Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (17,20

Transcription

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (17,20
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (17,20-26)
À l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, les yeux levés au ciel, il priait ainsi : « Je
ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui accueilleront leur
parole et croiront en moi. Que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi.
Qu'ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m'as envoyé. Et moi, je
leur ai donné la gloire que tu m'as donnée, pour qu'ils soient un comme nous sommes un : moi
en eux, et toi en moi. Que leur unité soit parfaite ; ainsi, le monde saura que tu m'as envoyé, et
que tu les as aimés comme tu m'as aimé.
Père, ceux que tu m'as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, et qu'ils
contemplent ma gloire, celle que tu m'as donnée parce que tu m'as aimé avant même la
création du monde. Père juste, le monde ne t'a pas connu, mais moi je t'ai connu, et ils ont
reconnu, eux aussi, que tu m'as envoyé. Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai
connaître encore, pour qu'ils aient en eux l'amour dont tu m'as aimé, et que moi aussi, je sois
en eux. »
HOMELIE
Dans l'évangile de St Jean, juste avant sa Passion, Jésus prie longuement, un peu comme s'il
nous confiait son testament spirituel.
Et dans le passage que nous venons d'entendre, Jésus prie pour ses disciples: ceux réunis
autour de lui à ce moment-là autour de lui, mais aussi pour ses disciples à venir… nous
aujourd'hui.
Thème majeur, omniprésent: Jésus prie pour l'unité.
"Que leur unité soit parfaite."
Pourquoi une telle insistance dans le 4° évangile?
Peut-être parce que, au moment où cet évangile est rédigé, l'unité de l'Eglise est
sérieusement menacée.
Et doublement menacée, semble-t-il.
Première menace: au sein même des communautés issues de l'auteur du 4° évangile.
Il semblerait qu'un nouveau courant de pensée1 commence à y faire des ravages.
Pour ce courant de pensée, le monde, le monde dans lequel nous vivons serait mauvais en
lui-même.
Il faut échapper à ce monde et entrer dans la lumière de Dieu, du moins pour ceux à qui
Dieu veut bien se révéler.
Le 4°évangile lutte contre ce courant de pensée en posant trois affirmations:
1°- En lui-même, le monde n'est pas mauvais.
Il est œuvre de la création de Dieu, et donc, il est aimé par Dieu:
1 Je fais référence au courant de pensée gnostique qui se répandra très largement au cours du siècle
suivant
"Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, (…) non pas pour condamner le
monde mais pour que, par lui, le monde soit sauvé." 2
Par contre, ce qui est dangereux, mauvais, fatal, c'est de considérer le monde comme un ensoi, en oubliant précisément qu'il a été créé par Dieu.
On est alors "du monde", esclaves de "ce monde", esclaves de celui que Jésus appelle "le
Prince de ce monde3".
2°- La lumière n'est pas réservée à quelques-uns, elle est donnée à tous.
Et cette lumière, c'est le Christ.
Il est, lui, "la vraie lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme" 4.
3°- La lumière est donnée à tous.
Encore faut-il accepter de l'accueillir.
La lumière est donnée à tous, mais certains préfèrent les ténèbres à la lumière.
Rappelez-vous les polémiques à propos de l'aveugle-né 5: celui qui voit, c'est celui qui accepte
de voir.
La deuxième menace qui pèse sur l'unité de l'Eglise peut se lire comme en
filigrane dans le 4° évangile: c'est le risque de rupture entre les communautés
issues de Pierre et les communautés issues du disciple bien-aimé.
Dans l'Evangile, à première vue, la concurrence entre les deux hommes paraît évidente.
Pierre est présenté comme un personnage lourdaud, lent à croire, et toujours un peu à côté
de la plaque.
Et puis… il a renié Jésus au soir de la Passion. Et à trois reprises, s'il vous plaît!
Au contraire, le personnage du disciple bien-aimé paraît tout proche de Jésus.
Il est présent au pied de la croix, et Jésus lui confie sa mère.
Au matin de Pâques, c'est lui, qui le premier, comprend la signification du tombeau vide: "Il
vit, et il crut"6.
Et même, pour beaucoup, ce disciple était réputé ne plus devoir mourir 7:
c'est dire le prestige qu'il pouvait avoir!
Pourtant, le 4° évangile ne cesse de le répéter, même si le disciple bien-aimé est plus proche
de Jésus, c'est bien Pierre, et Pierre seul, qui a la primauté.
2 Jn3,16-17
3 Par exemple Jn12,31
4 Jn1,9
5 Jn
6 Jn20,8
7 Jn21,23
C'est lui qui entre le premier au tombeau 8 et c'est à lui à qui Jésus confie la tête de l'Eglise:
"Sois le berger de mes brebis,(…) sois le pasteur de mon troupeau" 9.
A sa manière donc, le 4° évangile ne se résout pas aux risques de scission entre les
communautés issues de Pierre et celles issues du disciple bien-aimé.
Au contraire, il affirme qu'il convient de respecter la primauté de Pierre, parce qu'elle a été
voulue par le Seigneur lui-même.
Mais surtout, l'Evangile nous dit que l'unité est un élément vital de la vie de
l'Eglise, parce que l'unité de l'Eglise exprime l'unité même de Dieu:
"Moi et le Père, nous sommes un 10", disait Jésus qui ajoute ici: "Que tous, ils soient un,
comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi".
Alors voilà… l'unité de l'Eglise, nous en sommes loin aujourd'hui!
Et, avec des modalités certes différentes, l'unité se heurte aujourd'hui aux mêmes
problèmes, aux mêmes obstacles qu'autrefois:
- vouloir penser que le monde est mauvais et ne va qu'à sa perte, alors même qu'il est sauvé
par le Christ.
- croire que le salut est réservé à quelques privilégiés, quelques initiés, alors même qu'il est
offert à tous les hommes
- rester enfermé dans ses certitudes, alors même que le Christ nous invite à ouvrir les yeux,
à regarder sa lumière, à découvrir en lui le seul chemin de la Vérité.
Surtout, il y a le scandale, désormais inscrit dans notre histoire, de la division entre les
différentes communautés chrétiennes, et au sein même de chacune d'entre elles.
Le scandale n'est pas seulement humain, il est aussi divin, puisque nous renonçons à dire
l'unité de Dieu, puisque nous sommes dire l'amour du Père et du Fils, incapables de dire
l'amour dont nous sommes aimés et que, pourtant, nous sommes chargés d'annoncer.
Aujourd'hui même, la prière de Jésus continue:
"Qu'ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m'as envoyé."
Puisse notre prière rejoindre la sienne.
8 Jn20,6
9 Jn21,15-17
10 Jn10,30