L`article en PDF - Europartenaires

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L`article en PDF - Europartenaires
France 9
0123
Dimanche 30 - Lundi 31 janvier 2011
Jean-Noël Jeanneney:
«Prenons garde
à la France qui gronde»
L’historien juge urgent de légiférer sur les conflits
d’intérêts, alors que l’hostilité croît envers les politiques
Entretien
H
istorien, ancien ministre,
Jean-Noël Jeanneney réagit à l’annonce d’une loi
destinée à lutter contre les conflits
d’intérêts dans le droit-fil des
mesures proposées par le rapport
Sauvé, rendu mercredi 26 janvier.
Il estime que ce serait le signe
d’une démocratie mature. Auteur
d’un livre sur les milieux d’affaires
et le pouvoir au XXe siècle, L’Argent caché (Seuil, 1984), il juge préoccupante l’hostilité de l’opinion
envers le personnel politique.
Faut-il légiférer sur les conflits
d’intérêts, comme vient de l’annoncer Nicolas Sarkozy ?
Ce n’est pas parce que le projet
d’une nouvelle loi est brandi par
lui à chaque fait divers qu’il faut
déconsidérer le principe d’une
législation sur une affaire aussi
importante que le conflit d’intérêts. Il s’agirait de tout sauf d’une
loi de circonstance : la maturation
d’un esprit républicain.
Le président de la République a
protégé Eric Woerth, défendu et
décoré Jacques Servier. Il recevait mardi le Premier Cercle des
donateurs de l’UMP, priés de participer à l’élaboration du projet
pour 2012. Est-il crédible ?
Je ne suis pas choqué qu’un avocat ait exercé son métier naguère
en défendant tel ou tel ; ce qui me
heurte, c’est que Nicolas Sarkozy,
devenu président, ait décoré son
ancien client Jacques Servier avec
tant d’éclat. La grand-croix ! Je songe à Pierre Laval disant un jour à
Bertrand de Jouvenel, vers 1935 :
« Voyez-vous, mon petit, ces deux
tiroirs, ça joue un grand rôle dans
notre République : décorations et
fonds secrets. »
Je note aussi que le président
actuel est enclin à nouer des amitiés ostensibles avec les héritiers
d’entreprises dépendant des marchés publics – à qui on n’interdit
pas, hélas ! soit dit en passant, de
posséder des groupes de presse,
conflit d’intérêts majeur – et qui
n’ont pas acquis leur pouvoir éco-
nomique par le chemin de la méritocratie. Cela dit, je rends hommage à celui qui a commandé ce rapport – hommage suspendu à la
volonté qu’il aura de l’appliquer. Si,
très vite, il saisit l’occasion de faire
avancer les choses, alors d’un mal
sortira peut-être un bien. Mais,
échaudé par tant d’annonces évanouies, je reste prudent.
Pourquoi la France accuse-t-elle
un retard dans la lutte contre les
conflits d’intérêts ?
Tenons compte de son histoire.
Richelieu jugeait « normal que les
ministres veillent sur leur fortune
en même temps que sur celle de
l’Etat ». Colbert et les siens se sont
largement enrichis. La première
rupture a été celle de la Révolution,
l’époque de Robespierre « l’Incorruptible ». La seconde a été la Résis-
«Il faut rappeler
quels dommages
la IIIe République
a subis du fait
de la prolifération des
“avocats-conseils”»
tance, marquée par la puissance
des « trusts » d’avant-guerre, par la
vénalité de la presse, par le mélangedesgenres des avocatsd’affaires.
Depuis 1945, on a progressé,
mais à la manière des pèlerins
d’Echternach (au Luxembourg) :
deux pas en avant, un pas en arrière. La législation sur le financement des partis politiques ou le
plafonnement des dépenses de
campagne, deux pas en avant. La
création de micropartis pour
contourner la loi, un pas en arrière.
L’affaire Woerth est-elle le seul
déclencheur de la prise de
conscience actuelle ?
Elle présente un caractère involontairement didactique, jetant
soudain une lumière crue sur un
entre-deux, à mi-chemin entre la
corruption à proprement parler et
lebonsens dequelquesnormesélémentaires. Mais un autre puissant
déclencheur s’impose à l’attention : l’ouverture démesurée de
l’éventail des salaires, avec, en haut
del’échelle,ledévergondagedeprofits insensés ; prenons garde à la
France qui gronde ! Je rends d’autre
part hommage au livre de Martin
Hirsch,Pour en finir avec lesconflits
d’intérêts (Stock, 2010), qui a compté dans le déclic. Comme toujours
en histoire : tendance profonde et
révélateur soudain. Les explosions
sociales surgissent ainsi.
La tolérance au scandale a-t-elle
évolué ?
Les scandales se dessinent toujours à la rencontre de trois paramètres. Premier paramètre, le
niveau de la tentation : limitonsles. Le deuxième concerne la capacité d’investigation : qui contrôle
etavec quels moyens légaux et pratiques ? La création d’une Autorité
de la déontologie, proposée par le
rapport Sauvé, serait opportune.
Le troisième paramètre est le
niveau d’indignation, qui varie
selon les périodes. Le cynisme affiché est le frère de la résignation. Il
y a cinquante ans encore, quand
un cadre terminait sa carrière
dans une banque, tout le monde
trouvait normal de lui donner un
tuyau boursier pour lui permettre
d’arrondir sa retraite ; c’était pourtant, à nos yeux, un délit d’initié
caractérisé. Philippe Berthelot,
secrétaire général du Quai d’Orsay, menait grand train dans les
années 1920, grâce à son frère, président de la Banque industrielle de
Chine. Jusqu’au jour où l’on s’aperçut qu’il envoyait des télégrammes diplomatiques pour soutenir
cet établissement en difficulté…
La « République irréprochable »
est-elle un bon argument de campagne pour 2012 ?
La République irréprochable
comme un but, oui bien sûr,
sachant que l’on y restera toujours
asymptotique, mais sans renoncer
à y tendre. Ce n’est pas seulement
une question de morale civique ; il
s’agit de ne pas laisser le champ
libre à ceux qui agitent le thème du
« Tous pourris ». Le démagogique
ERIC GARAULT/PICTURE TANK POUR « LE MONDE »
«Qu’ils s’en aillent tous !» de Mélenchon renvoie tout droit au « Sortez
les sortants !» de Poujade à la fin de
la IVe république. L’hostilité au personnel démocratique atteint ces
temps-ci un étiage préoccupant.
C’est notamment pour cela qu’il
faut avancer promptement dans le
sens du rapport Sauvé. Y compris
pour mettre fin au cumul des mandats, bel exemple de conflit d’intérêts: je ne parviens pas à concevoir
comment on peut être à la fois
ministre responsable d’une politique nationale et maire d’une grande ville dont on est voué à défendre
les intérêts spécifiques. Les Français sont demandeurs de l’interdiction radicale du cumul, mais pas le
personnelpolitique.Sansdoutefaudra-t-il procéder par référendum.
Quelles sont les limites de la
transparence ?
Le secret estlégitimepour protéger la vie privée des citoyens. Sans
séparation entre la sphère publique et la sphère privée, il n’y a plus
de démocratie qui vaille. Quant à
l’Etat, on ne peut pas gouverner
derrière une vitre ; mais les pou-
voirs publics ont spontanément
tendance à maintenir l’opacité
au-delà du temps légitime, éventuellement pour couvrirl’inavouable : aux forces d’investigation,
notamment la presse, de contrebattre cela. Dans les relations individuelles, il faut appliquer la maxime du cardinal de Retz (1613-1679) :
« On est toujours plus trompé par
méfiance que par confiance. » Mais
dans les affaires d’Etat, la défiance
est légitime en face de tous ceux
qui ont l’honneur (parfois la présomption) de trancher au nom de
l’intérêt général.
De plus en plus de députés
deviennent avocats d’affaires.
Qu’en pensez-vous ?
Sous la Ve République, une première génération a été marquée
par la Résistance, le service de
l’Etat, l’esprit de reconstruction. La
deuxième génération a été celle
des énarques. Arrive maintenant
une vague d’avocats d’affaires,
avec les Sarkozy, Borloo, Copé,
Lagarde… Il ne s’agit pas de les
ostraciser, mais de leur rappeler
quels dommages la IIIe République
a subis du fait de la prolifération
des « avocats-conseils » payés non
au dossier mais par mensualités.
Je dédierais volontiers cette phrase de Poincaré à Jean-François
Copé : « Qu’il garde sa robe et il
aura tous les jours à se demander :
“Puis-je accepter ce dossier ?” Bien
souvent, en effet, les clientschercheront l’homme politique beaucoup
plus que l’avocat… »
Une législation sévère en matière de vie publique ne risque-t-elle
pas d’en détourner les candidats
qui viennent du secteur privé ?
Non, si l’on s’attache à mieux
aménager la sortie des parlementaires lorsqu’ils sont battus. Pas de
démagogie ! « Si vous ne payez pas
les députés, disait Talleyrand (bon
connaisseur en matière d’argent
caché…), ils vous coûteront bien
plus cher. » Il faut expliquer inlassablement qu’il existe un coût de
la démocratie – mais les citoyens
n’y pourvoiront de bon cœur que
si les comportements sont convenablement rigoureux. p
Propos recueillis par
Béatrice Gurrey
LucChatelsouhaiteredonnerlegoûtdessciencesetlamaîtrisedeleursfondamentaux
Lundi 31janvier, le ministre de l’éducation doit annoncer un plan pour tenter de réconcilier les jeunes Français avec les mathématiques
D
imanche 23 janvier, il promettait de « réinventer l’apprentissage de l’anglais »,
mardi 25, il allait bouleverser les
rythmes scolaires. Lundi 31, Luc
Chatel, ministre de l’éducation,
devait annoncer une refonte de
l’enseignement des sciences.
Entre les jeunes Français et les
mathématiques, le divorce est
consommé. Selon les résultats de
l’évaluation internationale PISA
publiés le8 décembre 2010, laFrance a glissé en six ans du groupe des
forts en maths à celui des pays de
l’OCDE juste moyens. En octobre,
l’enquête ministérielle intitulée
« Les compétences des élèves en
mathématiques en fin de collège »
a montré que 44 % des élèves
étaient « encore en cours d’apprentissage sur tout ou partie desfondamentaux de la discipline ».
Les élèves préparent lebac S plus
pour le prestige de la filière que par
goût. La licence de sciences, qui
devrait en être le débouché naturel,
n’attire que 11 % des bacheliers,
contre 24 % en 1996 et 17 % en 2002.
Entre 2002 et 2009, le nombre
d’étudiants en formation scientifique ou d’ingénieur a décru de
5,9 % ; celui des étudiants en sciencesfondamentalesde17%,celuides
SVT (sciences de la vie et de la terre)
de 9,4%. Les écoles d’ingénieurs, en
revanche, continuent à plaire.
En fait, les sciences ne font plus
rêver. Comme si, à force de les
avoir érigées en outil de sélection,
on les avait vidées de leur sens. Le
chemin de la reconstruction risque d’être long. Pour y parvenir, le
ministre de l’éducation nationale
veut s’appuyer sur deux leviers :
un travail sur les fondamentaux et
des initiatives d’ouverture.
Le ministre devait rappeler l’importance de l’apprentissage par
cœur des tables de multiplication
etdemanderauxmaîtres «unepra-
tique quotidienne du calcul mental ». Les maîtres seront en outre
mieux préparés, avec un concours
revisité pour vérifier leur maîtrise
des sciences.
Discipline plus conviviale
L’objectif du plan est aussi de
changer l’image des maths, en rendant la discipline plus conviviale
L’inspection générale y a travaillé.
A titre expérimental, 13 académies
vont proposer pendant les petites
vacances des stages de maths élaborés avec des universités ou des
entreprises, afin de développer le
goût de cette discipline. Biologiste
Dimanche Soir Politique reçoit
et polytechnicien, auteur de plusieurs rapports sur l’éducation,
François Taddei estime que « lorsqu’on réussira à faire comprendre
aux élèves que les maths ne sont
pas une discipline abstraite qui ne
sert à rien, mais une discipline qui a
largement fait avancer l’humanité, on aura franchi un grand pas ».
La réforme du lycée, qui entre en
vigueur à la rentrée 2011 en classe
de 1re, ne favorise cependant pas les
sciences. Les élèves de 1re scientifique vont perdre une heure hebdomadaire de maths, une heure et
demie de physique et une heure de
SVT. Bien trop aux yeux des profes-
seurs. Et la demi-heure de plus de
maths en terminale ne permettra
pas de rattraper le retard.
« Nos lycéens sont loin d’être
idiots. Mais un élève qui n’a que les
cours du lycée n’a pas assez de
temps pour assimiler les connaissances», regrette Véronique Chauveau, enseignante, vice-présidente
de l’association Femmes et mathématiques, qui se bat pour en faire
une discipline attrayante à travers
des clubs de sciences qu’elle a montés dans son lycée. Sans attendre le
plan Chatel, puisque son premier
club date de 1996.p
Maryline Baumard
Valérie Pécresse, Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche
dimanche 30 janvier à 18 h10 sur i>TELE et France Inter
A retrouver sur : franceinter.com, itele.fr, Dailymotion et
10 France
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Dimanche 30 - Lundi 31 janvier 2011
Jeu de séduction entre
Dominique et Ségolène
P
endant toute la durée de
leur face-à-face, le ton est
resté cordial, les regards se
sont à peine croisés. Mais devant
le millier de spectateurs présents
à Grenoble dans l’auditorium de
la Maison de la culture (MC2), les
mots prononcés par l’un ont trouvé un écho troublant dans le discours de l’autre.
Invités vendredi 28 janvier à se
pencher sur l’avenir de la Ve République à l’occasion d’un débat
organisé par Libération et Marianne, Dominique de Villepin et
Ségolène Royal, tous d’eux en précampagne présidentielle, ont préconisé « la refonte des institutions » et la « fin de l’immobilisme
politique » pour « sauver et revivifier la République ».
En marge de leurs propositions, s’est aussi joué entre les
deux protagonistes un jeu de
séduction politique insolite que
l’ancien premier ministre s’est
employé à orchestrer, sourire aux
lèvres, n’hésitant pas à applaudir
son interlocutrice et à l’appeler
par son prénom. Peut-être une
réminiscence du temps où ils partageaient les bancs de l’ENA.
Quand la présidente de la
région Poitou-Charentes a cité le
général de Gaulle, M. de Villepin,
ravi d’être aussi bien accueilli en
terres socialistes, a aussitôt rétorqué : « Je suis un gaulliste social
soucieux de se confronter au plafond républicain actuel ».
Face aux efforts soutenus de
l’ancien premier ministre de pointer leurs « convergences » d’idées,
la candidate socialiste a parfois
tenté de s’échapper, en attaquant
notamment le contrat première
embauche (CPE), qui avait fait descendre des milliers de jeunes
dans les rues en 2006. M. de Villepin a alors manié l’autocritique
pour garder la main. « Un premier
ministre commet aussi des
erreurs. Au sujet du conflit du CPE,
nous sommes donc d’accord une
fois de plus », a-t-il plaisanté.
« Je vois bien que des points de
convergence existent, a insisté
M.de Villepin. Au-delà de la séduction politique propre à la veille
d’une élection où il faut se distinguer, il y a une nécessité paradoxale : aller dans le sens d’un rassemblement. Tout dépend de la
conception que l’on a de la fonction présidentielle. »
« Changer les choses »
« Comment ne pourrait-on pas
faire un bout de chemin ensemble
si les principes fondamentaux de
la Ve République sont menacés »,
s’est interrogée Mme Royal, qui
n’avait pas hésité à proposer l’alliance avec le centre durant la campagne présidentielle de 2007.
« L’esprit de division est dépassé.
Nos enfants ne sont ni de droite ni
de gauche », a-t-elle ajouté.
Le débat a mis en lumière la
volonté commune des deux protagonistes, au statut identique de
« trublion » au sein de leur propre camp, de « changer les choses ». Au nom d’un ennemi commun ? « Rien ne serait pire que
d’avoir des convergences sur l’antisarkozysme, tranche aussitôt
Ségolène Royal. Les Français
attendent de nous que nous
construisions autre chose. » p
Benoît Pavan
(Grenoble, correspondant)
Les opposants à Marine Le Pen tentent
de se structurer en vue de 2012
Des formations d’extrême droite tentent de faire émerger une candidature alternative commune
L
es recompositions à l’extrême droite ont commencé. A
peine deux semaines après
l’élection de Marine Le Pen à la tête
du Front national, le 16 janvier, lors
du congrès de Tours, les divers
déçus, exclus et dissidents du
Front national (FN) tentent de se
rassembleren vue du scrutin présidentiel et des élections législatives
de 2012. Cela porterait, à l’extrême
droite, le nombre de candidats
potentiels à trois, puisque le Bloc
identitaire est aussi en lice.
Plusieurs formations, comme le
Parti de la France (PdF) de Carl
Lang,leMouvementnational républicain (MNR) ou la Nouvelle Droite populaire (NDP), veulent s’unir
pour « préparer une alternative à
Marine Le Pen ». Lors des élections
régionales de mars 2010, ces trois
partis avaient présenté deux listes
« antiminarets », en Lorraine et en
Franche-Comté.
Cette fois, l’alliance entend
s’élargir à d’autres personnalités
d’extrême droite, comme le maire
d’Orange, Jacques Bompard.
Ancien du FN et du Mouvement
pour la France (MPF) de Philippe de
Villiers, actuellement mis en examen pour prise illégale d’intérêt, il
s’était allié au Bloc identitaire aux
régionales de 2010. Cette fois, il
déclare « ne pas être opposé à des
ententes pour les législatives », précise « qu’il n’est pas d’accord sur
tout », mais ajoute « qu’il y a une
communauté de réflexion ». Avant
de reformuler, dans un deuxième
temps, qu’il en est « au stade de
Février 2011
DEVENEZ INCOLLABLE SUR L’ACTUALITÉ
Actualité
tion de l’étatisme, d’un Etat fort à
dimension sociale, qui rappelle les
dérives totalitaires du XXe siècle. »
Même tonalité chez Roland
Hélie, un des responsables de la
NDP. « On veut occuper le terrain et
redonner au camp nationaliste un
peu d’espérance », assure-t-il. Si
M. Lang est très prudent quant à la
forme que prendra ce rapprochement, M. Hélie évoque, lui, une
«confédération ».
« Tribus »
Ce ne sera pas chose aisée. Ces
partis piochent dans tout ce que
l’extrême droite compte de « tribus ». Ainsi, le PdF est proche des
catholiques traditionalistes, alors
que la NDP n’a pas peur de mener
des actions communes avec des
skinheads d’extrême droite.
Des partis « non électoralistes »,
commel’Œuvre française – le groupuscule antisémite de Pierre Sidos
– sont aussi sur les rangs. M. Bompard, lui, est une personnalité locale, un notable, aisément réélu dans
sa ville depuis 1995. Il faudra également compter avec l’équipe de
l’hebdomadaire antisémite et
pétainiste Rivarol, qui fait campagne pour cette union.
L’intérêt – assumé – d’une telle
« confédération » est de pouvoir
bénéficier de la loi sur le financementdespartis qui permetunremboursement des frais si l’on
recueille 1 % des voix dans au
moins cinquante circonscriptions.
Un des enjeux pour ces mouvements, qui ont peu de militants,
est de faire venir à eux une partie
des soutiens de Bruno Gollnisch,
restés au FN. Ces derniers – dont
beaucoup de cadres sont issus de
l’Œuvre française – semblent, pour
l’heure,regarderceladeloin. Ilspréfèrent « structurer » une « minorité » forte au sein du FN et se présenter comme recours à un éventuel
échec de Marine Le Pen.p
Abel Mestre
n Sur Lemonde.fr
Le blog « Droites extrêmes »
Le député de Corrèze devait réunir le 29janvier son club Répondre à gauche
A
Sciences
Prévisions, la météo répond
Cultures
Le réel dans l’objectif
+ La chronologie
du mois
www.lemonde.fr/dosdoc
pure réflexion » et que « tout cela
est très hypothétique ».
La raison invoquée pour expliquer l’accélération de ce processus
est la tonalité plus « républicaine »
de la présidente du FN. Pour Carl
Lang, ancien numéro trois du FN et
président du PdF, il s’agit de «montrer qu’il y a autre chose que Marine
Le Pen ». M. Lang devait tenir une
première réunion, samedi 29 janvier, à Paris, dans le 15e arrondissement – mais sans ses partenaires –,
poury«développer»ses«divergences ». A savoir, la « question européenne », « le droit à la vie de la
conception à la mort » et surtout
«la laïcité » et le « rôle de l’Etat ».
«Le discours de Marine Le Pen est
tout l’opposé de celui de la droite
nationale française », lance
M.Lang, qui compte sur « la rupture avec son électorat naturel » pour
luigrappiller desvoix. « Jesuis totalement opposé au discours laïciste
deMarine Le Pen, quiestle cheval de
Troie de l’islamisation, explique-til. Elle a mis en avant une concep-
François Hollande prône une «nouvelle
donne sociale» pour revaloriser le travail
Comprendre la guerre
des monnaies
Dossiers & Documents,
pour mettre en
perspective l’actualité
et comprendre le monde
qui nous entoure
Carl Lang, lors du lancement de son parti, le 23 février 2009. CHRISTOPHE BERTOLIN/IP3
2,95
près la réforme fiscale, le
social. François Hollande,
ancien premier secrétaire
du Parti socialiste (PS) et candidat
potentiel aux primaires, poursuit
sa précampagne en présentant,
samedi 29 janvier, à Paris, ses propositions pour une nouvelle donne sociale, à l’occasion des assises
sociales organisées par son club,
Répondre à gauche.
La crise actuelle est « une crise
du sens du travail et du sens du progrès », devait déclarer M. Hollande,
eninsistant sur lanécessité de «lutter contre la souffrance au travail »
et de « travailler mieux pour travailler tous ». Pour y parvenir, le
député de Corrèze prône un triple
changement. De méthode, avec le
développement de la démocratie
sociale ; de priorités, avec une
mobilisation pour l’emploides jeunes ; de modes de financement,
avec des prélèvements moins
pénalisants pour le travail.
L’ancien numéro un du PS
n’avait pas ménagé ses critiques au
sujet du projet du PS, rédigé par
Benoît Hamon, sur l’égalité réelle.
«C’est la hotte du Père Noël », avaitil ironisé en décembre 2010. Lui
s’en tient à des mesures dont le
coût financier paraît a priori bordé.
Sur l’emploi, M. Hollande propose de créer un contrat de génération entre un employeur et deux
salariés, un jeune et un senior. Si
cette proposition de tutorat est
des plus consensuelles, son financement l’est moins : il implique,
selon le responsable socialiste, de
supprimer les allégements de charges sur les heures supplémentaires instaurés par la loi en faveur du
travail, de l’emploi et du pouvoir
d’achat (TEPA) de 2007.
M. Hollande suggère en outre
de réduire le montant des exonérations de cotisations sociales et de
les cibler sur les emplois des jeunes et des entreprises de maind’œuvre exposées à la concurrenceinternationale. Il défend le transfert progressif des cotisations
maladie et famille sur une nouvelle assiette représentant l’ensemble de la richesse produite.
Plus grande démocratie
LedéputédeCorrèzefaitdubienêtreautravail unfacteurde compétitivité,rejoignantsurcepointJeanFrançois Copé. Mais, contrairement au secrétaire général de
l’UMP, il ne rouvre pas le débat des
35heures. « D’une manière générale, les pays qui ont le plus réduit leur
temps de travail sont ceux qui ont le
taux de chômage à temps complet
le plus faible », observe-t-il en s’appuyant sur les statistiques de
l’OCDE. Il plaide par ailleurs pour
une plus grande démocratie dans
l’entrepriseet pour l’ouvertureaux
représentants des salariés des
conseilsd’administration desgrandes entreprises.
Enfin, et surtout, M. Hollande
s’attaqueà la question de l’articulation entre démocratie politique et
démocratie sociale, revenue sur le
devant de la scène avec la réforme
des retraites. Il propose de réunir,
dès le début du mandat présidentiel, en 2012, les partenaires
sociaux afin de tenir des assises de
la démocratie sociale. Ce dialogue
tripartite (Etat, organisations syndicales, organisations patronales),
permettrait de fixer l’agenda social
de la législature : emploi, souffrance au travail, participation des salariés à la gouvernance de leur entreprise, réduction des écarts salariaux, égalité hommes-femmes.
Ces « assises » seraient aussi l’occasion de fixer les sujets qui relèvent
de la loi et ceux qui sont du ressort
de la négociation collective, afin de
préciser le calendrier social.
M. Hollande veut donner plus
d’autonomie aux partenaires
sociaux. Des membres de son équipe proposent,sur les sujets nécessitant une intervention législative,
que le gouvernement s’engage à
soumettre au Parlement, sans les
modifier, les textes approuvés par
les assises. Il n’est pas sûr que
M. Hollande aille aussi loin, au risque de susciter une levée de boucliers au Parlement et à gauche. p
Claire Guélaud
France 11
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Dimanche 30 - Lundi 31 janvier 2011
Les intellectuels
Lastratégied’«inclusion»d’Aubervilliers
musulmans sortent poursafortecommunautéchinoise
La mairie socialiste multiplie les initiatives pour favoriser l’intégration de cette diaspora
deleur réserve
Une manifestation condamnant le terrorisme
islamiste était prévue à Paris samedi 29janvier
P
as sûr qu’ils soient des milliers, samedi 29janvier, sur le
parvis des Droits-de-l’Homme, à Paris, pour dénoncer le
«rapt » de l’islam par le terrorisme
islamiste. Mais les religieux et les
intellectuels de culture musulmane,qui ontdécidé deprolongerl’appel, publié par Libération le 12 janvier, par les journalistes Marc Cheb
Sun et Ousmane Ndiaye, pour
condamner les attentats antichrétiens perpétrés en Irak et en Egypte
par des radicaux islamistes, ont le
sentiment qu’avec ce texte, « il est
entrain de se passer quelque chose »
dans la communauté musulmane
française. Et, qu’entre « islamisme
et islamophobie », leur voix peut
« se frayer un chemin ».
Pour certains des signataires, la
condamnation des attentats allait
de soi mais l’affichage musulman
deleuridentitéfutplusproblématique.« Pourmoi,ilatoujoursétéclair
que dans un pays laïc on n’arrive
pas avec le drapeau de ses origines
enbandoulière,témoignelasénatrice de Paris Bariza Khiari, l’une des
premières signataires de l’appel.
Maisl’islamestdevenuunsujetpolitique, une idéologie à combattre,
c’est donc normal que je m’exprime
en tant que femme politique de
culture musulmane pour rappeler
que l’islam est avant tout une spiritualité, portée par des citoyens français qui ne représentent pas un danger pour la société. Il faut en finir
avec l’image du musulman avec un
couteau entre les dents et montrer
des modèles positifs. »
Même démarche de la part de
Karim Miské, réalisateur francomauritanien, élevé dans un universfranco-français: « Je n’étaispas
hyper chaud pour signer le texte,
car si je ne récuse pas cette partie de
mes origines, je ne me définis pas
comme musulman et je refuse les
assignations identitaires. » Il s’est
pourtant décidé, à cause du
« contexte ». « Incroyant, j’ai toujours été perçu comme musulman
avec ma tête d’arabe et mon prénom. Mais, aujourd’hui, et encore
plus après le débat sur l’identité
nationale, il est devenu impossible
d’échapper aux catégories et aux
identités religieuses. Je ne peux plus
faire comme si le regard des autres
n’existait pas et que la France était
ce qu’elle prétend être : laïque, sans
discrimination…»
Soucieuxde« laïcité etd’intégration», nombre de cadres de culture
ou de confession musulmane
n’ont pas, dans leur parcours professionnel, social ou personnel,
mis cet aspect de leur identité en
avant. « On pensait que la réussite
sociale nous mettait à l’abri d’un
renvoi à nos origines. Or, même
socialement intégrées, les nouvelles
générations demeurent toujours
soupçonnées d’un défaut de loyauté à la République », explique
Mohammed Colin, directeur du
site communautaire Saphirnews
et signataire de l’appel.
« Il y a encore cinq ou dix ans, on
ne souhaitait pas prendre position
sur des sujets liés à l’islam, témoigne aussi Naïma Mfadell, déléguée
auprès du préfet à Mantes-la-Jolie,
car on craignait que cela en rajoute
«Il faut en finir avec
l’image du musulman
avec un couteau entre
les dents et montrer
des modèles positifs»
Bariza Khiari
sénatrice de Paris
sur la stigmatisation dont on était
l’objet. Si on le fait aujourd’hui, c’est
parce qu’on se sent à l’aise dans
notre appartenance française, sans
renier nos origines. C’est la preuve
d’une maturité de notre citoyenneté. » Mais il n’est pour autant pas
question pour eux de devenir des
militants de l’islam.
Cette nouvelle génération qui
affiche des parcours de réussite est
aussi davantage à l’abri des risques
d’assignation à une seule partie de
son identité. « Même si elle se déterminepubliquement commemusulmane, la nouvelle élite ne risque pas
de tomber dans le repli identitaire :
elle appartient à une multitude
d’autres réseaux et conserve une
ouverture sur le reste de la société »,
juge M.Colin.
Les signataires espèrent prolonger leur mobilisation par une
réflexionsurlamontée del’islamophobie en France.p
Stéphanie Le Bars
Consommation
«Forte probabilité» d’intoxication
alimentaire mortelle pour un
adolescent après un repas chez Quick
La probabilité est « forte » pour qu’« une toxi-infection alimentaire » soit
à l’origine de l’œdème qui a causé la mort, samedi 22 janvier, d’un adolescent qui avait dîné la veille dans un restaurant Quick dans le Vaucluse, a déclaré, vendredi 28 janvier, la procureure d’Avignon, Catherine
Champrenault. « Il peut y avoir un lien avec ce qu’il a mangé la veille,
mais on ne peut pas exclure des absorptions plus anciennes », a-t-elle
ajouté, sur la base des premiers résultats de l’autopsie et des analyses
biologiques et épidémiologiques effectuées sur la victime. Les résultats
des tests effectués dans l’établissement ne sont pas encore connus. p
Médicaments Le Fonzylane et le Nizoral
pourraient être prochainement interdits
Deux médicaments pourraient être prochainement interdits, le Fonzylane, un vasodilatateur, et le Nizoral, un antimycosique. Le site du
Figaro faisait état vendredi 28 janvier d’un vote en ce sens de la commission d’Autorisation de mise sur le marché (AMM), dont l’avis n’est
cependant que consultatif. Mardi 25 janvier, le ministre de la santé,
Xavier Bertrand, avait indiqué que la liste des 76 médicaments sous surveillance, demandée à l’Afssaps, à la suite de l’affaire du Mediator, serait
rendue publique au plus tard une semaine après.
Sans papiers La Cité nationale de l’immigration
à nouveau fermée
La Cité nationale de l’histoire de l’immigration, à Paris, a fermé ses portes
vendredi 28janvier pour tenter de mettre fin à son occupation par environ
500 travailleurs sans papiers réclamant leur régularisation. La police a bloqué les accès du musée et empêché ces travailleurs immigrés d’aller dans
un local mis à leur disposition. Le musée avait déjà fermé en décembre
2010, avant de rouvrir quelques jours plus tard sur la base d’un protocole
d’accord entre direction et sans-papiers, dénoncé depuis par la direction.
L
asemainedu3février,à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), on
fêtera avec faste le Nouvel An
chinois. Il y aura un dragon et des
danses traditionnelles pour la fête
asiatiquela plus importantede l’année. Mais ici, plus que dans d’autres
villes qui comptent une communauté chinoise, l’événement fera
l’objet de toutes les attentions.
Avec quelque 3 400 contribuables d’origine chinoise officiellement recensés, Aubervilliers est la
ville de France après Paris où la
concentration de la communauté
chinoise est la plus forte. La plupart
ont commencé à s’installer il y a dix
ans. Leur nombre a grossi rapidement,au point de devenir la deuxième communauté de la ville après
les Algériens (4 400). Pour une cité
de 74 000 habitants, où 36 % de la
population est étrangère, cet afflux
constitue un enjeu à la fois social,
économique et politique.
Commune déshéritée de la petite couronne, Aubervilliers connaît
un taux de chômage de plus de
20 %. Or les Chinois qui s’y sont installés sont surtout des primo-arrivants, et ont de fortes difficultés
d’apprentissage du français. Dans
leur sillage, suivent un certainnombre de sans-papiers. « On a tous les
éléments indiquant que le ghetto
est là », estime Frédéric Medeiros,
chargé de la communication de la
ville.
Les maires communistes qui se
sont succédé depuis dix ans ont
bien tenté de tisser des liens avec la
diaspora chinoise. Mais Jacques Salvator (PS), élu en 2008, au socialisme très rocardien,s’est particulièrement investi. « On est à la croisée
des chemins : soit, d’ici quinze ans,
on réussit à casser ces murs ; soit on
s’enfonce », prévient M. Medeiros.
Pour y parvenir, une classe bilingue mandarin-français a été créée
dans un des collèges. Les deux
lycées proposent le chinois en
option. Des ateliers d’apprentissage de la langue sont ouverts à tous
en mairie. Surtout, la ville cultive
un petit cercle d’interlocuteurs
sinophones qui lui servent de
médiateurs avec une communauté
qui a tendance à se replier sur elle.
Ling Lenzi, 42 ans, en fait partie.
Dynamique chinoise mariée à un
français, autoentrepreneuse, elle
facture ponctuellement ses missions. « Il m’est arrivé d’être appelée
pour faire le lien entre un père
chinois qui parle mal le français et
son fils qui était convoqué en conseil
Rue de la Haie-Coq, à l’entrée d’Aubervilliers, le 27 janvier. M. COROUGE/DOCUMENTOGRAPHY POUR « LE MONDE »
de discipline au collège », raconte-t-elle. Elle est surtout l’un des
relais-clés dans le milieu très fermé
des nombreux grossistes originaire de Wenzhou (à 400 km au sud de
Shanghai).
Ces 700 grossistes et leurs
4 000 salariés sont au cœur de la
stratégie d’« inclusion » de la mairie. L’immense zone qu’ils occupent à l entrée de ville, pour la vente
de maroquinerie, le textile, et
«Aujourd’hui,
les Chinois habitent,
achètent; demain,
ils seront électeurs»
Mickaël Dahan
directeur de cabinet
du maire d’Aubervilliers
d’autres objets de bazar, a fini par
prendre une proportion telle qu’elle gêne les projets de développement urbain. Leur activité génère
ensus desnuisances quela commune peine à résoudre, en particulier
lesva-et-vientdes camions delivraisons et l’insécurité engendrée (braquages, vols à l’arraché) par la circulation d’argent et les stocks de marchandise.
Alors que la petite couronne attire de plus en plus de classes moyennes éjectées de la capitale à cause
des prix de l’immobilier, Auber-
villiers souhaiterait ne pas rater ce
virage et rendre un peu plus
accueillante son entrée de ville. Des
travaux de voirie avec création
d’un couloir de bus ont déjà commencé, ce qui n’arrangepas la circulation des poids lourds. Toute une
zone vers laquelle les grossistes
envisageaient de s’étendre a aussi
été préemptée pour la construction
d’un centre commercial qui doit
être inauguré en avril.
L’activité chinoise de négoce de
gros n’en reste pas moins un enjeu
économique crucial pour la ville.
L’équipe de M. Salvator s’est donc
lancée dans un savant lobbying
afin de ne pas faire fuir les grossistes. Lors de l’Exposition universelle
de Shanghai, en 2010, la mairie et la
communauté d’agglomération ont
partiellement financé le déplacement d’une délégation de 130 personnes. Soit l’une des plus grosses
délégations françaises…
Afin de concilier ses ambitions
économiques et urbanistiques, la
mairie d’Aubervilliers rêve, à terme, d’inciter les grossistes à une
concentration plus « verticale »,
dans des immeubles à étages, comme celase pratique ailleurs en Europe. Certains d’entre eux sont sceptiques. D’autres, comme Huong Tan,
engagé dans plusieurs associations
franco-chinoises, estiment que
« seule une réflexion à l’échelle du
Grand Paris » permettra de trouver
une solution. D’ici à la mi-2013, un
projet innovant de boutique sur
trois étages, dont deux en sous-sol
consacrés au stockage et aux livraisons, devrait voir le jour dans la
zone.
La diaspora chinoise est aussi,
pour la mairie, un vivier électoral à
ne pas négliger. Mickaël Dahan, le
directeur de cabinet de M. Salvator
ne le cache pas : « Aujourd’hui, les
Chinois habitent, achètent ;
demain, ils seront électeurs. » Et ce,
alors, que leur « poids démographique » tend à se confirmer.
Cet aspect est le seul à susciter
quelques réserves de la part de l’un
des deux élus UMP de l’opposition
municipale. «C’est vrai que la limite
avec la logique électoraliste est parfois assez floue », remarque Nadia
Lenoury. La communauté maghrébine et une frange des habitants
s’émeut parfois d’être moins
choyée que la diaspora chinoise.
La municipalité s’en défend et
rappelle qu’elle ne se prive pas
d’aborder « assez franchement » la
question des évolutions de la société chinoise. En 2010, M. Salvator
s’était félicité, plaide-t-elle, de l’attribution du prix Nobel de la paix à
Liu Xiaobo. Une conférence-débat
avait aussi été organisée. Son thème : « Croissance, harmonie, droits
humains : lumières et ombres
chinoises. » p
Elise Vincent
16 à 20 ans de réclusion pour les quatre agresseurs de
Bruno Wiel, victime «d’actes de barbarie» homophobes
La cour d’assises du Val-de-Marne a rendu son verdict vendredi 28janvier
D
es peines allant de seize à
vingt ans de réclusion criminelle. C’est le verdict
qu’a prononcé la cour d’assises du
Val-de-Marne, à Créteil, présidée
parPhilippe Vandingenen, vendredi 28 janvier, à l’encontre des quatre agresseurs de Bruno Wiel.
Depuis le 18 janvier, elle examinait le déchaînement de violence
subi à l’été 2006 par cet ancien gestionnaire de paie homosexuel,
aujourd’hui âgé de 33 ans. « Un cas
d’école des actes de barbarie »,
avait estimé l’avocat général,
Benoist Hurel, dans son réquisitoire, jeudi 27 janvier, estimant que
l’homophobie était la «seule et unique lecture possible du dossier ».
Qualifiant M. Wiel de « miraculé »,
il avait réclamé des peines allant
de quinze à vingt ans de réclusion.
Dans la nuit du 19 au 20 juillet
2006, Bruno Wiel avait été passé à
tabac, brûlé, sodomisé avec un
bâton et laissé pour mort dans le
parc départemental des Lilas, à
Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne).
Retrouvé par hasard dans un bosquet, trente heures plus tard, nu et
gémissant, il avait passé quinze
jours dans le coma et près de sept
mois à l’hôpital. Victime d’une
amnésie traumatique, il a perdu
tout souvenir de son agression et a
dû réapprendre à parler.
David Deugoué N’Gagoué,
Julien Sanchez, Antoine-Karim
Soleiman et Yohan Wijesinghe,
aujourd’hui âgés de 25 à 30 ans, originaires de la même cité et marqués – pour certains – par des
enfances empreintes de violences
et d’abus sexuels, répondaient à
Créteil de « tentative de meurtre »
et d’« actes de torture et de barbarie », aggravés par un mobile
homophobe,et de « vol avec violences en bande organisée ».
Au cours des neuf jours
d’audience, ils ont d’abord insisté
sur leur forte alcoolisation, l’effet
degroupe et leurs motivations crapuleuses pour expliquer les faits.
Ils ont assuré avoir convaincu
M. Wiel, qui sortait éméché d’un
bar gay en plein centre de Paris,
d’embarquer dans leur voiture
contre la promesse de « faire
l’amour » alors qu’ils comptaient
« le dépouiller ». Malgré son amnésie, BrunoWiel– décrit commeprudent, voire timoré, par son entourage – avait rétorqué : « Il est totalement impossible que je sois monté
en voiture avec eux. Je sais très bien
qui j’étais et qui je suis. »
« On n’est pas des pédés ! »
Mardi 25janvier, Antoine-Karim
Soleiman, condamné à vingt ans de
réclusion, a lâché que l’orientation
sexuelle de M. Wiel avait été « un
des facteurs déclenchants ».
Condamné à seize ans, Yohan Wijesinghe, conducteur de la voiture et
auteur de la première gifle dans le
parc, a admis avoir alors crié : « On
n’est pas des pédés ! » La veille,
DavidDeugouéN’Gagoué,condamné à vingt ans, avait confessé : «On
a feint l’homosexualité.»
Vendredi, Bruno Wiel s’est dit
« très soulagé » que le caractère
homophobe de son agression ait
été reconnu par la cour.
Me Caroline Mécary, conseil de
l’association SOS Homophobie,
partie civile dans ce procès, a salué
la « sévérité juste » du verdict,
« signe d’une prise de conscience
dans la société française qu’on ne
peut impunément porter atteinte
à la vie de quelqu’un au prétexte de
son homosexualité ». Me Françoise
Cotta, avocate de M. Soleiman a,
elle, jugé les peines « extrêmement
lourdes » pour des accusés « pas en
mesure (en 2006) de comprendre
la gravité de ce qu’ils avaient fait ».
Mamadou Diakité et Haïtem
Ben Amor, âgés de 26 ans, avaient
participé, à l’été 2006 – aux côtés
de trois des agresseurs de M. Wiel –
à l’agression de deux autres personnes à l’homosexualité réelle
ou supposée, Ils ont été respectivement condamnés à deux ans de
prison dont un avec sursis et mise
à l’épreuve, et à huit ans d’emprisonnement. p
Patricia Jolly