Monde rural - FDSEA du Bas-Rhin
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Monde rural - FDSEA du Bas-Rhin
Dossier | La ruralité Monde rural, une réponse aux défis de demain Authentiques et offrant une vraie qualité de vie, nos territoires ruraux attirent de plus en plus de nouveaux habitants. Ils sont aussi le lieu de développement d’un nouvel équilibre social et économique durable que l’Etat doit prendre en compte et soutenir. dont la plupart sont non délocalisables, permettent le développement des énergies renouvelables et participent à la réduction des gaz à effets de serre pour lutter contre le réchauffement climatique, développent une économie productive à forte valeur ajoutée, produisent et entretiennent la biodiversité, notamment au travers de l’acte de production agricole, ou encore construisent les bases d’un « vivre ensemble » renouvelé. La ruralité constitue la clé de voûte de l’équilibre de la société, de la cohésion sociale et du développement durable. Des attentes fortes C’est pourquoi le monde rural revendique l’égalité des chances entre tous les territoires ; il attend de l’Etat d’être le garant d’un système de péréquation dans toutes les politiques territoriales. L’économie rurale doit être encouragée, l’animation et l’ingénierie doivent être soutenues, notamment en faveur des territoires les plus fragiles, pour donner aux acteurs les moyens de leur développement en valorisant l’échange d’expériences, le partage et la cohérence des réflexions et des actions entre partenaires publics et privés. En outre, les ruraux doivent pouvoir bénéficier de services de qualité ; les nouvelles formes de services, fondées sur la polyvalence, l’utilisation des nouvelles technologies, les réseaux entre petites villes et le partenariat public/privé sont ainsi à encourager, car ils permettent 10 | L’Information Agricole - N° 862 Novembre 2012 de créer les conditions d’un accès à des services de qualité, d’innover et d’expérimenter de nouvelles solutions, en particulier en matière de santé et d’éducation. Enfin, il est urgent de réduire la fracture numérique, tout citoyen devant pouvoir bénéficier sur l’ensemble du territoire des nouvelles technologies d’informations. Cela permettra également de dynamiser nos entreprises rurales, mais aussi d’accueillir de nouvelles entreprises qui trouveront en milieu rural toutes les conditions nécessaires à leur installation. Q Dossier réalisé par Isabelle Allemand Isabelle Allemand F orce est de constater l’attrait pour le monde rural ces dernières années. Nos campagnes se repeuplent, elles retrouvent une certaine attractivité aux yeux des urbains à la recherche d’une meilleure qualité de vie. La population rurale croît ainsi aujourd’hui 3 fois plus vite que celles des zones urbaines. Ce regain démographique caractérise l’ensemble des régions de métropole et d’Outre-Mer, même si certains territoires restent encore à l’écart de cette évolution positive et rencontrent de sérieuses difficultés. Ce sont ainsi 11 millions de personnes qui vivent dans les espaces à dominante rurale, soit 18 % de la population française métropolitaine. Le monde rural possède en effet de nombreux atouts : 85 % de l’espace national, un tissu d’emplois agricoles, industriels et artisanaux, la première agriculture européenne, un patrimoine exceptionnel… Quant aux 33 800 communes de moins de 3 500 habitants, elles sont les témoins des identités et de la démocratie de proximité qui font référence au « vivre ensemble ». Le monde rural, porteur de valeurs d’humanisme, d’équilibre et de solidarité, fait aujourd’hui l’objet de toutes les attentions : il a les atouts et les ressources pour répondre aux nouveaux défis de la société. En effet, les territoires ruraux favorisent un développement territorial équilibré et vivable, contribuent à nourrir une population en forte croissance grâce à ses ressources naturelles, créent et pérennisent des emplois La ruralité | Dossier Q Témoignage Nous devons nous engager dans les milieux ruraux Daniel Prieur, secrétaire général adjoint de la FNSEA, invite chacun à réfléchir sur la ruralité et s’investir pour générer des idées nouvelles et des projets pour l’agriculture. Du Voir-Juger-Agir au Comprendre-ImaginerConvaincre Comprendre, c’est appréhender la problématique dans son ensemble, et pas seulement avec ses yeux. Imaginer, c’est mettre en perspective, mettre en réflexion : c’est plus dynamique que de simplement juger une situation. Quant à convaincre, c’est plus Cynthia Kari Le projet doit coller à son territoire. Il ne faut pas inventer de toutes pièces des choses pour nos espaces ruraux qui ne soient pas en lien avec la culture, les productions locales, les réseaux de communication… Le projet doit puiser ses racines dans le territoire et le terroir. Cela lui donne de la force et rend les habitants plus fiers de leur territoire. En outre, si le projet est une réussite, ils en deviennent les défenseurs. Sur ce type de projets multi-partenariaux, on a besoin de tout le monde. Les frontières doivent être perméables. Aux porteurs de projets de garder l’œil sur le cap : ce n’est pas le projet qui est au service des personnes, mais bien l’inverse. moderne qu’agir au sens où l’on n’est pas tout seul, qu’il y a des relais de fonctionnement, de financements qui peuvent être porteurs d’assurance et d’espérance pour les acteurs du projet. En tant qu’agriculteur, il me semble évident que nous devons construire, nous engager dans nos milieux ruraux car nous ne déménagerons pas nos hectares au-dessus des immeubles pour être dans les bassins de vie. Il n’y a de vents favorables que pour qui connaît son port ». Q Isabelle Allemand «Q uand on est paysan, s’engager dans le monde rural permet de conforter et d’ancrer de façon durable l’agriculture dans les territoires. Etablir un dialogue, se retrouver avec les autres sur des projets n’est pas un éloignement du monde agricole, auquel je suis viscéralement attaché et imprégné, mais bien au contraire un porte-voix supplémentaire pour valoriser l’agriculture du territoire. Réfléchir au niveau territorial, c’est aussi prendre en compte la vie des gens. On montre ainsi que les agriculteurs ne sont pas des gens fermés ! En étant dans ces sphères de réflexion, notre horizon s’élargit : c’est la valeur ajoutée de travailler sur la ruralité. Les agriculteurs se plaignent souvent de la complexité des textes, des règlements d’application de la PAC, du verdissement… Rassurons-nous : cela reste relativement simple vis-à-vis du règlement du FEADER ou de la mise en place d’un projet LEADER. Découvrir d’autres circuits de financements de projets nous permet d’évoluer, mais aussi d’avoir des idées nouvelles pour l’agriculture. Le syndicalisme agricole, avec ses réseaux, son école de formation (Jeunes Agriculteurs), nous forme, dès le plus jeune âge, à un certain nombre de responsabilités et de missions : c’est une assurance qui nous est offerte pour oser penser, imaginer, structurer un territoire. Pour réussir, il faut savoir se remettre en cause sans douter. Quand on a un projet sur un territoire, même si ce projet est bon, il mérite toujours d’être affiné. Et s’il est vraiment bon, il trouve toujours un financement. Mais il ne faut pas oublier les ingrédients nécessaires à la recette : l’ingénierie, l’expertise, la patience, l’opiniâtreté. L’Information Agricole - N° 862 Novembre 2012 | 11 Dossier | La ruralité Q Groupe Monde Rural Une mise en réseau des acteurs Depuis plus de 20 ans, le Groupe Monde Rural rassemble les forces vives des territoires ruraux : les organisations professionnelles, les réseaux associatifs et les associations d’élus locaux et territoriaux. Il veille à ce que le monde rural participe aux réflexions sur l’aménagement du territoire. L e Groupe Monde Rural (GMR) est une instance d’échanges, de concertation, de réflexion et de propositions. Le GMR a pour vocation de promouvoir une vision horizontale des enjeux liés à la ruralité, grâce à une mise en réseau des différents acteurs du monde rural pour une approche transversale. Il aborde ainsi tous les thèmes relatifs à la ruralité : l’environnement, l’économie rurale, la fiscalité locale, la mobilité et la démographie rurale, l’enseignement et la formation professionnelle, la vie culturelle, le patrimoine, le tourisme, les services publics et privés, l’habitat, les PME, l’agriculture, l’artisanat, la santé… QUELQUES ACTIONS DU GROUPE MONDE RURAL – 1991 : charte pour le monde rural – 1993 : rédaction d’un document « Des propositions… l’espace rural, terre d’accueil et de développement » – 1995 et 1999 : préparation et suivi de la LOADT – 2002 : rédaction du Manifeste pour le monde rural pour les élections présidentielles – 2003 : préparation de la Loi sur le développement des territoires ruraux – 2007 : rédaction du Manifeste « La ruralité, source d’avenir » pour les élections présidentielles – 2008 : création du site internet : www.groupemonderural.fr – 2009 : rédaction d’une contribution à la Loi « Hôpital, patients, santé et territoires » – 2010 : participation aux Assises des territoires ruraux – 2012 : rédaction du Manifeste « Ruralité, Vitalité, Modernité » pour les élections présidentielles et législatives Les origines du Groupe Monde Rural Le Groupe Monde Rural trouve ses origines lors des assises européennes de la ruralité en novembre 1990 : il apparaît nécessaire aux partenaires du monde rural français de se rassembler. Le Groupe Monde Rural se forme alors lors des assises nationales du monde rural, quelques jours plus tard. L’année suivante, lors du Dimanche des Terres de France, les membres fondateurs du Groupe Monde Rural signent la charte pour le monde rural. Afin d’aller plus loin et notamment de pouvoir exprimer ses préoccupations et ses prises de position auprès des pouvoirs publics, le Groupe Monde Rural décide de se structurer en association en 2006. Son ambition : veiller à ce que les territoires ruraux soient bien intégrés dans les réflexions sur l’aménagement du territoire. Q LA COMPOSITION DU GROUPE MONDE RURAL – ADF (Assemblée des départements de France) – AMF (Association des maires de France) – AMRF (Association des maires ruraux de France) – APCA (Assemblée permanente des chambres d’agriculture) – CESER de France (Assemblée des Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux) – CNMCCA (Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles) – Familles rurales – CNFR (Confédération nationale des foyers ruraux) – FNHD (Fédération nationale de l’habitat et du développement) – FNSAFER (Fédération nationale des Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rurales) – FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles) – JA (Jeunes Agriculteurs) – Sol et civilisation – UNAPL (Union nationale des associations des professions libérales) – UNMFREO (Union nationale des Maisons familiales rurales) – UPA (Union professionnelle artisanale) 12 | L’Information Agricole - N° 862 Novembre 2012 La ruralité | Dossier Le milieu rural doit attirer les jeunes professionnels de santé Gérard Pelhate, Président de la CCMSA, veut développer l’offre de soins de 1er recours et pour cela faire émerger un projet collectif sanitaire, allant de la prévention aux soins. I. A. – Comment garantir à tous un accès de qualité à la santé ? G. P. Q La qualité en matière de santé repose sur le bon équilibre du trépied physique, psychique et social de chacun (définition de la Santé de l’OMS). La « bonne santé » n’est donc pas que l’absence de maladie. Il faut, pour cela, une offre de soins de 1er recours solide et bien organisée, qui étende son champ d’activité au-delà du seul soin, pour s’occuper de prévention, d’éducation thérapeutique pour les malades chroniques et de réhabilitation face à tout handicap ou dépendance. Les relais avec les acteurs de recours doivent être organisés, cela nécessite une préparation et une formation réciproque. Cette offre de soins doit être ouverte dans sa pratique et ainsi coopérer avec les acteurs sociaux et les acteurs du service à la personne pour réussir, en particulier dans le maintien à domicile et dans des lieux de vie. I. A. – Quelles pourraient être les propositions pour lutter contre les déserts médicaux ? G. P. Q Ces déserts ne sont pas que médicaux, la santé n’étant qu’un des aspects dans une approche nécessairement globale de la qualité de vie. Le véritable préalable est de créer un espace de concertation entre les élus des collectivités territoriales, les professionnels de santé et les acteurs gestionnaires de la santé (ARS, assurance maladie obligatoire) pour faire émerger un projet collectif sanitaire qui sera partie prenante d’une politique locale plus globale. Les maisons de santé rurales pluridisciplinaires, plus spécifiquement, mais aussi les pôles de santé, sont une des solutions pour remédier à ce problème, en apportant une structuration fonctionnelle solide à l’offre de soins de 1er recours. La coopération des acteurs entre eux, leur complémentarité Isabelle Allemand L’Information Agricole – Quelles sont les attentes du monde rural dans le domaine de la santé ? Gérard Pelhate Q Le monde rural, à l’image de la société en général, attend de maintenir sa qualité de vie et son bien-être dans le domaine de la santé. Pour cela, il attend de pouvoir bénéficier d’actions de prévention et d’un accès à l’offre de soins adapté à sa spécificité géographique mais aussi économique et « pratique ». En matière de prévention, l’éloignement géographique est souvent pénalisant, et non compensable par les nouvelles technologies. Il faut donc que les acteurs en charge du déploiement des actions se préoccupent de bien toucher les zones rurales. C’est ce que nous faisons à travers les ASEPT (Associations santé éducation et prévention sur les territoires) en partenariat avec l’interrégime. Pour l’accès aux soins, l’attente spécifique repose sur une organisation forte de l’offre de 1er recours, à partir de laquelle tous les parcours de santé et processus de soins seront construits et sur laquelle ils pourront s’appuyer. L’exemple le plus évolué est celui des maisons de santé pluridisciplinaires qui regroupent en leur sein tous les acteurs de ce 1er recours. Luc Perenom – CCMSA Service Images Q Santé Maison de santé pluridisciplinaire de Brassac (Tarn). et l’optimisation de leur organisation vont permettre une meilleure production de services « sanitaires » allant de la prévention au soin. En même temps, il faut former les professionnels de santé à la spécificité de l’exercice en milieu rural, avec une approche plus globale, plus prospective et avec un objectif de maintien dans le milieu. L’objectif est d’éviter les ruptures et les éloignements longs, en insistant sur l’intérêt des soins précoces et en exploitant au mieux toutes les alternatives à l’hospitalisation classique historique. Les possibilités de programmation de soins sont nombreuses. Enfin, et surtout, il faut démontrer aux jeunes professionnels de santé la qualité de cet exercice dans un cadre de vie dont il faut vanter les mérites. L’Information Agricole - N° 862 Novembre 2012 | 13 Dossier | La ruralité Une réponse aux défis contemporains Le nombre d’artisans et de commerces de proximité augmente dans le monde rural. Cette économie locale développe les territoires de façon équilibrée et maintient les liens sociaux. L’Information Agricole – Quelles réponses l’économie de proximité peutelle apporter aux défis environnemental, éducatif, de l’emploi ou encore territorial ? Jean Lardin Q Si l’UPA appelle depuis plusieurs années à promouvoir l’économie de proximité, c’est parce que ce tissu d’activités et d’entreprises, exclusivement implanté sur le territoire national, est en mesure de relever un certain nombre de défis contemporains. Les entreprises de l’artisanat, du commerce de proximité, les exploitations agricoles, favorisent les circuits courts de production et de distribution et limitent du même coup le bilan carbone de leurs produits et services. Pas de transport aérien, des transports routiers limités aux courtes distances, des emballages peu polluants… : l’économie de proximité apparaît clairement comme un Boulangerie – Village de Chédigny, 529 habitants (Indre-et-Loire). recours contre le développement des gaz à effet de serre et le réchauffement climatique. En matière éducative aussi, l’économie de proximité a des solutions à proposer, en offrant une large place aux formations en alternance et en favorisant les liens entre éducation et entreprises. Je rappelle ainsi que l’artisanat et le commerce de proximité forment plus de la moitié des apprentis du pays. Ces alternants ont une expérience des réalités économiques locales ; ils sont souvent mieux armés pour accéder à l’emploi. Enfin, il va de soi que le renforcement de l’économie de proximité, non seulement compense les effets dévastateurs des délocalisations en protégeant les emplois de nombreux Français, mais permet également de poursuivre un développement équilibré des territoires et de maintenir des liens sociaux en milieu rural comme dans les centre villes. I. A. – Quels sont les leviers pour favoriser et accompagner l’économie de proximité dans les territoires ruraux ? J. L. Q La priorité consiste d’abord à conforter le tissu économique existant, à ne pas le déstabiliser par des modifications constantes des règles du jeu et à empêcher l’émergence de concurrences déloyales. Le régime des auto-entrepreneurs, la vente directe, les avantages fiscaux ou sociaux sont autant de situations dérogatoires créées par le législateur qui tendent à fragiliser les uns pour renforcer les autres. Or en affaiblissant un secteur, on affaiblit à terme l’ensemble de l’économie de proximité par le jeu des interdépendances. Par ailleurs, l’UPA demande aux gouvernements d’appliquer le principe européen 14 | L’Information Agricole - N° 862 Novembre 2012 « Thinksmall first » en légiférant en direction des petites entreprises et non, comme trop souvent, à l’intention des entreprises du CAC 40. L’UPA revendique aussi un meilleur accès aux marchés publics, de même qu’un encadrement de la sous-traitance plus sécurisant. Les collectivités doivent être incitées à traiter avec les entreprises locales, et cela au bénéfice de l’activité et de l’emploi dans les territoires ruraux. I. A. – Comment garantir le maintien des artisans en milieu rural ? J. L. Q Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la proportion d’artisans et de commerçants de proximité installés en milieu rural est en progression. N’oublions pas en effet que les marchés du tourisme, des services à la personne, de la rénovation du patrimoine sont en croissance et qu’ils sont source de dynamisme pour l’économie de proximité, y compris en milieu rural. En outre, nous sollicitons la création d’un fonds national dédié à la création, la reprise et la modernisation des entreprises de l’artisanat et du commerce de proximité. Celui-ci permettrait d’éviter un gâchis économique résultant d’entreprises qui n’ont pu surmonter des difficultés provisoires de trésorerie ou qui n’ont pu investir pour s’ouvrir à de nouveaux marchés. Sans compter les 30 000 chefs d’entreprise qui atteignent chaque année l’âge de la retraite et qu’il conviendrait d’aider à transmettre leur entreprise. Si cette mission peut être prise en charge par la Banque publique d’investissement qui est en cours d’installation, nous en serons satisfaits. Photos : Isabelle Allemand Q Jean Lardin, Président de l’UPA La ruralité | Dossier Q Anne-Claire Vial, Présidente de Sol & Civilisation La ruralité est riche d’initiatives ! Les territoires ruraux sont des espaces d’innovation où s’inventent de nouvelles solutions et solidarités entre l’homme et son milieu. L’expérimentation locale de nouveaux modes de gestion mérite d’être soutenue. I. A. – Quels sont les leviers pour favoriser et accompagner l’innovation rurale dans les territoires ruraux ? A.-C. V. Q Cette innovation territoriale n’est pas, pour autant, naturellement émergente. Elle est le fruit d’une dynamique collective et d’une ouverture aux autres, aux idées, aux projets. Bien souvent ces changements s’appuient sur l’effet d’entraînement d’un leader charismatique ou d’un petit groupe d’hommes et de femmes. La question est donc de savoir comment faire quand ces moteurs ne sont pas ou peu présents et que les changements recherchés sont plus complexes. A Sol & Civilisation, nous mettons l’accent sur deux leviers trop souvent négligés : la « facilitation » et la « rechercheintervention ». La facilitation est une fonction d’intermédiation qui permet à une pluralité d’acteurs Isabelle Allemand L’Information Agricole – En quoi et comment l’innovation rurale peutelle être au service du développement durable des territoires ruraux ? Anne-Claire Vial Q Notre société a besoin d’innover, de créer du nouveau. Les crises que nous traversons sont en effet profondes et déjà longues. Elles seront sans doute, dans un monde plus peuplé et encore plus ouvert, de plus en plus violentes à l’avenir. Si nous voulons retrouver de la croissance et garder nos territoires vivants, de nouvelles façons de penser et d’agir ensemble doivent résolument être inventées. Nous ne pourrons pas durablement nous satisfaire de solutions simples. Nous ne pourrons pas non plus compter sur les seules recettes du passé. Et l’Etat, ou l’Europe, ne pourra pas tout corriger. Les territoires ruraux, par les hommes qui les portent et par leurs projets, ouvrent souvent des voies nouvelles. Peut-être parce que, plus que d’autres, ces territoires ont été soumis aux chocs de la globalisation, de la rationalisation, ils cherchent, proposent, s’organisent différemment. C’est cela l’innovation rurale et les exemples sont nom- de se rencontrer, négocier, décider et agir ensemble pour surmonter des problématiques qui leur apparaissent communes. La recherche-intervention est la capacité des territoires à expérimenter localement des modes de gestion nouveaux. Par définition, l’expérimentation sort des cadres ; elle suppose souplesse, prise de risque et collaboration dans l’action d’un ensemble d’acteurs. Nous constatons malheureusement que ces deux leviers sont aujourd’hui peu financés même si les programmes Leader et les pôles d’excellence rurale sont des dispositifs intéressants pour les activer. Les métiers de cette ingénierie stratégique pour les territoires sont encore peu développés même si, là encore, des initiatives existent, dont la nôtre d’ailleurs. Il y a cependant des pistes à creuser pour trouver des solutions pour les hommes et les femmes qui vivent dans ces territoires et pour construire, plus globalement, de nouveaux équilibres dans nos sociétés. breux : proposer une offre culturelle accessible à tous malgré les distances, organiser des maisons de santé territoriales, réinvestir des lieux de rencontre alors que l’individualisme domine, repenser collectivement sa consommation énergétique, fournir une alimentation de qualité à tous, monter des dispositifs financiers originaux… La ruralité est riche d’initiatives. Nos Assises, chaque année, tout comme nos publications, se font l’écho de ces innovations rurales, françaises comme européennes, et nous restons convaincus qu’elles peuvent inspirer bien d’autres territoires. Les territoires ruraux sont, in fine, des espaces d’innovation très modernes où se pensent et s’activent de nouvelles solidarités entre l’homme et son milieu, entre les hommes eux-mêmes. Ce sont des espaces où se créent de nouvelles valeurs ajoutées individuelles et collectives, marchandes comme non marchandes. Groupe en voyage d’études. L’Information Agricole - N° 862 Novembre 2012 | 15 Dossier | La ruralité Q François Thabuis, Président de Jeunes Agriculteurs (JA) L’agriculture, à la base de l’organisation sociale locale Les politiques de développement des territoires doivent prendre en compte l’installation de nouveaux agriculteurs, la valorisation de leur production via des ateliers de transformation et une protection des terres arables. de terroirs ; elle contribue à donner une identité, notion de patrimoine, et elle est un support essentiel au tourisme. La pérennité de l’agriculture sur l’ensemble des territoires dépendra essentiellement de notre capacité à installer de nouveaux agriculteurs. L’Information Agricole – Comment l’agriculture contribue-t-elle à préserver l’équilibre de nos territoires ? François Thabuis Q Historiquement, l’agriculture est la première activité productive à s’installer sur un territoire. L’agriculture est à la base de l’organisation sociale locale et constitue un moteur pour le développement économique. Miser sur un développement de l’agriculture intégré dans les politiques de développement des territoires, c’est miser sur l’équilibre des territoires et sur un développement économique créateur de richesse non délocalisable. Rappelons que l’agriculture permet la création de 5 emplois induits en amont et en aval. Par ailleurs, l’agriculture est la base même de l’identité des territoires, avec la notion I. A. – Quels sont les enjeux pour avoir demain une agriculture sur l’ensemble du territoire ? F. T. Q Pour conserver une agriculture sur l’ensemble des territoires, il est nécessaire que la question agricole se décline dans l’ensemble des politiques de développement des territoires. Actuellement, le modèle économique tend vers la concentration des entreprises de l’agroalimentaire et de nombreux ateliers de transformation ont été contraints de mettre la clé sous la porte pour des raisons économiques. Ainsi, en montagne, certaines exploitations laitières sont-elles menacées en raison de l’abandon des points de collecte par les coopératives. Ces situations sont inacceptables ! Le maintien de l’agriculture passe par le maintien de l’ensemble des outils de production sur l’ensemble des territoires. Afin de lever certains freins économiques, nous devons favoriser l’investissement des collectivités locales dans les outils de transformation et également assurer une valorisation des productions locales en incluant par exemple l’origine des produits dans les critères des appels d’offres de la restauration collective. A JA, nous défendons une logique d’accompagnement de projets col- 16 | L’Information Agricole - N° 862 Novembre 2012 lectifs et intégrés dans les territoires. Développer des outils réfléchis de façon collective à l’échelle d’un territoire permettrait de répondre plus efficacement aux problématiques locales. L’agriculture française doit être compétitive, mais cette compétitivité doit être faite intelligemment et sans menacer les équilibres fragiles de certains territoires. Les agriculteurs doivent, notamment dans les zones défavorisées, parvenir à valoriser au mieux leurs productions que ce soit via les circuits courts ou les démarches « qualité ». L’agriculteur doit également continuer à s’investir dans les outils de gouvernance, en participant notamment à la vie politique locale, afin de communiquer autour de son métier et de s’assurer que l’agriculture conserve sa place dans les débats locaux. En outre, pour conserver une dynamique agricole sur l’ensemble des territoires, il est fondamental qu’une véritable politique de protection du foncier soit mise en place. Le gouvernement, suite à la conférence environnementale, s’est engagé à enrayer la consommation du foncier. Espérons que cette volonté se traduise par des actions concrètes sur le terrain ! Dans cet objectif, JA organise chaque année la semaine du foncier afin de sensibiliser les élus à ce problème. Enfin, sur l’ensemble de ces enjeux, la future PAC va être décisive. L’ancrage de l’agriculture sur l’ensemble des territoires français passe notamment par la reconnaissance des inégalités entre les territoires et d’une solidarité nationale pour compenser le déficit de compétitivité. La ruralité | Dossier Q Vanik Berberian, Président de l’Association des Maires Ruraux de France (AMRF) 21 millions de ruraux ont besoin de plus de services Le monde rural change. Ses habitants et leurs élus réclament des services de proximité, des moyens de communication rapides et des modes de transport adaptés. L’Information Agricole – Les services publics sont de moins en moins assurés en milieu rural : quelles en sont les conséquences pour ces territoires ? Comment pourrait-on maintenir un maillage suffisant ? Vanik Berberian Q L’enjeu est d’abord de radicalement changer la manière de voir cette question. Le monde rural change, attire et accueille désormais 21 millions d’habitants. Ils ont besoin de services, de présence de proximité et de considération. Or, aujourd’hui, nous vivons les conséquences des décisions d’hier qui voyaient encore le rural comme condamné à n’être qu›un pourvoyeur de chlorophylle pour les villes. Pour y remédier, les acteurs locaux demandent à ce qu’il leur soit fait confiance et qu’on leur donne les moyens d’agir. La redéfinition de la place du service public doit se construire avec tous, en gardant l’idée d’un aménagement du territoire qui ne peut être que pensé à l’échelon du pays ; cela pose la question de la responsabilité de l’Etat, y compris pour les services qui ne sont pas directement sous son autorité. J’ajoute que l’écart aujourd’hui à combler en matière de services nécessite un effort supplémentaire I. A. – Quelles sont les attentes du monde rural par rapport au déploiement du Haut Débit ? V. B. Q Nous avons signifié, dès 2011, l’urgence de changer de braquet pour généraliser le très haut débit, bien avant 2025 comme annoncé par le précédent gouvernement : une éternité qui condamnait le pays à rejoindre la seconde division des pays industrialisés. Les esprits évoluent. Aujourd’hui, plus personne n’imagine un village sans eau ni électricité. Demain, plus personne n’imaginera qu’il n’y ait pas de haut débit au moins. C’est ce que nous demandent désormais les habitants ou les entreprises qui hésitent à s’installer. « Avez-vous le très haut débit » ? nous interrogent les citoyens avant de se décider. Face à cette question, peu de maires ruraux peuvent dire oui. C’est une situation insupportable pour beaucoup de mes collègues. Il faut donc une stratégie partagée, un financement – auquel chacun contribue – et une péréquation qui décident enfin les opérateurs privés à prendre un risque calculé pour répondre à la demande de tous. L’Etat semble vouloir prendre la tête de la dynamique ; les Maires seront quant à eux de permanents aiguillons pour rappeler tous les acteurs à leur responsabilité. Nous l’avons fait récemment auprès des départements et demain auprès des Parlementaires. I. A. – Quelles sont les demandes du monde rural en matière de transports ? V. B. Q Que l’on tienne compte là encore des spécificités. Aller au travail, se soigner, se divertir coûte de plus en plus cher. A fortiori, c’est de plus en plus difficile pour de nombreux ruraux comme en témoigne une récente étude de l’UNCASS qui voit augmenter les demandes d’aide sociale à la campagne. Développer des solutions pour réduire le coût des transports doit devenir une priorité pour conforter le monde rural. Je pense à l’aide aux stations-services à se maintenir, en supprimant les contraintes inutiles sur les normes : il s’agit d’éviter de courir 100 km pour faire le plein. L’Etat, les Régions et les Départements doivent, en outre, accompagner les communes pour favoriser le covoiturage et aider à la mise en place du transport à la demande, très coûteux pour la collectivité mais une réelle réponse à l’isolement de nombreux ruraux. Il faut aussi penser aux déplacements sur des parcours plus longs et revoir les possibilités ferroviaires qui, dans certaines régions, sont délaissées. Isabelle Allemand qui ne fera pas l’économie de transferts de la richesse vers les zones rurales. Arrêt de bus sur la commune de Faugères, 501 habitants (Hérault). L’Information Agricole - N° 862 Novembre 2012 | 17 Dossier | La ruralité Q Thierry Damien, Président de Familles Rurales L’école est révélatrice de la vitalité d’un territoire ! Les familles vivant en milieu rural souhaitent pour leurs enfants la meilleure éducation, une continuité entre primaire et secondaire avec des transports scolaires fiables. misme des communes rurales. Plus un territoire sera attractif, plus il aura la chance de garder son école ! En ce sens, l’école est un excellent révélateur de la vitalité d’un territoire : si l’école est menacée, les gens ne viennent pas s’installer. L’école n’est qu’un maillon d’une chaîne sur un territoire. En revanche, la contrepartie positive de tout ça est que, lorsqu’il y a peu de jeunes sur un territoire, ils se connaissent mieux et sont donc plus enclins à monter des initiatives. Familles Rurales œuvre pour favoriser et accompagner cette expression des jeunes en milieu rural. L’Information Agricole – Quelles sont les attentes du monde rural en matière d’éducation ? Thierry Damien Q Les familles qui vivent en milieu rural aspirent à une égalité de traitement : elles ont besoin d’avoir le sentiment d’être traitées à l’identique que n’importe quelle autre famille vivant n’importe où sur le territoire. Ainsi, une famille qui s’installe en milieu rural recherchera-t-elle le meilleur pour ses enfants au même titre qu’une famille qui s’installe en milieu urbain : elle souhaite pouvoir proposer à ses enfants toutes les chances de réussite. Je tiens, à ce propos, à souligner la distinction entre une famille qui fait le choix de s’installer en milieu rural (situation choisie) et une famille qui y vit (situation subie) : leurs attentes seront différentes. La question de la continuité éducative (petite enfance, école, collège, lycée…) est extrêmement importante pour une famille qui choisit de s’installer en milieu rural et sera examinée de façon attentive. Elle attendra notamment que tous ces services et établissements ne I. A. – Comment garantir à tous un accès de qualité à l’éducation ? T. D. Q Pour cela, et dans l’objectif de limiter au maximum la fatigue des enfants, il faut notamment pouvoir proposer des moyens de transport de qualité, des bâtiments de classe et des restaurants scolaires en état, chaleureux, et une équipe enseignante stabilisée. La mise en place de regroupements pédagogiques intercommunaux, avec organisation des transports scolaires, est une réponse pour garder sur son territoire un accès à l’éducation. I. A. – Quelles pourraient être les propositions pour lutter contre la fermeture des classes en milieu rural ? T. D. Q La présence ou non d’une école sur un territoire est directement liée au dyna- Isabelle Allemand Familles rurales soient pas trop loin de façon à ce que le transport puisse se faire dans de bonnes conditions, que l’hébergement en cas d’internat soit de qualité et qu’il y ait des connexions possibles entre établissements (pour qu’un enfant puisse par exemple suivre des cours d’allemand par vidéo conférence liée à une autre classe si son établissement ne le propose pas). Ecole de Fraisse-sur-Agout (Hérault) – 352 habitants – Classe unique. LES RENCONTRES NATIONALES « JEUNES : ACTION ! » Familles Rurales organise ses rencontres nationales le vendredi 23 et le samedi 24 août 2013 à Talmont-Saint-Hilaire (Vendée). Plus de 3 000 participants sont attendus : des jeunes engagés à Familles Rurales, mais aussi des jeunes qui ne connaissent pas Familles Rurales et qui souhaitent découvrir les associations ou mettre en place des actions, des familles et des membres des associations et fédérations Familles Rurales (bénévoles et salariés). Ce sera l’occasion de rencontrer des jeunes qui présenteront et témoigneront de leurs actions, de trouver de nouvelles idées pour des activités, de découvrir la vie associative… 18 | L’Information Agricole - N° 862 Novembre 2012 La ruralité | Dossier Q Xavier Michelin, Président de l’Union Nationale des Maisons Familiales Rurales Prendre des responsabilités construit la confiance des jeunes Les Maisons Familiales Rurales accompagnent les jeunes ruraux vers l’autonomie, pour qu’ils deviennent des adultes bien ancrés dans leur cadre de vie et ouverts sur le monde. zons multiples. Cet accompagnement vise une construction personnelle, à la fois enracinée dans un milieu de vie et tout en étant ouvert sur le monde, sur « les mondes » qui entourent le jeune. Bien sûr, tout cela ne peut se concevoir qu’avec la mobilisation d’un maximum d’acteurs qui investissent dans la durée pour construire un processus d’insertion. MFR L’Information Agricole – Quels sont les leviers pour favoriser et accompagner l’insertion professionnelle des jeunes en milieu rural ? Xavier Michelin Q Pour les associations familiales que sont les MFR, les principaux leviers relèvent avant tout d’un processus permanent d’accompagnement : faire confiance aux jeunes, en leur potentiel, en leur capacité à faire leur place dans le monde, et même, à le faire évoluer, à le transformer… dès aujourd’hui. Cet accompagnement se fait autour de trois axes forts. D’abord, la considération du jeune dans son présent et son devenir dans une même approche. Le jeune est inscrit dans une actualité qui doit l’inciter à prendre conscience de ses valeurs, de ses apports. Ensuite, l’incitation, l’encouragement à la prise de responsabilité, afin de construire la mise en confiance et d’engager le jeune dans une professionnalisation progressive. Enfin, éveiller la curiosité et développer l’autonomie, en inscrivant la démarche dans la durée et dans des hori- I. A. – Quelles peuvent être les innovations pour relever le défi de l’insertion des jeunes demain ? X. M. Q Les innovations peuvent concerner en premier lieu les réponses aux besoins d’internat de qualité en milieu rural pour accompagner les formations de proximité. Une vision renouvelée de l’éducation est également nécessaire : les Maisons Familiales Rurales plaident pour que l’éducation soit, demain, la principale source du développement économique, social et humain de notre pays. Elle doit mettre les jeunes dans une dynamique de création et en situation de façonner leur avenir. L’offre de parcours de formation doit en outre être au plus près de l’emploi. Aujourd’hui, malheureusement, les jeunes ruraux rencontrent des difficultés à accéder à la poursuite de leurs études, y compris dans les filières professionnelles. L’insertion ne doit pas se faire par défaut de poursuite d’étude ! Enfin, il faut des structures dans le milieu qui offrent des formations de qualité, y compris dans l’enseignement supérieur. En effet, aujourd’hui, les études supérieures ne s’envisagent pas sans mobilité et la crainte du déracinement peut apparaître comme un frein pour l’insertion des jeunes, dans ce même milieu rural. I. A. – Quelles sont les attentes des jeunes vis-à-vis du monde rural ? X. M. Q Les jeunes ont trois représentations du territoire : le territoire « subi », dont ils ne peuvent s’extraire ; le territoire « refuge », où ils reviennent régulièrement sans y vivre, et le territoire « cadre de vie », où ils expriment un véritable choix d’installation dans la durée. Il est donc nécessaire de tenir compte de cette perception du territoire pour accompagner leur insertion, leur implication dans leur territoire. Mais pour vivre en milieu rural, les jeunes ont des attentes : le maintien des atouts principaux de ce milieu, à savoir le calme, la qualité de l’environnement et la convivialité ; le développement de l’emploi mais sans qu’il entraîne pour autant une urbanisation autour des entreprises ou des équipements routiers et l’accompagnement des transports collectifs, les déplacements étant un réel problème. Sans oublier la fracture numérique dans les territoires ruraux qui pose un réel problème : les jeunes souhaitent être « branchés » sur le monde. L’Information Agricole - N° 862 Novembre 2012 | 19 Dossier | La ruralité Q Jean-Marie Beurton, Président de la Confédération nationale des Foyers ruraux La culture, pour l’animation d’un territoire Les mouvements d’éducation populaire favorisent des pratiques culturelles d’une grande diversité, qui participent à maintenir vivants les villages ruraux. tiques et culturelles. Ils encouragent aussi l’autonomie de chacun en favorisant le développement du sens critique et l’acquisition de la capacité à s’exprimer et à être à l’écoute de l’autre. En milieu rural, où l’accès aux équipements culturels est plus limité, les actions que ces mouvements développent participent au maintien d’un tissu rural vivant. Par ailleurs, l’engagement des habitants donne lieu à des pratiques culturelles riches reflétant la diversité et le dynamisme des territoires. Variées dans leurs formes, toujours soucieuses du plaisir procuré par les arts, les initiatives accompagnées par Confédération nationale des Foyers ruraux se donnent une exigence de qualité et tentent de repenser le rapport à l’artiste. Celui-ci est incité à s’investir dans la co-construction avec un public qui lui aussi change de position. Fabrice Marquis L’Information Agricole – Quels sont les moyens de faire parvenir la culture au cœur de nos campagnes ? Jean-Marie Beurton Q Dans le domaine de la culture, les mouvements d’éducation populaire contribuent à l’épanouissement des individus par l’accès aux pratiques artis- Spectacle : « La soucoupe volante tombée dans les pommes ». I. A. – Quelles sont les ressources locales ? J.-M. B. Q En milieu rural, nombreux sont les bénévoles, animateurs, modestes et besogneux « ingénieux » de l’action culturelle qui s’activent, le plus souvent en dehors des institutions établies. Ici plus qu’en ville, rares seraient les actions culturelles sans l’intervention et le portage des associations. Les élus ruraux ne disposent ni des budgets, ni bien souvent des compétences pour développer de vrais projets. Le premier objectif de l’action culturelle, c’est l’animation d’un territoire. Il s’agit d’actionner les leviers de développement d’un territoire pour renforcer son attractivité, pour contribuer à une stratégie d’accueil des nouvelles populations, pour développer 20 | L’Information Agricole - N° 862 Novembre 2012 la cohésion sociale ou encore pour favoriser l’ouverture culturelle des populations. Ensuite, la co-construction de l’action entre les habitants et des professionnels (artistes, scientifiques, …) est fondamentale. Quant aux moyens utilisés, tout est possible : la diffusion culturelle, la pratique artistique, la construction de savoirs partagés, la mise en mots, en images, en spectacles, le débat, … C’est le plus souvent ce travail de mixité des approches, de regards croisés, cette diversité des pratiques d’expression qui fait la réussite de l’action. I. A. – Quels sont les leviers pour favoriser et accompagner l’offre culturelle dans les territoires ruraux ? J.-M. B. Q La qualité et l’extrême inventivité des initiatives portées par les associations et leurs bénévoles méritent d’être mieux reconnues et encouragées. Car ces actions font partie intégrante de l’attractivité d’un territoire. On vient rarement habiter un « désert culturel ». En outre, dans ce type d’action, le temps est un facteur indispensable de réussite. Porter une action culturelle, c’est d’abord créer et susciter un processus de transformation de ceux qui y participent. Le résultat final, pour important qu’il soit, n’est pas l’essentiel. Et ce processus, c’est d’abord du temps. Ainsi, ce sont bien souvent des années de travail de terrain, passées à tisser du lien, à sensibiliser, à faire émerger la parole, à créer des partenariats, des synergies entre tous les acteurs d’un territoire. Cette temporalité rend souvent difficile le financement de telles actions, les collectivités privilégiant encore trop souvent une culture du résultat. La ruralité | Dossier Q Emmanuel Hyest, Président de la FNSAFER Les sols agricoles ont une valeur agro-environnementale L’Information Agricole – Quels sont les enjeux de la préservation du foncier agricole ? Emmanuel Hyest Q Les sols agricoles fournissent des services de différents ordres à l’ensemble de la société. En France, la diversité des espaces agricoles offre des paysages remarquables : des paysages d’openfield, de bocages, de vallées ouvertes, d’estives, de vignobles… Ces paysages produits et entretenus par l’agriculture et la forêt offrent un cadre de vie apprécié pour les résidents de ces zones mais aussi pour l’activité touristique. Les sols agricoles, associés ou non aux arbres, haies, fossés, taillis, mares… participent aussi à la préservation de la biodiversité : la protection de nombreuses espèces animales ou végétales remarquables est liée à des pratiques agricoles. Mais les sols agricoles participent aussi à la préservation de la biodiversité ordinaire. Ils stockent du carbone et interviennent dans la régulation et le stockage de l’eau. L’un des enjeux essentiels de la préservation des sols agricoles est celui de la production alimentaire. Ces sols permettent le développement des végétaux qui sont à la base de plus de 90 % de l’alimentation humaine. Les ressources marines n’en procurent que 2 à 3 % et ne peuvent en fournir plus sous peine d’épuisement des stocks de poissons. Sans sols agricoles, associés ou non aux arbres, il n’y a pas de production alimentaire. Ainsi, les sols agricoles constituent-ils une ressource naturelle pour les générations futures. Mais ces sols sont en quantité limitée. La ressource est finie au niveau mondial. D’ores et déjà, l’Europe en manque. En 2008, elle a importé, en bilan net, l’équivalent de la production agricole de 35 millions d’hectares des pays tiers, soit le cinquième de la surface agricole de l’Union européenne. Au niveau français, si l’extension urbaine continuait sur les tendances de la dernière décennie, le potentiel agricole reculerait, d’ici 2050, de plus de 10 % en surface, mais de l’ordre de 15 % du potentiel agricole exprimé en réserve utile en eau. Les sols agricoles français constituent donc une des rares ressources naturelles dont nous disposons. La préservation des sols agricoles permettra de conserver des emplois non délocalisables tant au niveau de la production que de la préservation de l’environnement. Elle est indispensable pour le développement de nos filières agroalimentaires. I. A. – Quels bilans tirez-vous des lois Grenelle II et de Modernisation de l’agriculture sur ce sujet ? E. H. Q La mise en place des CDCEA a conduit, sous la responsabilité des Préfets, à poser à l’échelon départemental, la question de l’extension urbaine sur les zones agricoles. Les préfets ont demandé, sur la base de l’avis des Commissions, à revoir un certain nombre de projets. Il conviendra de faire un bilan du travail de ces Commissions pour en améliorer l’efficience. I. A. – Quels sont les outils à mettre en place pour une meilleure protection du foncier agricole ? E. H. Q La meilleure protection des espaces agricoles se situe dans la reconstruction de la ville sur la ville, la rénovation du bâti existant, le recyclage des sols imperméabilisés. La protection du foncier agricole se joue dans les politiques d’aménagement du territoire, du logement avant de se jouer dans les politiques de préservation des espaces agricoles. Nous aurons beau multiplier les zones de protection des espaces agricoles par des ZAP, des PAEN, si par ailleurs l’extension urbaine se poursuit comme par le passé récent, nous continuerons à perdre notre potentiel agronomique. Une piste à explorer pourrait être celle d’attribuer une valeur « agro-environnementale » aux espaces agricoles comme il est tenté de donner une valeur à la biodiversité, aux zones humides, par exemple. Cette valeur « agro-environnementale » pourrait être utilisée afin que le prix à payer pour l’extension urbaine soit plus important qu’actuellement, voire qu’il rejoigne les coûts de la reconstruction de la ville sur la ville. Isabelle Allemand Luc Perenom – CCMSA Service Images Indispensables à l’alimentation humaine, à la protection de la biodiversité et comme réserve d’eau, les sols agricoles constituent l’indispensable ressource naturelle pour les générations futures. Permis de construire en zone rurale – Baurech (751 habitants), Gironde. L’Information Agricole - N° 862 Novembre 2012 | 21