Un lion indomptable animé par la seule envie

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Un lion indomptable animé par la seule envie
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Sports
La Gruyère No 100 / Samedi 25 août 2012 / www.lagruyere.ch
Un lion indomptable animé
par la seule envie de jouer
FOOTBALL. Samuel
Ojong est le transfert
de l’été du côté du
FC La Tour/Le Pâquier
européenne. «Il a fallu beaucoup
s’entraîner pour se mettre à niveau. Sur de belles pelouses, le
jeu était beaucoup plus rapide
qu’en Afrique.»
PARCOURS. Fort d’un
● LA (1RE) PÉRIODE SUISSE
palmarès qui l’a vu passer cinq saisons en
Super League, le Camerounais revient sur sa
carrière.
RECONVERSION. A
32 ans, il parle également de l’après-foot.
FLORIAN KILCHOER
Des clubs, Samuel Ojong en a
connu beaucoup. Après avoir
atteint le plus haut niveau en
Suisse, le Camerounais a posé
ses valises dans de nombreux
clubs de l’Hexagone, avant de signer, cet été, à La Tour/Le Pâquier. L’occasion de rencontrer
cet attaquant de 32 ans et de revenir avec lui sur un parcours
marqué d’une seule et même envie: celle de jouer, qu’importe le
niveau...
● SES DÉBUTS
«Quand j’étais jeune, les centres de formation n’existaient
pas encore au Cameroun. Pendant les vacances il y avait des
tournois où les formations de
2e division venaient faire des repérages. C’est comme ça que j’ai
pu intégrer une équipe.» En
1998, le jeune Samuel Ojong a rejoint la Kadji Sports Academy, présidée par Gilbert Kadji.
L’homme d’affaires reprenait, en
parallèle, les rênes du FC Rouen
ainsi que celles du FC Sion. Son
objectif étant de trouver des débouchés pour les meilleurs espoirs de son académie. Le futur
Tourain s’est ainsi retrouvé à
Rouen, «pour se faire voir», non
sans avoir auparavant réalisé
des essais de deux semaines au
Real Madrid et à Liverpool. «Samuel Eto’o provient aussi de
cette académie. Il a d’ailleurs signé au Real.» Samuel Ojong a
pris, lui, la route de la France
pour sa première expérience
Sous l’impulsion du président Kadji, il a rejoint le FC Sion
en 2000. L’acclimatation se trouvait dès lors facilité par la présence de plusieurs Camerounais
dans l’équipe, comme le futur
Bâlois Hervé Tum. «D’un point
de vue sportif, ce fut de bonnes
saisons. Malheureusement, le
club a été rétrogradé pour des
raisons financières.» Le joueur a
alors pris la direction de Delémont, fraîchement promu en
lieu et place de Sion, avant de signer l’année suivante à Neuchâtel Xamax. «Je n’avais pas
d’agent et gérais seul mes affaires. Je répondais directement
aux appels des présidents. J’ai
finalement opté pour Neuchâtel,
car j’avais déjà eu plusieurs
contacts avec eux. De plus,
c’était un club francophone.»
Malgré une bonne saison, de
nouveaux investisseurs à la Maladière l’invitent à aller voir ailleurs. Direction Thoune. Si la
première partie de saison s’est
plutôt bien passée, cela s’est
corsé après la trêve en raison
d’un changement d’entraîneur.
«Hanspeter Latour est parti à
Zurich et il a été remplacé par
Urs Schönenberger, qui a amené
un attaquant avec lui. Je n’entrais plus dans ses plans.
Comme je n’étais pas disposé à
faire du banc, j’ai décidé de partir...» A l’heure où les Bernois fêtaient leur deuxième place, synonyme de qualification pour le
tour préliminaire de la Ligue des
champions, le Camerounais préparait ses valises pour une nouvelle destination...
● LA CORSE... ET LA FRANCE
Prochain arrêt: l’île de Beauté, et plus précisément le Gazélec Ajaccio, club de National.
Après une relégation en CFA,
l’attaquant a réalisé une bonne
saison en «enfilant» 18 buts. «A
ce moment, j’ai reçu de nouveau
beaucoup d’offres et j’ai signé à
Evian.» La suite a un petit air de
déjà-vu. Après une saison et de-
En prenant la pose, Samuel Ojong ajoute: «Ça va me coûter cher cette photo dans le journal! Ce système est vraiment typique de la Suisse. En France
cela n’existe pas. Je trouve ça plutôt sympa.» MÉLANIE ROUILLER
mie passée en Savoie, entre le
National et la CFA, le joueur a
préféré partir au Red Star afin de
«jouer le plus possible». Une
destination de plus, qui sera,
elle aussi, suivie de trois autres
clubs en CFA et CFA2 avant son
arrivée en Gruyère.
● LE CHALLENGE TOURAIN
Le joueur a ainsi débarqué
cet été à La Tour/Le Pâquier,
dans une ligue qu’il avoue ne
pas connaître. Pour combien de
temps? «On ne peut jamais le
prévoir à l’avance. Beaucoup de
choses peuvent se passer. Mais
peut-être pour longtemps. Dieu
décide.» L’aspect financier a-t-il
également joué un rôle? «Non»
répond le joueur. «Quand on m’a
appelé pour évoluer en 2e ligue
DU TAC AU TAC
Le meilleur footballeur avec lequel vous
avez joué?
Dans le championnat de Suisse, je dirais Alexandre Rey, à
Neuchâtel. Et Samuel Eto’o en équipe nationale. C’était une
chance de pouvoir le côtoyer.
Le meilleur entraîneur pour lequel vous
avez évolué?
Laurent Roussey, à Rouen puis à Sion.
Quels sont vos points forts
sur un terrain?
Ma rapidité et ma frappe de balle.
Et vos points faibles?
Mon jeu de tête, sans hésiter! Je suis nul! J’ai dû mettre
deux ou trois buts de la tête dans ma carrière, et encore, ils
étaient faciles...
Quel est le club que vous supportez?
J’aime bien regarder les matches du Real Madrid.
inter, j’ai beaucoup réfléchi et je
me suis dit pourquoi pas!»
forcer à rester pro. Mais l’envie
de jouer était plus forte.»
● JOUER À TOUT PRIX
● L’INCERTITUDE
La carrière de Samuel Ojong
reflète une réalité que beaucoup
de joueurs pros ou semi-pros
ont pu connaître: une réalité
faite de nombreux transferts
ainsi qu’une lente, mais inexorable descente vers les ligues inférieures, bien loin des success
story à la Messi. A la question de
savoir dans quel club il aurait
rêvé de jouer, Samuel Ojong répond de manière assez surprenante: «Je n’avais pas vraiment
de rêve, je voulais juste jouer!
C’est peut être d’ailleurs ce qui
m’a manqué. A un certain moment de ma carrière j’aurais dû
refuser de jouer en CFA et me
La vie de footballeur «itinérant» est souvent faite de moments de doute: la crainte de se
blesser ou l’incertitude de trouver un nouveau club. Samuel
Ojong a, lui, toujours essayé de
rester serein. «Je n’ai pas souvent eu peur, même en CFA où
les contrats ne portent que sur
une année.» Il faut dire que le
joueur a toujours préféré signer
ses contrats assez vite afin
d’éviter les mauvaises surprises. «Et puis, je me dis qu’il
y aura tout le temps une nouvelle opportunité, que j’arriverai à trouver quelque chose
d’autre.»
●●●
Un joueur avec lequel vous aimeriez
jouer?
Christiano Ronaldo.
Le jeu de l’Espagne...
Lorsque cette équipe joue, je change de chaîne et je regarde
un autre match. Ça m’énerve, car je sais qu’ils vont tout le
temps gagner (rires)! Par contre, la possession de balle est
quelque chose de primordial qu’il faut apprendre aux jeunes.
En dehors du Cameroun,
quelle équipe soutenez-vous
lors d’une Coupe du Monde?
Le Brésil, pour son beau jeu.
Quel souvenir gardez-vous du quart de
final du Cameroun contre l’Angleterre
lors de la Coupe du Monde 90 en Italie?
En 1990, il y avait peu de télévisions au Cameroun. Je n’avais
pas regardé la partie. A dix ans, je ne m’étais pas rendu
compte de l’importance de ce match. Mais c’était énorme
pour l’Afrique. FK
● L’APRÈS-FOOT?
A 32 ans, ses plus belles années de footballeur sont derrière lui et il devient grand
temps de penser à sa reconversion. «En France, j’ai terminé
ma formation pour travailler
dans la surveillance de centres
commerciaux. C’est déjà une
bonne chose.» Le Camerounais
a également eu l’occasion d’entraîner des équipes de jeunes
dans ses précédents clubs.
L’occasion peut-être d’en faire
de même en Gruyère? «Oui,
c’est une idée. Je vais me renseigner pour savoir comment
ça se passe ici au niveau de la
formation.» Sûr que les jeunes
auraient beaucoup à apprendre d’un attaquant au tel parcours. ■
«Je devais être prêté au FC Bulle»
«Je suis arrivé dans la région au début du
mois d’août et tout est encore nouveau.» Malgré son passage de cinq ans en Suisse, Samuel Ojong ne s’était encore jamais aventuré
en Gruyère. «Lors de ma saison à Thoune,
alors que je voulais plus de temps de jeu, je
devais être prêté à Bulle, qui évoluait alors en
Challenge League. J’avais accepté mais, pour
finir, les deux clubs ne se sont pas entendus
pour des raisons financières.» Le nouveau
Tourain semble en tout cas apprécier la région. «Bulle est une petite ville où on arrive à
tout trouver sans avoir besoin de la voiture.
Les gens sont aussi très sympas. »
L’arrivée au club
Quant à sa nouvelle équipe, l’attaquant a
été satisfait en découvrant la jeunesse de l’effectif. «Je vais prendre du plaisir, car ça joue
au ballon. C’est le plus important. De plus, les
jeunes joueurs sont à l’écoute et très intéressés. Ils me posent beaucoup de questions sur
mes précédentes expériences. Je ne m’atten-
dais pas du tout à ça! En France, cela n’arrivait jamais.»
Pas question cependant de profiter de
passe-droits. «Ce qui s’est passé avant ne
compte plus. Ici on est tous pareils. Par mon
comportement, je dois montrer que je suis un
coéquipier comme tous les autres.» Il ajoute
que, malgré les nombreux clubs pour lesquels il a défendu les couleurs, il n’a jamais
connu de problèmes avec ses entraîneurs
ou dirigeants. «J’ai toujours respecté mes
contrats.»
Le nouveau transfuge, qui a eu la chance
de côtoyer Samuel Eto’o durant quatre rencontres de préparation avec l’équipe nationale camerounaise, se remet actuellement
d’une légère blessure. «J’ai dû déménager
tout seul et me suis fait mal au dos. Ensuite,
j’ai voulu reprendre trop vite et j’ai forcé.»
Pour savoir s’il sera rétabli ce soir, il faudra
aller voir du côté du parc Nestlé, à 19 h, à
l’occasion de la rencontre opposant La Tour/
Le Pâquier au Team Vaud M21. FK