Michel Dupont - Note d`intention
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Michel Dupont - Note d`intention
MICHEL DUPONT Ou réinventer le contraire du monde “Il était une fois un roi. Il avait un fils qui avait demandé la main de la fille d'un roi puissant. Elle s'appelait Méline et était admirablement belle. Mais son père avait refusé la demande du prince, car il avait déjà décidé de donner la main de sa fille à un autre prince. Or, les deux jeunes gens s'aimaient d'un amour tendre. - Je ne veux que lui, déclara Méline, et je n'en épouserai aucun autre. Le père se fâcha et fit construire une tour à l'intérieur de laquelle pas un seul rayon de soleil ni la lueur de la lune ne pouvaient passer. Et il dit : -Tu seras enfermée dans cette tour pendant sept ans ; ensuite, je viendrai, pour voir si ton obstination et ton entêtement ont été brisés.” Extrait de Demoiselle Méline,la princesse, J et W Grimm. Ce projet est né d’une envie partagée par Anne-Cécile Vandalem et le Théâtre de Namur de créer un objet artistique dont le dispositif scénique minimaliste ouvre à la fois sur une mobilité de programmation et l’éclatement des repères spatiaux du lieu qui l’accueille. Ainsi, cette nouvelle proposition s’inscrit en contrepoint dans le parcours de nos précédentes collaborations sur le projet de la Trilogie des parenthèses dont le dernier volet, (After the Walls), sera créé en mai 2013 dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts. NOTE D’INTENTION L’imagerie populaire nourrit les jeunes filles de cette vision d’une princesse enfermée dans une tour et délivrée par un courageux prince qui l’emmène rejoindre le monde pour y couler des jours heureux. Au cours de ces dix dernières années, des faits divers sordides ont marqués à jamais la mémoire de ces mêmes jeunes filles : les jeunes princesses se sont échappées des caves où elles furent retenues prisonnières pendant des mois, voire des années, par un homme – inconnus, pères ou beaux-pères – prenant tous pouvoirs sur leur destin. Librement inspiré du conte Demoiselle Méline des frères Grimm, des histoires de Natascha Kampusch, Elizabeth Fritzl, Sabine Dardenne, Lydia Gouardo, Malika Oufkir,1 ce spectacle met en perspective les liens et oppositions qui unissent aussi radicalement les bas-fonds d’une cave aux hauteurs d’un donjon. Ne s’attardant pas sur les détails de ces histoires tragiques, mais partant plutôt de leurs similitudes, il veut poser la question de l’enfermement dans ce qu’il comporte tout à la fois de terrible et de créatif. Il traite de l’absolue nécessité d’exister lorsqu’en situation extrême le recours à l’imagination devient une arme de survie et propose, en somme, d’élargir le champ des interprétations en se concentrant sur la symbolique des éléments constitutifs de ces récits. 1. Natascha kampusch a été enlevée, torturée et séquestrée pendant huit ans dans la cave du domicile de son ravisseur, Wolfgang Priklopil, en Autriche. Elisabeth Fritzl, autrichienne, a été emprisonnée, violée et agressée par son père pendant vingt-quatre ans. De ces viols successifs, naîtront sept enfants, dont l’un d’eux décèdera quelques jours après sa naissance. Sabine Dardenne a été séquestrée, violée et torturée pendant quatre-vingt jours dans la cave de Marc Dutroux, à Marcinelle, en Belgique. xLydia Gouardo est une française qui a été séquestrée, violée et torturée par son père légitime (mais pas biologique) à son domicile à Meaux et Coulommes en Seine-et-Marne pendant 28 ans. Six enfants sont nés à la suite de ces relations forcées. Malika Oufkir, fille du général Oufkir et fille adoptive du Roi Mohammed V a été emprisonnée et torturée pendant vingt années suite à l’attentat échoué du général Oufkir envers Hassan II, fils de Mohammed V et roi du Maroc.