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Pas-de-Calais le Département
Les Archives du Pas-de-Calais (Pas-de-Calais le Département) - Archives > Activités culturelles > Chroniques de la Grande Guerre > À l'écoute des témoins
> 1916 > Le 25 août 1916 : Colas et Jacqueline, géants en exil - Le 22 février 2017 - 12h22
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Le 25 août 1916 : Colas et Jacqueline, géants en exil
Le 25 août 2016
(
http://www.archivespasdecalais.fr/var/satellites/storage/images/mediatheque/archives/images/chroniques-de-la-guerre/a-l-ecoute-des-temoins/1916/16-08-25_colas-et-jacqueline/10783
)
Nés en 1812, année de la création des fêtes d’Arras qui commémorent les défaites espagnoles de 1640 et 1654 (
http://www.archivespasdecalais.fr/Activites-culturelles/Un-document-a-l-honneur/Un-bestiaire-au-combat) ,
sous la plume patoisante de Louis-Joseph Le Gay
dans Iras-tu vir el’ fête d’Arras ?, les paysans achicouriens Colas et Jacqueline ont vécu tous les bouleversements locaux ou nationaux du
siècle, au travers des réécritures annuelles de la chanson de la fête d’Arras.
En 1891, ils s’incarnent dans deux géants de 6,25 mètres, vêtus l’un en maraîcher, l’autre en paysanne artésienne. Chantres et symboles de leur
ville, ils disparaissent sous les bombardements de la Première Guerre mondiale et ne reviendront qu’avec la paix, mais accompagnés de trois
enfants, Robert, Tiot Jean et Tiot Jacques…
La seconde guerre mondiale a de nouveau raison d’eux. Détruits, ils ne réapparaissent qu’en 1981, un peu diminués certes (ils ne mesurent
"plus" que quatre mètres), mais fringants et toujours parés de leurs attributs bariolés. En 1995, Dédé vient agrandir la fratrie. Accompagné de ses
parents, il défile encore aujourd’hui lors des annuelles fêtes aoûtiennes d’Arras…
()
Colas et Jacqueline
À Monsieur le Maire d’Arras
Chaque année, à la veille de la ducasse, des camelots offraient à grands cris "la chanson de la fête
d’Arras". Le vieux couple arrageois, l’illustre Colas et sa légendaire épouse Jacqueline, étaient les héros
obligés de cette Iliade vraiment homérique. Tous achetaient la chanson et s’esbaudissaient.
La fête d’Arras est suspendue… Colas et Jacqueline ont dû se laisser évacuer. De patientes recherches
m’ont permis de retrouver les traces de ces héros antiques. Ils vivent ! Et Colas, bon et brave ami, m’a
adressé ces temps derniers, l’aimable lettre suivante :
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"Mon vieux d’Artois,
Hé oui ! Nous avons dû évacuer notre Arras… Les obus tombaient… tombaient ! Alors, j’ai dit à ma
femme :
Allons ! Jacqueline faut démarrer !
J’ cro ben qu’ c’hest l’heur’ ed, nous barrer !
Chés marmites boches al’ dégringole :
Ch’est pus le moment ousqu’on rigole !
Malgré qu’ nous n’avons pas d’ blason,
I faut laicher là nou "Mason"…
Quand même ch’est eine vilain’ histoire,
Mais j’su sûr qu’in erra l’victoire !
Jacqueline, vous le savez, n’est pas "bileuse". Selon son habitude, elle improvisa sa réponse et me la
chanta ainsi :
Avant d’quitter nou viu log’mint,
Bau donc tin café tranquil’mint.
Mon Diu ! qu’ t’as eine vilaine tête.
Faut pas s’in faire, j’ te l’ répète.
Armet tin cœur qui fait toc, toc,
In intindant, quaire leu-z-obus mastocs ;
Te fais d’ bile : in les éra,
Et nous r’verrons nou ville d’Arra !
En dépit de ces cris belliqueux, je vis bien que mon épouse jaunissait… elle avait "sin cœur douche".
Mes accents pathétiques la remontèrent de deux degrés :
J’ sais ben qu’ ch’est pas l’ première fau,
Qu’in cass’ tout din ch’ pays d’Artau !
Nous avons r’chu gramin pu d’ prunes,
Qu’ nous n’avons jamais manié d’ thunes !
Quand même, j’ai peur pour tes fausses dints,
Dont j’ai toudi quair, tous ché bieux grinch’mints…
A m’ mode, vau miu nous in aller,
Plutôt què d’nous mettre à râler !...
Là-dessus, nous sommes partis. Jacqueline, en route, a acheté quatre sous de prises. "Avec ça, qu’elle
me soupire, j’irai toudi bien jusqu’à Aubigny !" Notre voyage fut assez bon. Mais, vu notre haute taille,
on nous a provisoirement logés dans un hangar ayant servi d’abri à un ballon dirigeable.
Nous sommes à notre aise. Mais Jacqueline regrette beaucoup Arras. Elle a bien pleuré quand je lui ai
annoncé les malheurs de notre cité :
Y-z-ont fait quair nou vin cloquer,
Qu’ j’avau plaisi à raviser…
Et pi y faut être bien ladrale,
D’avoir démoli l’cathédrale !
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Et ché pour min cœur eine viv’ peine,
D’ savoir in danger, nou belle cour Baleine…
Din l’ fond, ch’est eine bande ed’ manants,
Conduite par ein triste croquant."
()
Le Lion d’Arras, vendredi 25 août 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PF 92/2.
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