Alimentation en eau de la ville de Marrakech: projet

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Alimentation en eau de la ville de Marrakech: projet
Alimentation en eau de la ville de Marrakech: projet à court, m o y e n et
long terme. Influences sur la nappe
A. Kabbaj, I. Zeryouhi et Th. Pointet
Résumé
La vocation touristique de la ville de Marrakech entraine une croissance rapide
notamment des besoins en eau. La prévision des besoins et les solutions s'intégreront à compter de
1981 dans le schéma d'ensemble de mise en valeur de la plaine du Haouz. Ce schema prévoit
l'utilisation optimale des ressources en eaux de surface et eaux souterraines du bassin et utilisera un
important débit dévié du bassin voisin de la Tassaout. Temporairement on fera appel à une
surexploitation de la nappe dont les effets ont été testés. Le rétablissement de la piézomètrie sera
assuré dès 1981 par l'infiltration des excès d'irrigation.
The water supply of Marrakesh: short, medium and long term schemes. Influences on the water
table
Abstract.
Tourist developments in the city of Marrakesh are causing an overall growth and a
particularly rapid increase in the needs for water. The forecast of these needs and their solutions
will be integrated from 1981 onwards in a group scheme for the exploitation of the Haouz plain.
This scheme foresees the optimal utilization of the surface water and groundwater resources of
the basins. It will utilize an important water supply that will be diverted from the neighbouring
basin of Tassaout. A temporary overexploitation of the water table will be called for and the
effects of this have been researched. From 1981 the re-establishment of the piezometric level will
be ensured by the infiltration of excess water from irrigation.
INTRODUCTION
L'alimentation en eau de la ville de Marrakech entre dans le cadre de la mise en valeur
hydrologique et hydrogéologique d'un bassin en milieu semi aride.
L'étroite comptabilisation des ressources en eau a contraint à concevoir comme un
projet unique et intégré, l'alimentation en eau potable de la ville de Marrakech et des
villages et la mise en valeur agricole de la plaine du Haouz.
La principale nappe du Haouz est contenue par un aquifère neogène et quaternaire.
Elle est seule concernée par les échanges avec la surface et sera essentillement affectée
par l'aménagement rural du bassin.
Le bassin est allongé est-ouest, alimenté essentiellement par le Haut Atlas qui le
borde au sud et drainé par l'Oued Tensift qui coule d'est en ouest et en constitue la
limite nord le long des Jebilet. La dissymétrie du bassin avec le drain principal rejeté au
nord reflète la répartition des apports superficiels et souterrains. La géomorphologie
reflète également cette dissymétrie par une pente nord de 2 à 4%a. L'hydrogéologie de
l'aquifère superficiel de même, présente une piézomètrie suivant sensiblement la topographie. La condition aval est déterminée par l'Oued Tensift, et l'alimentation se fait
à faveur des dépôts de piémont plus perméables qui jalonnent, le long du Haut Atlas,
les débouchés des petits Oueds à cours sud nord qui sont les affluents du Tensift
(Fig.l).
La pluviométrie sur la plaine du Haouz est inférieure à 300 mm, et la crustification
du sol rend l'infiltration efficace négligeable.
La superficie du bassin versant du Tensift, comptée à sa sortie de la plaine du Haouz,
est de l'ordre de 10 800 km2 et son débit moyen d'environ 5 m3/s avec participation
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TABLEAU 1
Taux de 7% de 1976 à 2000
Taux de 1 0% de 1976 à 1985
9% de 1986 à 1995
8% de 1996 à 2000
Année
Moyenne
[l./sJ
Pointe
[l./s]
Moyenne
[l./s]
Pointe
[l./s]
1980
1985
1990
1995
2000
926
1300
1822
2556
3585
1297
1820
2551
3578
5015
1064
1713
2636
4046
5945
1489
2398
3691
5664
8323
pour moitié du drainage direct de la nappe.
Les cours d'eau ont un régime torrentiel avec crue d'hiver et plusieurs ont un tarissement complet en été.
L'Oued N'fis, affluent à l'ouest du bassin de l'Oued Tensift, jalonne des zones où
l'aquifère présente de bonnes transmissivités qui ont été particulièrement désignées pour
subvenir aux besoins futurs de la ville.
ALIMENTATION EN EAU POTABLE DE MARRAKECH - ETAT ACTUEL ET
BESOINS
Marrakech s'alimente à partir du champ captant au sud de la ville et au voisinage de
l'Oued N'fis, indifférement pour l'eau potable et l'eau à destination des industries en
petit nombre.
Les besoins en 1976 étaient de 700 l./s en moyenne et les pointes de l'ordre de
1000 l./s.
Les besoins futurs ont été estimés avec un taux de croissance de 7 pour cent uniforme
de 1976 à 2000 et un taux de croissance variant de 8 à 10 pour cent entre 1976 et
2000. Ces taux ont été appliqués simultanément aux chiffres moyens et aux chiffres
de pointes.
On atteint ainsi les chiffres exprimés par périodes de cinq ans (Tableau 1).
MISE EN VALEUR HYDRAULIQUE DE LA PLAINE
Les principles adoptés sont au nombre de quatre:
(1) L'emprunt d'un important débit au bassin de la Tassaout, affluent de l'Oued
Oum Er Rbia et situé en contiguïté à l'est du bassin versant du Tensift.
(2) La régularisation des régimes des cours d'eau par barrage.
(3) L'optimisation des exploitations de la nappe et des affluents du Tensift.
(4) Le recyclage des eaux d'irrigation, étendant les possibilités d'exploitation de
la nappe.
Le bassin amont de la Tassaout participe à cette mise en valeur par deviation de la
plus grande partie des eaux de son affluent l'Oued Lakhdar. Le barrage d'Ait Chouarit
régularisera 350 Mm3 par an en combinaison avec un barrage de prise qui se trouve à
26 km en aval du barrage réservoir. La répartition de ce débit selon les lois de fourniture choisie nécessitera une retenue de 196 à 210 Mm3. On a retenu le chiffre de
225 Mm3.
Les débits régularisés seront déviés et distribués sur la plaine du Haouz par un canal
dit de rocade de 110 km environ.
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Schématiquement le cours de ce canal se situe à l'amont hydrogéologique de la
plaine c'est à dire proche de la limite atlasique.
L'irrigation des parcelles cultivées se fera par aspersion. Plusieurs schémas combinant
les deux modes, aspersion et ruissellement gravitaire ont été étudiés. La mise en valeur
de la plaine se fera progressivement de l'est vers l'ouest à partir de la date de mise en
service du canal c'est à dire 1981.
La loi de fourniture des débits par le canal suit les besoins des cultures sur l'ensemble
de la plaine et comporte un chômage après la récolte. Le chômage du canal en permettra l'entretient.
La régularisation des débits des affluents du Tensift s'effectuera par des ouvrages
soit crées, soit existants et éventuellement adaptés. La distribution des eaux s'effectuera
en amont hydraulique de la plaine également.
L'irrigation par aspersion s'accompagne d'une infiltration efficace estimée à 16.5
pour cent du volume épandu.
Cette infiltration provoquera une montée de la nappe sensible, pouvant devenir
préjudiciable aux cultures et à la qualité même de l'eau. En climat semi aride une
profondeur trop faible de la surface de la nappe libre entraine une evaporation de l'eau
et une augmentation de la concentration en soluté.
Afin de contrôler ce processus le programme prévoit de disposer en aval de la frange
irriguée depuis le canal, une série de puits alignés parallèlement au tracé du canal donc
grossièrement est—ouest. Ces eaux serviront à leur tour à l'irrigation d'une seconde
frange. Ces débits recyclés constitueront une extension des ressources non négligeable.
Cette solution sera appelée à se développer à long terme.
Cette utilisation de la nappe est un des termes pris en compte dans l'optimisation
des ressources en eaux souterraines. Actuellement la nappe est sollicitée par plusieurs
types d'ouvrages. Les plus nombreux sont les rhettaras, au nombre de 700. Ces ouvrages
très particuliers et dont certains ont plusieurs siècles d'existence tirent parti du gradient
de la nappe et de la pente topographique. Ce sont des drains souterrains subhorizontaux dont l'inclinaison est par principe plus faible que le gradient de la nappe.
Après un parcours dans le conduit libre qui peut atteindre 2 km, l'eau est amenée au
jour et utilisée pour l'alimentation des villages et l'irrigation traditionnelle.
Les ouvrages plus récents sont de type puits et forage de dimensions variées qui
alimentent les villes et villages, les centres collectifs et les équipements individuels.
L'optimisation des exploitations projetées et existantes de la nappe a nécessité la
création d'un gros modèle analogique R.C. sur lequel ont été testées individuellement
les influences sur la nappe de chaque sollicitation (le dénoyage des rhettaras, les différents taux de retour à la nappe des eaux d'irrigation, les puits de reprise des excès,
etc.), puis un régime transitoire, la combinaison de ces sollicitations sous la forme de
programmes intégrés de mise en valeur. Un de ces programmes a été définitivement
retenu, qui correspond à l'irrigation par aspersion et qui fait intervenir un contrôle de
la nappe par puits et rhettaras. Ces rhettaras interviennent dés lors comme régulateurs
en remplacement de leur fonction d'adduction.
ALIMENTATION EN EAU DE LA VILLE DE MARRAKECH
La vocation touristique de la ville contribue de façon importante à la croissance de ses
besoins.
L'état définitif du projet prévoit une alimentation de Marrakech à partir des eaux
régularisées du bassin du Lakhdar. Le canal de rocade prévu pour l'alimentation des
périmètres d'irrigation du Haouz amènera également l'eau potable tout près de
Marrakech.
Le débit de la prise d'eau sur le canal au sud de Marrakech sera de 1200 l./s en
moyenne soit environ 40 Mm 3 à l'année.
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La station de traitement sera installée à côté du canal de rocade. Elle comportera
décantation, filtration et chloration. Le débourbage sera traité avec le réservoir de
compensation.
La conduite de liaison de la station à la ville sera longue de 11 km en 9 0 0 mm de
diamètre.
Pendant la période de chômage du canal de rocade, des ouvrages de prise sur des
proches affluents du Tensift subviendront aux besoins.
Afin de limiter le temps de réponse dû à l'arrêt et la remise en marche de l'adduction, et de garantir une alimentation si possible continue de la station d e traitement, on
a prévu un bassin de stockage équivalant à vingt heures de fonctionnement soit un
volume de 80 000 m 3 .
Dans l'état définitif, l'exploitation des eaux souterraines pour la ville de Marrakech
a été écartée en raison de la qualité chimique qui sera sensiblement altérée par d'usage
d'engrais. Compte tenu du climat, la réalimentation par les excès d'irrigation sera
importante en regard de l'apport naturel et ces eaux chargées en nitrates notamment
influenceront de façon prépondérante la chimie de la nappe.
La mise en service du canal est prévue pour 1981 et l'extension des exploitations
agricoles ne pourra débuter qu'à partir de cette date. Par conséquent des solutions de
transition ont été envisagées qui peuvent momentanément faire appel a u x eaux
souterraines.
Dans la solution retenue, la ville conserve l'exploitation des captages voisins du sud,
situés immédiatement à son amont hydraulique.
Depuis juillet 1976 un nouveau champ de captage est en service sur la rive gauche
de l'Oued N'fis et fournit un apport complémentaire. Le débit d'exploitation des
captages du N'fis sera croissant jusqu'à concurence de 870 l./s. L'amenée se fait par une
conduite installée le long de la route RP 10 sur environ 20 km.
Les eaux ainsi captées ont transité par la nappe sur un assez long parcours. L'Oued
N'fis est fréquentent à sec par l'effet du barrage Lalla Takerkoust qui se situe au
débouché du bassin atlasique de l'oued. Les eaux régularisées sont actuellement réservées à l'irrigation et constituent pour partie une recharge artificielle de la nappe en rive
gauche. Le captage exploite donc les eaux issues de cette recharge qui viennent en
complément du flux naturel de la nappe.
La période transitoire actuelle passe par une surexploitation de la nappe dont les
effets ont été estimés par simulation. La mise en service en 1981 du dispositif
d'amenée des eaux du Lakhdar permettra dans un premier temps le rétablissement de la
surface piézomètrique à une cote assurant le fonctionnement de petits ouvrages
(rhettaras et puits de faible profondeur).
La faible industrialisation, la vocation agricole de la région et la situation de la ville
à l'aval hydraulique de la nappe la plaçant comme ultime utilisateur dans le sens de
parcours des eaux permettent d'assez larges tolérances sur la nature des eaux usées et
d'ici 2000 il n'est pas apparu nécessaire d'en faire le traitement.
L'alimentation future de la ville de Marrakech apparaît comme un élément d'un
vaste projet dont le but principal est la mise en valeur de 57 500 ha de terres actuellement non cultivables sans irrigation. Les facteurs pris en compte s'apparentent essentiellement aux particularités du climat et à leurs effets sur le bilan hydraulique du
bassin du Tensift et de la Tassaout amont.
La comptabilisation étroite des ressources superficielles et souterraines et l'optimisation des utilisations est le point dominant. Les occupations futures des sols ont nécessité l'inversion de la tendance habituelle dévoluant les eaux souterraines aux alimentations en eau potable. Un des facteurs décisifs a été l'assurance d'un débit réservé à
partir des eaux de surface régularisées.
Les effets immédiats de l'urbanisation nécessitent une phase temporaire de surexploitation de la nappe.
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Dans le développement de la ville à long terme il sera fait plus largement appel aux
recyclages et notamment le traitement des eaux usées sera envisageable et rendra cellesci aptes à des fins d'irrigation, en échange éventuel d'eaux primaires amenées sur le
bassin par canal.

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