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QUI SONT CES NOUVEAUX EUROPÉENS QUI PARTENT S’INSTALLER AUX ÉTATS-UNIS ? Gabriel Wayo Qui sont ces nouveaux Européens qui partent s’installer aux États-Unis ? Essai Editions Persée Du même auteur Le Judaïsme et la question des juifs autodéclarés, 2013, Éd.Perséé Se convertir et intégrer le monde des Juifs. À quel prix?, 2014, Éd.Perséé Consultez notre site internet © Editions Persée, 2015 Pour tout contact : Editions Persée — 38 Parc du Golf — 13 856 Aix-en-Provence www.editions-persee.com À mon cher ami Laurence M. Thomas, professeur au sein du « Département de Philosophie » et au « Département des Sciences Politiques » du « Maxwell School » à l’Université de Syracuse (USA), pour les conseils et le sens de collaboration, dont tu as été constamment un véritable mentor pour moi, ma gratitude reconnaissante ! L’Auteur Avertissement L e présent livre ambitionne de revenir sur l’étude de l’un des aspects les plus insolites des relations transatlantiques entre l’Europe et l’Amérique du nord, et qui n’ont pas cessé de transformer notre société d’aujourd’hui depuis bientôt deux siècles. Il s’agit de parvenir à convaincre et à expliquer comment, à partir, et à la suite de simples mouvements migratoires, a priori d’un genre banal, en provenance de l’Europe vers l’Amérique, les États-Unis ont su ingénieusement, années après années, circonstances après circonstances, se servir des arrivées successives des citoyens européens, sur leur territoire, pour construire la grande nation qu’ils sont devenus, et se hisser ainsi au sommet de la hiérarchie des puissances politiques, économiques et militaires mondiales, de notre génération ; justement au détriment de l’Europe. Et curieusement, face à ce phénomène de déferlement de ses habitants vers les États-Unis, l’Europe ne réagit pas du tout pour en stopper l’hémorragie. Bien au contraire, elle semble même en encourager le mouvement, ou tout au moins, elle n’en fixe aucune limitation. Et le flux continue. Pourquoi cela ? Comment l’expliquer ? La réalité, c’est que, en ces débuts du 21e siècle, partout en Europe, du nord au sud et de l’est à l’ouest, les États-Unis principalement, et le Canada, dans une moindre mesure, apparaissent 7 comme deux pays modernes qui auront bien marqué, depuis notre enfance à tous, nos vies et nos habitudes, sans nous en rendre compte, et cela au cours des cent cinquante dernières années. Du reste, dans le subconscient collectif de chacun de nous, quelle est cette personne qui n’aura jamais pensé ou même rêvé, un jour de sa vie, de se rendre à New York juste pour voir et toucher du doigt la réalité de cette métropole. On peut en dire autant pour les autres métropoles nord-américaines que sont Montréal, Ottawa, Las Vegas, Vancouver, Los Angeles, Miami, Dallas ou San Francisco. En fait, se rendre à New York pour y voir quoi ? Et y toucher quoi précisément ? En vérité, rien de spécial. Car tout ce qui se perçoit à New York, en tant qu’une ville du monde des temps actuels, peut aussi se trouver dans nos propres villes. Et pourtant, la simple apparition de quelques images de la cité de New York, et spécialement son quartier d’affaires de Manhattan, nous laisse songeurs. Et c’est cela l’Amérique ! Cette Amérique qui fascine. Quand j’ai mis, pour la première fois, les pieds dans les rues de New York, en juillet 1980 devant le siège des Nations-Unies (ONU), juste à côté du Terminal de la Gare centrale, aux environs de onze heures du matin, il ne se voyait dans toutes les rues de cette cité gigantesque, que des Afro-Américains ainsi que quelques Blancs, plutôt de conditions modestes ; des sortes de ratés de la société blanche américaine, des hommes principalement. Pas de femmes ni des enfants, et seulement en nombre très limité. Et ce même décor se voyait également, avec autant d’évidence et dans les mêmes proportions, à Washington (DC), à Philadelphia, à Delaware, à Détroit comme à Chicago. Certainement qu’à la même période, des attroupements de populations d’hispanophones se voyaient, en des approches comparables ou similaires, dans les villes de la côte ouest américaine, à 8 San Diego, Los Angeles ou San Francisco, et bien sûr à Miami, en Floride dans le sud-est des États-Unis. Voilà fondamentalement, le décor visuel que présentait l’Amérique de l’oncle Sam à tout visiteur étranger qui débarquait sur les côtes Est et Ouest du territoire des États-Unis d’Amérique. À New York comme à Washington (DC) ou à Boston, on pouvait déjà, à l’époque, rencontrer un chauffeur de taxi d’origine moyen-orientale, proche-orientale ou indienne, mais trouver des Européens fraichement débarqués dans les aéroports JFK et Newark, de New York, ou à l’aéroport international Dulles de Washington, venus, sans qualification aucune, à la recherche du travail, et même arrivés, par leur propre démarche, pour des raisons d’étude, on n’en trouvait pas. Il a dû en exister bien sûr, mais on ne les voyait pas dans la rue, c’est tout. Quant à la présence écrasante des millions de descendants d’Européens vivant sur place depuis deux, trois ou quatre générations, il y en avait pleins. Et cela était normal, car ils étaient, entretemps, devenus tous des citoyens américains, ou encore, ils faisaient cause commune avec cette Amérique qui est devenue la plus grande puissance mondiale des temps actuels. Trente-cinq ans à peine, après ce premier rendez-vous avec les États-Unis d’Amérique, les choses semblent avoir changé de fond en comble. L’image où l’Amérique blanche trimballait, dans ses pieds, une masse de populations noires misérables, délaissées et exploitées sans merci, et cela depuis la parution du livre de l’écrivaine abolitionniste Harriet Beecher Stowe « La case de l’oncle Tom » autour de l’année 1852, a changé d’un coup. Entretemps, pendant tout ce temps, c’est-à-dire, ces trente-cinq dernières années, plusieurs événements se sont également bousculés sur le continent européen. Le mur de Berlin, qui coupait symboliquement, quoiqu’en profondeur, l’Europe en deux, est tombé le soir du 9 novembre 1989. Les Européens se sont enrichis et la plupart des États, du nord-ouest du vieux continent, ont réussi au test de la construction de l’Union Européenne, au point de faire paraître tout 9 le bloc des États européens comme une réelle puissance politique et économique, concurrente – quoique partenaire – des États-Unis et ce, à l’aune du grand rendez-vous des puissances qui domineront le monde au vingt-deuxième siècle. Et c’est pour bientôt. Pendant ce temps, partout ailleurs dans le monde, tout comme en Europe, par ailleurs, la démocratie s’est généralisée et imposée comme modèle de bonne gouvernance. De nouvelles règles de vie dans le partage du travail, et de militantisme à l’échelle mondiale, dont la mondialisation des échanges, de la finance et du mode de production des richesses et du savoir, se sont imposées à toute la société internationale, autant dans les pays riches que dans les nations en développement. L’apparition de nouveaux pôles de puissance sur la planète, la découverte de nouveaux moyens de consommation, et enfin, l’uniformisation des savoirs, au niveau de la recherche fondamentale et universitaire, ainsi que l’internationalisation des médias et de l’internet, se sont enracinées dans la mémoire et les habitudes de tous les humains, quels que soient leurs milieux de vie, leurs localisations, leurs croyances ou encore, leurs manières de vivre1. Et finalement, tout cela paraît avoir eu raison des Européens, pour les voir, pas tous heureusement, reprendre à se ruer, à l’instar de leurs ancêtres deux siècles plus tôt, en une nouvelle série de vagues d’émigrations, discrètes certes, mais continuelles, se déferlant sur l’Amérique du nord, sur les États-Unis, tout comme sur le Canada. Comment en une période aussi courte, à peine une génération seulement, chevauchant sur la fin du 20e siècle et le début du 21e siècle, toute une progéniture d’Européens s’est-elle métamorphosée et transcendée, pour aduler l’Amérique du nord, et cela dans des proportions qui rappellent des émigrations européennes, d’un autre temps, et qui étaient plutôt motivées par la misère et les 1 – L’État du monde 2014, Puissances d’hier et de demain, sous la direction de Bertrand Badié et Dominique Vidal ; La Découverte, Paris 2011 10 effets découlant de l’incapacité des modèles monarchiques dominant partout en Europe ; cette vieille Europe, qui n’arrivait pas à se réformer devant la montée de la société industrielle qui se mettait en place tout le long du 19e siècle ? Quelles sont, à vrai dire, les causes et les raisons à un tel changement d’attitude et à un tel comportement des Européens, toutes les couches sociales confondues ? Et dire que c’est bien notre continent, notre mère commune, l’Europe, qui avait au départ, tout apporté aux Américains. Comment ces derniers ont-ils réussi à transformer le peu que nous leur avions offert et donné, pour nous le rendre amplifié, embelli et multiplié au centuple, au point de subjuguer notre mémoire collective et nous laisser ainsi tomber amoureux de l’Amérique, presque au détriment de nos propres intérêts ? Les lignes qui vont suivre, dans le présent livre, nous incitent et nous convient, à la fois, à mieux comprendre et à partager les multiples péripéties d’une telle aventure. Et c’est incroyablement fascinant. 11 Introduction L es années passent, elles se suivent mais ne se ressemblent pas. Les époques aussi. On ne peut en dire autant de toutes ces vagues des émigrations européennes qui ont eu lieu, depuis le vieux continent, au cours des deux ou trois derniers siècles, vers les États-Unis notamment. L’Amérique de Georges Washington n’a pas fini de fasciner le monde en général et l’Europe en particulier, depuis la création officielle des États-Unis d’Amérique, en tant qu’État indépendant et souverain, en ce jour du « D-Day », le jour de l’indépendance américaine, le 4 juillet 1776. Ce jour-là, les États-Unis d’Amérique devenaient la première république libérale, véritablement démocratique, de l’histoire de l’humanité. Ce qui est en soi un exploit. Tout cela, bien sûr, et au passage, loin des avatars de la société raciale et discriminatoire qu’aura été cet État pendant près de deux siècles. Ici encore, ainsi voir les choses ne doit pas faire perdre de vue le fait qu’il s’agit d’une perception qui devrait plutôt être abordée comme une affaire qui relèverait, avant tout, de l’histoire des États-Unis, plus que toute autre considération, de connotation passionnelle et subjective, peu importe. Car l’accession, par la suite, aux droits civiques et politiques des populations afro-américaines, n’aura pas nécessité la retouche de la constitution des États-Unis. Pourquoi ? Car tous les ingrédients, pour 13 le renforcement de cette constitution, et la fonctionnalité de sa recette démocratique, étaient déjà bien mis en place. La constitution américaine, qui fut mise au point quelques années après l’indépendance des États-Unis, est restée, dans son acception libérale, intacte jusque de nos jours. Et le modèle de gouvernement qu’elle propose n’a jamais failli. Du reste, les différents amendements – les fameux 1er, 2e, 3e jusqu’au 10e amendement – et qui ont, entre-temps été adoptés conformément à la même constitution, ils ne l’ont été que dans le seul but de consolider les droits fondamentaux de l’homme américain, essentiellement. Du coup, aussitôt que la tranche des citoyens noirs, hispaniques et amérindiens de la société américaine, commençaient à jouir de leurs droits politiques, ceux-ci s’intégraient, tout naturellement, dans le dispositif juridique déjà existant, sans avoir besoin de textes juridiques complémentaires complexes ou spécifiques. De modestes amendements explicatifs des textes de la constitution courante suffisaient à la tâche. Entretemps, d’autres pays, en Europe pour l’essentiel, se sont par la suite, inspirés ou même, ils ont dû copier ou tenter de plagier ce modèle de la constitution américaine, en voulant l’adapter à leurs réalités politiques et sociales. En réalité, ils ont vite été amenés à se ressaisir, et ont dû rapidement changer de mode de gouvernement politique, devant les exigences particulières de la diversité de la société européenne dans laquelle évoluaient leurs populations respectives. Certains d’entre eux, ont préféré remanier leurs modèles de gouvernement en adaptant progressivement leur mode de fonctionnement aux réalités de leurs situations nationales particulières. Ainsi la France en est maintenant à sa cinquième république, et la possibilité de passage à une sixième république ne relève plus du tabou, compte tenu des évolutions en cours au coeur du paysage des partis politiques dans le pays. L’Italie n’a 14 pas cessé d’adapter, tout le vingtième siècle durant, le cours du fonctionnement de ses gouvernements respectifs, au grès des années et en fonction des politiques du moment. L’Allemagne a dû fondamentalement remanier ses institutions démocratiques – les deux guerres mondiales du vingtième siècle obligent. Et même, de plus en plus, des royaumes qui subsistent en Europe, et qui fonctionnent sur des valeurs démocratiques et libérales à l’instar du Royaume de Belgique, et dans une moindre mesure, l’Espagne, ont failli voir leurs institutions aller à la dérive, et ce, au-delà de l’idéal démocratique, inspiré des États-Unis, qui les anime. Il ne fait aucun doute, à l’heure qu’il est, que de façon générale, la plupart des régimes monarchiques, qui dominaient encore dans toute l’Europe à la fin du 19e siècle, se sont effacés, petit à petit, en laissant apparaître, derrière leurs cendres, l’installation de nouveaux pays véritablement démocratiques, presqu’à l’image de la démocratie américaine, mais qui ont su concilier et adapter leurs démocraties aux contraintes de leur histoire, de leur culture et de leur spécificité. Et pourtant, pendant toute cette longue période, les États-Unis d’Amérique n’ont pas changé. Et tous les quatre ans, des élections présidentielles dans cet État continuent à apparaître, tant aux États-Unis qu’aux yeux du reste du monde, comme un événement politique mondial d’importance majeure. Incroyable. Vivre comme un Américain – entendez le citoyen idéal moyen des États-Unis – a ainsi fini par entrer dans les esprits des Européens, à tel point que le rêve américain, qui n’était qu’un idéal évoqué dans la constitution des États-Unis, appelant à assurer à tout citoyen américain une vie de liberté doublée de bonheur, a pu produire des échos qui ont débordé les frontières de cet État pour embraser la terre entière, les Européens, en premier. 15