprit républicain. Le président de la République a protégé Eric Woerth, défendu et décoré Jacques Servier. Il recevait mardi le Premier Cercle des donateurs de l’UMP, priés de participer à l’élaboration du projet pour 2012. Est-il crédible ? Je ne suis pas choqué qu’un avocat ait exercé son métier naguère en défendant tel ou tel ; ce qui me heurte, c’est que Nicolas Sarkozy, devenu président, ait décoré son ancien client Jacques Servier avec tant d’éclat. La grand-croix ! Je songe à Pierre Laval disant un jour à Bertrand de Jouvenel, vers 1935 : « Voyez-vous, mon petit, ces deux tiroirs, ça joue un grand rôle dans notre République : décorations et fonds secrets. » Je note aussi que le président actuel est enclin à nouer des amitiés ostensibles avec les héritiers d’entreprises dépendant des marchés publics – à qui on n’interdit pas, hélas ! soit dit en passant, de posséder des groupes de presse, conflit d’intérêts majeur – et qui n’ont pas acquis leur pouvoir éco- nomique par le chemin de la méritocratie. Cela dit, je rends hommage à celui qui a commandé ce rapport – hommage suspendu à la volonté qu’il aura de l’appliquer. Si, très vite, il saisit l’occasion de faire avancer les choses, alors d’un mal sortira peut-être un bien. Mais, échaudé par tant d’annonces évanouies, je reste prudent. Pourquoi la France accuse-t-elle un retard dans la lutte contre les conflits d’intérêts ? Tenons compte de son histoire. Richelieu jugeait « normal que les ministres veillent sur leur fortune en même temps que sur celle de l’Etat ». Colbert et les siens se sont largement enrichis. La première rupture a été celle de la Révolution, l’époque de Robespierre « l’Incorruptible ». La seconde a été la Résis- «Il faut rappeler quels dommages la IIIe République a subis du fait de la prolifération des “avocats-conseils”» tance, marquée par la puissance des « trusts » d’avant-guerre, par la vénalité de la presse, par le mélangedesgenres des avocatsd’affaires. Depuis 1945, on a progressé, mais à la manière des pèlerins d’Echternach (au Luxembourg) : deux pas en avant, un pas en arrière. La législation sur le financement des partis politiques ou le plafonnement des dépenses de campagne, deux pas en avant. La création de micropartis pour contourner la loi, un pas en arrière. L’affaire Woerth est-elle le seul déclencheur de la prise de conscience actuelle ? Elle présente un caractère involontairement didactique, jetant soudain une lumière crue sur un entre-deux, à mi-chemin entre la corruption à proprement parler et lebonsens dequelquesnormesélémentaires. Mais un autre puissant déclencheur s’impose à l’attention : l’ouverture démesurée de l’éventail des salaires, avec, en haut del’échelle,ledévergondagedeprofits insensés ; prenons garde à la France qui gronde ! Je rends d’autre part hommage au livre de Martin Hirsch,Pour en finir avec lesconflits d’intérêts (Stock, 2010), qui a compté dans le déclic. Comme toujours en histoire : tendance profonde et révélateur soudain. Les explosions sociales surgissent ainsi. La tolérance au scandale a-t-elle évolué ? Les scandales se dessinent toujours à la rencontre de trois paramètres. Premier paramètre, le niveau de la tentation : limitonsles. Le deuxième concerne la capacité d’investigation : qui contrôle etavec quels moyens légaux et pratiques ? La création d’une Autorité de la déontologie, proposée par le rapport Sauvé, serait opportune. Le troisième paramètre est le niveau d’indignation, qui varie selon les périodes. Le cynisme affiché est le frère de la résignation. Il y a cinquante ans encore, quand un cadre terminait sa carrière dans une banque, tout le monde trouvait normal de lui donner un tuyau boursier pour lui permettre d’arrondir sa retraite ; c’était pourtant, à nos yeux, un délit d’initié caractérisé. Philippe Berthelot, secrétaire général du Quai d’Orsay, menait grand train dans les années 1920, grâce à son frère, président de la Banque industrielle de Chine. Jusqu’au jour où l’on s’aperçut qu’il envoyait des télégrammes diplomatiques pour soutenir cet établissement en difficulté… La « République irréprochable » est-elle un bon argument de campagne pour 2012 ? La République irréprochable comme un but, oui bien sûr, sachant que l’on y restera toujours asymptotique, mais sans renoncer à y tendre. Ce n’est pas seulement une question de morale civique ; il s’agit de ne pas laisser le champ libre à ceux qui agitent le thème du « Tous pourris ». Le démagogique ERIC GARAULT/PICTURE TANK POUR « LE MONDE » «Qu’ils s’en aillent tous !» de Mélenchon renvoie tout droit au « Sortez les sortants !» de Poujade à la fin de la IVe république. L’hostilité au personnel démocratique atteint ces temps-ci un étiage préoccupant. C’est notamment pour cela qu’il faut avancer promptement dans le sens du rapport Sauvé. Y compris pour mettre fin au cumul des mandats, bel exemple de conflit d’intérêts: je ne parviens pas à concevoir comment on peut être à la fois ministre responsable d’une politique nationale et maire d’une grande ville dont on est voué à défendre les intérêts spécifiques. Les Français sont demandeurs de l’interdiction radicale du cumul, mais pas le personnelpolitique.Sansdoutefaudra-t-il procéder par référendum. Quelles sont les limites de la transparence ? Le secret estlégitimepour protéger la vie privée des citoyens. Sans séparation entre la sphère publique et la sphère privée, il n’y a plus de démocratie qui vaille. Quant à l’Etat, on ne peut pas gouverner derrière une vitre ; mais les pou- voirs publics ont spontanément tendance à maintenir l’opacité au-delà du temps légitime, éventuellement pour couvrirl’inavouable : aux forces d’investigation, notamment la presse, de contrebattre cela. Dans les relations individuelles, il faut appliquer la maxime du cardinal de Retz (1613-1679) : « On est toujours plus trompé par méfiance que par confiance. » Mais dans les affaires d’Etat, la défiance est légitime en face de tous ceux qui ont l’honneur (parfois la présomption) de trancher au nom de l’intérêt général. De plus en plus de députés deviennent avocats d’affaires. Qu’en pensez-vous ? Sous la Ve République, une première génération a été marquée par la Résistance, le service de l’Etat, l’esprit de reconstruction. La deuxième génération a été celle des énarques. Arrive maintenant une vague d’avocats d’affaires, avec les Sarkozy, Borloo, Copé, Lagarde… Il ne s’agit pas de les ostraciser, mais de leur rappeler quels dommages la IIIe République a subis du fait de la prolifération des « avocats-conseils » payés non au dossier mais par mensualités. Je dédierais volontiers cette phrase de Poincaré à Jean-François Copé : « Qu’il garde sa robe et il aura tous les jours à se demander : “Puis-je accepter ce dossier ?” Bien souvent, en effet, les clientschercheront l’homme politique beaucoup plus que l’avocat… » Une législation sévère en matière de vie publique ne risque-t-elle pas d’en détourner les candidats qui viennent du secteur privé ? Non, si l’on s’attache à mieux aménager la sortie des parlementaires lorsqu’ils sont battus. Pas de démagogie ! « Si vous ne payez pas les députés, disait Talleyrand (bon connaisseur en matière d’argent caché…), ils vous coûteront bien plus cher. » Il faut expliquer inlassablement qu’il existe un coût de la démocratie – mais les citoyens n’y pourvoiront de bon cœur que si les comportements sont convenablement rigoureux. p Propos recueillis par Béatrice Gurrey LucChatelsouhaiteredonnerlegoûtdessciencesetlamaîtrisedeleursfondamentaux Lundi 31janvier, le ministre de l’éducation doit annoncer un plan pour tenter de réconcilier les jeunes Français avec les mathématiques D imanche 23 janvier, il promettait de « réinventer l’apprentissage de l’anglais », mardi 25, il allait bouleverser les rythmes scolaires. Lundi 31, Luc Chatel, ministre de l’éducation, devait annoncer une refonte de l’enseignement des sciences. Entre les jeunes Français et les mathématiques, le divorce est consommé. Selon les résultats de l’évaluation internationale PISA publiés le8 décembre 2010, laFrance a glissé en six ans du groupe des forts en maths à celui des pays de l’OCDE juste moyens. En octobre, l’enquête ministérielle intitulée « Les compétences des élèves en mathématiques en fin de collège » a montré que 44 % des élèves étaient « encore en cours d’apprentissage sur tout ou partie desfondamentaux de la discipline ». Les élèves préparent lebac S plus pour le prestige de la filière que par goût. La licence de sciences, qui devrait en être le débouché naturel, n’attire que 11 % des bacheliers, contre 24 % en 1996 et 17 % en 2002. Entre 2002 et 2009, le nombre d’étudiants en formation scientifique ou d’ingénieur a décru de 5,9 % ; celui des étudiants en sciencesfondamentalesde17%,celuides SVT (sciences de la vie et de la terre) de 9,4%. Les écoles d’ingénieurs, en revanche, continuent à plaire. En fait, les sciences ne font plus rêver. Comme si, à force de les avoir érigées en outil de sélection, on les avait vidées de leur sens. Le chemin de la reconstruction risque d’être long. Pour y parvenir, le ministre de l’éducation nationale veut s’appuyer sur deux leviers : un travail sur les fondamentaux et des initiatives d’ouverture. Le ministre devait rappeler l’importance de l’apprentissage par cœur des tables de multiplication etdemanderauxmaîtres «unepra- tique quotidienne du calcul mental ». Les maîtres seront en outre mieux préparés, avec un concours revisité pour vérifier leur maîtrise des sciences. Discipline plus conviviale L’objectif du plan est aussi de changer l’image des maths, en rendant la discipline plus conviviale L’inspection générale y a travaillé. A titre expérimental, 13 académies vont proposer pendant les petites vacances des stages de maths élaborés avec des universités ou des entreprises, afin de développer le goût de cette discipline. Biologiste Dimanche Soir Politique reçoit et polytechnicien, auteur de plusieurs rapports sur l’éducation, François Taddei estime que « lorsqu’on réussira à faire comprendre aux élèves que les maths ne sont pas une discipline abstraite qui ne sert à rien, mais une discipline qui a largement fait avancer l’humanité, on aura franchi un grand pas ». La réforme du lycée, qui entre en vigueur à la rentrée 2011 en classe de 1re, ne favorise cependant pas les sciences. Les élèves de 1re scientifique vont perdre une heure hebdomadaire de maths, une heure et demie de physique et une heure de SVT. Bien trop aux yeux des profes- seurs. Et la demi-heure de plus de maths en terminale ne permettra pas de rattraper le retard. « Nos lycéens sont loin d’être idiots. Mais un élève qui n’a que les cours du lycée n’a pas assez de temps pour assimiler les connaissances», regrette Véronique Chauveau, enseignante, vice-présidente de l’association Femmes et mathématiques, qui se bat pour en faire une discipline attrayante à travers des clubs de sciences qu’elle a montés dans son lycée. Sans attendre le plan Chatel, puisque son premier club date de 1996.p Maryline Baumard Valérie Pécresse, Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche dimanche 30 janvier à 18 h10 sur i>TELE et France Inter A retrouver sur : franceinter.com, itele.fr, Dailymotion et 10 France 0123 Dimanche 30 - Lundi 31 janvier 2011 Jeu de séduction entre Dominique et Ségolène P endant toute la durée de leur face-à-face, le ton est resté cordial, les regards se sont à peine croisés. Mais devant le millier de spectateurs présents à Grenoble dans l’auditorium de la Maison de la culture (MC2), les mots prononcés par l’un ont trouvé un écho troublant dans le discours de l’autre. Invités vendredi 28 janvier à se pencher sur l’avenir de la Ve République à l’occasion d’un débat organisé par Libération et Marianne, Dominique de Villepin et Ségolène Royal, tous d’eux en précampagne présidentielle, ont préconisé « la refonte des institutions » et la « fin de l’immobilisme politique » pour « sauver et revivifier la République ». En marge de leurs propositions, s’est aussi joué entre les deux protagonistes un jeu de séduction politique insolite que l’ancien premier ministre s’est employé à orchestrer, sourire aux lèvres, n’hésitant pas à applaudir son interlocutrice et à l’appeler par son prénom. Peut-être une réminiscence du temps où ils partageaient les bancs de l’ENA. Quand la présidente de la région Poitou-Charentes a cité le général de Gaulle, M. de Villepin, ravi d’être aussi bien accueilli en terres socialistes, a aussitôt rétorqué : « Je suis un gaulliste social soucieux de se confronter au plafond républicain actuel ». Face aux efforts soutenus de l’ancien premier ministre de pointer leurs « convergences » d’idées, la candidate socialiste a parfois tenté de s’échapper, en attaquant notamment le contrat première embauche (CPE), qui avait fait descendre des milliers de jeunes dans les rues en 2006. M. de Villepin a alors manié l’autocritique pour garder la main. « Un premier ministre commet aussi des erreurs. Au sujet du conflit du CPE, nous sommes donc d’accord une fois de plus », a-t-il plaisanté. « Je vois bien que des points de convergence existent, a insisté M.de Villepin. Au-delà de la séduction politique propre à la veille d’une élection où il faut se distinguer, il y a une nécessité paradoxale : aller dans le sens d’un rassemblement. Tout dépend de la conception que l’on a de la fonction présidentielle. » « Changer les choses » « Comment ne pourrait-on pas faire un bout de chemin ensemble si les principes fondamentaux de la Ve République sont menacés », s’est interrogée Mme Royal, qui n’avait pas hésité à proposer l’alliance avec le centre durant la campagne présidentielle de 2007. « L’esprit de division est dépassé. Nos enfants ne sont ni de droite ni de gauche », a-t-elle ajouté. Le débat a mis en lumière la volonté commune des deux protagonistes, au statut identique de « trublion » au sein de leur propre camp, de « changer les choses ». Au nom d’un ennemi commun ? « Rien ne serait pire que d’avoir des convergences sur l’antisarkozysme, tranche aussitôt Ségolène Royal. Les Français attendent de nous que nous construisions autre chose. » p Benoît Pavan (Grenoble, correspondant) Les opposants à Marine Le Pen tentent de se structurer en vue de 2012 Des formations d’extrême droite tentent de faire émerger une candidature alternative commune L es recompositions à l’extrême droite ont commencé. A peine deux semaines après l’élection de Marine Le Pen à la tête du Front national, le 16 janvier, lors du congrès de Tours, les divers déçus, exclus et dissidents du Front national (FN) tentent de se rassembleren vue du scrutin présidentiel et des élections législatives de 2012. Cela porterait, à l’extrême droite, le nombre de candidats potentiels à trois, puisque le Bloc identitaire est aussi en lice. Plusieurs formations, comme le Parti de la France (PdF) de Carl Lang,leMouvementnational républicain (MNR) ou la Nouvelle Droite populaire (NDP), veulent s’unir pour « préparer une alternative à Marine Le Pen ». Lors des élections régionales de mars 2010, ces trois partis avaient présenté deux listes « antiminarets », en Lorraine et en Franche-Comté. Cette fois, l’alliance entend s’élargir à d’autres personnalités d’extrême droite, comme le maire d’Orange, Jacques Bompard. Ancien du FN et du Mouvement pour la France (MPF) de Philippe de Villiers, actuellement mis en examen pour prise illégale d’intérêt, il s’était allié au Bloc identitaire aux régionales de 2010. Cette fois, il déclare « ne pas être opposé à des ententes pour les législatives », précise « qu’il n’est pas d’accord sur tout », mais ajoute « qu’il y a une communauté de réflexion ». Avant de reformuler, dans un deuxième temps, qu’il en est « au stade de Février 2011 DEVENEZ INCOLLABLE SUR L’ACTUALITÉ Actualité tion de l’étatisme, d’un Etat fort à dimension sociale, qui rappelle les dérives totalitaires du XXe siècle. » Même tonalité chez Roland Hélie, un des responsables de la NDP. « On veut occuper le terrain et redonner au camp nationaliste un peu d’espérance », assure-t-il. Si M. Lang est très prudent quant à la forme que prendra ce rapprochement, M. Hélie évoque, lui, une «confédération ». « Tribus » Ce ne sera pas chose aisée. Ces partis piochent dans tout ce que l’extrême droite compte de « tribus ». Ainsi, le PdF est proche des catholiques traditionalistes, alors que la NDP n’a pas peur de mener des actions communes avec des skinheads d’extrême droite. Des partis « non électoralistes », commel’Œuvre française – le groupuscule antisémite de Pierre Sidos – sont aussi sur les rangs. M. Bompard, lui, est une personnalité locale, un notable, aisément réélu dans sa ville depuis 1995. Il faudra également compter avec l’équipe de l’hebdomadaire antisémite et pétainiste Rivarol, qui fait campagne pour cette union. L’intérêt – assumé – d’une telle « confédération » est de pouvoir bénéficier de la loi sur le financementdespartis qui permetunremboursement des frais si l’on recueille 1 % des voix dans au moins cinquante circonscriptions. Un des enjeux pour ces mouvements, qui ont peu de militants, est de faire venir à eux une partie des soutiens de Bruno Gollnisch, restés au FN. Ces derniers – dont beaucoup de cadres sont issus de l’Œuvre française – semblent, pour l’heure,regarderceladeloin. Ilspréfèrent « structurer » une « minorité » forte au sein du FN et se présenter comme recours à un éventuel échec de Marine Le Pen.p Abel Mestre n Sur Lemonde.fr Le blog « Droites extrêmes » Le député de Corrèze devait réunir le 29janvier son club Répondre à gauche A Sciences Prévisions, la météo répond Cultures Le réel dans l’objectif + La chronologie du mois www.lemonde.fr/dosdoc pure réflexion » et que « tout cela est très hypothétique ». La raison invoquée pour expliquer l’accélération de ce processus est la tonalité plus « républicaine » de la présidente du FN. Pour Carl Lang, ancien numéro trois du FN et président du PdF, il s’agit de «montrer qu’il y a autre chose que Marine Le Pen ». M. Lang devait tenir une première réunion, samedi 29 janvier, à Paris, dans le 15e arrondissement – mais sans ses partenaires –, poury«développer»ses«divergences ». A savoir, la « question européenne », « le droit à la vie de la conception à la mort » et surtout «la laïcité » et le « rôle de l’Etat ». «Le discours de Marine Le Pen est tout l’opposé de celui de la droite nationale française », lance M.Lang, qui compte sur « la rupture avec son électorat naturel » pour luigrappiller desvoix. « Jesuis totalement opposé au discours laïciste deMarine Le Pen, quiestle cheval de Troie de l’islamisation, explique-til. Elle a mis en avant une concep- François Hollande prône une «nouvelle donne sociale» pour revaloriser le travail Comprendre la guerre des monnaies Dossiers & Documents, pour mettre en perspective l’actualité et comprendre le monde qui nous entoure Carl Lang, lors du lancement de son parti, le 23 février 2009. CHRISTOPHE BERTOLIN/IP3 2,95 près la réforme fiscale, le social. François Hollande, ancien premier secrétaire du Parti socialiste (PS) et candidat potentiel aux primaires, poursuit sa précampagne en présentant, samedi 29 janvier, à Paris, ses propositions pour une nouvelle donne sociale, à l’occasion des assises sociales organisées par son club, Répondre à gauche. La crise actuelle est « une crise du sens du travail et du sens du progrès », devait déclarer M. Hollande, eninsistant sur lanécessité de «lutter contre la souffrance au travail » et de « travailler mieux pour travailler tous ». Pour y parvenir, le député de Corrèze prône un triple changement. De méthode, avec le développement de la démocratie sociale ; de priorités, avec une mobilisation pour l’emploides jeunes ; de modes de financement, avec des prélèvements moins pénalisants pour le travail. L’ancien numéro un du PS n’avait pas ménagé ses critiques au sujet du projet du PS, rédigé par Benoît Hamon, sur l’égalité réelle. «C’est la hotte du Père Noël », avaitil ironisé en décembre 2010. Lui s’en tient à des mesures dont le coût financier paraît a priori bordé. Sur l’emploi, M. Hollande propose de créer un contrat de génération entre un employeur et deux salariés, un jeune et un senior. Si cette proposition de tutorat est des plus consensuelles, son financement l’est moins : il implique, selon le responsable socialiste, de supprimer les allégements de charges sur les heures supplémentaires instaurés par la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA) de 2007. M. Hollande suggère en outre de réduire le montant des exonérations de cotisations sociales et de les cibler sur les emplois des jeunes et des entreprises de maind’œuvre exposées à la concurrenceinternationale. Il défend le transfert progressif des cotisations maladie et famille sur une nouvelle assiette représentant l’ensemble de la richesse produite. Plus grande démocratie LedéputédeCorrèzefaitdubienêtreautravail unfacteurde compétitivité,rejoignantsurcepointJeanFrançois Copé. Mais, contrairement au secrétaire général de l’UMP, il ne rouvre pas le débat des 35heures. « D’une manière générale, les pays qui ont le plus réduit leur temps de travail sont ceux qui ont le taux de chômage à temps complet le plus faible », observe-t-il en s’appuyant sur les statistiques de l’OCDE. Il plaide par ailleurs pour une plus grande démocratie dans l’entrepriseet pour l’ouvertureaux représentants des salariés des conseilsd’administration desgrandes entreprises. Enfin, et surtout, M. Hollande s’attaqueà la question de l’articulation entre démocratie politique et démocratie sociale, revenue sur le devant de la scène avec la réforme des retraites. Il propose de réunir, dès le début du mandat présidentiel, en 2012, les partenaires sociaux afin de tenir des assises de la démocratie sociale. Ce dialogue tripartite (Etat, organisations syndicales, organisations patronales), permettrait de fixer l’agenda social de la législature : emploi, souffrance au travail, participation des salariés à la gouvernance de leur entreprise, réduction des écarts salariaux, égalité hommes-femmes. Ces « assises » seraient aussi l’occasion de fixer les sujets qui relèvent de la loi et ceux qui sont du ressort de la négociation collective, afin de préciser le calendrier social. M. Hollande veut donner plus d’autonomie aux partenaires sociaux. Des membres de son équipe proposent,sur les sujets nécessitant une intervention législative, que le gouvernement s’engage à soumettre au Parlement, sans les modifier, les textes approuvés par les assises. Il n’est pas sûr que M. Hollande aille aussi loin, au risque de susciter une levée de boucliers au Parlement et à gauche. p Claire Guélaud France 11 0123 Dimanche 30 - Lundi 31 janvier 2011 Les intellectuels Lastratégied’«inclusion»d’Aubervilliers musulmans sortent poursafortecommunautéchinoise La mairie socialiste multiplie les initiatives pour favoriser l’intégration de cette diaspora deleur réserve Une manifestation condamnant le terrorisme islamiste était prévue à Paris samedi 29janvier P as sûr qu’ils soient des milliers, samedi 29janvier, sur le parvis des Droits-de-l’Homme, à Paris, pour dénoncer le «rapt » de l’islam par le terrorisme islamiste. Mais les religieux et les intellectuels de culture musulmane,qui ontdécidé deprolongerl’appel, publié par Libération le 12 janvier, par les journalistes Marc Cheb Sun et Ousmane Ndiaye, pour condamner les attentats antichrétiens perpétrés en Irak et en Egypte par des radicaux islamistes, ont le sentiment qu’avec ce texte, « il est entrain de se passer quelque chose » dans la communauté musulmane française. Et, qu’entre « islamisme et islamophobie », leur voix peut « se frayer un chemin ». Pour certains des signataires, la condamnation des attentats allait de soi mais l’affichage musulman deleuridentitéfutplusproblématique.« Pourmoi,ilatoujoursétéclair que dans un pays laïc on n’arrive pas avec le drapeau de ses origines enbandoulière,témoignelasénatrice de Paris Bariza Khiari, l’une des premières signataires de l’appel. Maisl’islamestdevenuunsujetpolitique, une idéologie à combattre, c’est donc normal que je m’exprime en tant que femme politique de culture musulmane pour rappeler que l’islam est avant tout une spiritualité, portée par des citoyens français qui ne représentent pas un danger pour la société. Il faut en finir avec l’image du musulman avec un couteau entre les dents et montrer des modèles positifs. » Même démarche de la part de Karim Miské, réalisateur francomauritanien, élevé dans un universfranco-français: « Je n’étaispas hyper chaud pour signer le texte, car si je ne récuse pas cette partie de mes origines, je ne me définis pas comme musulman et je refuse les assignations identitaires. » Il s’est pourtant décidé, à cause du « contexte ». « Incroyant, j’ai toujours été perçu comme musulman avec ma tête d’arabe et mon prénom. Mais, aujourd’hui, et encore plus après le débat sur l’identité nationale, il est devenu impossible d’échapper aux catégories et aux identités religieuses. Je ne peux plus faire comme si le regard des autres n’existait pas et que la France était ce qu’elle prétend être : laïque, sans discrimination…» Soucieuxde« laïcité etd’intégration», nombre de cadres de culture ou de confession musulmane n’ont pas, dans leur parcours professionnel, social ou personnel, mis cet aspect de leur identité en avant. « On pensait que la réussite sociale nous mettait à l’abri d’un renvoi à nos origines. Or, même socialement intégrées, les nouvelles générations demeurent toujours soupçonnées d’un défaut de loyauté à la République », explique Mohammed Colin, directeur du site communautaire Saphirnews et signataire de l’appel. « Il y a encore cinq ou dix ans, on ne souhaitait pas prendre position sur des sujets liés à l’islam, témoigne aussi Naïma Mfadell, déléguée auprès du préfet à Mantes-la-Jolie, car on craignait que cela en rajoute «Il faut en finir avec l’image du musulman avec un couteau entre les dents et montrer des modèles positifs» Bariza Khiari sénatrice de Paris sur la stigmatisation dont on était l’objet. Si on le fait aujourd’hui, c’est parce qu’on se sent à l’aise dans notre appartenance française, sans renier nos origines. C’est la preuve d’une maturité de notre citoyenneté. » Mais il n’est pour autant pas question pour eux de devenir des militants de l’islam. Cette nouvelle génération qui affiche des parcours de réussite est aussi davantage à l’abri des risques d’assignation à une seule partie de son identité. « Même si elle se déterminepubliquement commemusulmane, la nouvelle élite ne risque pas de tomber dans le repli identitaire : elle appartient à une multitude d’autres réseaux et conserve une ouverture sur le reste de la société », juge M.Colin. Les signataires espèrent prolonger leur mobilisation par une réflexionsurlamontée del’islamophobie en France.p Stéphanie Le Bars Consommation «Forte probabilité» d’intoxication alimentaire mortelle pour un adolescent après un repas chez Quick La probabilité est « forte » pour qu’« une toxi-infection alimentaire » soit à l’origine de l’œdème qui a causé la mort, samedi 22 janvier, d’un adolescent qui avait dîné la veille dans un restaurant Quick dans le Vaucluse, a déclaré, vendredi 28 janvier, la procureure d’Avignon, Catherine Champrenault. « Il peut y avoir un lien avec ce qu’il a mangé la veille, mais on ne peut pas exclure des absorptions plus anciennes », a-t-elle ajouté, sur la base des premiers résultats de l’autopsie et des analyses biologiques et épidémiologiques effectuées sur la victime. Les résultats des tests effectués dans l’établissement ne sont pas encore connus. p Médicaments Le Fonzylane et le Nizoral pourraient être prochainement interdits Deux médicaments pourraient être prochainement interdits, le Fonzylane, un vasodilatateur, et le Nizoral, un antimycosique. Le site du Figaro faisait état vendredi 28 janvier d’un vote en ce sens de la commission d’Autorisation de mise sur le marché (AMM), dont l’avis n’est cependant que consultatif. Mardi 25 janvier, le ministre de la santé, Xavier Bertrand, avait indiqué que la liste des 76 médicaments sous surveillance, demandée à l’Afssaps, à la suite de l’affaire du Mediator, serait rendue publique au plus tard une semaine après. Sans papiers La Cité nationale de l’immigration à nouveau fermée La Cité nationale de l’histoire de l’immigration, à Paris, a fermé ses portes vendredi 28janvier pour tenter de mettre fin à son occupation par environ 500 travailleurs sans papiers réclamant leur régularisation. La police a bloqué les accès du musée et empêché ces travailleurs immigrés d’aller dans un local mis à leur disposition. Le musée avait déjà fermé en décembre 2010, avant de rouvrir quelques jours plus tard sur la base d’un protocole d’accord entre direction et sans-papiers, dénoncé depuis par la direction. L asemainedu3février,à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), on fêtera avec faste le Nouvel An chinois. Il y aura un dragon et des danses traditionnelles pour la fête asiatiquela plus importantede l’année. Mais ici, plus que dans d’autres villes qui comptent une communauté chinoise, l’événement fera l’objet de toutes les attentions. Avec quelque 3 400 contribuables d’origine chinoise officiellement recensés, Aubervilliers est la ville de France après Paris où la concentration de la communauté chinoise est la plus forte. La plupart ont commencé à s’installer il y a dix ans. Leur nombre a grossi rapidement,au point de devenir la deuxième communauté de la ville après les Algériens (4 400). Pour une cité de 74 000 habitants, où 36 % de la population est étrangère, cet afflux constitue un enjeu à la fois social, économique et politique. Commune déshéritée de la petite couronne, Aubervilliers connaît un taux de chômage de plus de 20 %. Or les Chinois qui s’y sont installés sont surtout des primo-arrivants, et ont de fortes difficultés d’apprentissage du français. Dans leur sillage, suivent un certainnombre de sans-papiers. « On a tous les éléments indiquant que le ghetto est là », estime Frédéric Medeiros, chargé de la communication de la ville. Les maires communistes qui se sont succédé depuis dix ans ont bien tenté de tisser des liens avec la diaspora chinoise. Mais Jacques Salvator (PS), élu en 2008, au socialisme très rocardien,s’est particulièrement investi. « On est à la croisée des chemins : soit, d’ici quinze ans, on réussit à casser ces murs ; soit on s’enfonce », prévient M. Medeiros. Pour y parvenir, une classe bilingue mandarin-français a été créée dans un des collèges. Les deux lycées proposent le chinois en option. Des ateliers d’apprentissage de la langue sont ouverts à tous en mairie. Surtout, la ville cultive un petit cercle d’interlocuteurs sinophones qui lui servent de médiateurs avec une communauté qui a tendance à se replier sur elle. Ling Lenzi, 42 ans, en fait partie. Dynamique chinoise mariée à un français, autoentrepreneuse, elle facture ponctuellement ses missions. « Il m’est arrivé d’être appelée pour faire le lien entre un père chinois qui parle mal le français et son fils qui était convoqué en conseil Rue de la Haie-Coq, à l’entrée d’Aubervilliers, le 27 janvier. M. COROUGE/DOCUMENTOGRAPHY POUR « LE MONDE » de discipline au collège », raconte-t-elle. Elle est surtout l’un des relais-clés dans le milieu très fermé des nombreux grossistes originaire de Wenzhou (à 400 km au sud de Shanghai). Ces 700 grossistes et leurs 4 000 salariés sont au cœur de la stratégie d’« inclusion » de la mairie. L’immense zone qu’ils occupent à l entrée de ville, pour la vente de maroquinerie, le textile, et «Aujourd’hui, les Chinois habitent, achètent; demain, ils seront électeurs» Mickaël Dahan directeur de cabinet du maire d’Aubervilliers d’autres objets de bazar, a fini par prendre une proportion telle qu’elle gêne les projets de développement urbain. Leur activité génère ensus desnuisances quela commune peine à résoudre, en particulier lesva-et-vientdes camions delivraisons et l’insécurité engendrée (braquages, vols à l’arraché) par la circulation d’argent et les stocks de marchandise. Alors que la petite couronne attire de plus en plus de classes moyennes éjectées de la capitale à cause des prix de l’immobilier, Auber- villiers souhaiterait ne pas rater ce virage et rendre un peu plus accueillante son entrée de ville. Des travaux de voirie avec création d’un couloir de bus ont déjà commencé, ce qui n’arrangepas la circulation des poids lourds. Toute une zone vers laquelle les grossistes envisageaient de s’étendre a aussi été préemptée pour la construction d’un centre commercial qui doit être inauguré en avril. L’activité chinoise de négoce de gros n’en reste pas moins un enjeu économique crucial pour la ville. L’équipe de M. Salvator s’est donc lancée dans un savant lobbying afin de ne pas faire fuir les grossistes. Lors de l’Exposition universelle de Shanghai, en 2010, la mairie et la communauté d’agglomération ont partiellement financé le déplacement d’une délégation de 130 personnes. Soit l’une des plus grosses délégations françaises… Afin de concilier ses ambitions économiques et urbanistiques, la mairie d’Aubervilliers rêve, à terme, d’inciter les grossistes à une concentration plus « verticale », dans des immeubles à étages, comme celase pratique ailleurs en Europe. Certains d’entre eux sont sceptiques. D’autres, comme Huong Tan, engagé dans plusieurs associations franco-chinoises, estiment que « seule une réflexion à l’échelle du Grand Paris » permettra de trouver une solution. D’ici à la mi-2013, un projet innovant de boutique sur trois étages, dont deux en sous-sol consacrés au stockage et aux livraisons, devrait voir le jour dans la zone. La diaspora chinoise est aussi, pour la mairie, un vivier électoral à ne pas négliger. Mickaël Dahan, le directeur de cabinet de M. Salvator ne le cache pas : « Aujourd’hui, les Chinois habitent, achètent ; demain, ils seront électeurs. » Et ce, alors, que leur « poids démographique » tend à se confirmer. Cet aspect est le seul à susciter quelques réserves de la part de l’un des deux élus UMP de l’opposition municipale. «C’est vrai que la limite avec la logique électoraliste est parfois assez floue », remarque Nadia Lenoury. La communauté maghrébine et une frange des habitants s’émeut parfois d’être moins choyée que la diaspora chinoise. La municipalité s’en défend et rappelle qu’elle ne se prive pas d’aborder « assez franchement » la question des évolutions de la société chinoise. En 2010, M. Salvator s’était félicité, plaide-t-elle, de l’attribution du prix Nobel de la paix à Liu Xiaobo. Une conférence-débat avait aussi été organisée. Son thème : « Croissance, harmonie, droits humains : lumières et ombres chinoises. » p Elise Vincent 16 à 20 ans de réclusion pour les quatre agresseurs de Bruno Wiel, victime «d’actes de barbarie» homophobes La cour d’assises du Val-de-Marne a rendu son verdict vendredi 28janvier D es peines allant de seize à vingt ans de réclusion criminelle. C’est le verdict qu’a prononcé la cour d’assises du Val-de-Marne, à Créteil, présidée parPhilippe Vandingenen, vendredi 28 janvier, à l’encontre des quatre agresseurs de Bruno Wiel. Depuis le 18 janvier, elle examinait le déchaînement de violence subi à l’été 2006 par cet ancien gestionnaire de paie homosexuel, aujourd’hui âgé de 33 ans. « Un cas d’école des actes de barbarie », avait estimé l’avocat général, Benoist Hurel, dans son réquisitoire, jeudi 27 janvier, estimant que l’homophobie était la «seule et unique lecture possible du dossier ». Qualifiant M. Wiel de « miraculé », il avait réclamé des peines allant de quinze à vingt ans de réclusion. Dans la nuit du 19 au 20 juillet 2006, Bruno Wiel avait été passé à tabac, brûlé, sodomisé avec un bâton et laissé pour mort dans le parc départemental des Lilas, à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). Retrouvé par hasard dans un bosquet, trente heures plus tard, nu et gémissant, il avait passé quinze jours dans le coma et près de sept mois à l’hôpital. Victime d’une amnésie traumatique, il a perdu tout souvenir de son agression et a dû réapprendre à parler. David Deugoué N’Gagoué, Julien Sanchez, Antoine-Karim Soleiman et Yohan Wijesinghe, aujourd’hui âgés de 25 à 30 ans, originaires de la même cité et marqués – pour certains – par des enfances empreintes de violences et d’abus sexuels, répondaient à Créteil de « tentative de meurtre » et d’« actes de torture et de barbarie », aggravés par un mobile homophobe,et de « vol avec violences en bande organisée ». Au cours des neuf jours d’audience, ils ont d’abord insisté sur leur forte alcoolisation, l’effet degroupe et leurs motivations crapuleuses pour expliquer les faits. Ils ont assuré avoir convaincu M. Wiel, qui sortait éméché d’un bar gay en plein centre de Paris, d’embarquer dans leur voiture contre la promesse de « faire l’amour » alors qu’ils comptaient « le dépouiller ». Malgré son amnésie, BrunoWiel– décrit commeprudent, voire timoré, par son entourage – avait rétorqué : « Il est totalement impossible que je sois monté en voiture avec eux. Je sais très bien qui j’étais et qui je suis. » « On n’est pas des pédés ! » Mardi 25janvier, Antoine-Karim Soleiman, condamné à vingt ans de réclusion, a lâché que l’orientation sexuelle de M. Wiel avait été « un des facteurs déclenchants ». Condamné à seize ans, Yohan Wijesinghe, conducteur de la voiture et auteur de la première gifle dans le parc, a admis avoir alors crié : « On n’est pas des pédés ! » La veille, DavidDeugouéN’Gagoué,condamné à vingt ans, avait confessé : «On a feint l’homosexualité.» Vendredi, Bruno Wiel s’est dit « très soulagé » que le caractère homophobe de son agression ait été reconnu par la cour. Me Caroline Mécary, conseil de l’association SOS Homophobie, partie civile dans ce procès, a salué la « sévérité juste » du verdict, « signe d’une prise de conscience dans la société française qu’on ne peut impunément porter atteinte à la vie de quelqu’un au prétexte de son homosexualité ». Me Françoise Cotta, avocate de M. Soleiman a, elle, jugé les peines « extrêmement lourdes » pour des accusés « pas en mesure (en 2006) de comprendre la gravité de ce qu’ils avaient fait ». Mamadou Diakité et Haïtem Ben Amor, âgés de 26 ans, avaient participé, à l’été 2006 – aux côtés de trois des agresseurs de M. Wiel – à l’agression de deux autres personnes à l’homosexualité réelle ou supposée, Ils ont été respectivement condamnés à deux ans de prison dont un avec sursis et mise à l’épreuve, et à huit ans d’emprisonnement. p Patricia Jolly