La famille chrétienne face aux défis du XXIème siècle

Transcription

La famille chrétienne face aux défis du XXIème siècle
Mauvaise Nouvelle - La famille chrétienne face aux défis du XXIème siècle
La famille chrétienne face aux défis du XXIème
siècle
Par Pascal Jacob
Nous qui aimons décider de toutes choses, il nous faut bien admettre qu’il y a quelque chose dont nous n’avons
pas décidé et dont pourtant nous sommes nés : l’humanité n’est pas faite d’individus abstraits mais d’hommes et
de femmes, et nous sommes tous nés de deux parents.
C’est là le mystère de la vie devant lequel notre puissance s’arrête, un peu comme la vague sur le rivage. C’est
aussi le mystère de ce que nous sommes : un être sexué, qui ne se connaît que dans la relation à l’autre. Etre
masculin, ou être féminin, c’est ne pas être neutre, et ce n’est pas simplement être mâle et femelle. Cela invite à se
reconnaître, dans son humanité même, comme relatif à l’autre sexe. Ainsi la femme se connaît comme femme
relativement à l’homme, et l’homme découvre sa masculinité comme relative à la féminité. Parler de la femme et
non pas de la femelle, c’est reconnaître que son identité sexuelle ne relève pas de la pure biologie : c’est la
personne, et non pas simplement le corps, qui est sexuée.
La société que forment l’homme et la femme, société conjugale, est inscrite dans le dynamisme de la nature
sexuée de la personne.
Allons un peu plus loin : En tant qu’être capable de se donner, la personne peut reconnaître dans cette altérité
sexuelle le lieu d’un don spécifique, qui est le don conjugal exprimé par l’union des corps. De ce don peut naître
l’enfant, qui en est comme le fruit. Ainsi la famille est une réalité naturelle en ce sens bien particulier qu’elle trouve
sa source dans la nature de la personne qui, comme être sexué capable de don, aspire à la fécondité dans le don
d’elle-même.
Il y a donc un lien très étroit entre la vérité sur la sexualité humaine et la vérité sur la famille. Dans la sexualité
humaine, l’homme et la femme se découvrent relatifs l’un à l’autre. Aucun ne peut dire « je suis tout l’homme », et
chacun complète l’autre. Or l’homme et la femme découvrent dans cette complémentarité une capacité de
transmettre la vie, par leur sexualité. Ils découvrent donc que leur don mutuel, qu’exprime leur union sexuelle, ne
les enferme pas dans un égoïsme stérile mais au contraire les rend capables d’une fécondité. Une fécondité
charnelle lorsque l’enfant naît, mais aussi une fécondité sociale, dans la mesure où cette union des corps
manifeste à chacun d’eux et renforce leur amour mutuel qu’ils peuvent mettre au service des autres.
Cette nature sexuée de la personne n’est pas construite par les hommes. Elle structure la famille, et permet aux
enfants qui naissent de se situer dans une double filiation, celle du père et celle de la mère, de telle sorte que
l’enfant n’est pas un objet que l’un ou l’autre des parents auraient produit.
Le « mariage pour tous » s’appuie sur une confusion : en refusant que la différence sexuelle structure la famille,
c’est sur l’enfant que l’on entend prendre le pouvoir, s’engageant vers un droit à l’enfant au mépris des droits de
l’enfant. C’est que l’on a confondu, dès le départ, l’identité sexuelle avec l’orientation sexuelle ou pire encore avec
le choix sexuel. Etre homme ou femme ne relève pas de notre décision, et même le fait de s’affirmer homosexuel
suppose d’affirmer la différence entre l’homme et la femme.
Alors que nous naissons nécessairement tous d’un homme et d’une femme, il est étonnant que nous voulions
gommer cette différence du sein de la famille, alors même que nous sommes si sourcilleux à propos de la parité
partout ailleurs.
Le mariage en effet, au sens naturel (c'est-à-dire au regard de la nature humaine), est l’institution naturelle dans
laquelle l’homme et la femme assument ensemble les responsabilités qui découlent de ce don mutuel, et en
particulier l’éducation des enfants. La sexualité humaine ainsi conçue n’est ni une simple fonction de reproduction,
ni une simple fonction hédonique, même si le plaisir n’en est pas absent, mais elle est un langage des corps qui
exprime une réalité subjective et intérieure. Elle n’est pas l’acte d’un individu indifférencié par rapport à un autre
individu indifférencié, elle est l’acte d’une personne sexuée qui découvre que son identité est relative à l’autre.
C’est pourquoi la sexualité humaine, selon sa vérité la plus radicale qui est celle du don d’une subjectivité incarnée
dans un corps sexué, est définitivement hétérosexuelle.
Il y a dans la foi chrétienne une profonde vérité sur la sexualité. Lorsque Dieu veut livrer une image de la réalité
qu’est son amour pour l’homme, il n’emploie pas le langage de l’amitié, ni de l’amour platonique, mais de l’amour
conjugal qui unit les époux dans leur corps.
« Que tu es belle, que tu es charmante, ô amour, ô délices! Dans ton élan tu ressembles au palmier, tes
seins en sont les grappes. J'ai dit : Je monterai au palmier, j'en saisirai les régimes. Tes seins, qu'ils soient
des grappes de raisin, le parfum de ton souffle, celui des pommes ; tes discours, un vin exquis ! Il va droit à
mon bien-aimé, comme il coule sur les lèvres de ceux qui sommeillent. Je suis à mon bien-aimé, et vers moi
se porte son désir. Viens, mon bien-aimé, allons aux champs ! Nous passerons la nuit dans les villages… »1
Mauvaise Nouvelle - La famille chrétienne face aux défis du XXIème siècle
Ce n’est pas un amour éthéré ou vaguement romantique. L’image est celle du jeune homme et de la jeune femme
qui se désirent avec ardeur, et dont le désir tend à s’achever dans l’union des corps. La sexualité est vue du coup
non pas comme une sorte de résidu d’une animalité passée, mais davantage comme le signe par lequel un amour
plus élevé se rend visible. Le don des époux est l’image du don que Dieu fait de lui-même à l’humanité. C’est à
cause de cette vision si élevée de la sexualité que l’Église voit dans la contraception une limitation de ce don qui,
en fin de compte, porte atteinte à l’amour mutuel des époux.
La famille possède encore une autre fonction : elle protège l’enfant de la tentation que pourrait avoir le pouvoir de
le produire et de le former à son profit. La tentation de s’approprier la vie, on le voit dans tous ces débats autour de
la bioéthique, n’a jamais été aussi forte : recherche sur l’embryon, gestation pour autrui… La vie pourrait bien être
un marché prometteur au moment où la croissance est à la peine.
Il semble que l’homme d’aujourd’hui doive renoncer à la tentation d’être tout-puissant : c’est tout le bien que nous
pouvons souhaiter à nos enfants !
1. Cantique des Cantiques, 7, 7-12