En Guyane, l`émigration économique libanaise ne faiblit pas
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En Guyane, l`émigration économique libanaise ne faiblit pas
Les Libanais dans le monde lundi 2 juillet 2012 Le nouveau France, En Guyane, l’émigration un mythe revisité par économique libanaise ne faiblit pas Diaspora Ce n’est certainement pas leur nombre qui pourrait susciter de l’intérêt. Ce qui singularise les Libanais vivant en Guyane, c’est la manière dont ils ont pu compenser leur infériorité numérique par un succès entrepreneurial impressionnant. ILLINOIS, ÉTATS-UNIS, de Pauline M. KARROUM Située au nord-est du continent sud-américain, la Guyane est devenue un département français depuis 1946. Ici se côtoient plusieurs groupes ethniques différents. En 2005, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) en France notait que 139 nationalités différentes sont présentes en Guyane. Quant aux immigrés, ils composent près de 30 % de la population. Les Libanais ne sont évidemment pas les plus nombreux. Selon la chercheuse et l’anthropologue Isabelle Dubost, ils ne seraient que 22 personnes à être recensés en tant que Libanais en 2004. Mais ce chiffre très bas ne décrit pas du tout la réalité puisque beaucoup sont perçus comme étant des Français. Soit parce que tout simplement ils sont nés en Guyane, soit parce qu’ils ont été naturalisés. Mais au fait, qu’est-ce qui a mené des Libanais à émigrer en Guyane ? Et comment ont-ils pu marquer le territoire guyanais ? Un entrepreneuriat familial Tout commence après les événements de 1860. L’opposition entre druzes et maronites et les massacres perpétrés contre les chrétiens vont pousser ces derniers à émigrer. Certains quittent Bazoun, village de Bécharré. D’autres partent de Zghorta. Et ces pionniers, qui sont en fait des paysans, se La Guyane, une belle île où les opportunités économiques ne manquent pas. dirigent vers la Guyane. Ce qui rend cette dernière attirante à leurs yeux, c’est d’abord sa proximité géographique du Brésil. Rappelons à cet égard le nombre élevé d’émigrés libanais qui s’installent en Amérique latine dès le XVIIe siècle. Ensuite, les conditions économiques de la Guyane sont avantageuses. Pour Isabelle Dubost, elle est « une aire privilégiée pour des échanges économiques ou de main-d’œuvre transfrontaliers et transnationaux ». Il faudra attendre quelques années plus tard, entre 1920 et 1940, puis 1970 pour que d’autres Libanais se dirigent à leur tour vers la Guyane. Désireux de travailler avec leurs familles ou avec leurs proches, ils n’hésitent donc pas à prendre le chemin de l’exil. Selon Dubost, cette migration de travail est basée sur le « regroupement familial dans le but de consolider une entreprise et d’offrir ainsi à la famille de bonnes opportunités économiques ». La chercheuse ajoute que cette migration se perpétue jusqu’à aujourd’hui, même si elle est actuellement plus faible. Dès leur arrivée en Guyane, les Libanais ont opté, à l’instar de leurs concitoyens présents en Amérique latine, pour le commerce. Débutant parfois chez un parent, ils faisaient ensuite l’impossible pour ouvrir par la suite leurs propres magasins. Vendant d’abord des produits ménagers, ils se spécialisent ensuite dans des produits plus luxueux : prêtà-porter, parfums... Actuellement, leurs activités commerciales se sont diversifiées. Il n’est pas rare de les croiser comme concessionnaires à la tête de grandes entreprises, à l’instar de marques d’automobiles. Ils exercent également des professions libérales, à l’instar de leurs concitoyens demeurés au Liban. La raison pour laquelle le flux migratoire libanais en Guyane se poursuit de nos jours, c’est que les Guyanais d’origine libanaise continuent de faire appel aux membres de leur famille vivant encore à Bazoun ou à Zghorta. Ces derniers viennent prêter main-forte à leurs proches lors de l’ouverture d’un nouveau commerce, ou occuper des postes vacants au sein d’une entreprise. Comme le souligne à Isabelle Dubost cet interviewé, propriétaire de quinze magasins et d’une société de gestion, « on travaille beaucoup, donc seule la famille peut s’engager ». de la chercheuse se base sur plusieurs réalités. Primo, les migrants de Guyane reviennent presque chaque année au Liban. Ils n’hésitent donc pas à traverser des milliers de kilomètres pour revoir leurs proches demeurés à Bazoun. Ils ont d’ailleurs tenu à conserver leurs maisons familiales, les rénovant ou en achetant d’autres dès que leur situation économique le permet. Secundo, les Libanais de Guyane n’hésitent pas à enregistrer et à légaliser leur mariage au Liban. Un autre signe d’attachement à leur pays d’origine se concrétise dans la volonté d’un grand nombre de familles à s’exprimer en arabe et à transmettre la langue à leurs enfants. Enfin, il est courant de croiser des inscriptions sur des tombes indiquant que le défunt enterré à cet endroit est né au Liban. Un signe fort du lien maintenu avec la mère patrie. Ainsi, les émigrés de Guyane ont réussi le pari de la proximité culturelle avec leur pays d’origine. Preuve que lorsqu’on veut garder le lien, l’obstacle des distances géographiques peut être franchi. Des attaches fortes au pays d’origine *Pour plus d’informations sur cette étude : « Les Libanais de Guyane : un modèle d’identifications multiples », Isabelle Dubost, paru dans la revue « Hommes & migrations » n° 1 274. « (...) Les échanges entretenus avec la famille restée au pays maintiennent un fort sentiment d’appartenance à la culture d’origine. » Ce constat De France, du Brésil et d’Argentine, un retour aux sources libanaises Voyage Ils étaient nombreux récemment à revenir au Liban de diverses parties du monde, pour y retrouver la trace de leurs ancêtres. Jeunes Libano-Argentins de la 3e génération de passage au Liban : de gauche à droite, Munir Nellmeldin (Nejmeddine), Yasmina Zgaib, Iara Jazmín Jalil (Khalil), Nahir Balut et Joel Jesús Habib. Ils ne connaissent pas encore leur pays d’origine, mais sont bercés depuis leur enfance par les contes de leurs parents et grands-parents, qui maintiennent même dans les mariages mixtes les traditions libanaises fortement ancrées dans leur cercle familial. Ils viennent par petits groupes découvrir le pays de leurs ancêtres, partageant durant quelques jours les joies et les tensions de leurs cousins vivant sur place et bravant une conjoncture régionale difficile influençant le Liban. Virginie Farah est venue célébrer son mariage à Beyrouth le 20 mai en l’église Saint-Ephrem des syriens-orthodoxes à Achrafieh (Sioufi) avec Saliba Issa, un Libanais travaillant dans le commerce à Genève où elle l’avait rencontré il y a quelques mois. Originaire de Tyr d’où était parti son arrière-grand-père Victor au début du siècle dernier pour s’installer comme médecin à Paris, Virginie est de mère française et, côté paternel, sa grand-mère et son arrière- grand-mère sont également françaises. Ses parents Xavier et Isabelle, et ses frère et sœur Cédric et Lohrine, ont été enchantés de faire visiter le pays du Cèdre à leurs proches, tout en poursuivant les démarches afin que toute leur famille obtienne la nationalité libanaise. La famille Maalouf est très nombreuse au Brésil, venant en majorité de la ville de Zahlé. C’est ainsi que Norma Cattini Maalouf, dont la dernière visite au Liban remonte à 50 ans, est revenue durant deux semaines au mois de juin en compagnie de ses filles, Carla et Suzana, et sa petite-fille de 25 ans, Andrea Quinteiro. Ses autres enfants Georges et Monica, qui s’étaient rendus au Liban en compagnie de leur père Toni Maalouf en 1972, sont restés à São Paulo. Toni, décédé il y a 4 ans, était le fils de Georges Maalouf de Zahlé et de Zakiyé Salha de Tyr. Il était très apprécié au sein de la communauté libanaise et avait été président de la Chambre de commerce et d’industrie libano-brésilienne et président À la sortie du restaurant à Amchit : Virginie Farah en compagnie de son époux Saliba (au centre), de son père Xavier (à droite) et de ses amis. du Club Zahlé de São Paulo. Firqat al-Arz de Rosario Leur ascendance paternelle est libanaise, mais seulement Yasmina a sa maman libanaise. Ils sont universitaires et sont venus d’Argentine pour découvrir les villages de leurs grands-parents et rencontrer leurs familles. Ils sont membres de la Jucal (Juventud Unión Cultural Argentino-Libanesa) et certains font partie de « Firqat al-Arz », troupe de danse traditionnelle libanaise fondée il y a 13 ans à Rosario. Nos jeunes Libano-Argentins de la 3e génération passent un mois entier au Liban, prenant leur temps entre deux représentations de dabké pour visiter et revisiter toutes les belles régions libanaises.* Parmi eux se trouvent : – Munir Nellmeldin (Najmeddine), dont le grand-père paternel Dib avait quitté son village natal de Lala dans la Békaa pour l’Argentine en 1914, suivi quelques années plus tard de sa grand-mère Jadijeh (Khadijeh) Ismaïl Salum de Kefraya – Yasmina Milet Zgaib, fille de José Luis Zgaib et d’Elisabet Maria Farah, dont le grand-père Abdo Zgaib avait émigré de Hrajel (Kesrouan) en 1912, suivi de son épouse Antoinette Mrad de Jounieh en 1950. La mère de Abdo est de la famille Choucair de Hrajel, quand à son grand-père maternel Carlos Farah, surnommé « Alegre », décédé il y a longtemps, Yasmina ignore son village d’origine – Iara Jazmín Jalil (Khalil), fille de José Luis Jalil et d’Édith Cuevas. Son grandpère Élias Jalil, originaire de Mayrouba (Kesrouan), était né au début du siècle dernier en Argentine, où il avait épousé Elsa Aguirre – Nahir Balut, fille de Miguel Balut et de Gladis Coronel. Le père de Miguel, Hassan, avait émigré de Kaoukaba, dans la Békaa, en 1950, en compagnie de son épouse Zeinab Taleb, originaire de la même localité – Joel Jesús Habib, fils de Jorge Habib et de Liliana Cianci d’origine italienne. Ses arrière-grands-parents Youssef Habib Issa et Nakhlé Béchara sont natifs de Aïn Hourché, dans la Békaa, et leur fils George était parti s’installer en Argentine en 1910. Ils participeront durant leur séjour à plusieurs réunions de jeunes d’origine libanaise, puis seront relayés par Juan José Azar et Diego Abuchacha (Abou Jahjah) qui passeront également un mois au Liban et prendront part au programme culturel RJLiban. Et comme le hasard fait bien les choses, le premier jour de leur arrivée au Liban, nos jeunes artistes d’Argentine dînaient dans un snack sous leur appartement dans le secteur de l’Hôtel-Dieu à Achrafieh. Le propriétaire Samir leur présente son épouse russe, qui possède une école de danse à Beyrouth, et les voilà invités à danser à la soirée annuelle de « Zirka » qui s’est tenue jeudi dernier à l’Unesco dans une ambiance détonante. Naji FARAH Programme RJLiban du 16 au 27 juillet Un programme culturel comprenant 40 heures de cours d’arabe dialectal et des visites touristiques guidées en français, anglais, espagnol et portugais, est proposé par l’association RJLiban, du lundi 16 au vendredi 27 juillet, aux Libanais d’origine et amis du Liban de passage cet été au pays du Cèdre. L’enseignement de la lan- gue libanaise sera dispensé à raison de 4 heures par jour, du lundi au vendredi de 8h30 à 12h30, avec une initiation à la danse et à la cuisine. Les participants iront ensuite à la découverte des principaux sites archéologiques dans une ambiance conviviale. Plusieurs réceptions et soirées ponctueront ce séjour spécial de découverte du Li- ban, qui a également pour but de renforcer les liens interculturels entre les membres. Une place particulière est réservée aux jeunes souhaitant former des comités en Europe, Amérique, Afrique et Australie. À noter qu’il est possible de s’inscrire séparément aux classes d’arabe ou aux tours. Réservations : 03/345528 – e-mail : [email protected] . Cette page est réalisée en collaboration avec l’Association RJLiban. E-mail : [email protected] – www.rjliban.com Arrêt photo sur la route de Zahlé dominant la Békaa pour Norma Maalouf, ses filles et petite-fille Carla, Suzana et Andrea. 5 un Franco-Libanais Dider Spade (à droite) et Alain Ducasse qui sera aux commandes de la cuisine du paquebot France. Didier Spade a de qui tenir et pour cause : il est porteur des gènes d’Augustin Spade, son grand-père paternel, ancien décorateur du paquebot France, et de Sélim Farah, son grand-père maternel, médecin originaire de la ville phénicienne de Tyr qui a été décoré par l’état-major français. Voici cet audacieux Franco-Libanais lancé depuis trois ans dans une entreprise horsnormes : reconstituer, à partir de sa proue rachetée aux enchères, le nouveau paquebot France, destiné à redevenir l’un des fleurons de la marine française. Fils de Georges Spade et d’Arlette Farah, sœur du professeur Alain Farah (voir nos éditions du 2 juin 2008 et du 4 juillet 2011), il a invité les investisseurs et journalistes à une journée portes ouvertes le 12 juin dernier, afin de leur présenter la nouvelle maquette du France au 1/160e. Amoureux des bateaux et de leurs architectures, propriétaire d’une entreprise gérant des reproductions de clipper à Paris, Didier Spade n’est pourtant pas un nostalgique. Son « France » est novateur et en aucun cas une copie de l’ancien. Didier Spade a dévoilé son intention de mettre Le nouveau paquebot France en construction sous l’égide du Franco-Libanais Didier Spade. à flots d’ici à 2015 ce paquebot de luxe qui serait l’héritier du prestigieux France. Son projet de construction a fait l’objet, avec l’expertise de consultants spécialisés, d’une étude approfondie du marché de la croisière, de ses perspectives et, préalablement à toutes autres investigations, d’une étude de la rentabilité de l’investissement qu’il représente. Les trois dernières années d’investigation ont amené à rectifier un peu les données de l’équation : le coût du navire devrait se situer aux alentours de 400 M€, mais sa capacité passera à environ 600 passagers, ce qui, en termes de rentabilité, est sensiblement meilleur que les données de départ ; ses dimensions seront de 255 mètres de longueur et 31 mètres de largeur, avec 17 ponts et 470 hommes d’équipage prévus à bord. Le port d’exploitation du navire sera très vraisemblablement en Méditerranée, compte tenu de son programme de croisières. Une escale libanaise sera-telle prévue ? N.F.