Opmaak 1

Transcription

Opmaak 1
L’ECHO SAMEDI 12 AVRIL 2014
45
A propos
Formation
JEAN-MICHEL LALIEU
À BUDAPEST
U
ne mission économique
sans prince ni princesse
pour la tirer, ce n’est pas
vraiment une mission, diront certains. Celle que
nous avons suivie à Budapest, dans la seconde moitié du mois de
mars, ne comportait pas non plus de chefs
d’entreprise. Et pourtant, des contacts sérieux y ont été établis. Un gag? «Un concept
génial», lance Edit Ranky, responsable du bureau de l’Awex en Hongrie, qui a largement
contribué à sa réussite.
Pas de princesse, donc, ni CEO ni export
managers… À leur place, 120 étudiants en
deuxième année de baccalauréat en commerce de l’institut liégeois Helmo SainteMarie, bien décidés à faire connaître le
savoir-faire belge dans les milieux économiques hongrois. Ils ont travaillé sur le terrain, par groupe de 4 étudiants, pour l’entreprise belge qui leur a confié une mission
de prospection. Soit, au total, une trentaine
de firmes représentées, de la lingerie féminine aux centrales d’épuration, en passant
– forcément! – par la bière, les gaufres de
Liège et la ligne textile de l’Ecurie
Francorchamps.
«J’ai vu beaucoup de missions économiques
dans ma vie, mais c’est la première fois que je
vois des étudiants apprendre le commerce en le
pratiquant», sourit l’ambassadeur belge à Budapest, Jo Indekeu, en guise d’accueil à la délégation. Le concept est effectivement original, même s’il en est déjà à plus de 20 éditions. «Nous avons démarré, en 1991, par un
voyage à Prague, explique le directeur, Stéphane Hussin. Nous sommes, depuis, restés
concentrés sur les pays d’Europe centrale et de
l’Est, qui offrent encore beaucoup d’opportunités
pour les entreprises belges.»
Travaux très pratiques
Si l’idée a pris corps, c’est en fait parce que le
programme de deuxième année prévoit un
cours d’«exercices de commerce extérieur»,
à raison d’une heure par semaine. «Faire du
commerce en classe, ce n’est pas évident,
convient Jean-Marc Damry, un des dix professeurs accompagnant la mission. Nous
avons donc concentré les heures de cours pour
faire du terrain une semaine complète.»
Mais, pour les étudiants, il s’agit bien d’un
projet qui s’étale sur l’année scolaire tout entière. Dès septembre, un pays cible ayant été
désigné, les groupes d’étudiants prospectent
le paysage économique wallon à la recherche d’entreprises intéressées par une
mission de ce type. Une collaboration qui
peut être vue comme une aubaine pour des
PME, l’école ne leur demandant qu’un droit
de participation de 150 euros.
«Ce sont les étudiants qui cherchent les entreprises, mais parfois nous avons aussi des demandes de sociétés pour être représentées», précise Jean-Marc Damry. Et chaque dossier est,
de toute manière, scanné par le bureau local
de l’Awex qui regarde l’intérêt de chaque
firme à faire de la prospection dans le pays.
Bref, une mission pur jus, même sans tête
couronnée. «Nous avons fonctionné comme
pour une mission économique classique, insiste
Edit Ranky. Nous leur avons fourni toutes les
adresses de prospects dont dispose le bureau de
l’Awex à Budapest, nous avons traité toutes leurs
demandes et invité plus de 800 personnes à la
foire commerciale organisée, le mercredi soir,
par les étudiants.»
Tout sauf des vacances
Bref, guère de place pour l’improvisation.
Arrivés au cours du week-end, les étudiants
en ont profité pour visiter les hauts lieux de
la ville avant d’attaquer les rencontres «B to
Chaque
année,
l’institut
Sainte-Marie à
Liège organise
une mission
économique
grandeur
nature pour
ses futurs
bacheliers
en commerce
extérieur.
Cette année,
destination
Budapest.
Du vrai travail
de terrain.
Étudiants
en mission
avec
l’Awex en
Hongrie
ment de production. Ils devaient donc essayer de
vendre un outil qui n’existe pas encore!»
Premier contact
Thomas Beguin, étudiant
Jo Indekeu,
ambassadeur de Belgique
en Hongrie
«Au cours de
l’année, nous leur
donnons des
formations
complémentaires,
notamment de
techniques de
vente sur foire.»
Jean-Marc Damry,
professeur
«Je voudrais
proposer
à d’autres écoles
de telles
collaborations
avec l’Awex.»
Edit Ranky,
attachée commerciale Awex
en Hongrie
«L’entreprise
nous a fourni des
cartes de visite en tant
que ‘business
development officer’.
Ça a plus de poids
qu’étudiant!»
«C’est la première
fois que je vois
des étudiants
apprendre
le commerce
en le pratiquant.»
pées par la Liégeoise Sarah Dinari sous la
marque Pallani, il explique avoir eu, l’aprèsmidi même, rendez-vous avec un distributeur d’origine asiatique repéré sur internet.
«On va vraiment avancer avec lui», lance le
jeune étudiant, sûr de son fait. «Il veut aller
très vite et devenir le distributeur de nos produits.»
«Nos» produits? Ben oui, à travailler tout
au long de cette année scolaire avec une
firme pour comprendre ses produits
d’abord et mieux connaître ses attentes ensuite, les étudiants ont si souvent collaboré
avec l’entreprise qu’ils s’y sentent intégrés.
Xavier, Sami, Jules et Clément sont venus à
Budapest avec, dans leurs cartons, les plans
d’un séchoir agricole d’un type nouveau, le
Dryer One, développé par la PME de Thimister Technic One. Un véritable défi pour des
jeunes qui ne connaissent rien à ces techniques. «La préparation a été longue, admet
Clément Vilenne. Il fallait d’abord bien comprendre le produit, adapter un discours commercial et savoir comment contacter les clients. Nous
avons donc tout fait vérifier par la société avant
d’envoyer des mails et passer des coups de fil.»
Mais, le soir de la foire commerciale, c’est
bingo! Parmi les nombreuses lignes lancées
à l’eau, un représentant de Monsanto se dit
intéressé et fait le déplacement pour les rencontrer. Hasard ou pas, le directeur commercial de Technic One fait justement le détour
par Budapest, entre Zürich et les Etats-Unis.
«C’est du bon boulot», se félicite Gauthier Van
Erp. «Ce n’était pas évident. Ni eux ni nous ne
connaissions le marché hongrois. En plus, notre
machine devrait seulement sortir prochaine-
© DOC
B», dès le lundi matin, ou de prendre part
aux visites d’entreprises proposées. Représentant la jeune société PB Trade, basée à
Saive, et qui produit le Sugar Slim, un édulcorant révolutionnaire, Thomas Beguin et
ses «collègues» ont pu démarrer rapidement
la prospection grâce aux contacts fournis
par Pascal Boland, le fondateur de PB Trade.
Avec des succès et des revers. «Dans la grande
distribution, on s’est un peu fait jeter», pointe
l’étudiant. «Par contre, nous avons rencontré
des responsables de la société pharmaceutique
hongroise Q Pharma, qui se sont montrés très intéressés.»
«Nous obtenons généralement l’un ou l’autre
contrat au cours de chaque mission», explique
le directeur Stéphane Hussin. «Bien sûr, à un
moment, lorsque la discussion prend un tour
plus sérieux, les étudiants passent la main au
responsable de l’entreprise.»
Foire belge à Budapest
À l’heure de préparer la foire commerciale
du mercredi soir, qui est l’occasion pour les
étudiants de vraiment faire connaître les
produits qu’ils défendent aux clients potentiels rencontrés ou invités, Bruno Santos estime avoir déjà des raisons de se réjouir.
Venu avec l’idée de promouvoir la gamme
de lunettes de soleil récemment dévelop-
© DOC
Pendant ce temps, sur un autre stand, Eva,
Mélanie, Aurélie et Damien vantent les mérites des produits naturels pour l’agriculture
développés par Fytofend, une spin-off de
l’université de Namur basée aux Isnes. Rendez-vous est pris pour le lendemain matin
au siège de la société Cresco Chemical. Tailleur bien ajusté pour les unes, costume-cravatte pour l’autre, les quatre délégués commerciaux en herbe débarquent donc en taxi
pour un rendez-vous avec la directrice générale, Judit Bartfai. «Vous tombez à pic», se réjouit-elle. «Ma société distribue des produits
phytosanitaires en Hongrie et je cherche justement de nouveaux canaux de développement,
notamment via des produits écologiques.» En
une heure, le tour de la question est fait et les
étudiants proposent de passer le relais au directeur général de la société, dont ils ont les
cartes de visite. Le terrain a été débroussaillé.
Pas sûr qu’une mission économique «pro»
aurait pu aller beaucoup plus loin, dans le
même délai.