semailles et moissons

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semailles et moissons
SEMAILLES ET MOISSONS
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« Désormais, tant que la terre durera, les semailles, les moissons, le froid, le
chaud, l’été, l’hiver, le jour et la nuit ne cesseront pas »
La Genèse. Chapitre 8 Verset 22
Après le déluge, les cycles naturels reprennent leur droit. Une nouvelle alliance
est passée entre Dieu et les Hommes. Il m’a donc fallu remonter jusqu’à la
Genèse pour trouver une première référence aux semailles et aux moissons, car
telle était le sujet de travail que le vénérable maître et le second surveillant
m’avaient confié.
CHAPITRE I : LES SEMAILLES « L’ENSEMENCEMENT DU CHAMP DE LA
CONNAISSANCE »
J’ai donc vécu moi aussi pour écrire cette planche mon cycle des semailles et
moissons. Celui où symboliquement on apprend et ensuite on récolte et on
partage.
Ainsi, au premier abord, le sujet m’avait, en effet, laissé perplexe pendant
plusieurs jours. Mais une planche c’est comme une enquête policière, on part à la
recherche sans très bien savoir où l’on va, on amasse des indices, on s’accroche
à la moindre piste, on la suit, on aboutit à des impasses souvent, on fait marche
arrière, on repart, on réfléchit, on lit, et puis petit à petit à force de recherches,
l’inconscient faisant son travail de synthèse, on entrevoit une faible lumière, on
avance et tout devient cohérent, du moins pour soi-même … Bref, l’exercice est
passionnant et on en ressort toujours plus riche. C’est le temps des semailles. On
découvre beaucoup d’éléments de connaissance comme on reçoit les grains qui
sont semés dans notre esprit, les uns vont germer, les autres un peu ou pas du
tout. C’est un véritable voyage initiatique, et j’ai compris, comme je l’avais
toujours pressenti, que la recherche était plus importante que le but à atteindre.
C’est une manière de mieux se connaître, de s’enrichir et de tailler sa pierre.
Pour ce sujet particulier, je disposai donc d’un thème « semailles et moissons »
et d’un indice glissé furtivement par le vénérable Maître : « Henri Troyat ». Ainsi,
la réponse se trouverait dans la saga romanesque du Géant Russe qui a rejoint
l’Orient éternel il y a trois mois. Allait-il falloir que je lise les cinq tomes de cette
chronique familiale commençant en 1870 et nous amenant en 1944 à la
libération de Paris ?
L’idée m’en a pris et j’ai commandé cette grande oeuvre que j’ai parcourue très
vite avec fébrilité à la recherche de symboles avec la vie spirituelle maçonnique.
Point de piste. Mais une autre œuvre attira mon attention « Tant que durera la
terre » une autre épopée qui peint ce que fut la terrifiante agonie de la Russie
des Tsars, pour reprendre les mots du Maréchal Juin dans son discours de
réception d’Henri Troyat à l’Académie Française. Ces deux hommes se sont donc
côtoyés. Le Maréchal avoue préférer « tant que la terre durera » à « semailles et
moissons », dont une grande partie se déroule durant les heures sombres de
l’occupation. Ce discours est un vrai joyau que j’ai découvert au hasard de mes
recherches et même s’il ne m’a conduit à rien d’immédiatement exploitable dans
le cadre mon sujet précis, je suis ravi de l’avoir découvert et je l’ai gardé et relu
depuis. J’étais donc certes satisfait de mes lectures mais je tournais en rond, rien
de bien maçonnique, apparemment dans tout cela, si ce n’est la connaissance
pour la connaissance, ce qui est déjà un cadeau.
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Après une grande semaine passée avec Henri Troyat j’ai eu ma période
« biblique ». En effet, le rapprochement des deux œuvres m’a conduit à la
phrase de la Genèse qui a ouvert mes propos. Voici donc la clé ! « Semailles et
Moissons » est donc une référence biblique.
J’ai donc creusé dans ce sens et ai trouvé rapidement la parabole des oiseaux
dans le ciel qui n’avaient pas à se soucier du lendemain, ni des semailles et des
moissons, pour se nourrir. Il fallait donc vivre léger sans attache matérielle et se
consacrer à la vie tout simplement et ne pas s’encombrer du souci du futur. A
chaque jour suffit sa peine, conclut la parabole. J’y trouvais deux parallèles : l’un
avec le renoncement aux métaux lorsque les maçons rentrent en travaux, et
l’autre avec la concentration et la patience qu’il faut avoir chaque jour dans son
travail et dans la connaissance de soi. C’est une lourde responsabilité très
prenante. Dans ce cadre, demain arrive assez tôt, et est une nouvelle étape.
J’étais sur la bonne voie, m’a-t-il semblé alors.
J’ai également lu la parabole du semeur dans l’Evangile selon Saint Marc. C’est
une référence au mystère de la graine enfouie qui pousse dans le sol. J’y
reviendrai plus tard. Encore un élément à inclure.
J’ai, par ailleurs, mis en évidence une nouvelle parabole sur le semeur, issue de
l’Evangile selon Saint Jean. Il y est dit que les graines répandues à côté des
champs ou sur de la mauvaise terre ne poussent pas ou donnent de piètres
récoltes. Il y avait là une voie intéressante à conserver sur la nature et sur la
qualité de ce que l’on semait et où on le semait. Le bon grain dans un bon champ
est la bonne combinaison. La bonne parole prodiguée à un esprit ouvert et
préparé donnera à coup sûr d’excellents fruits. Il en est de même pour
l’instruction en loge.
J’ai découvert, ou redécouvert, durant cette phase de recherche autour de la
Bible, les évangiles et Saint Jean. Mais il y a deux Saint-Jean. Saint Jean-Baptiste,
l’annonciateur, et Saint Jean L’Evangéliste, l’Aigle (celui qui côtoie les hauteurs
spirituelles, celui dont les yeux ne se brûlent pas à la vue du Divin). Saint Jean
l’Evangéliste représente, par ailleurs, l’initié pour les maçons de notre Rite. A
noter qu’il fut aussi le saint patron des templiers et d’autres ordres de chevalerie.
Dans les Loges qui utilisent la Bible, le Volume de la Loi sacré est ouvert sur le
prologue de l’Evangile selon Saint Jean.
Il se trouve également que ses deux Saint Jean sont les deux fêtes
(respectivement les 27 décembre et 24 juin) qui sont célébrés par les maçons.
Or, les deux Saint-Jean coïncident également avec les deux solstices d’hiver et
d’été. « Quand le soleil s’arrête », selon la racine latine. Ainsi, les deux Saint
Jean peuvent être associés au jour et à la nuit, au feu et à l’eau, à la lune et au
soleil, ils se complètent et se s’opposent pas, ils sont indispensables l’un à l’autre.
Ils sont la phase ascendante et descendante du soleil, ils sont le cycle du jour et
de la nuit, de la vie et de la mort, des semailles et des moissons. Ces deux
aspects apparemment opposés, et cependant complémentaires, se retrouvent
dans le dieu romain bicéphale Janus.
Par ailleurs, le solstice d’Eté clôt l’année maçonnique pendant le cycle de la
Saint-Jean et, quand on ajoute que les feux de la Saint Jean d’Eté vont ouvrir sur
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la période des moissons, alors tout cela commence à prendre du sens et le sujet
se précise.
Après ces riches découvertes, il fallait laisser les choses se décanter et continuer
les recherches sur d’autres pistes moins religieuses.
Je suis reparti sur une base simple. Les mots et leurs origines. Semer : du latin
classique « seminare » Mettre en terre une graine destinée à germer, mais aussi
au sens figuré, procréer et en bas latin « répandre, propager ». On dit ainsi pour
semer « jeter ça et là » ou « semer la discorde ». Semailles apparaît plus tard au
13ème siècle, employé surtout au pluriel : il désigne d’abord les grains semés,
puis l’action de semer et enfin la saison où l’on ensemence.
Quant à moisson, il vient du latin « messio » : action de récolter des céréales et
époque ou produit de la récolte, ou au sens figuré ce que l’on récolte.
Semailles et moissons, comme nous l’avons vu plus haut sont complémentaires
et sont souvent associées pour le meilleur ou pour le moins bon dans des
expressions ou citations diverses.
« Dans le temps des semailles, apprends ; dans le temps des moissons,
enseigne ; en hiver, jouis ». William Blake. Une belle illustration du cycle spirituel
qui sera développé dans une deuxième partie.
« Celui qui sème l’injustice moissonne la malheur » proverbe français. Toujours
cette idée de fait générateur et de résultat.
Ou encore « Qui observe le vent ne sème point, qui regarde les nuages ne
moissonne point » L’Ecclésiaste. Là, comme souvent, les semailles et les
moissons sont utilisées de manière métaphorique pour faire passer un message :
en l’occurrence, on se donne toujours de bonnes raisons pour ne pas faire, ou
alors il faut dépasser ses craintes pour pouvoir créer et renouveler le cycle de la
vie.
Il y a une telle foison de telles expressions ou d’enseignements que j’ai là
provisoirement arrêté ma moisson
Cependant, dans le chapitre des recherches et des découvertes, je n’ai pas pu
résister au plaisir de citer deux derniers sujets ayant un lien plus ou moins direct
avec notre thème principal.
Le premier sujet se rapporte à la semeuse créée par Oscar Roty en 1886. Cette
dernière a longtemps figuré sur nos timbres poste et sur nos pièces de 1 franc
assortie de la devise républicaine et maçonnique « Liberté Egalité Fraternité »,
perdurant tout de même sur les euros, mais uniquement français, depuis le 1er
janvier 2002. La semeuse représente le rayonnement de la France agricole et
scientifique. On en revient toujours à cette idée d’ensemencer la terre et les
hommes du savoir pour bâtir un monde meilleur et préparer un avenir radieux.
Le deuxième sujet qui clôturera cette période des semailles a trait à Pierre
Larousse dont j’ai étudié la biographie, ayant été interpellé par la devise de ses
ouvrages « je sème à tout vent ». Je ne m’étais pas trompé, la vie de Monsieur
Larousse est un modèle d’humanisme, de travail, et de partage, guidée par un
idéal humaniste et républicain de répandre la connaissance dans toutes les
couches de la population. Le savoir c’est la manière pour les plus défavorisés de
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trouver des repères, de se construire, d’accéder à une vie plus riche et de
s’élever. Pierre Larousse, autodidacte lui-même, avait repris à son compte et
sous une forme originale et simplifiée le grand projet des encyclopédistes du
Siècle des Lumières. Il en a fait sa raison de vivre et nous a laissé des collections
entières de dictionnaires et d’encyclopédies sur tous les sujets possibles, nous
léguant un puits de savoir inépuisable dans lequel nous pouvons venir boire à
satiété. Pierre Larousse aurait fait un bon maçon, s’il ne l’a pas été.
CHAPITRE II : LES MOISSONS « LE FRUIT DU TRAVAIL ET LE PARTAGE »
Il est donc venu le temps des moissons. J’avais, me semble-t-il recueilli
suffisamment d’éléments, et après la germination, le blé avait monté et
demandait maintenant à être récolté. J’ai pu réaliser une approche synthétique
et syncrétique du sujet, grâce au livre de Mircea Eliade, Traité d’Histoire des
Religions, qui consacre une large part à la nature et à ses rites et symboles du
renouvellement. Ainsi, après tout ce parcours, l’idée majeure à retenir, suggérée
par les semailles et les moissons, est celle du cycle de la nature qui peut
s’assimiler à celui du cycle de la vie : naissance, jeunesse, maturité, vieillesse
mais également et surtout au cycle de l’apprentissage spirituel de l’homme en
général et du maçon en particulier. Ce qui caractérise, par ailleurs, ces cycles
c’est qu’ils se renouvellent indéfiniment : sans cesse « taille ta pierre »
Dans son poème, les Correspondances tiré des Fleurs du Mal, Baudelaire a écrit :
La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles :
L’homme y passe à travers une forêt de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers
Le cycle des semailles et des moissons est tout à fait illustratif de ce pont entre
la vie abstraite et spirituelle et la vie de l’homme profane ou maçon.
Ce cycle évoque les grandes étapes de la vie d’un homme, ou celles de sa
maturation spirituelle. Les semailles et les moissons communiquent la vie, la
renouvellent et fournissent à l’homme des forces. Ainsi l’acte séminal qui ouvre
le cycle est un puissant symbole sexuel des plus anciens que l’on retrouve dans
différentes civilisations. La femme est assimilée à la terre et le travail agricole à
l’acte générateur.
1) Le labourage
Concernant le parallèle avec la vie spirituelle, il convient d’observer le laboureur
qui retourne la terre chaude et fumante en automne préparant son terrain pour
les semences. Il lui a fallu du temps pour défricher la terre et la rendre cultivable.
L’homme est également un terrain qu’il faut préparer avant de pouvoir le cultiver
et les sillons de la charrue qui sont les cicatrices de ses souffrances, marquent la
vie de rides incrustées à tout jamais dans sa chair meurtrie par les ans.
Cette terre, c’est aussi la matrice de la vie, le creuset dans lequel l’alchimiste va
opérer sa transmutation pour aboutir à la découverte de la pierre philosophale,
après être sorti de la nuit noire, du chaos et compléter, accélérer ou parachever
ainsi l’œuvre de la Nature.
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2) Les semailles
Il est temps maintenant d’ensemencer la terre des hommes car elle est bien
préparée et propice à la fécondation.
Mais de même qu’une bonne graine ne pourra se développer sur un sol appauvri
et fatigué, une mauvaise graine donnera de l’ivraie sur une terre riche et féconde.
Aussi, faut-il que le semeur sélectionne ses grains et qu’ils ne soient que pur
froment.
Ce grain de blé qui est enfoui dans le sol est pareil à l’apprenti que l’on amène au
Cabinet de réflexion, dans l’obscurité. Ce moment passé dans ce lieu est aussi
appelé l’épreuve de la terre. L’apprenti doit, en effet, subir lui aussi la purification
par la terre, c’est-à-dire qu’il doit approfondir toute chose qu’il est à même de
percevoir sans se laisser arrêter par les apparences extérieures. C’est que
qu’illustre parfaitement la fameuse formule: « Visite l’Intérieur de la Terre et en
rectifiant, tu trouveras la pierre cachée ». Il s’agit de descendre en soi pour
mieux se connaître, ainsi que l’illustre le fil à plomb.
3) La germination
L’apprenti doit donc pénétrer et s’imprégner de cette terre féconde dans laquelle
il prendra bientôt racine et où il puisera les substances nutritives matérielles et
spirituelles de la vie « les nourritures terrestres » chères à André Gide.
En effet, la graine qui mène une vie extrêmement ralentie trouve dans la terre
cultivée et féconde les conditions très favorables de développement qui vont
permettre sa germination, c'est-à-dire des mystères de la vie. Pour les chrétiens,
la parabole du semeur rapportée dans l’évangile de Saint Marc ne dit pas autre
chose sur ce mystère de la graine qui croît en terre l’hiver et qui est le symbole
de la recherche du Royaume de Dieu. Ce royaume n’est pas un lointain
merveilleux, qui n’arrive jamais, parce qu’il ne peut pas arriver, mais il est dans
le travail des hommes, inscrit dans le rythme des jours et des nuits qui se
succèdent. Il n’est pas dans un ciel illuminé, mais au plus profond de cette vieille
terre labourée par les générations qui se succèdent et qui savent que, si un
avenir meilleur doit venir, il viendra de la terre. C’est par notre travail quotidien
que nous construisons notre Temple intérieur, le travail pour nourrir les hommes
de tout ce dont ils ont besoin.
Le germe digère donc dans cette période les réserves nutritives que l’albumen
contient. C’est l’introspection que l’apprenti exécute, c'est-à-dire la digestion
symbolique de son « moi » profond.
A partir de cette nourriture la plantule édifie une racine puis la tigelle. Lorsque la
racine et les feuilles suffisent à nourrir la plante et que les réserves sont épuisées,
la germination est terminée. De même l’impétrant sort du Cabinet de Réflexion,
débarrassé de sa gangue.
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4) la croissance
Après ces trois premières périodes de labourage, de semailles et de germination,
vient le temps de la croissance. Le champ de blé se couvre de longues tiges
abondantes balayées par le vent. La promiscuité de ces tiges est comme celle
des hommes et leur multitude nous laisse entrevoir qu’il n’existe pas une vérité
monolithique mais une pluralité de vérités et qu’il faut les respecter toutes.
Les tourbillons de vent que subissent les champs sont semblables aux idées
saugrenues qui nous traversent parfois l’esprit, aux contradictions qui naissent
en nous, à la diversité nécessaire et édifiante des idées, à leur éclectisme même
qui nous élève vers la pure dialectique, à condition de pratiquer toujours la
tolérance.
Ce vent qui souffle est identique au vent de l’histoire soufflant sur les moissons
qui représentent l’humanité toute entière.
Dans ce contexte l’homme, l’apprenti, doit faire preuve de discernement et ne
point sombrer dans le doute bien que le monde qui l’entoure et les valeurs qu’ils
s’est fixées ne soient jamais arrêtés, définitifs, certains et que tout n’est que
stade provisoire. Il doit conserver sa lucidité et poursuivre sa voie par le travail
qui le fera progresser sur ce chemin de la connaissance qui est sans fin.
Ainsi, il chemine droit comme cette tige de blé, les pieds dans la terre, la tête
dans les étoiles. Il est le pont entre le domaine matériel et le domaine spirituel,
entre la terre et le ciel. Il est la synthèse de cette dualité fondamentale.
A ce stade, on ne peut pas ne pas faire un parallèle avec l’Arbre de Vie, symbole
de la fertilisation naturelle, objet de vénération chez les anciens. De façon
générale il représente la puissance fécondante, la vie éternelle, la félicité absolue.
5) La moisson
Dernière phase de ce cycle la moisson qui en est à la fois l’aboutissement et le
début. L’aboutissement car le temps de la récolte est venu. Nous sommes en
Messidor mois républicain qui se réfère aux moissons et auparavant de grandes
fêtes ont marqué cette période : le cycle de la Saint-Jean. Les greniers peuvent
être vidés afin de fêter l’événement, en effet, la nouvelle récolte approche et on
ne craint plus la disette. Le soleil est à son zénith et grands feux sont allumés
pour célébrer cet astre de lumière. Pour les maçons c’est la fin de l’année
maçonnique de travaux en loge. On voit pouvoir juger de la qualité de sont
travail et en faire profiter tous ses proches et les autres dans un élan de
fraternité et de partage. La Saint-Jean d’Eté est donc un moment important à
plus d’un égard. Elle se place sous les auspices de Saint-Jean L’Evangéliste dont
nous avons parlé plus haut.
Les moissons peuvent donc commencer, récompensant ainsi une année de travail.
Le faucheur fait son office dans une sorte d’allégorie de la mort mais également
de la renaissance puisqu’il va pouvoir extraire de sont travail la nouvelle graine
qui va pouvoir perpétuer le cycle de la vie. Car la mort engendre la vie, si le
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grain ne tombe pas en terre et ne meurt, il reste seul. S’il meurt il porte
beaucoup de fruit nous dit Saint-Jean. Gide l’a illustré de façon plus profane dans
son roman si le grain ne meurt où il nous conte sa jeunesse évoluant en cycles
successifs de découvertes en découvertes.
C’est aussi le moment où Perséphone, fille de Déméter, déesse grecque de
l’Agriculture, de la Terre et de la Fécondité, redescend rejoindre son mari Hadès
aux Enfers et le chagrin de sa mère Déméter ferme le cycle avant de le rouvrir
au printemps quand Perséphone la rejoint, selon le pacte passé avec Zeus.
Car tout n’est que recommencement.
Le Cycle qui vient d’être évoqué est consubstantiel à la vie : l’alternance du jour
et de la nuit, les phases de la lune et du soleil, de la joie et de la peine, de la
naissance et de la mort, les incessantes remises en cause de soi-même.
C’est l’éternel retour célébré par Nietzsche. Le temps n’est linéaire, il est cyclique.
L’initiation de l’apprenti est elle aussi faite d’alternances de yin et de yang,
d’obscurité et de lumière, d’introspections et de phases actives. Cette initiation
nécessite une volonté sans cesse renouvelée de se remettre en question par des
épreuves répétées qui sont autant de d’expériences enrichissantes : travaille sur
toi-même doit se dire tous les jours l’apprenti.
Cette succession de cycles, de semence et de récoltes, représente également une
continuité vers le progrès qui peut être symbolisée par la spirale, chaque période
apportant un élément nouveau par rapport à la précédente, aussi bien dans le
sens de l’expansion (vers le ciel, la lumière) que dans celui de l’introspection (la
terre, la connaissance de soi).
« Désormais, tant que la terre durera, les semailles, les moissons, le froid, le
chaud, l’été, l’hiver, le jour et la nuit ne cesseront pas »
Vénérable Maître, j’ai dit.
F ... Michel (apprenti)
Loge Ajax.
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