Le LAOS : Pr J. PREVOT J`ai bénéficié d`une bourse accordée par le
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Le LAOS : Pr J. PREVOT J`ai bénéficié d`une bourse accordée par le
Le LAOS : Pr J. PREVOT J’ai bénéficié d’une bourse accordée par le Professeur Alain PATEL ( chef de service à GARCHES ) pour aller propager au Laos les principes de l’embrochage centro-médullaire élastique stable mis au point dans mon service . En conséquence , je suis allé deux fois au Laos . C’est un pays pauvre ; il n’a pas de voies ferrées ; il est bordé par cinq frontière , une avec la Thaïlande , une autre avec le Vietnam , une autre avec la Birmanie , une avec la Chine et la dernière avec le Cambodge . Il n’a aucun accès à la mer . Il a une superficie de 236.800 km2 et compte 5.000.000 d’habitants . Il est occupé par un fleuve mythique le Mékong . La capitale est Vientiane , dont l’extrémité de la rue principale est décorée par une imitation de l’arc de triomphe napoléonien à la mode laotienne ; Les habitants sont nonchalants et cela a des conséquences sur leur comportement dans le travail chirurgical . Nous opérions à l’hôpital Mittapap , construit par les Russes pour 200 malades et abandonné au moment du reflux sous Gorbatchef . Cet hôpital Mittapap ( ou amitié en laotien ) est situé à 5 kms de Vientiane en pleine nature après avoir passé le château d’eau , la petite rivière et la vieille pagode . Pour le rejoindre il faut passer sur une route pleine d’ embûches avec trous et bosses et dénivellations subites ; Une mobylette avec 4 personnes dessus vous double en pétaradant puis fait une queue de poisson à une vieille Chevrolet qui sort de la poussière pendant qu’un cyclo-pousse déboite d’une rue latérale vous obligeant à une manœuvre d’évitement périlleuse et risquée . L’hôpital Mittapap a le caractère massif et partiellement illogique des constructions soviétiques . ( la radiologie est située à distance du bloc opératoire p.e. ) ; il y a de multiples escaliers mais pas d’ ascenseur . Patel n’en a « colonisé « qu’une petite partie qui comprend le bloc opératoire . Pour le reste , malgré son aspect extérieur engageant , il y a des fuites partout car les Russes ne savent pas que l’acier rouille , ce qui fait qu’il faut sans arrêt réparer avec de gros emplâtres ce qui n’empêche pas les fuites . Dans cet hôpital toute la partie dévolue à l’orthopédie et traumatologie a été remise à neuf grâce au Pr Patel qui a obtenu beaucoup des laboratoires et autres firmes industrielles . Le bloc opératoire , sans être évidemment ce qu’on fait de mieux , est très valable même s’il faut utiliser un moteur Peugeot du commerce et s’il manque trois lampes au scialytique . il y a un amplificateur de brillance assez calamiteux , mais le personnel formé à Garches est très compétent et très poli . Nous logions dans une résidence située à proximité de l’hôpital : 500 mètres à pied , sous un soleil de feu , à travers un champ épisodiquement fréquenté par les scorpions . Je n’ai vu qu’une seule fois une de ces charmantes bestioles déjà raide et à moitié desséchée , sans doute tuée par les gens d’ici très adroits dans cette activité courante pour eux . Au rez-de- chaussée de cette résidence se trouvaient la salle à manger et le salon avec un gros poste de télévision qui par le jeu d’un démodulateur et d’une grande parabole permettait d’avoir la France avec un décalage de 6 heures . Dans les étages se trouvaient de petits appartements très primitifs avec un lit en planches sans aucun confort et une climatisation tellement bruyante qu’on était obligé de l’ arrêter en arrivant . La résidence faisait partie d’un groupe d’ immeubles ou grouillaient de nombreux enfants . Il y avait devant une superbe bougainvillée qui donnait une note riante . Les lits étaient des châlits composés de planches surmontées d’une mince épaisseur de matelas qui n’atténuait en rien la dureté du lit ; le soir on voyait des lézards qui poursuivaient les araignées . Enfin , c’était très spartiate ! Les staffs débutaient toujours le travail opératoire comme en France ; ils se déroulaient à 8 heures précises et permettaient de voir les dossiers les plus importants ; les infirmières y participaient et donnaient leur avis . Il y avait aussi les cours auxquels assistaient tous les chirurgiens et dont les chaises avaient été offertes par une association humanitaire . Le travail d’orthopédie et surtout de traumatologie pédiatrique ne manquait pas ; j’ai eu à m’occuper de nombreuses fractures non ou mal réduites et toujours vues tard car il y a une certaine passivité dans tout ce que font les médecins laotiens . La notion d’urgence, notamment pour réduire une fracture, n’existe pas . Tel blessé arrivant à l’hôpital sera volontiers remis au mercredi suivant malgré les conséquences funestes que cela peut entrainer . Parmi ces blessés , le plus souvent victimes d’une circulation chaotique dans les trous et la poussière , je voudrais faire une place à part aux victimes de mines qui pullulent dans le nord du pays ; lancées par avion, leur topographie n’est pas précisée et ce sont les enfants qui font le déminage avec leurs jambes . Le Professeur Patel a fait venir en France dans son service des anesthésistes et des chirurgiens laotiens sont venus pour un an dans mon service pour apprendre l’embrochage centro-médullaire élastique stable . Les chirurgiens opèrent dans deux salles distinctes ; il existe aussi une salle de chirurgie septique qui fonctionne tous le jours car les cas infectés sont très nombreux sans doute du fait du retard à l’arrivée des blessés , de l’intervention préalable des guérisseurs et aussi de la chaleur . On y voit des formes avancées d’ostéomyélite chronique avec une nécrose massive de l’os séquestré inconnue en France . Du fait de la carence de l’ampli de brillance , la réduction des fractures doit beaucoup à la palpation manuelle . Le soir , on s’ennuyait ferme car l’hôpital est très isolé. Heureusement il y avait la télévision et TV5 . L’ hôpital de l’amitié se superpose à d’autres hôpitaux construits par les Français à l’époque coloniale , hôpitaux agréables , en petits pavillons isolés au milieu de jardins très abandonnés : hôpital Mahosot , clinique Settatirat essentiellement dévolue à l’appareillage et à la rééducation des amputés très nombreux du fait des mines à fragmentation américaines qui parsèment encore la piste Ho Chi Minh au voisinage de la plaine des Jarres . Ces mines ne tuent pas . Ce sont des mines « humanitaires « à la mode US ! elles sont lâchées sous forme de bombes qui explosent en arrivant au sol libérant plusieurs petite mines qui explosent au contact du moindre poids , ne tuant pas mais entraînant des fractures des membres , ce qui fait que les blessés demandant à être soignés encombrent les hôpitaux . Ce genre de traumatisme suppose un grand nombre d’amputations . Elles sont souvent secondaires à des épisodes infectieux facilités par les éclats et les souillures . Le secteur septique est très fréquenté par des enfants blessés . Les patients hospitalisés à l’amitié sont constamment entourés par leur famille , frères et sœurs qui leur donnent à manger et à boire , vaquent à leurs soins d’hygiène . En dehors de la traumatologie bien conditionnée , efficace et qui doit beaucoup à l’ ECMES pratiqué ici avec un matériel divers , mais jamais avec les broches traditionnelles en Europe , le reste de la pathologie est très pauvre et mal soigné ; J’ai confectionné un pelvi-support pour un enfant atteint de luxation de hanches mais je doute que le plâtre confectionné avec des bandes de gaze enduites de plâtre et modelé convenablement ait pu être porté longtemps . J’ai vu un ostéosarcome monstrueux avec une image en feu d’herbes magnifique ; j’ai rapporté un morceau de biopsie que j’ai confié à Mme Sommelet qui m’a donné en réponse un protocole mais il n’y a pas sur place le moindre produit thérapeutique . Le Mékong et la bière lao sont les deux particularités de ce pays . Le Mékong tout d’abord : c’est un fleuve majestueux qui vient des contreforts de l’Hymalaya et qui arrose tout le pays . À Vientiane il est large de deux kilomètres ; son eau est très brune de sorte que le soleil couchant donne de superbes reflets que l’on peut admirer attablé dans un petit bistro construit sur les digues en sirotant une bière lao qu’une jeune fille accorte renouvelle en permanence . Le Mékong est sujet à des crues redoutables de sorte que l’on a édifié de hautes digues surmontant la ville ; le creusement du sol pour édifier ces digues a permis l’apparition de vastes étangs très poissonneux . Comme je l’ai déjà dit plus haut , c’est du haut de ces digues que les gens ont construit des cahutes donnant directement sur le fleuve et permettant de distinguer au loin les lumières de la Thaïlande sur la rive opposée et où l’on boit de la bière lao à discrétion . L’unique richesse du pays est l’électricité produite par un barrage sur la Nam Ngum ; le Laos vend cette électricité à la Thaïlande ; la retenue d’eau est tellement large que quelques îles en émergent utilisées comme prison ( une îles pour les hommes ; une île pour les femmes ) . Le Mékong est calme en temps courant ; son lit est à une altitude de 400 mètres ; il a encore 1.600 kms à parcourir jusqu’à son delta . Ses crues redoutables ont lieu pendant la période des moussons . La capitale historique du Laos est Louang Prabang , enchassée dans les pitons abrupts des confins laotiens qui s’étendent jusqu’au Vietnam . (Dien Bien Phu est à quelques kilomètres du Laos ). Le Mékong y est plus majestueux qu’à Vientiane car son lit est étroit et resserré ; la plaine des Jarres passe au milieu de la piste Ho Chi Minh . Elle a été partiellement détruite par les raids américains . Vientiane est une ville de 3.000.000 d’habitants . Elle est située au cœur d’une plaine alluviale qui s’étend jusqu’en Thaïlande . La rue principale a deux sémaphores sensés réglementer une circulation échevelée où les scooters et les mobylettes s’entrecroisent bruyamment en émettant une fumée bleutée qui plane sur la ville . C’est sur cette rue qu’on trouve les principaux hôtels , les ministères , la poste et le marché du matin ainsi désigné parce qu’il ouvre toute la journée . Le Laos est un pays très pauvre et très religieux . le régime politique est un communisme à visage humain . Les gens sont doux et souriants , nonchalants mais paralysants . C’est un résidu de l’influence sino-soviétique qui a fait basculer toute une partie de l’Asie (Thaïlande exceptée) dans l’idéologie communiste dont on aura du mal à se défaire , les laotiens étant très passifs et heureux dans leur pauvreté . Les sphères dirigeantes tiennent un fromage et il ne sera pas aisé de leur faire quitter . Dans la campagne , on rencontre des statues et aussi de superbes papillons . Les laotiens , peu portés à la neurasthénie , font souvent la fête . Une des plus populaires est le That-louang , sorte d’ immense kermesse populaire intermédiaire entre la foire et la foire exposition qui se déroule entre la statue du roi Settathirat et une petite pagode réservée aux manifestations de Bouddha. Une poussière dense se développe rapidement qui se transforme en une brume très opaque . Les laotiens sont très pratiquants . On rencontre des bonzes à tout instant ; le mariage est très respecté ; la vie en couple avant le mariage est absolument prohibée . S’embrasser en public est très mal vu ; même les danses se font sans contact physique ; les danseurs restent à distance non sans dessiner avec leurs mains des gestes sensuels . L’électricité , la bière et le riz sont les seules productions industrielles du Laos . Les laotiens sont très fiers de leur bière d’autant qu’elle est très bonne et en font une consommation considérable . Les femmes laotiennes , plus petites que les femmes européennes , sont bien proportionnées , naturellement bronzées , souriantes et d’une souplesse de liane . Elles sembles faciles et certaines le sont certainement et à ce moment elles vous le font savoir sans pudeur , d’autant que par la force du climat torride on vit trèe peu habillé . L’éducation est conseillée mais n’est pas obligatoire ni subventionnée . Elle est pourtant suivie par la majorité de la population et on est surpris de trouver au milieu de cette poussière des chemisiers blancs impeccables et un uniforme sans taches des enfants qui nettoient même la cour de recréation . Je suis aussi allé à Phnom Penh au Cambodge ; c’est une ville incomparablement plus grande que Vientiane dans un pays nettement plus francophone ; il y a ici trois hôpitaux et un institut Pasteur . La tuberculose et le sida y font des ravages considérables . J’ai visité l’hôpital militaire qui est un concentré d’horreurs avec des amputés des deux jambes , des gens qui ont perdu presque toute la face et aussi des sidaïques en phase terminale . L’hôpital de l’amitié au Laos est le témoin d’une présence française appréciée et généreuse que l’on devrait poursuivre malgré le peu d’emballement des instances officielles . Tel fut mon séjour au Laos et s’il fallait résumer les impressions qui s’en dégagent je dirais que c’est le contact facile , la gentillesse, le sourire , le sens de l’hospitalité , finalement aussi le respect absolu des indications thérapeutiques et la reconnaissance de ces pauvres gens . On a vraiment l’impression de faire œuvre utile et que les patients et leurs parents en ont conscience et ils manifestent leur reconnaissance par des gestes touchants et spontanés . Mais il ne faut pas craindre la chaleur impitoyable !