Anoushka Shankar, «cette étrange communauté par

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Anoushka Shankar, «cette étrange communauté par
Edition participative : Plein Suds
Anoushka shankar / médiapart / 4 juillet 2012
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musicaux, j'ai aussi découvert vingt différences. Mais
chaque ressemblance est intéressante. Par exemple,
pour les deux, les rythmes sont très importants et j'ai
beaucoup travaillé sur la façon de leur permettre de
se mélanger. »
Anoushka Shankar, «cette étrange
communauté par-delà le temps et la
distance»
PAR VINCENT TRUFFY
ARTICLE PUBLIÉ LE SAMEDI 14 JUILLET 2012
Sur mediapart.fr, une vidéo est disponible à cet endroit.
La famille Shankar, elle, vient plutôt de Benarès,
dans l'est de Hindoustan. Anoushka est la fille de
Ravi, celui des festival de Monterey et de Woodstock,
le maître de George Harrison, époque Norwegian
Wood.Son élève aussi au sitar, qu'elle maîtrise assez
pour accompagner son père en tournée. « Le meilleur
moyen de se libérer d'un héritage comme celui-ci,
explique Anoushka Shankar, c'est de ne pas essayer de
s'en libérer. Essayer de s'en libérer, ce serait comme
si l'on devait cesser d'être l'enfant de ses parents pour
devenir un adulte. Lui est mon père et mon professeur.
C'est mon gourou, il m'a appris tout ce que je sais sur
la musique et tout ce que je fais est le produit de là où
j'ai commencé.»
L'écho des cordes sympathiques du sitar ne trompe
pas : la musique est indienne. Mais les mélismes
sonnent clairement comme ceux d'une cantaora
flamenca.
Sur mediapart.fr, une vidéo est disponible à cet endroit.
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Avec l'album Traveller, elle tente de débusquer, et
d'inventer parfois, en compagnie du guitariste Javier
Limón, les liens entre le flamenco aux raggas
hindoustanis, et au-delà puisqu'on y retrouve, outre
Duquende (qui accompagnait déjà Faiz Ali Faiz) et
Diego El Cigala (qui regardait vers le tango de Buenos
Aires), le pianiste cubain Bebo Valdés et la chanteuse
guinéo-majorquine Concha Buika.
« Depuis 2005, je tente des expériences avec la
musique indienne, je cherche d'autres chemins, du côté
de l'électronica ou du jazz, dit Anoushka Shankar.
J'aime depuis longtemps le flamenco, pour l'émotion
et la richesse musicale qu'il apporte et j'ai fini par me
décider à créer tout un album pour faire rencontrer la
musique indienne et le flamenco. »
On dit d'ailleurs que les Sintis – les manouches
en France, l'un des groupes roms – tirent leur
nom de l'Indus (Sindh), le fleuve qui descend de
l'Himalaya par le Pakistan pour baigner le nord
de l'Inde et lui donner son nom. Quand les gitans
mêleront leur musique aux sonorités judéo-andalouses
et arabes, à Séville, cela donnera le flamenco, dont
les postures rappellent encore celle du kathak. « Les
liens historiques entre les deux cultures a donné une
crédibilité au projet (Traveller, NDLR). Pendant que
l'on créait, on s'est rendu compte que l'on pouvait
retisser ces liens, cette étrange communauté pardelà le temps et la distance. Mais à chaque fois que
j'ai trouvé une ressemblance entre les deux genres
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« Jeudi soir, c'est notre 63e concert depuis le début
de la tournée l'an passé. et la musique continue
d'évoluer. Une des choses que j'aime dans le flamenco
comme dans la musique indienne, c'est qu'elle laisse
une part à l'improvisation, et tous les musiciens qui
m'accompagnent sur scène sont des improvisateurs
talentueux. C'est formidable de laisser de la place
pour la créativité de chacun à l'intérieur de ma
musique. Ca a permis de beaucoup faire évoluer les
morceaux. »
Anoushka Shankar insiste beaucoup sur l'idée qu'elle
voulu traiter les deux mondes à égalité, sans que l'un
prenne le pas sur l'autre, mais si elle concède que « les
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possibilités du flamenco sont beaucoup plus étroites
que celles de la musique indienne qui propose un
éventail plus vaste de rythmes ou de gammes. Donc
ma façon de travailler a été de rechercher parmi
les motifs flamencos ceux que je pourrais décliner
à la mode indienne, parce que pour des musiciens
de flamenco, il est beaucoup plus difficile d'aller sur
le terrain de la musique indienne. (...) Parfois, je
prenais un rythme flamenco et un ragga indien qui
permet de créer l'interaction, ou de prend un texte de
l'un pour l'accompagner avec la musique de l'autre,
mais parfois aussi, on a réussi un trouver des fusions
étonnantes lorsque les deux musiques étaient vraiment
parallèles et que nous avons dû nous frayer un chemin
qui permet de préserver les deux. Et pour moi, c'était
l'expérience la plus forte. (...) Ces deux types de
musique ont en commun de donner un rôle premier à la
spiritualité. La technique musicale est très importante,
mais c'est cette rencontre entre deux spiritualités
qui peut créer la magie, avec des rencontres très
émouvantes. »
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Elle retrouve à Arles, la formation des débuts de
Traveler, celui avec lequel elle a lancé ce voyage.
Sandra Carrasco au chant, El Piraña au cajón, Melón
Jimenez à la guitare – et Sanjeev Shankar au shehnai
(hautbois) et au santoor. « Parfois pendant les
balances, on peut expérimenter, lorsque je commence
à jouer quelque chose sans y penser vraiment de la
même façon que les autres musiciens jouent de leur
côté, et il y a de temps en temps d'heureux accidents
lorsque nous découvrons de nouvelles couleurs que
nous n'avions jamais tenté jusque là, auxquelles nous
ne nous attendions pas. Il arrive que ces accidents
fassent tout et que les choses se mettent en place
immédiatement, mais il arrive aussi que l'on reprenne
dix fois les morceaux et que cela ne prenne qu'à la
onzième, parce que c'est le bon arrangement au bon
moment. Tout le travail consiste à créer les conditions
pour que ce moment arrive. Et cela se fait en jouant,
en jouant, d'une certaine façon en attendant que le
moment parfait se produise. »
• Jeudi 12 juillet à 21 h 30, au théâtre antique
d'Arles (première partie, Arcangel)
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