La parole filmée ou la redécouverte des origines chez Pierre Perrault

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La parole filmée ou la redécouverte des origines chez Pierre Perrault
La parole filmée ou la redécouverte des origines
chez Pierre Perrault
Guillaume Lafleur
Université de Montréal
Montréal, Canada
La parole filmée ou la redécouverte des origines
chez Pierre Perrault
Les documentaires de Pierre Perrault, pionnier du cinéma-direct au sein de
l’Office National du film (ONF), s’inscrivent de plein pied sous les bannières
problématiques du lieu et de la mémoire. Dès la “Trilogie de l’Isle aux
Coudres” (1963-1968), la parole est donnée aux hommes qui habitent la
région de Charlevoix pour nommer leur quotidien, leur territoire et leurs
croyances. Ces acteurs des réalités québécoise et canadienne racontent une
facette de leur vie passée ou d’une mémoire communautaire dont ils
deviennent les passeurs. Le passeur est chargé d’une transmission, où le
savoir de la culture et des origines devient un enjeu de parole. L’aspect
littéraire du passeur est central et a suscité divers prolongements sous la
forme de la poésie et du récit. Le dernier avatar, posthume celui-ci, s’intitule
Partismes (l’Hexagone, 2001). Dans cet ouvrage, Perrault revient sur la
réflexion du lieu et de la mémoire, qu’il avait déjà amorcée dans ses films
et articulée à la parole subjective de ses protagonistes.
Partismes, sous l’aspect d’un récit, est une forme de remake du documentaire
Les voiles bas et en travers réalisé près de vingt ans auparavant (1983). Le
procédé littéraire à l’œuvre dans ce projet – apparenté à la version écrite de
Pour la suite du monde, premier film de la trilogie publié en 1993 chez
l’Hexagone – permet de comprendre, avec le recul que confère l’écrit, la
spécificité de l’art documentaire dont il s’inspire. En fait, le cinéma de
Perrault doit autant à la matière écrite (le texte) qu’à la matière en mouvement
(les images cinématographiques). En cela, le cinéaste québécois se distingue
de ses contemporains, comme le français Jean Rouch, les américains Richard
Leacock et Frederic Wiseman ou la hongroise Gyula Gada. La parole est
une instance subjective chez Perrault, alors qu’elle est ethnographique chez
Rouch1 ou sociologique chez Wiseman2. Nous allons voir comment elle se
1
2
Rouch a poursuivi sa carrière au Musée de l’Homme à Paris et son œuvre est
consacrée principalement à l’Afrique sur un plan ethnographique. Il est mort dans
un accident de la route, au Niger à l’hiver 2004.
Depuis les années 1960, l’américain Wiseman s’est principalement intéressé au
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Lieu et Mémoire au Canada : Perspectives Globales
manifeste dans Partismes, puis dans la première séquence de Les voiles bas
et en travers. Nous allons proposer des distinctions, l’analyse de son oeuvre
nous mènera à considérer des formes de témoignages intermédiatiques,
littéraires, visuels et audiovisuels. Nous nous attarderons à la question
suivante: comment peut se produire la transmission, en littérature et au
cinéma ? Éludée jusqu’à présent dans les études sur l’auteur québécois, la
question retiendra notre attention.
La transmission dans Partismes
Nous commencerons avec la littérature puisque, dans notre corpus, elle est
au cœur des «origines» dont la mémoire du passeur fait mention. La principale
référence du film et du livre étudiés ce sont les notes de voyage de Jacques
Cartier, découvreur officiel du Nouveau Monde. Les Relations
de Cartier sont citées dans les deux œuvres, c’est un legs qui stimule la
réflexion sur la transmission: « J’aurais bien voulu finir au moins ce livre
sur le fleuve. Je me raconte que cela me revenait de lire les Relations
pour ceux qui ne lisent pas Cartier. Ceux qui ne lisent pas le fleuve. Ce
grand livre de notre identité » (Perrault 2001, 71). Perrault rêve d’un livre
exclusivement consacré au fleuve, livre qu’il ne réalisera pas, car Partismes
est le résultat posthume de ce travail inachevé. Mais ce qui demeure plus
important, ce sont les rencontres suscitées par un tel projet. « J’ai cherché
un Cartier. Comme tout le monde je me suis trouvé bouche bée devant le
bronze. Mais j’ai aussi fréquenté toutes sortes de lieux, de circonstances,
de havres, d’îles, d’hommes » (Perrault 2001, 70).
L’intérêt de son travail se situe dans la démarche qu’il suscite et les résultats
qu’il provoque : c’est un parcours aux circonstances imprévisibles. Le grand
livre de l’identité est impossible, dans la mesure où l’auteur se trouve au
carrefour des rencontres qui lui apprennent autre chose, le mènent ailleurs
que ce qu’il cherchait. Cartier devient ainsi un pré-texte à son œuvre, une
sorte d’agent provocateur puisé dans l’Histoire, à même sa culture.
Pour Perrault, les Relations est le texte des origines culturelles, le point fixe
qui confirme l’existence des prédécesseurs de Cartier, qui s’en sont tenus au
récit oral de leurs voyages. La découverte du Nouveau Monde revêt une
importance décisive dans la mesure où Cartier a écrit, décrit les lieux qu’il
voyait. Mais ses prédécesseurs sont innombrables et ils intéressent Perrault.
fonctionnement des individus dans les institutions. C’est le « corps social » – dans
les hôpitaux, l’armée, l’école, etc. – qui intéresse Wiseman.
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La parole filmée ou la redécouverte des origines
chez Pierre Perrault
À travers le voyage de Cartier, il veut suivre « les traces des voyages
antérieurs pour aller au-delà du connu » (Perrault 2001, 81). Aller au-delà
du connu consiste ici à s’intéresser aux discours qui n’ont pas d’emprise sur
le temps et sur l’Histoire, contrairement à l’écrit. Le récit oral, fuyant par
définition, est exempté du manuel d’histoire classique. Pourtant il existe et sa
rumeur est considérable. « La parole transborde l’inconnu. Les rois ne savent
rien. Les ports sont remplis de rumeurs, de sillages, de mémoires, de récits. La
parole parle, bien avant les écritures » (Perrault 2001, 81). Par son travail, le
cinéaste a accès à ce qui, de tout temps, précède les écritures : l’oralité,
incarnée dans le corps des hommes qui ont fait l’Histoire et qui la font encore.
Dans cette quête d’un retour aux origines, Perrault ne s’embarrasse pas
longtemps à faire de son projet de livre sur le fleuve une réalité. Il fera
plutôt, en premier lieu, deux films, Les voiles bas et en travers et La grande
allure parties 1 et 2 (1985), qui racontent la traversée de Saint-Malo à TerreNeuve, sur un bateau de plaisance. Si l’auteur rêve de transmettre l’Histoire,
c’est par la rencontre avec des hommes qui vivent une expérience rattachée
à la découverte du fleuve qu’elle se réalise. Dans Les voiles bas et en travers,
Loïc et Stéphane-Albert ont des choses communes à échanger, car l’un vit à
Saint-Malo tandis que l’autre, originaire de Gatineau au Québec, y va pour
apprendre davantage sur Cartier et le lieu où s’amorce son voyage. Comme
dans tous les films de Perrault, le moyen de transmission est la parole des
hommes. Il faut, pour approfondir le projet, passer du film au livre, ce qui
implique une contextualisation qui fonde le texte sur les intentions de l’auteur.
Un parcours au carrefour des représentations
Le livre Partismes accentue le propos demeuré implicite dans le film. Jamais
Perrault n’y est filmé en s’adressant au spectateur : il laisse parler les images
comme il fait parler les hommes qu’il rencontre. Dans Partismes, StéphaneAlbert et Loïc ne sont pas à l’avant-plan. D’autres commentaires apparaissent,
émanant des réflexions personnelles de l’auteur sur son projet de livre, son
intérêt pour la parole, sa passion pour Cartier. Le prochain extrait vient
souligner comment la figure du passeur trouve autrement son expression. Il
peut se limiter à nommer les lieux traversés, chargés de mémoire et d’Histoire,
mais surtout il mène un parcours, officie de guide. Nous avons compris que
le parcours de l’auteur enchâsse celui des protagonistes qu’il suit à la trace.
Ainsi commence le parcours de Stéphane-Albert et Loïc, le passeur, dans
Saint-Malo3 :
3
Au cœur de la cinquième partie du texte, intitulée « L’orgueil malouin ».
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Ils sont infatigables, ils courent joyeusement par toute la ville. Sur la
dune, sur les remparts, dans les rues, autour des statues. Et ils discutent
avec les statues, les remparts, les brise-lames, toute l’histoire, qu’elle
soit de pierre ou de bronze. Loïc est-il le présent de Saint-Malo?
Il nous entraîne dans sa ferveur. Le passé est-il dans le présent? Un
océan nous sépare. Et le temps qui passe. Il faut renouer avec le présent
pour rejoindre le passé. Toujours les brise-lames et Chateaubriand pour
les mettre en valeur (Perrault 2001, 39).
Dans cette illustration condensée du parcours de Stéphane-Albert et Loïc
sont rassemblés plusieurs éléments de représentation issus de la ville, et qui
en synthétisent la mémoire. Ce parcours a un caractère intermédatique.
Parmi ces éléments les représentations monumentales ont la part belle. Elles
incarnent Cartier, Chateaubriand et Surcouf 4, grandes figures qui se révèlent
ainsi dans le caractère intermédiatique du trajet entrepris par les protagonistes.
Alors que Perrault raconte être resté muet devant la statue de Cartier (Perrault
2001, 70), par le biais de ses protagonistes il parvient à énoncer un discours
sur celle-ci.
Il est vrai qu’au long de ce parcours où l’on croise de telles statues, il est
difficile de distinguer le passeur du narrateur. Ceci est d’autant plus marqué
lorsqu’intervient dans le texte sa mémoire d’une expérience. Dans Partismes,
Perrault se substitue plus d’une fois à Loïc, le passeur des Voiles bas et en
travers. En rappelant son premier séjour à Saint-Malo en 1949, il dit que
son impression face au bronze de Cartier le laissait bouche bée. Or, lorsqu’il
rencontre un chanoine qui lui parle de la dépouille de Cartier, ceci opère un
renversement dans le récit:
« C’est la tombe de Jacques Cartier » nous a-t-il exprimé non sans une
certaine satisfaction. Et il nous a expliqué que la tradition prétendait
que Cartier était enterré là, justement au pied du pilier. Alors on avait
creusé pour voir ce qu’il en était. Et on a trouvé un squelette. J’ai
soupçonné le petit chanoine tout gris d’avoir suggéré la fouille tant il
était satisfait. Et pour confirmer l’hypothèse il nous a raconté qu’on
avait relevé des traces de scorbut dans la dentition et constaté que la
dépouille avait été enterrée dans la chaux vive (Perrault 2001, 51-52).
4
Pirate malouin du dix-huitième siècle qui a accumulé des fortunes en combattant
les navires anglais.
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La parole filmée ou la redécouverte des origines
chez Pierre Perrault
Le statut symbolique de Cartier, explorateur du Nouveau Monde, s’efface
alors derrière sa condition de défunt, qui le rapproche de tous les mortels. Il
faut rappeler ici qu’au moment où Perrault visite Saint-Malo, la ville est
encore dévastée par la violence des bombardements de la guerre. Dans la
cathédrale éventrée de Saint-Malo, le chanoine désigne un trou, lieu où
s’achève la trajectoire de Cartier. Au lieu de contempler la statue de Cartier,
Perrault voit son squelette. Cette découverte le laisse perplexe: le voyage de
Cartier, son apport à l’Histoire, peuvent-ils se réduire à un tas d’os ? D’un
côté, le corps mort et inanimé est arraché à l’Histoire et au sens; de l’autre
la parole des hommes peut témoigner de projets.
Le clivage entre la finalité biologique et le statut symbolique de Cartier est
déjoué par l’entreprise de l’auteur, qui cherche le chemin de la parole pour
nommer les lieux. Le sens du parcours émerge alors à travers la recherche
d’un passeur qui répondrait à la question : Où est Saint-Malo? (Perrault
2001, 53).
L’homme de lettres et sa statue
Une autre statue est présente à la fois dans le texte et le film: Chateaubriand,
figure incontournable de Saint-Malo. Homme de lettres par excellence,
sa gloire littéraire et le récit de ses expériences (Les Mémoires d’OutreTombe) constituent un faire-valoir à son triomphe. Cette figure vient
questionner directement la fracture entre l’écriture, l’expérience et sa
transmission qui est une préoccupation majeure chez Perrault. Que dire
du seul énoncé de la gloire? Que retenir lorsque la toute puissance de
l’autoportrait d’un grand écrivain se veut irréductible aux méandres de
l’Histoire ? Tout en évoquant la statue de Chateaubriand à plus d’une reprise,
Perrault peine à entrer en dialogue avec l’auteur dont la vanité n’est pas le
moindre obstacle. Chateaubriand qui dit sans sourciller: «Mon sang teint la
bannière de France et exige d’être enterré sur un rocher au soleil couchant
face à la mer » (Perrault 2001, 43). Cet écrivain s’invente un destin d’éternité
où son corps se confond avec des représentations symboliques, tel le drapeau
de la France.
Perrault trouve tout de même une solution pour aborder l’auteur avec les
moyens du documentaire: les mémoires de Chateaubriand sont rapportés,
lors de la première action des Voiles bas et en travers. C’est alors le
mouvement de la parole vers le texte, de l’expérience vers le récit qui anime
la transmission subjective. La séquence est photographiquement impeccable
– un plan du caméraman Martin Leclerc, éloigné de la berge, montre Loïc
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et Stéphane-Albert courant vers les brise-lames sur la plage – mais ce qui
compte c’ est l’objectif des protagonistes. Il s’agit de rejoindre les briselames, grands piquets de bois posés en terre pour protéger la ville des
vagues déferlantes, ceux-là même où Chateaubriand montait avec ses amis
lorsqu’il était enfant, pour s’y pousser en bas, l’un après l’autre. Loïc
raconte une action posée lorsque le grand écrivain était enfant, mais ne le
cite pas directement. Dans le mouvement inverse allant du texte vers
l’expérience, la relecture de Chateaubriand prend la forme d’une critique en
actes, filmée caméra au poing. La parole ancre l’action posée dans une
mémoire historique et littéraire. Mais elle est aussi articulée à la subjectivité,
puisque Loïc passe directement de la parole aux actes 5 : après son court
récit avec Stéphane-Albert, il monte sur les brise-lames.
Dans l’opposition ferme et démonstrative à cette littérature, enterrée avec
son auteur « sur un rocher au soleil couchant face à la mer » (Perrault 2001,
43), nous retrouvons aussi deux axes idéologiques. Le premier axe correspond
aux écrits de Cartier fondés sur une expérience, mais dont l’enjeu relève
d’une reconnaissance des lieux. L’auteur de Partismes remarque d’ailleurs
que Cartier ne se formalise pas, à l’écrit, des divers problèmes qui incombent
à son équipage. Le deuxième axe se rapporte à Chateaubriand, adorateur des
chimères de la fiction, ou le fabulateur de sa propre vie, tel que le film et son
livre jumeau en font état. Après une citation des circonstances de sa naissance
rapportées dans ses mémoires, vient ce commentaire: « Né de la tempête
comme le rocher Malou! Enterré sur le Grand-Bé face à la mer! Que
reste-t-il ? Ce geste hautain d’une statue plutôt ratée ? […] Il reste la
vague! » (Perrault 2001, 43).
De l’imagerie à l’image de cinéma
S’il s’agit d’une façon de donner la mémoire des lieux en partage, aller à la
rencontre des hommes implique toutefois le refus de la vanité, car la vague
marine a le dernier mot sur le granit. Nous constatons donc, avec cette idée,
qu’il y a principalement deux temporalités historiques à considérer, pour
justifier ces rencontres. L’une est collée au présent de l’énonciation, tandis
que l’autre, immémorielle, renvoie à la nature, à la végétation vivace sous
laquelle disparaissent les statues. Le projet d’un film documentaire, dans ce
cas, consiste à coller au plus près de l’actualité.
5
Significativement, cette expression reprend le titre d’un important recueil d’essais
publié par Perrault en 1985 à l’Hexagone.
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La parole filmée ou la redécouverte des origines
chez Pierre Perrault
Dans ce contexte, une autre représentation intervient, moins symbolique et
proche de l’imagerie : il s’agit de la carte postale, nouvel élément
intermédiatique. À plusieurs reprises dans les premiers chapitres de Partismes,
l’auteur invoque ce mode de représentation. D’une certaine manière, cela
lui permet de pointer une crainte qui nourrit son travail. La carte postale
soulève en lui des questions, par son refus de s’en tenir à une imagerie
simpliste dans son cinéma. Quoi de plus univoque qu’un beau plan sur la
plage dans un film? Quelle est la différence entre ce plan et une carte
postale bien faite ?
Le film Les voiles bas et en travers répond à ces questions. Lorsqu’à
l’image Stéphane-Albert et Loïc courent sur la plage, le plan est sectionné
afin de montrer une photo des brise-lames. Le choix de ce montage répond
en partie au problème de la carte postale cinématographique. Si l’on confronte
deux images d’un même lieu, par le montage, leur univocité est éclipsée. La
représentation du lieu est alors distanciée, par la présence de deux moyens
d’en témoigner. Ceux-ci mettent à l’oeuvre une formulation critique du lieu
filmé. De la sorte, le passeur ne devient pas le centre de la représentation, il
est lui-même traversé par la forme médiatrice de la carte postale. Le principe
critique ne peut évidemment être restitué à l’écrit par Perrault. Cependant,
celui-ci peut s’en inspirer, en en proposant une variante sous les aspects plus
personnalisés du commentaire. « Stéphane-Albert se reconnaît-il dans la
carte postale Coureur des Bois? Et Loïc se reconnaît-il et reconnaît-il SaintMalo quand il parle lui-même d’un nid de corsaires? Il faut franchir les
clichés, déborder la carte postale. Assumer le présent » (Perrault 2001, 42).
Le propos du texte se différencie de sa source filmique, dans la mesure où
une seule forme de médiation est prise en compte – l’image produite par la
caméra au cinéma. La carte postale disparaît matériellement, de sorte que
l’auteur s’inquiète des hommes qu’il filme, puisqu’ils peuvent se trouver
à la source des clichés qu’il craint. Évidemment, la rencontre de StéphaneAlbert et Loïc implique une différence culturelle nette. Cette différence se
voit dans les attitudes et dans les rôles attribués à Loïc, le passeur et
Stéphane-Albert, le touriste. Dans ce contexte, assumer le présent c’est
faire confiance au discours des hommes derrière les apparences que la
caméra s’applique à capter.
Nous avons vu que les œuvres Partismes et Les voiles bas et en travers ont
le but affiché de transmettre un savoir culturel qui engage plusieurs formes
de représentations – littéraires, visuelles et audiovisuelles. À travers
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Place and Memory in Canada : Global Perspectives
Lieu et Mémoire au Canada : Perspectives Globales
l’interpellation de ces formes, l’auteur témoigne de son acuité à traiter des
tensions entre diverses strates du temps de l’Histoire, entre une mémoire du
patrimoine culturel et la parole subjective qui en témoigne dans le temps
présent. Il prend acte des difficultés de son projet en retravaillant, par
l’écriture, ce qui avait d’abord la forme du documentaire. Soudain, la
problématique du lieu et de la mémoire s’affiche dans une complexité
renouvelée, enrichie d’une reconnaissance de la subjectivité de l’auteur.
Redécouvrir les origines implique un parcours aux avenues diverses, à
travers les livres ou en des lieux historiquement chargés comme SaintMalo. La question « Où est Saint-Malo ? » est une façon d’accorder aux
origines une complexité sans déterminisme ou finalité précis. Mais Perrault
propose le problème suivant: aller de l’autre côté de l’Atlantique permet-il
de connaître autrement le fleuve pour le nommer ? Il demande encore : n’y
a-t-il pas autant de moyens de dire le fleuve et son Histoire qu’il peut y avoir
de rencontres, dans l’espace ou même dans le temps ?
Bibliographie
Perrault, Pierre. De la parole aux actes. Montréal: L’Hexagone, 1985.
--------. Jusqu’à plus oultre... Montréal: Comeau et Nadeau, 2000.
--------. Partismes. Montréal: L’Hexagone, 2001.
--------. Pour la suite du monde. Montréal : L’Hexagone, 1992.
Filmographie
Film de Pierre Perrault. Les voiles bas et en travers. Office National du Film
du Canada, 1983.
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