International Snow Science Workshop Grenoble – Chamonix Mont

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International Snow Science Workshop Grenoble – Chamonix Mont
International Snow Science Workshop Grenoble – Chamonix Mont-Blanc - 2013
Perception du risque et adoption de précautions : une étude dans le domaine de la pratique du
hors-piste
Risk perception and precautions adoption: a study in the field of out-of-bounds skiing
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Mathilde Gletty *, Dongo Rémi Kouabenan , & Aurélie Landry
Laboratoire Interuniversitaire de Psychologie (LIP/PC2S), Grenoble, France
RESUME : L’avalanche en hors-piste est un phénomène particulièrement meurtrier pour les jeunes
âgés entre 15 et 30 ans. L’Association Nationale pour l’Etude de la Neige et des Avalanches cherche
actuellement des solutions, en termes de communication préventive, pour sensibiliser au mieux ces
jeunes pratiquants. Cependant, la pratique du hors-piste et ses pratiquants étant très hétérogène, il
importe de mieux connaître les particularités de cette pratique pour le développement de messages
de prévention adaptés à cette cible. L’objectif de cet article est de présenter une recherche menée
dans le cadre d’une thèse sur le lien entre la perception du risque d’avalanche et l’adoption de
précautions chez les jeunes pratiquants du hors-piste. Trois cent quatre participants âgés de 14 à 32
ans répondent à un questionnaire sur la perception du risque, le type de pratique, et l’adoption de
précautions. Les résultats montrent que les pratiquants perçoivent les risques liés à l’avalanche
comme plus probables et contrôlables que les non-pratiquants du hors-piste. La perception de la
probabilité et de la contrôlabilité influencent positivement l’adoption de certaines précautions avant et
pendant la pratique. De plus, des caractéristiques de la pratique du hors-piste (fréquence de pratique,
niveau de difficulté de l’itinéraire, place dans le groupe et formation à la détection de victimes
d’avalanche) ont un effet sur la perception du risque d’avalanche ainsi que sur l’adoption de
précautions. On conclut sur l’intérêt d’étudier la perception du risque d’avalanche et ses déterminants,
et de la prendre en compte lors de l’élaboration de messages de prévention.
MOTS-CLEF : hors-piste, jeunes, perception du risque, adoption de précautions, prévention.
ABSTRACT: The avalanche phenomenon in out-of-bounds is particularly deadly for young people
aged between 15 and 30 years. The French National Association for the Study of Snow and
Avalanches (ANENA) is currently seeking for solutions for preventive communications, in order to
protect young practitioners. However, given the variability of out-of-bounds skiing, it is necessary to
have better knowledge about features of out-of-bounds for the development of prevention messages
designed for this target. The aim of this paper is to present a research conducted within the framework
of a thesis, on the relationship between perceived risk of avalanche and protective-behavior adoption.
Three hundred and four participants aged from 14 to 32 years old answered a questionnaire bearing
on risk perception, type of practice, and precautions adoption. The results show that practitioners
perceive the risks of avalanche as more probable and controllable than non-practitionners. Perceived
probability and controllability positively influence the adoption of several precautions before and during
practice. In addition, the characteristics of out-of-bounds practice (frequency of practice, level of
difficulty of the route, place in the group and training in avalanche victims detection) have an effect on
avalanche risk perception and the adoption of precautions. These results hightlight the importance of
studying avalanche risk perception, and that of taking into account risk perception in the designing of
prevention messages.
KEYWORDS: out-of-bounds, youth, risk perception, protective behavior, prevention.
en France. Cette pratique séduit un grand
nombre de pratiquants, et connaît un essor
considérable auprès des adeptes de sports de
glisse (Boudières, 2007). Chaque année en
France, une trentaine de pratiquants décèdent
sous une avalanche à la suite d’un
ensevelissement. Lors de la saison hivernale
2012-2013, 31 accidents d’avalanche sur 71 se
sont produits en hors-piste, avec 14 accidents
mortels. Cette saison, le hors-piste compte le
plus grand nombre de victimes, avec 16 des 36
pratiquants décédés. Une étude statistique
(Jarry, 2011) indique qu’en hors-piste, les
jeunes pratiquants âgés entre 20 et 30 ans
1. INTRODUCTION
La prévention du risque d’avalanche dans la
pratique du hors-piste est au cœur de la
problématique de l’Association Nationale pour
l’Etude de la Neige et des avalanches (ANENA)
______________________
*Mathilde Gletty, ANENA, Grenoble, France;
tel: +33683398925; email:
[email protected]
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population, et notamment d’identifier les
caractéristiques des pratiquants à risque. Son
étude montre que la population des pratiquants
est divisée en plusieurs sous-populations
hétérogènes, qui se distinguent entre elles par
leur exposition au risque d’avalanche et à leur
capacité à y faire face. De plus, le nombre de
pratiquants de hors-piste à risque serait faible.
Les pratiquants de sports de glisse
cherchent à transgresser les règles et valorisent
le risque (Reynier & Vermeir, 2007). Ils sont
généralement à la recherche de plaisir, de
sensations, de bonne neige, et de beaux
paysages (Longland et al, 2005 ; Sole & Emery,
2008). De plus, les pratiquants du hors-piste
sont plus motivés par la recherche de
sensations. Cependant, ils ont peu confiance en
leurs capacités à gérer le risque d’avalanche
(Gunn, 2010).
La notion de risque serait intégrée à la
pratique du hors-piste et associée à la vigilance
des pratiquants (Reynier & Vermeir, 2007). La
moitié des pratiquants interrogés dans l’étude
de Poizat ne pense pas prendre de risques en
hors-piste (Poizat, 2000). Les pratiquants du
hors-piste
accepteraient
davantage
les
conséquences négatives d’une avalanche que
les randonneurs ou les pratiquants de
motoneige (Longland et al, 2005).
Ces différents résultats montrent que les
pratiquants du hors-piste constituent une
population très hétérogène. Ceci laisse
supposer une perception variable des risques
en hors-piste, et notamment du risque
d’avalanche. Le fait de ne pas percevoir ce
risque peut conduire les pratiquants à ne pas se
protéger suffisamment pour y faire face. Il
convient donc de s’intéresser à ce concept et
son impact possible sur l’adoption de
précautions. La partie suivante présente
l’approche de la perception du risque, ainsi que
les déterminants et effets de cette perception.
représentent le plus grand nombre des victimes.
Ces accidents occasionnent un coût à la fois
pour les victimes, mais également pour les
autres usagers qui se situent sur les pistes ou
présents en hors-piste et qui peuvent parfois
subir les conséquences des avalanches
provoquées.
Les espaces hors-piste n’étant pas
sécurisés, il est alors nécessaire de sensibiliser
les adeptes de sports de glisse ou «freeriders»,
aux dangers de la pratique hors-piste, afin qu’ils
soient capables de prendre les meilleures
décisions possibles en matière de déplacement
en terrain avalancheux, et qu’ils puissent euxmêmes assurer leur propre sécurité.
L’objectif de l’étude est d’apporter des
éclairages sur la perception des risques relatifs
à l’avalanche, et sur les comportements
sécuritaires des jeunes pratiquants âgés entre
15 et 30 ans lorsqu’ils pratiquent le hors-piste.
Nous commencerons par définir le horspiste, puis nous présenterons l’approche de la
perception du risque. Ensuite, nous détaillerons
et discuterons les résultats obtenus.
2. LE HORS-PISTE OU FREERIDE : UNE
PRATIQUE HETEROGENE
Le hors-piste peut être défini comme
englobant l’ensemble des activités de glisse sur
neige pratiquées en-dehors des pistes ouvertes,
par gravité depuis le sommet d’une remontée
mécanique d’une station de ski jusqu’au pied de
la même ou d’une autre remontée mécanique.
Le freeride s’est approprié le terrain hors-piste. Il
s’agit d’une culture de glisse caractérisée par la
revendication «des espaces naturels nonaménagés et les champs de poudreuse comme
terrains privilégiés de la pratique» (Reynier &
Vermeir, 2007, p.5). Ce style de pratique est
considéré comme aventureux, nécessitant une
forte capacité technique et un engagement dans
la confrontation au terrain non-aménagé. La
pratique du freeride recèle une part d’imprévu
reconnue (Reynier & Vermeir, 2007).
La majorité des pratiquants du hors-piste
sont des jeunes hommes âgés entre 12 et 34
ans (Poizat, 2000). La pratique du hors-piste est
également associée à l’expérience et au niveau
technique : plus les pratiquants ont un niveau
technique élevé et plus ils sont expérimentés,
plus ils fréquentent le hors-piste (Poizat, 2000).
Le niveau technique semble toutefois mieux
prédire la pratique du hors-piste que
l’expérience. D’autres études indiquent que les
jeunes entre 25 et 29 ans font partie de la
catégorie la plus à risque concernant la pratique
du hors-piste (Sole & Emery, 2008). Gunn
(2010) a réalisé une recherche portant sur les
pratiquants du hors-piste afin de décrire cette
3. LA PERCEPTION DU RISQUE, UN
LEVIER POUR L’ADOPTION DE
PRECAUTIONS ?
L’étude de l’évaluation subjective d’un
risque constitue une approche intéressante pour
la prévention, principalement parce que la façon
d’appréhender un risque peut influencer
l’adoption de comportements sécuritaires pour y
faire face. Notamment, une faible perception
d’un risque conduit généralement à une
absence ou un manque de précautions contre
ce risque (Slovic et al, 1982 ; Kouabenan,
2006b). Plus précisément, l’adoption de
précautions est conditionnée par la perception
de la vulnérabilité face au risque, d’une part, et
à la perception de la capacité à mettre en œuvre
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les mesures de sécurité, d’autre part (Wenstein,
1989 ; Gerard et al, 1996 ; Brewer et al, 2007).
Par exemple, une étude de McCool et al. (2009)
montre que les nageurs se sentant le plus
menacés par le risque de noyade, et ceux qui
croient le plus en l’efficacité des mesures de
prévention contre ce risque, adoptent plus de
comportements sécuritaires pendant leur
baignade.
Cependant, cette perception peut non
seulement
varier
en
fonction
des
caractéristiques du risque, mais elle peut
également changer d’un individu ou d’un groupe
à un autre (Slovic et al, 1982 ; Slovic, 1987 ;
Kouabenan, 2006a). Par exemple, Selon
Kouabenan (2006a), un risque aura tendance à
être minimisé lorsqu’il est familier, fréquent,
perçu comme peu grave, différé, lorsqu’il est
estimé comme maitrisable, qu’il est pris
volontairement, et quand le comportement a une
utilité perçue. De plus, la minimisation d’un
risque pris volontairement peut s’expliquer par la
contrôlabilité perçue de ce risque, car un risque
contrôlable tend à être sous-évalué. La nature
du risque peut elle aussi influencer sa
perception : les risques naturels sont perçus
comme moins contrôlables que d’autres risques.
Toujours d’après Kouabenan (2006a), des
caractéristiques
individuelles
comme
les
caractéristiques
sociodémographiques,
le
niveau d’expertise, les motivations, la personne
cible (degré d’exposition au risque, vulnérabilité
perçue face au risque), les variables sociales
(position hiérarchique), peuvent avoir une
influence sur la perception des risques.
Par conséquent, préalablement à la
conception de messages de prévention
concernant un risque, il serait nécessaire de voir
si ce risque représente ou non une menace pour
un individu ou un groupe, et d’identifier les
facteurs qui peuvent expliquer la sousestimation de la vulnérabilité face à ce risque.
Ensuite, le contenu des messages de
prévention devrait avoir pour objectif de faire
prendre conscience à l’individu de sa
vulnérabilité face au risque, et motiver l’adoption
de précautions (Wenstein, 1989 ; Gerard et al,
1996 ; Kouabenan, 2006b ; Brewer et al, 2007).
quels comportements ils mettent en œuvre pour
s’en protéger. Néanmoins, des études sur les
perceptions des pratiquants de sports de glisse
sur les risques en hors-piste indiquent que ceuxci dissocient le risque d’avalanche de la pratique
du hors-piste (Reynier & Vermeir, 2007).
La perception des risques reflète le degré de
menace que représente un risque pour un
individu ou un groupe donné. Cette perception
peut varier en fonction des caractéristiques du
risque et de l’individu qui évalue ce risque. Ces
variables constituent donc des déterminants
indirects de l’adoption de précautions. C’est
pourquoi la construction des messages et des
actions de prévention doit notamment tenir
compte des perceptions dont le risque en
question fait l’objet (Kouabenan, 2006a, 2006b).
D’une part, nous proposons d’étudier la
perception des risques en hors-piste, plus
spécifiquement celle du risque d’avalanche, des
jeunes pratiquants et non-pratiquants du horspiste afin de voir si ces pratiquants sont plus ou
moins conscients de l’exposition aux risques
dans cette pratique. D’autre part, nous
souhaitons voir si la perception du risque
d’avalanche influence ou non l’adoption de
précautions. De plus, nous supposons que
certaines caractéristiques de la pratique du
hors-piste et des pratiquants influencent la
perception du risque d’avalanche et l’adoption
de comportements sécuritaires.
5. PRESENTATION DE L’ETUDE
5.1. Méthodologie
Une étude par questionnaire est réalisée
durant l’hiver 2012-2013. Cette partie du présent
article expose uniquement les variables
exploitées dans les résultats.
Les habitudes de pratique du hors-piste sont
mesurées à l’aide de 8 variables : l’expérience
de pratique (nombre d’années), la fréquence de
pratique
(occasionnelle,
régulière
vs.
systématique), le niveau de difficulté des
itinéraires (échelle en 5 points allant de 1 : facile
à 5 : très difficile), le mode d’accès au hors-piste
(par les remontées mécaniques, par ses propres
moyens), l’accompagnement dans la pratique
(seul,
en
groupe,
autre),
le
type
d’accompagnement (avec des amis, avec la
famille, sous la conduite d’un professionnel), la
taille du groupe (deux personnes, 3 à 5
personnes, plus de 5 personnes), la place dans
le groupe (leader, suiveur, ou pas de place).
La perception des risques dans la pratique
du hors-piste est mesurée à travers la
probabilité perçue sur une échelle de type Likert
en 5 points (1 : probabilité faible à 5 : probabilité
forte). Nous mesurons également la gravité
perçue sur une échelle de Likert en 5 points (1 :
4. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES
Les
statistiques
sur
les
accidents
d’avalanche en hors-piste montrent que les
jeunes constituent la majeure partie des
victimes de ces accidents. L’ANENA souhaite
développer des messages de prévention
spécifiques à l’intention de ces jeunes
pratiquants. Cependant, il manque des
connaissances sur la façon dont ces jeunes
pratiquants perçoivent le risque d’avalanche et
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emporté et être enseveli : t(259)=7.14, p<.001).
Globalement, les risques liés à l’avalanche sont
jugés plus probables par les non-pratiquants
(M=3.56) que par les pratiquants (M=2.76),
t(302)=4.91, p<.001.
Concernant la gravité des risques, être
enseveli sous une avalanche correspond au
risque jugé le plus grave par les pratiquants
(M=4.74). Ils le jugent plus grave qu’être
emporté (M=4.58), t(260)=3.83, p<.001, et
déclencher
une
avalanche
(M=4.06),
t(260)=11.80, p<.001 (comparaison entre être
emporté et déclencher une avalanche :
t(260)=10.82, p<.001). De façon générale, les
non-pratiquants (M=4.69) jugent les risques liés
à l’avalanche plus graves que les pratiquants
(M=4.46), t(302)=2.65, p<.01.
Quant à la contrôlabilité perçue des risques,
les pratiquants jugent le risque d’être enseveli
sous une avalanche comme moins contrôlable
(M=2.32)
qu’être
emporté
(M=2.53),
t(258)=5.20, p<.001, et de déclencher une
avalanche (M=2.84), t(257)=8.94, p<.001
(comparaison entre être emporté et déclencher
une avalanche : t(257)=6.00, p<.001). Les
pratiquants perçoivent globalement les risques
liés à l’avalanche comme plus contrôlables
(M=2.56) que les non-pratiquants (M=1.78),
t(302)=5.03, p<.001.
pas du tout grave à 5 : tout à fait grave), ainsi
que la contrôlabilité perçue du risque, ou
sentiment de maitrise, qui renvoie à la possibilité
de prendre des précautions pour réduire
significativement le risque. Elle est mesurée sur
une échelle de type Likert en 5 points (1 aucune
maitrise à 5 : beaucoup de maitrise). Ces trois
mesures sont réalisées sur 8 risques, dont 3
représentent les risques liés à l’avalanche
(déclencher une avalanche, être emporté par
une avalanche, être enseveli sous une
avalanche). Dans cet article, nous aborderons
uniquement les résultats portant sur la
perception des risques liés à l’avalanche.
Nous mesurons l’adoption de précautions
avant et après la pratique du hors-piste à l’aide
de deux échelles de type Likert en 5 points (1 :
jamais à 5 : toujours) comprenant 17 items pour
avant la pratique (exemples : porter un
détecteur de victimes en avalanche, regarder le
drapeau d’avalanche, etc.) et 8 items pour les
précautions pendant la pratique (exemples :
franchir les pentes un par un, surveiller la
position des autres, etc.).
Dans une dernière partie, les participants
doivent renseigner les informations générales
les concernant (âge, sexe, formations à la
pratique du hors-piste).
5.2. Procédure et échantillon
L’étude est réalisée dans différents lieux afin
d’augmenter le nombre de répondants : front de
neige de stations de ski (les 7 Laux,
Chamrousse, etc.), bibliothèque universitaire
droit et lettres de Grenoble, sur le lieu
d’inscription de l’école de glisse des universités
de Grenoble (E.G.U.G.). Il n’y a pas de temps
imposé pour répondre. La durée moyenne de
passation est de 15 minutes.
Trois cent quatre participants sont
interrogés. Les participants sont âgés entre 14
et 32 ans et comptent 178 hommes ainsi que
126 femmes. Parmi eux, 261 pratiquent le horspiste et 43 ne le pratiquent pas.
6.2. Effet de la perception des risques liés à
l’avalanche
sur
l’adoption
de
précautions
Nous réalisons une analyse factorielle afin
de voir comment les items mesurant les
précautions avant et pendant la pratique se
regroupent. Concernant les précautions avant la
pratique, les résultats indiquent l’existence de 4
facteurs. Le premier facteur renvoie aux
précautions primaires pour la pratique du horspiste (porter un détecteur de victime en
avalanche). Le deuxième facteur renvoie à la
planification de l’itinéraire (utiliser un plan des
pistes pour décider de l’itinéraire). Dans le
troisième facteur, on retrouve les précautions
secondaires (porter un casque). Le quatrième
facteur correspond à la prise d’informations
(consulter les prévisions météorologiques). En
revanche, les items mesurant les précautions
pendant la pratique constituent un unique
facteur.
La probabilité perçue a un effet positif et
significatif sur l’adoption de précautions avant la
pratique (précautions primaires : β=.33, p<.001 ;
précautions secondaires ; β=.18, p<.01 ; prise
d’information, β=.17, p<.01) et pendant la
pratique du hors-piste, β=.16, p<.01. En d’autres
termes, plus les pratiquants perçoivent les
risques liés à l’avalanche comme probables,
plus ils adoptent de précautions avant et
6. RESULTATS
Les données sont traitées avec le logiciel
SPSS. Les comparaisons de moyennes sont
effectuées à l’aide du test t de Student. Afin de
tester les effets des variables continues, nous
réalisons des analyses de régression.
6.1. Perception
des
risques
liés
à
l’avalanche de la pratique du hors-piste
Les pratiquants perçoivent le risque de
déclencher une avalanche comme plus probable
(M=3.03)
qu’être
emporté
(M=2.75),
t(259)=7.57, p<.001, et enseveli (M=2.51),
t(260)=11.5, p<.001, (comparaison entre être
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Plus l’itinéraire hors-piste est difficile, plus
les pratiquants jugent les risques d’avalanche
probables, β=.41, p<.001, et contrôlables,
β=.22, p<.001. Cependant, plus ce niveau est
important, moins ils jugent le risque d’avalanche
comme grave, β=-.14, p<.05. En outre, plus le
niveau de difficulté des itinéraires hors-piste est
élevé, plus les pratiquants prennent des
précautions avant leur pratique (précautions
primaires :
β=33 ;
p<.001 ;
précautions
secondaires :
β=.22 ;
p<.001
;
prise
d’information : β=.14, p<.05). Enfin, plus
l’itinéraire hors-piste est difficile, plus les
pratiquants adoptent des précautions pendant
leur pratique, β=.30, p<.001.
pendant la pratique. La contrôlabilité perçue a
également un effet positif significatif sur
l’adoption de précautions avant la pratique
(précautions primaires : β=.27, p<.001 ;
précautions secondaires : β=.12, p<.05 ;
précautions secondaires : β=-.11, p=.05 ; prise
d’information : β=.18, p<.01), et pendant la
pratique, β=.19, p<.01. Cependant, la gravité
perçue du risque d’avalanche n’a pas d’effet
significatif sur les précautions avant la pratique
(précautions primaires : β=-.05, p=.28 ;
planification de l’itinéraire : β=.06, p=.27 ; prise
d’information : β=.04, p=.41) et pendant la
pratique du hors-piste, β=.04, p=.42.
Nous souhaitons à présent voir si la
perception des risques d’avalanche et l’adoption
de précautions sont influencées par les
caractéristiques de la pratique du hors-piste.
6.3.3.
Effets de la place dans le groupe
sur la perception du risque
d’avalanche
et
l’adoption
de
précautions
Les leaders (M=3.02) perçoivent les risques
liés à l’avalanche plus probables que les
suiveurs (M=2.60), t(125)=2.19, p<.05. Les
leaders (M=4.50) et les suiveurs (M=4.35),
t(125)=.57, p=.56, jugent les risques liés à
l’avalanche aussi graves que les pratiquants
sans place (M=4.41), t(164)=.88, p=.37,
t(199)=1.74, p=.08. Ils perçoivent également ces
risques comme plus contrôlables (M=2.92) que
les suiveurs (M=2.32), t(125)=3.51, p<.001, et
les
pratiquants
sans
place
(M=2.55),
t(164)=3.05, p<.05 (comparaison entre suiveurs
et sans place : t(199)=1.77, p=.07). Les leaders
adoptent plus de précautions primaires (M=3.73)
que les suiveurs (M=2.74), t(125)=3.21, p<.01,
et les pratiquants sans place (M=2.65),
t(164)=3.80, p<.001 (comparaison entre suiveur
et sans place : t(199)=.40, p=.68). Ils prennent
également plus de précautions secondaires
(M=3.30) que les pratiquants sans place
(M=2.80), t(164)=2.69, p<.01 (comparaison
entre suiveurs et sans place : t(199)=1.22,
p=.22). Ils prennent plus d’informations
(M=3.69)
que
les
suiveurs
(M=3.26),
t(125)=2.01, p<.01, et les pratiquants sans place
(M=3.25), t(164)=2.88, p<.01 (comparaison
entre suiveurs et sans place : t(199)=.80,
p=.42). Enfin, ils adoptent plus de précautions
pendant leur pratique (M=3.95) que les suiveurs
(M=3.43), t(124)=3.94, p<.01, et les pratiquants
sans place (M=3.61), t(164)=2.68, p<.01.
6.3. Effets du type de pratique sur la perception
des risques liés à l’avalanche et l’adoption
de précautions
6.3.1.
Effets de la fréquence de pratique du
hors-piste sur la perception du risque
d’avalanche et l’adoption de précautions
Les
pratiquants
se
rendant
systématiquement en hors-piste jugent les
risques liés à l’avalanche plus probables
(M=3.24) que les pratiquants réguliers (M=2.92),
t(154)=2.44, p<.05, et occasionnels (M=2.31),
t(158)=5.72,
p<.001
(comparaison
entre
pratiquants
réguliers
et
occasionnels :
t(196)=4.42, p<.001). En revanche, ils ne jugent
pas ces risques comme moins graves (M=4.35)
que les pratiquants réguliers (M=4.52),
t(154)=0.81, p<=.41, et occasionnels (M=4.54),
t(158)=1.88,
p=.05
(comparaison
entre
pratiquants réguliers et occasionnels :
t(196)=1.45, p=.14). Ils jugent ces risques plus
contrôlables (M=2.83) que les pratiquants
occasionnels (M=2.32), t(158)=3.30, p<.001
(comparaison entre pratiquants réguliers et
occasionnels : t(196)=2.30, p<.05), mais autant
contrôlables que les pratiquants réguliers
(M=2.62), t(154)=1.44, p=.15. Par contre, plus la
pratique du hors-piste est fréquente, plus les
pratiquants adoptent des précautions avant leur
pratique (précautions primaires : t(254)=4.79,
p<.001 précautions secondaires : t(254)=2.30,
p<.05 ; prise d’information : t(254)=2.14, p<.05.
Ils
prennent
également
davantage
de
précautions pendant leur pratique, t(252)=3.99,
p<.001.
6.3.2.
6.3.4.
Effet de la formation à la détection
de victimes en avalanche sur la
perception du risque d’avalanche et
l’adoption de précautions
Les pratiquants formés à la détection de
victimes en avalanche jugent les risques liés à
l’avalanche comme plus probables (M=3.08)
que les pratiquants non-formés (M=2.43),
Effets du niveau de difficulté des
itinéraires
hors-piste
sur
la
perception du risque d’avalanche et
l’adoption de précautions
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t(257)=5.56, p<.001. Ils jugent les risques liés à
l’avalanche comme plus contrôlables (M=2.89)
que les pratiquants non-formés (M=2.23),
t(257)=6.16, p<.001. Les pratiquants non-formés
à la détection de victimes en avalanche jugent
les risques liés à l’avalanche comme plus
graves (M=4.54) que les pratiquants formés
(M=4.36), t(257)=2.57, p<.05. Les pratiquants
formés portent plus l’équipement de secours
(M=3.91) que les non-formés (M=1.87),
t(257)=2.80, p<.01. Ils prennent plus de
précautions secondaires (M=3.28) que les nonformés (M=2.66), t(257)=4.86, p<.001. Ils
prennent
également
plus
d’informations
(M=3.69) que les non-formés (M=3.07),
t(257)=5.72, p<.001, et prennent plus de
précautions pendant leur pratique (M=3.86) que
les non-formés (M=3.39), t(255)=5.35, p<.001.
positive de soi, qui se manifeste par un déni du
risque, soit une moindre perception de celui-ci.
Le déni du risque provoque ainsi indirectement
une plus faible adoption de comportements de
sécurité (Kouabenan, 2006b).
Par ailleurs, nos résultats montrent qu’il
existe une multitude de profils de pratiquants et
de pratiques du hors-piste, et vont ainsi dans le
sens d’autres recherches sur les pratiquants du
hors-piste (Björk, 2007 ; Gunn, 2010). Ce
constat est d’autant plus important que certaines
caractéristiques liées à la pratique du hors-piste
influencent
leur
perception
du
risque
d’avalanche et l’adoption de précautions. En
plus, on constate que les caractéristiques de la
pratique du hors-piste n’ont pas le même effet
sur la perception des risques liés à l’avalanche
et l’adoption de précautions. Par exemple, les
pratiquants occasionnels jugent les risques liés
à l’avalanche comme moins probables et moins
contrôlables que les pratiquants réguliers et
systématiques. Ces caractéristiques de la
pratique peuvent donc constituer des facteurs
de protection contre le risque d’avalanche (plus
forte probabilité du risque d’avalanche). Elles
peuvent également être affectées par les
illusions positives (plus faible gravité du risque
d’avalanche). Ces résultats montrent donc
l’intérêt de prendre en compte ce qui influence
la perception d’un risque et l’adoption de
précautions pour construire des messages de
prévention.
7. DISCUSSION
Tout d’abord, on constate qu’il existe une
différence de perception des risques entre
pratiquants et non-pratiquants. Les écarts entre
ces
deux
sous-populations
sont
significativement plus élevés pour la probabilité
perçue et la contrôlabilité perçue chez les
pratiquants. En revanche, concernant la gravité
perçue, les pratiquants ont autant conscience de
leur vulnérabilité face au risque que les nonpratiquants. La comparaison entre pratiquants et
non-pratiquants sur la perception des risques en
hors-piste constitue donc une démarche
préalable intéressante puisqu’elle donne de
premiers éléments de compréhension sur le fait
que les pratiquants s’adonnent au hors-piste
malgré leur conscience du risque d’avalanche.
A propos de l’effet de la perception du risque
d’avalanche sur l’adoption de précautions, nos
résultats confirment nos hypothèses pour la
probabilité et la contrôlabilité perçue. En
revanche, nos résultats ne montrent pas d’effet
positif de la gravité perçue du risque
d’avalanche sur l’adoption de précautions. Cette
absence d’effet est surprenante, étant donné
que le risque d’avalanche est jugé comme très
grave par les pratiquants. En outre, la
vulnérabilité perçue est censée avoir une
influence positive sur l’adoption de précautions
(Wenstein, 1989 ; Gerard et al, 1996 ;
Kouabenan, 2006b ; Brewer et al, 2007). Nos
résultats montrent également que ceux qui
pratiquent le hors-piste dans des itinéraires très
difficiles et ceux qui sont formés à la détection
de victimes en avalanche jugent ce risque moins
grave. Ces résultats peuvent s’expliquer par le
fait que la perception du risque d’avalanche peut
être soumise à des biais, appelés illusions
positives (Taylor & Brown, 1994). Ces biais
reflètent en fait le besoin de donner une image
8. CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Cette étude permet de faire de premières
recommandations en matière de prévention du
risque d’avalanche dans la pratique du horspiste chez les jeunes. Les pratiquants se
rendant occasionnellement en hors-piste, ceux
qui déclarent parcourir des itinéraires hors-piste
peu difficiles, ceux qui suivent d’autres
pratiquants ou qui appartiennent à des groupes
sans leader identifié devraient faire l’objet de
messages spécifiques : ils jugent l’avalanche
moins probable, possèdent un plus faible
sentiment de maitrise de ce risque et s’en
protègent également moins. Les messages qui
les concernent doivent leur faire prendre
conscience qu’ils peuvent vivre un accident
d’avalanche (vulnérabilité perçue). En outre, les
messages doivent insister sur la possibilité de
gérer le risque d’avalanche, en indiquant les
comportements de sécurité qui peuvent être mis
en œuvre, et surtout qu’ils sont capables de les
utiliser. Les pratiquants, comme les nonpratiquants, peuvent d’ailleurs assister à des
formations pour apprendre à mettre en œuvre
ces différentes mesures. En effet, la formation à
la détection de victimes en avalanche a un effet
505
International Snow Science Workshop Grenoble – Chamonix Mont-Blanc - 2013
positif sur la perception du risque d’avalanche et
l’adoption de précautions. Mais il est
indispensable que ces formations s’adaptent
davantage aux spécificités du public à
sensibiliser. Ceci implique que les formateurs
connaissent les caractéristiques des pratiquants
avant la formation. Par exemple, les formateurs
peuvent demander aux pratiquants inscrits à la
formation de remplir un petit formulaire sur leurs
habitudes de pratique du hors-piste (fréquence
de pratique, niveau de difficulté des itinéraires,
place dans le groupe, etc.) avant de participer à
la formation. Les non-pratiquants doivent
également faire l’objet de messages de
prévention. En effet, nos résultats indiquent
qu’une partie des non-pratiquants souhaiteraient
être formés à la pratique du hors-piste. Mais ces
derniers possèdent un faible sentiment de
maitrise du risque d’avalanche. Les messages
les concernant devraient donc insister
davantage sur le fait qu’il existe des précautions
à prendre pour se rendre hors-piste que sur
l’existence du risque en lui-même. Le sentiment
d’efficacité pour mettre en œuvre les
comportements sécuritaires est nécessaire pour
leur adoption effective.
L’approche de la perception des risques
comporte donc un intérêt pratique, puisqu’elle
permet de voir qu’un risque n’est pas évalué de
la même façon par tous, et vu qu’elle influence
dans une certaine mesure l’adoption de
précautions. Sachant que la perception du
risque semble influencée par les croyances des
individus envers un risque donné (Kouabenan,
2006b, 2009), il nous reste à examiner dans une
étude ultérieure, le lien entre les croyances et
l’adoption de précautions.
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NB : Cet article fait partie d’un travail de thèse
recevant un soutien financier de la Fondation MAIF
ainsi que d'une convention CIFRE ANRT-ANENAUPMF.
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