Instrumentation de process : tout sur la débitmétrie

Transcription

Instrumentation de process : tout sur la débitmétrie
S olutions
INST R U M E N T A T I O N D E P R O C E S S
Toute la débitmétrie

Bien sûr, s’il y avait une grande tendance à retenir dans le domaine de l’instrumentation en général et de la débitmétrie en
particulier, c’est celle que l’on retrouve de partout, dans tous les domaines, dans tous les secteurs d’activité : l’inéluctable
baisse des prix. Réduire les coûts, réduire les marges… Les fournisseurs se sont adaptés. Ils savent aussi que pour ne pas
rester à la traîne, il faut des innovations, des grandes et des petites. Fonctions d’autodiagnostics, résistance aux hautes températures, à la corrosion, à l’abrasion, alimentation sur batterie, communication sans fil… Ces évolutions touchent toutes les
catégories de débitmètres : la haute cavalerie des Coriolis, ultrasons, électromagnétiques…, mais aussi la grande armée des
flotteurs, sections variables… Faisons un petit tour, forcément non exhaustif…
C
omme un arbre qui cacherait
la forêt, l’inexorable baisse des
prix de l’instrumentation
n’empêche pas l’innovation.
Comme pour conjurer le sort, ces dernières années, les fournisseurs de débitmètres
ont travaillé pour améliorer, sophistiquer,
développer de nouveaux produits plutôt
“haut de gamme”.
Parce que ce sont les
L’essentiel
produits à haute valeur ajoutée qui génèrent le plus de
 Le marché de la débitmétrie
marge, parce que
se porte plutôt bien; les
c’est l’innovation qui
fournisseurs investissent
crée le marché, parce
toujours dans de nouveaux
produits.
que c’est le seul
moyen de contrecar Les innovations touchent
rer la course aux bas
toutes les technologies :
débitmètres Coriolis,
prix.
électromagnétiques, à
Pour l’utilisateur, le
ultrasons, vortex… et les
développement de
autres.
produits “haut de
 Une tendance commune
gamme” va aussi dans
touche les fonctions
le sens d’une réducd’autodiagnostics qui
tion globale des coûts.
permettent non seulement
« Nous développons des
de détecter des défauts du
innovations
technologiques
capteur mais aussi des
pour
gagner
du temps au
dysfonctionnements au
niveau de l’installation, de
niveau du procédé.
la maintenance, pour di Parmi les autres évolutions :
minuer la fréquence des
des petites astuces pour
étalonnages », explique
faciliter l’installation, étendre
JeanYvert, responsable
les applications vers des
de la gamme Micro
conditions sévères, consommer moins d’énergie…
Motion - Emerson Process
Management.
48
Les fournisseurs, coûte que coûte, innovent
donc. « 25 % du chiffre d’affaires est réinvesti
en Recherche et Développement », affirme
Tamen Bas, gérant de Flexim France, fabricant de débitmètres à ultrasons non intrusifs. Un pourcentage colossal ! Même les
grands groupes du contrôle commande
qui avaient pendant un certain temps mis
de côté leur instrumentation au profit de
leurs systèmes de contrôle/commande
numérique, ont, depuis quelques années,
investi soit par croissance externe, soit par
développement interne dans l’instrumentation. Pour ne citer qu’un exemple :
Siemens s’est offert la débitmétrie de Danfoss
et vient d’acquérir l’un des principaux
spécialistes américains de la débitmétrie
par ultrasons, Controlotron. Le principal
concurrent de ce dernier, Panametrics, a été
quant à lui absorbé par GE Sensing.
Le marché de la débitmétrie bouge et se
porte plutôt bien. « Nous estimons une
croissance annuelle de 5 à 6 % ; indique
Christian Knecht, responsable produits
chez Endress + Hauser. Et à peu près sur tous
les secteurs d’activité ». Pour l’environnement, il y a une grande sensibilisation à
contrôler la quantité et la qualité de l’eau.
Les fournisseurs ne cessent de développer leur gamme en débitmétrie. Toute la débitmétrie pour tous les fluides qui transitent dans
toutes les conduites. (doc Siemens)
MESURES 796 - JUIN 2007 - www.mesures.com
“haut de gamme”
Des secteurs encore peu instrumentés
étoffent leurs besoins comme l’agroalimentaire, le manufacturier, le médical,
l’agriculture, le médical. Dans le domaine
du domaine du pétrole, de la chimie, les
grosses affaires ne se passent pas forcément en France mais il y a malgré tout
des investissements pour de nouveaux
équipements. « Ceux qui ne connaissaient
que les turbines commencent à s’intéresser aux
autres technologies », poursuit M. Knecht.
L’autodiagnostic, inéluctablement
Une tendance commune à toutes les technologies est le développement des fonctions
d’autodiagnostic. Les premiers débitmètres
Vortex, il y a une trentaine d’années, savaient
déjà diagnostiquer les bruits parasites. Les
débitmètres électromagnétiques, depuis
longtemps, peuvent détecter un colmatage
sur leurs électrodes. Mais depuis deux ou
trois ans, l’autodiagnostic prend une toute
autre envergure. Il permet non seulement de
détecter des défauts de fonctionnement du
capteur mais aussi de surveiller le process en
lui-même : une fuite, un défaut du profil
d’écoulement, des vibrations…
Il se développe notamment en Allemagne
sous l’impulsion des recommandations
Namur (association de groupes chimiques
allemands). Celles-ci (sous le sigle VDINamur Wvib 2650) listent, pour chaque
type d’instrument, un certain nombre de
facteurs ou d’éléments perturbants et préconisent leur mise sous contrôle.
« Jusqu’à présent, l’autodiagnostic était réservé aux
équipements haut de gamme, indique Stéphane
Gromada, chef produit débitmétrie chez
Yokogawa. Désormais, on le retrouve dans les séries
bas prix ». Pour autant, ce n’est pas encore
discriminant. « Ce n’est pas parce que nous
n’avons pas tel ou tel autodiagnostic sur tel produit
que nous ne le vendrons pas », poursuit
M. Gromada. Reste aussi une grande question pour l’exploitant : que doit-il faire de
tous ces signaux qui lui arrivent. Aux fabri-
cants de l’accompagner pour l’exploitation
de ces données d’autodiagnostics… D’autant
que l’autodiagnostic est en passe de se généraliser, du débitmètre Coriolis au débitmètre
à flotteur.
Le débitmètre qui compte
Un autre “facteur dynamisant” vient de la
directive européenne MID (Measurement
Instrument Directive), entrée en application
en 2006, qui vise le champ de la métrologie
légale et donc des transactions commerciales.
Cette réglementation autorise l’utilisation
d’instruments électroniques (jusqu’à présent,
seuls les capteurs mécaniques étaient permis) :
« Oui, c’est pour nous un nouveau marché important
qui touche tous les fluides, indique Jean-Michel
Montel, chef produits chez Krohne. On ne parle
plus alors de débitmètres mais de compteurs ».Tous
les principes de mesure “électronique” sont
concernés, électromagnétique, à effet Coriolis,
par Ultrasons,Vortex… L’occasion encore de
quelques développements… Les fournisseurs
se sont préparés pour pénétrer ce nouveau
marché.
1 - Débitmètre Coriolis,
le plus complet, le plus précis
« S’ils le pouvaient, ils en mettraient de partout »,
souligne M. Gromada. Les avantages du débitmètre à effets Coriolis ne sont plus à démontrer. Il :
MESURES 796 - JUIN 2007 - www.mesures.com
- mesure un débit massique avec une précision typiquement inférieure à ± 0,1 %,
- fonctionne pratiquement pour tous les fluides,
- ne nécessite pas de connaître la nature du
fluide.
« Le prix est le seul frein à cette technologie, poursuit M. Gromada. Et quand on arrive avec un
produit plus cher que les autres, il faut être sûr qu’il
marche ».
On les retrouve beaucoup dans le domaine
de la pétrochimie, chimie, pharmacie, sur
des produits à haute valeur ajoutée. Ils ont
également pénétré les marchés de l’agroalimentaire, de la pharmacie. Pour l’eau, il faut
bien reconnaître que le Coriolis reste cher et
a du mal à détrôner le traditionnel DEM (débitmètre électromagnétique).
Sur les dernières générations d’appareils, on
trouve en standard ce qui existait seulement
en option sur les modèles précédents : des
sorties numériques, des écrans LCD rétroéclairés… mais aussi des mesures de densité,
de concentration…, tout ce qu’un Coriolis
sait faire intrinsèquement. « Dans le domaine
des boissons et plus particulièrement des alcools,
indique M. Knecht (Endress + Hauser), les instrumentistes commencent à comprendre tout ce
qu’un Coriolis peut leur apporter comme informations. Le débit masse, la température, la densité, la
concentration en alcool…, c’est quand même mieux
qu’une turbine ».
Le débitmètre à effet Coriolis
poursuit son extension.
Il peut répondre
à pratiquement toutes
les applications. Seul frein :
son prix.
(doc Micro Motion - Emerson
Process Management)
49
Solutions
Quant aux dernières innovations, elles portent pour beaucoup sur les fonctions d’autodiagnostics. Pour cela, les fournisseurs se
sont attachés à revenir au principe même de
la mesure afin d’en extraire le plus d’informations possibles. Le fluide, qui circule dans
un tube de mesure mis en vibration, génère
des forces de Coriolis dont la fréquence de
résonance dépend du débit massique et de
la masse volumique du fluide. « La seule possibilité de dérive, au niveau de l’élément primaire,
provient donc de la rigidité du matériau qui constitue le tube de mesure, explique M.Yvert. Cette
rigidité peut évoluer en fonction des conditions du
process et de la nature du fluide : corrosion abrasion… ». Micro Motion a ainsi mis au point un
autocontrôle de cette rigidité du matériau. Il
s’agit d’un test qui peut être effectué sur l’équipement en place sans interruption du procédé.
L’analyse en fréquence de vibrations du tube
de signaux permet de déceler les variations de
comportement vibratoire du matériau et de
suivre au cours du temps l’évolution de sa rigidité. Ce test ne remplace pas les étalonnages
(qui obligent toujours à démonter le débitmètre de l’installation) mais peut permettre d’espacer leur périodicité. Micro Motion parle de
“contrôle d’exactitude en place”.
Mesures spéciales
Par ailleurs, certains modèles (chez Micro
Motion, Metra…) sont capables de supporter
des températures de fluides au-delà de
425 °C, leur permettant d’accéder à des applications telles que le chargement de bitumes sur des camions, les traitements pétrochimiques à haute température…
Ces derniers temps, les débitmètres Coriolis
ont aussi investi le camp des gros diamètres. Les
derniers développements d’Endress + Hauser
portent sur des diamètres de 250 mm et des
débits jusqu’à 2 200 tonnes par heure, amenant les débitmètres Coriolis sur les postes de
chargement de camions ou de bateaux.
La “petite” société Metra (filiale du constructeur allemand Bopp & Reuther) s’est fait le
spécialiste de la mesure spéciale. « Nous savons très bien que nous ne pouvons pas
lutter à armes égales contre les grands, indique Guy Courtois, directeur commercial de
Metra.Alors nous nous démarquons avec des
gammes de mesure jusqu’à 1 800 tonnes par
heure sur des pressions allant jusqu’à
1 000 bar. Nous mesurons du débit de
beurre de quelques kilos par heure, du bitume à 450 °C. Nous utilisons des tubes de
tantale pour des fluides à base de brome ou
d’acide chlorhydrique. Nous remplissons
des pots de yaourts de 60 g en 0,6 seconde
à ± 0,1 gramme ». Cette dernière application
50
illustre une autre tendance : les technologies
Coriolis et électromagnétique (la première
présentant l’avantage de fournir un débit
masse) se sont invitées depuis quelques années dans les applications de dosage, de conditionnement ou d’embouteillage, s’attaquant
à un domaine jusque-là réserver aux pompes
doseuses. D’autres sociétés comme Endress +
Hauser ou ABB, se positionnent aussi sur ce
marché avec des équipements de tailles réduites pour être installés sur des machines et des
temps de réponses les plus courts possible
pour suivre les cadences.
Autre axe de développement pour les équipements Coriolis : maîtriser les écoulements
biphasiques. Eux qui n’aimaient pas du tout
la présence de gaz dans les liquides, tolèrent
aujourd’hui une présence jusqu’à 10 %,
voire 15 % selon les constructeurs. « Les mélanges liquides/gaz génèrent une instabilité en matière de masse volumique du fluide, explique
M.Yvert (Micro Motion), nous avons travaillé sur
l’algorithme et la vitesse de traitement du signal ».
Ces améliorations garantissent une plus
grande fiabilité, particulièrement dans les
applications de type batch. Ces écoulements
biphasiques se retrouvent souvent au moment des démarrages ou des arrêts de ligne,
pour des produits en émulsions, shampoings, huiles… « L’appareil peut ainsi détecter
la présence de gaz et de fuites, souligne
M. Gromada (Yokogawa). C’est là encore un diagnostic qui permet de surveiller le process ».
2 - L’autodiagnostic des DEM
Selon le cabinet d’études Arc Advisory, le marché mondial de la débitmétrie électromagnétique aurait atteint 730 millions de dollars en
2006. Une croissance annuelle de 3,5 % est
prévue pour les cinq années à venir.
La compétition face aux équipements par
ultrasons et Coriolis promet pourtant d’être
serrée. Dans le domaine de l’eau, les ultrasons offrent une alternative, économiquement intéressante pour les conduites de gros
et moyens diamètres. Le Coriolis prend
l’avantage sur les liquides isolants (d’un
point de vue électrique) et pour des mesures
très précises. Mais attention, le principe électromagnétique améliore aussi ses performances. Il arrive aujourd’hui sur des appareils “haut de gamme”, à des incertitudes de
± 0,15 %, faisant presque aussi bien qu’un
débitmètre Coriolis.
« Beaucoup de choses ont changé dans un débitmètre électromagnétique, note M. Montel (Krohne).
C’est le seul débitmètre qui sait vraiment dire comment il va ». L’autodiagnostic s’est considérablement étoffé ses dernières années.Avant, on
mettait deux microprocesseurs pour les comparer l’un avec l’autre.Aujourd’hui, on va bien
plus loin. Pour ses débitmètres électromagnétiques, Emerson parle (comme pour les
Coriolis) de “vérification d’exactitude en
place” ou de “surveillance d’étalonnage embarquée”: « La démarche est la même que pour les
débitmètres à effet Coriolis,indique M.Yvert.Nous
partons du principe de base du débitmètre, qui est ici
la mesure de la tension induite par le fluide soumis à
un champ magnétique ». Ces tests qui permettent
de vérifier l’intégrité du champ et la fonction
de détection des électrodes, pouvaient être
déjà réalisés par des équipements portables
extérieurs (ABB, Krohne proposent ce type
d’appareils depuis plusieurs années). Ces
fonctionnalités sont aujourd’hui intégrées
Le diagnostic en ligne des DEM
La sortie est contrôlée pour :
 les coupures
 la charge autorisée
Les signaux électroniques des
microprocesseurs sont contrôlés
pour :
 la précision
 la linéarité
 le fonctionnement
des microprocesseurs
 la fonction mémoire
 la température
Leprocess est contrôlé pour :
 la conductivité minimale
 la limite de conductivité
 le profil d’écoulement
 l’entrainement de gaz
 la corrosion des électrodes
Le courant de champ est contôlé pour :
 sa valeur
Les bobines sont contrôlées pour :
 leur résistances
 les coupures et courts-circuits
 leur température
Le champ magnétique et la tension induite
sont contrôlés pour :
 les effets de champ magnétique externe
 la linéarité du circuit magnétique
Le électrodes sont contrôlées pour :
 les coupures et courts-circuits
 leur encrassement
 leur résistance
Un débitmètre électromagnétique sait dire comment il va. Il sait aussi diagnostiquer les conditions du process. (doc Krohne)
MESURES 796 - JUIN 2007 - www.mesures.com
Solutions
dans le transmetteur lui-même et peuvent être
suivies via un poste de maintenance.
L’autodiagnostic porte au-delà de l’équipement lui-même en contrôlant aussi les conditions du process (voir schéma “Le diagnostic en ligne des DEM”). Pour son test de
profil d’écoulement, Krohne perturbe volontairement le champ magnétique et excite les
deux bobines séparément, le profil d’écoulement est considéré comme homogène si
la lecture aux électrodes est identique.
Le débitmètre sait également dire si la conduite n’est pas pleine. « Avant, il pouvait simplement dire quand elle était vide, mais alors c’était
déjà trop tard », précise M. Montel.
L’autosurveillance autorise l’accès à des applications plus difficiles. « Pour des fluides très chargés,
comme des boues de stations d’épuration ou de la pâte à
papier, on peut détecter tout de suite s’il y a un problème
de colmatage », précise M. Knecht (Endress +
Hauser). Les débitmètres électromagnétiques deviennent aussi plus résistants. Des électrodes en
carbure qui remplacent les électrodes en inox,
des revêtements intérieurs plus robustes…, augmentent la durée de vie des appareils.
Autonomies et petites astuces
Une autre grande tendance récente de la
technologie électromagnétique porte sur
l’autonomie. Il s’agit de répondre essentiellement à une seule mais importante application : la distribution de l’eau. Les équipements peuvent être installés sur des
conduites “en pleine nature”, isolées de
toute alimentation électrique. ABB a été le
premier à développer un débitmètre sur batterie. Krohne, Siemens et d’autres ont suivi.
3 ans, 7 ans, 10 ans, l’autonomie n’a cessé
d’augmenter et la consommation en énergie
de diminuer (les bobines d’induction sont
énergivores), Fréquences de scrutation,
temps de rafraîchissement des mesures, toutes les astuces sont bonnes à prendre. Le
Waterflux de Krohne a même une section rectangulaire pour augmenter la vitesse et réduire l’intensité du champ.
L’autonomie porte aussi sur la communication sans fil : l’Aquamaster d’ABB a commencé par une transmission des données via
GSM. Aujourd’hui, il communique via SMS,
augmentant ainsi sa couverture géographique. Le débitmètre est “joignable” à partir
de n’importe quel téléphone mobile. De
plus, le transmetteur intègre trois enregistreurs de données : deux pour l’archivage des
informations de débit et pression (le débitmètre intègre aussi une mesure de pression)
et le troisième pour le cumul de débit ou les
totalisations journalières.Toutes ces données
sont téléchargeables, toujours via un GSM.
Pour M. Montel, « toutes ses évolutions, réservées
pour l’instant au domaine de l’eau, arriveront bientôt sur les process, même en zone dangereuse ».
Outre ces grandes tendances, il y a aussi les
petites astuces développées par chacun. Par
exemple, le débitmètre de Yokogawa commute automatiquement d’une gamme sur
une autre. Il peut ainsi passer d’une phase de
process (à 10 m3/h par exemple) à une
phase de nettoyage (à 20 m3/h). Il évite ainsi
le déclenchement d’alarmes inutiles. Krohne,
quant à lui, s’affranchit de la mise à la masse.
Classiquement, quand la conduite est isolante, un débitmètre électromagnétique
exige un disque de masse et une troisième
électrode pour évacuer le potentiel vers la
masse. « Tout ça n’amuse pas du tout l’installateur », souligne M. Montel. Avec l’option Vr
(pour Virtual Reference), le débitmètre utilise le potentiel du liquide comme potentiel
de référence.
La technologie à ultrasons est la seule qui permet des mesures non intrusives en installant les capteurs à l’extérieur de la conduite. (doc flexim)
52
3 - Les débitmètres à ultrasons
attendent leur heure
« La technologie par ultrasons n’en finit pas de
payer ses erreurs de jeunesse, regrette M. Bas
(Flexim). La suspicion reste présente chez
certains utilisateurs, pourtant c’est une technologie qui est aujourd’hui tout à fait mature ». Elle
peut répondre à la plupart des applications :
là où un équipement Coriolis est trop coû-
Débitmètre Vortex avec divergent et convergent intégrés, pour
optimiser la vitesse d’écoulement du fluide sans transformer
toute la tuyauterie.
(doc. Endress + Hauser)
MESURES 796 - JUIN 2007 - www.mesures.com
Solutions
Destiné aux
applications sur gaz
naturel, le débitmètre
à ultrasons offre
désormais une
incertitude
d’étalonnage
inférieure à ± 0,1 %.
(doc GE Sensing)
teux, une turbine sujette à maintenance ou
lorsque le fluide n’est pas assez conducteur
pour un appareil électromagnétique. Un
équipement à ultrasons reste encore plus
cher qu’un DEM. « La seule explication tient au
fait qu’il s’en vend moins, souligne M. Montel
(Krohne). En réalité, il revient beaucoup moins cher
à la fabrication : pas de bobine, pas de revêtement...
En terme de précision, il fait aussi bien, voire
mieux ». Et il couvre une très large gamme
d’applications avec des équipements à manchettes, des sondes à insertion, des équipements non intrusifs se fixant à l’extérieur de
la paroi, en versions portables ou fixes. La
technologie à ultrasons est la seule technologie du marché qui permette une mesure
de débit avec des équipements portables.
« Les équipements non intrusifs ne sont pas toujours
bien vus, regrette M. Bas (Flexim), parce qu’il
faut tenir compte des caractéristiques de la conduite :
son épaisseur, sa cylindricité… ». Il faut aussi
bien positionner les capteurs les uns par rapport aux autres. Aujourd’hui, des outils
aident pour les calculs. « Ensuite, il s’agit d’une
question de méthode, souligne M. Bas. Nous pro-
54
posons de faire des tests avec des équipements portables pour que les utilisateurs jugent par euxmêmes. Il reste encore un long travail
d’évangélisation »
Pour l’instant, la débitmétrie par ultrasons
reste sur des marchés de niches, notamment
les applications difficiles : mesures sur des
hydrocarbures, des vapeurs, des gaz, des liquides à plus de 400 °C ou au contraire à
des températures cryogéniques. Elle peut
aussi tenir des hautes pressions, jusqu’à
120 bar.
Pour les plus larges applications, les généralistes de la débitmétrie sont tous persuadés
que la technologie à ultrasons s’imposera
avec le temps. Ils ont, pour cela, développé
une gamme de produits et attendent que le
marché s’ouvre. Ceux qui n’avaient pas encore la technologie dans leur catalogue ont
développé des partenariats. C’est le cas de
Yokogowa avec Flexim. De la même manière,
Vega, spécialiste en mesure de niveau, vient
aussi sur la mesure de débit avec la seule
technologie à ultrasons.
La directive MID pour les transactions com-
merciales devrait ouvrir une nouvelle porte.
Dans le domaine de l’eau, les spécialistes
du comptage, comme Actaris ou, Sensis
Metering, proposent déjà des compteurs à
ultrasons à côté de leurs compteurs mécaniques. Les développements sur ce domaine
portent sur la compacité et la réduction du
prix, pour concurrencer les compteurs traditionnels. A l’opposé, pour le comptage
des hydrocarbures ou des gaz, c’est la précision qui est recherchée. Les fournisseurs
multiplient le nombre de paires de capteurs
(2, 3 parfois jusqu’à 8) pour prendre en
compte l’ensemble du profil de vitesse et
obtenir la meilleure précision possible.Tout
récemment, GE Sensing (Panametrics) a présenté un débitmètre à ultrasons Sentinel
qui, à notre connaissance, est le plus précis
du marché : moins de 0,1 % d’incertitude
d’étalonnage, une dynamique de 70 :1 avec
un équipement compact à seulement double corde.
Siemens se place également sur le marché
des équipements par ultrasons haute performance à usage industriel. Son appareil
est conçu pour des applications avec des
exigences élevées en termes de robustesse
et de tolérance de panne, notamment
dans le raffinage du pétrole, la pétrochimie, Il est certifié Atex et fonctionne avec
2 ou 4 faisceaux selon la précision recherchée.
Grâce à une technologie de capteurs piézo,
Endress + Hauser a diminué la puissance consommée et a pu ainsi mettre un débitmètre
trois cordes sur une technologie deux fils. Le
fabricant garantit une précision de 0,5 % de
la valeur mesurée avec un nombre de longueurs droites réduit à 5D en amont et 2D
en aval. « Comme pour un DEM », précise
M. Knecht. La concurrence entre les technologies n’est pas finie.
MESURES 796 - JUIN 2007 - www.mesures.com
Solutions
4 - Le Vortex, un barreau
multivariable
On retrouve essentiellement les débitmètres
àVortex dans les applications vapeurs ou gaz.
Peu sur les liquides. « Pourtant, il vaut mieux
un Vortex haut de gamme qu’un Coriolis bas de
gamme », estime M. Gromada (Yokogawa).
Eux aussi connaissent des évolutions techniques. Tout d’abord au niveau de leur construction mécanique, Ils ont gagné en robustesse. Le corps et le barreau sont moulés en
un seul bloc, sans aucune interstice pour
résister aux salissures, à l’abrasion, au colmatage. Les capteurs sont encapsulés dans le
barreau sans aucun contact avec le fluide. Ces
nouvelles constructions peuvent supporter
des conditions de process sévères : pressions
supérieures à 400 bar, agressions chimiques,
abrasions…
Les constructeurs cherchent également à
palier la limitation de la technologie Vortex
aux faibles débits. Pour avoir un signal, il faut
avoir un tourbillon (généré par la présence
du barreau implanté dans le fluide). Pour
avoir un tourbillon, il faut un certain débit.
Si le débit n’est pas suffisant, il est possible
d’installer en amont du capteur un réducteur
de diamètre qui a pour effet d’augmenter la
vitesse du fluide et un redresseur en amont
pour rétablir la vitesse. Les fabricants (Emerson,
Endress + Hauser…) proposent désormais un
Vortex avec ces éléments intégrés au niveau
même de la manchette. « Ceci simplifie considérablement l’installation », explique M. Knecht
(Endress + Hauser).
Au niveau de l’électronique, les évolutions
ont permis de s’affranchir des vibrations
parasites. Yokogawa a développé un filtre
automatique pour séparer les vibrations
parasites des vibrations utiles à la mesure.
« Auparavant, l’utilisateur devait fixer manuellement les plages de fréquence, explique
M. Gromada, aujourd’hui, un filtre passe-haut
scrute le signal, et en fonction des pics parasites
tout au long de la sinusoïde, détermine les valeurs
de seuils ».
Parmi les grandes évolutions, il faut encore
noter l’intégration d’une sonde de température au niveau du barreau. Le débitmètre
Vortex devient multivariable. A partir du
débit volumique, de la température, on détermine le débit massique du fluide (en
connaissant sa masse volumique). Le trans-
MESURES 796 - JUIN 2007 - www.mesures.com
metteur peut aussi calculer les valeurs cumulées. Tout ce qu’il faut pour gérer une unité
de vapeur, par exemple.
5 - Et toutes les autres
technologies qui résistent bien
Selon une étude de Flow Research, le marché
des débitmètres basés sur une mesure de
pression différentielle (Delta P) a totalisé
996 millions de dollars en 2006 et devrait dépasser le milliard de dollars cette
année. Les débitmètres “Delta P”, qui
consistent à mesurer la différence de
pression de part et d’autre de l’élément
inséré dans la conduite (une plaque à
orifice, le plus souvent) sont une technologie pas chère et qui résiste bien à l’assaut des principes plus récents.
« On rencontre toujours des gens qui de toute façon
ne veulent pas autre chose », indique M. Gromada,
(Yokogawa). Il y a bien de temps en temps quelques nouveautés au niveau de l’organe déprimogène. Emerson a proposé il y a deux ans une
plaque à orifice à 4 trous (expérimentalement,
le fournisseur s’est aperçu que ça marchait
mieux qu’avec un seul trou). L’élément en
forme de cône de McCrometer (distribué par
55
Solutions
Engineering Mesures) permet d’homogénéiser le
profil d’écoulement et de réduire le nombre
de longueurs droites amont et aval. Mais pour
la plupart, il s’agit de matériels banalisés et le
plus souvent normalisés.
« D’importantes améliorations ont porté ces dernières
années sur les facilités d’installation, avec notamment les
débitmètres qui intègrent à la fois l’organe déprimogène
et le transmetteur », précise Colette Desmoulin,
responsable produit chez Emerson Process Management.
Ce type de débitmètre a lui aussi connu des évolutions avec une compensation en température
ou, là encore, de l’autodiagnostic. « Un transmetteur P est capable de détecter de lignes bouchées »,
poursuit Mme Desmoulin.
Et puis, il n’y a pas que la “grande” débitmétrie.
Il y a aussi toute l’armée de débitmètres à flotteur, à palette, à engrenage, à piston rotatif…
Quand on n’a pas forcément besoin d’une
grande précision, d’une sortie numérique…
« Entre un débitmètre Coriolis à 5 000 euros qui
présente une incertitude de ± 0,3 % et un système
à engrenage 2 000 euros à ± 0,3 %, beaucoup
n’hésitent pas », note Jacques Marionneau,
directeur général de Kobold.
Un centre de transfusion sanguine dans le
nord de la France vient de remplacer ses
“Coriolis” par des “sections variables” qui
supportent mieux les gaz mêlés au sang.
Question de prix aussi.
Non seulement ces technologies se maintiennent, mais elles se développent sur de
nouveaux marchés : dans les usines sur les
machines, dans les fermes pour une alarme
sur un système d’arrosage, dans la domotique, le tertiaire…« On trouve aujourd’hui des
contrôleurs de débit d’eau à 2 euros », souligne
M. Marionneau.
Ces technologies “simples” ont aussi suivi
les évolutions techniques de ces dernières
années. « Construction tout en inox, cône métallique, agrément Atex pour zones dangereuses, sorties
56
Le débitmètre à section variable bénéficie
aussi des fonctions d’autodiagnostic. Un
signal d’alarme avertit lorsque le flotteur
est bloqué. (doc Yokogawa)
analogiques, numériques, elles ne sont pas à la traîne,
soutient M. Montel (Krohne). Nous vendons
encore plus de 100 000 débitmètres à section variable chaque année ».
Ils n’ont pas échappé non plus à la vague de
l’autodiagnostic. Un débitmètre à section
variable “haut de gamme” avertit l’utilisateur
si son flotteur est bloqué (à l’état normal, le
flotteur tourne sur lui-même et est doté de
micro-oscillations ; si le débitmètre ne perçoit plus ces micro-oscillations, il envoie
alors un signal d’alarme).
Avec tout ça, il reste encore de la place pour
de nouvelles technologies. Kobold a présenté
en 2006 un débitmètre à oscillations. « Oui,
bien sûr, nous avons eu des commandes sur des marchés de niches comme les biogaz, là où aucune autre
technique ne convient,souligne M. Marionneau.
Quand on est tout en bas de l’échelle, qu’il n’y a pas
assez de vitesse pour un Vortex ou une plaque à orifice, quand les variations de la composition du gaz,
les impuretés ou la présence d’humidité ne conviennent pas à un débitmètre thermique ».
Les fournisseurs affichent leur optimisme : il y a de la place pour tous. Et
toutes les nouveautés sont les bienvenues. Quant à la guerre des prix, ce sera
pour une autre fois.
Marie-Pierre Vivarat-Perrin
Vous pouvez avoir accès aux descriptifs techniques des
différents principes de débitmètres industriels dans un
guide de choix publié par Mesures en 2004 et
consultable sur notre site www.mesures.com, dans la
rubrique archives.
MESURES 796 - JUIN 2007 - www.mesures.com

Documents pareils