Le Ciel ? Nous le désirons tous. Notre cœur est fait pour lui. Il arrive

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Le Ciel ? Nous le désirons tous. Notre cœur est fait pour lui. Il arrive
Le Ciel ? Nous le désirons tous. Notre cœur est fait pour lui. Il arrive
que nous nous sentions satisfaits de bonheurs plus modestes. Mais ils
ne durent pas. Et si nous consentons à les voir disparaître, c’est avec
tristesse, et avec l’impression qu’il ne devrait pas en être ainsi. Tout
passe, tout lasse, sauf le désir de trouver ce qui jamais ne passe, ce qui
jamais ne lasse. Donnons à cette réalité le nom de Ciel, et nous
pouvons bien le répéter : le Ciel, nous le désirons tous.
La sainteté ? Avouons-le : elle nous fait peur. C’est que la Parole de
Dieu elle-même l’associe à ce que naturellement nous fuyons : la
« grande épreuve » de l’Apocalypse, le « sang versé » dans lequel il
faudrait étrangement « blanchir » sa robe, la « pauvreté », les
« larmes », la « faim » et la « soif » dont parle Jésus. Sainteté
admirable, mais non point imitable. Se donner la sainteté comme but,
n’est-ce pas au jour le jour constater son impuissance et aller d’échec
en échec ?
Le Ciel ? Nous le désirons. La sainteté ? Elle nous effraie, elle nous
accable, elle nous échappe. Et bien, tout le problème est là. Parce que,
le Ciel et la sainteté, c’est une seule et même chose. Au Ciel, il n’y a
que des saints. Il n’y a pas de place là-haut pour ceux qui ne le sont
pas.
Mais ce qui pourrait nous décourager va peut-être nous redonner du
tonus, si nous y pensons bien. Avant même de comprendre comment
devenir saint, notre foi nous apprend que nous sommes appelés,
invités par Jésus. Tous, à tout moment, sans attendre, il nous
demande, il nous engage, il nous pousse à nous engager sur le chemin
de la sainteté. Ce n’est donc pas une impasse.
Saints, nous devons espérer d’un ferme espoir que nous le serons un
jour, aussi vrai que nous serons au Ciel ; nous devons espérer que
celles et ceux que nous avons aimés et qui ont quitté ce monde le sont
déjà, ou sont en passe de l’être, aussi vrai qu’ils sont au Ciel ou en
passe de l’être.
Si difficile que nous paraît le chemin, c’est déjà beaucoup d’en
connaître le but. Et c’est toute notre vie qui ainsi reprend sens, avec
son irrépressible et insatiable désir de bonheur. Comme l’aiguille
d’une boussole qui arrête de s’agiter et de nous affoler, notre cœur
sait maintenant vers où s’orienter. Le but est là, même si les obstacles
qui nous en séparent paraissent insurmontables.
Avec un peu d’attention prêtée aux paroles de Jésus l’énigme de la
sainteté, un appel qui semblait conduire à une impasse, va devenir le
mystère de la vie, le mystère de notre vie. Un jour Jésus rencontra un
homme jeune qui lui posa la question qui nous préoccupe : « Bon
maître, que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle (c’est-à-dire
le Ciel, c’est-à-dire la sainteté) ? » Et Jésus lui répond : « Tu
m’interroges sur ce qui est bon ? Un seul est bon : Dieu. Si tu veux
entrer dans la vie, fais ce qu’il te commande. »
Dieu est le seul bon. Ou encore, et c’est la même chose : il est le seul
saint. Il n’est pas de sainteté hors celle de Dieu. Car la sainteté est la
vie même de Dieu. Or tout le désir de Dieu, tout le programme qu’il
accomplit en Jésus, est de nous la communiquer. Soyez saints, soyez
bons, comme Dieu est saint, comme est bon votre Père. Le Ciel, la
sainteté, Dieu, c’est tout un. On ne peut les désirer, on ne peut les
obtenir l’un sans l’autre.
Nous avions donc bien raison de nous croire de nous-mêmes tout-àfait incapables du Ciel, de la sainteté, de la bonté. Dieu est le seul saint.
Sous le rapport de la sainteté, il est tout, il fait tout. Mais évidemment
pas sans nous. Il en va, si nous réfléchissons bien, comme de
l’existence et de la vie. Il n’appartient pas à l’homme de se donner
l’existence. Il ne lui appartient pas non plus de donner la vie. Mais il lui
revient d’accueillir, d’accepter, de cultiver en lui et autour de lui le don
de la vie. De même, il ne nous appartient pas de nous donner la
sainteté, mais il nous appartient de l’accueillir, de l’accepter, de la
cultiver en nous-mêmes et autour de nous.
« Ô mon Dieu, Trinité bienheureuse, écrivait sainte Thérèse, en un
mot : je désire être sainte, mais je sens mon impuissance et je veux
vous demander Ô mon Dieu d’être vous-même ma sainteté. »
Compris à cette lumière, les béatitudes sont d’abord le visage que Dieu
revêt en Jésus-Christ. Dieu se fait pauvre, Dieu est doux, il pleure, il a
faim et soif de justice, il est tout miséricordieux, en lui tout est pur, il
est Roi de paix. Être saint, être chrétien, le devenir chaque jour
davantage, c’est faire en moi de plus en plus de place à la pauvreté, à
la douceur, à la faim de justice, à la miséricorde, à la pureté et au
pacifisme de Jésus. Le laisser être lui de cette manière unique,
singulière, originale et toute nouvelle, qui est…moi. Et cela, au sens le
plus propre du terme, c’est tout l’ « enthousiasme » de la vie
chrétienne. Ô mon Dieu, ô mon Christ, viens et vis en moi. Prends-moi
tel que je suis, et fais de moi ce que tu veux que je sois, ce que tu veux
être en moi.
Amen.