Cass. soc. 15 mai 2014 n° 11-22.800 (n° 983 F

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Cass. soc. 15 mai 2014 n° 11-22.800 (n° 983 F
Cass. soc. 15 mai 2014 n° 11-22.800 (n° 983 F-D), D. c/ Sté Chabe limousines
(Extraits)
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. D. a été engagé le 16 mai 1997 par la société Chabe
Verjat, devenue Chabe limousines, en qualité de chauffeur de grande remise ; qu’il a, à
compter du 2 mai 2001, été désigné délégué syndical ; qu’il a fait l’objet d’une mise à pied
conservatoire du 11 juillet au 24 août 2007 ; que l’inspecteur du travail a refusé d’autoriser le
licenciement du salarié ; qu’ayant, le 19 mai 2008, pris acte de la rupture de son contrat de
travail aux torts de l’employeur, le salarié a saisi la juridiction prud’homale de diverses
demandes ;
Sur les premier et cinquième moyens :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre
l’admission du pourvoi ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l’article L 1134-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande au titre de la discrimination syndicale et
dire que la prise d’acte de la rupture produit les effets d’une démission, l’arrêt retient que la
simple chronologie des faits permet d’exclure toute discrimination, et que la preuve est
rapportée par l’employeur de l’existence des difficultés ayant émaillé la relation contractuelle
dès l’année 1998, soit trois ans avant la désignation du salarié en qualité de délégué syndical ;
Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l’existence d’éléments
objectifs étrangers à toute discrimination justifiant les difficultés constatées, la cour d’appel
n’a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le troisième moyen :
Vu l’article L 1152-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande au titre du harcèlement moral et dire que
la prise d’acte de la rupture produit les effets d’une démission, l’arrêt, après avoir constaté que
le salarié justifiait d’une dégradation de son état de santé médicalement attestée et de ce qu’il
avait été convoqué à un entretien préalable où il n’avait pu se rendre en raison des tâches qui
lui avaient été imposées par l’employeur, et dit que ces faits laissaient présumer l’existence
d’un harcèlement moral, retient, d’une part, que si les problèmes de santé de l’intéressé
pouvaient s’expliquer par des tensions professionnelles, ceux ci ne sont pas imputables à des
agissements de harcèlement moral, d’autre part, qu’en l’absence de suite donnée par
l’employeur à la procédure nécessitant un entretien préalable, l’absence de report de celui ci,
qui n’a pas été sollicité par le salarié, ne peut être assimilé à un agissement de harcèlement
moral ;
Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l’existence d’éléments
objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa
décision ;
Sur le quatrième moyen pris en sa première branche :
Vu l’article L 2421-1 du code du travail ;
Attendu, selon ce texte, que si l’autorisation de licenciement est refusée, la mise à pied du
salarié protégée est annulée et ses effets supprimés de plein droit ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en annulation de la mise à pied
conservatoire, l’arrêt, après avoir constaté que l’inspecteur du travail avait refusé d’autoriser
le licenciement de l’intéressé, retient que compte tenu des éléments dont avait connaissance
l’employeur s’agissant du décompte du temps de travail opéré par M. D., il ne peut lui être
reproché d’avoir mis en oeuvre une procédure disciplinaire et d’avoir prononcé une mesure de
mise à pied qu’il n’y a pas lieu d’annuler ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il ne lui appartenait pas de se prononcer sur le bien fondé de la
mise à pied annulée, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Sur le quatrième moyen pris en sa seconde branche :
Vu l’article L 1332-3 du code du travail, ensemble les articles L 3141-12 et L 3141-14 du
code du travail ;
Attendu que lorsqu’un salarié fait l’objet d’une mise à pied conservatoire, laquelle a pour effet
de suspendre le contrat de travail, il ne peut, pendant cette période, valablement prendre ses
congés payés, peu important que leur date ait été décidée antérieurement à la mesure de mise
à pied ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages intérêts au
titre des congés payés acquis et non pris du fait de la rupture du contrat de travail, l’arrêt
retient, par motifs propres et adoptés, que la mesure de mise à pied conservatoire ne fait
nullement obstacle à la prise de congés aux dates préalablement arrêtées entre l’employeur et
le salarié, et que l’intéressé a pu, pendant la période de mise à pied, bénéficier normalement
de dix huit jours de congés payés dont il a été indemnisé ;
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs :
Casse et annule, mais seulement en ce qu’il dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de
travail produit les effets d’une démission, et déboute M. D. de sa demande en paiement de
dommages intérêts au titre de la discrimination syndicale, du harcèlement moral et des congés
payés acquis et non pris, l’arrêt rendu le 25 mai 2011, entre les parties, par la cour d’appel de
Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de
Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Chabe limousines aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Chabe
limousines et condamne celle ci à payer à M. D. la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera
transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en
son audience publique du quinze mai deux mille quatorze.