Le verre à boire français du musée du verre de Sorèze

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Le verre à boire français du musée du verre de Sorèze
Le verre à boire français du musée du verre de Sorèze
1650 1900
Le musée du verre de Sorèze a choisi ce thème d’exposition car il
possède de nombreux verres à boire datant de la deuxième moitié du 17èmeet de
l’ensemble du 18ème siècle. Il est moins riche en verres à boire du 19ème siècle,
suffisamment, toutefois, pour montrer l’évolution de la production française du
verre à boire, depuis la légèreté et l’élégance du verre façon de Venise du 17ème
siècle jusqu’au brillant du verre en cristal taillé, gravé et doré du 19ème siècle.
Au 16ème siècle les verreries forestières françaises et européennes
créent des verres dits « à la façon de Venise ».Cette caractéristique tient, aux
qualités de la production verrière italienne, et à la présence déjà ancienne de
nombreux verriers italiens dans les verreries françaises. Cette influence vénitienne
perdure au 17ème siècle. On l’observe sur les quatre verres à boire les plus anciens
du musée. Récemment, grâce à l’ERSAVF1[1] qui a recueilli dans les ruines des
verreries de la Montagne Noire des fragments de verre dont certains sont identiques
aux parties correspondantes de ces 4 verres nous avons pu obtenir la certitude que
ce type de verre était créé en Montagne Noire
Dans le dernier tiers du 17ème siècle il apparaît, en France, une
production de verres à boire caractérisés par une grande légèreté. Les coupes sont
lisses. Les jambes sont soit grêles, soit de type fuseau spiralé soit présentent un ou
deux boutons ou un disque plat. Les pieds sont plats souvent sans ourlet. Ces verres
ont été baptisés « verres de fougère » parce que de la cendre de fougère, donc de la
potasse, était ajoutée comme fondant au sable. Le même type de verre a été obtenu
par addition de cendre de salicorne, donc par de la soude. Pour désigner la totalité
de cette production nous parlerons de verres dits de fougère. Leur succès a été
considérable. Celui-ci est traditionnellement rapporté à deux qualités supposées de
ces verres à boire. Le vin y serait meilleur et plus riche en saveurs. La finesse de ces
verres est telle qu’ils ne résisteraient pas à la présence d’un poison.
Dès le début du 18ème siècle le même type de verres est soufflé dans
des moules donnant aux coupes un décor fait d’alvéoles et (ou) de côtes verticales.
Ces verres sont appelés verres d’Orléans. L’utilisation de ces verres pendant le
premier tiers du 18ème siècle semble généralisée en France.
Dans la première moitié du 18ème siècle les verres de Bohême et à un
moindre degré les verres allemands supplantent dans toute l’Europe les verres
vénitiens car leur matière appelée verre cristallin est très claire, très pure, plus facile
à tailler et à graver. Aussi, dès le milieu du 18ème siècle, pour enrayer l’importation
massive de ces verres, les verriers français créent de nouvelles variétés de verres à
boire qui sont plus volumineux, plus lourds dits à la façon de Bohême, à la façon
d’Angleterre ou d’inspiration allemande.
Ainsi, apparaissent les verres à jambe polylobée dits à la façon de
Bohême. Les coupes sont coniques ou tronconiques. Elles surmontent, soit par
l’intermédiaire d’un anneau soit directement, une jambe épaisse, souvent creuse,
polylobée (quatre à huit pans).
Puis, de 1750 à 1760, une très importante création de verres dits
Bourguignons d’inspiration allemande est réalisée dans les verreries forestières. Ce
sont des verres dont la coupe est tronconique avec un fondeau parfois épais.
Plus tard, surviennent les verres dits cornets répondant à la mode de
simplification des formes. Les jambes sont dans le prolongement direct des coupes
(même paraison), présentant souvent une bulle sous la coupe, s’affinant vers le bas,
reposant sur un pied surélevé et ourlé.
Dans la dernière partie du 18ème siècle, des verres à coupes côtelées
(dites aussi à pans coupés) sont également créés. Ils sont soit en verre soit en cristal.
Les jambes sont de type balustre inversé et parfois taillées à facettes.
Les gobelets, autre forme de verres à boire, sont créés pendant tout le
18 siècle. Ils sont soit en verre opalin, soit en verre incolore soit en cristal. Ils
sont soit de facture grossière, soit émaillés (souvent naïfs), soit gravés
(circonstanciels ou patronymiques) soit dorés.
Enfin, des verres à façon d’Angleterre sont créés en France avec des
formes typiquement anglaises et souvent des jambes à twist.
Rappelons que le premier cristal fait en France, officiellement reconnu,
date de 1782 (bien après le cristal au plomb britannique). Les verres français en
cristal datent donc des dernières années du 18ème siècle. Ils sont le plus souvent
taillés et gravés. Certains d’entre eux se caractérisent par une jambe à gros balustre
inversé. La coupe est gravée et le balustre taillé à facettes. Le pied est surélevé avec
ourlet.
Bien évidemment dans cette époque de création verrière intense de
nombreux verres n’entrent pas dans cette ébauche de classification. Ils empruntent
des caractéristiques à plusieurs types de verre.
Les bouleversements introduits par la révolution française, la
suppression des privilèges ayant entraîné la disparition de nombreuses verreries, les
progrès des techniques verrières, l’apparition d’une nouvelle société au goût
prononcé pour le brillant du cristal conduisent à une modification profonde de la
création verrière française.
Ainsi, dès le début du 19ème siècle et pendant toute l’époque du premier
empire (1804-1814) la création et l’utilisation de gobelets en cristal se généralisent.
Ceux-ci sont soit cylindriques, soit cylindriques à bords évasés, soit bombés en
ème
forme de petit baril, soit enfin, en forme de tulipe. L’ajout d’une jambe (soit taillée
à facettes soit à côtes plates) et d’un pied (rond ou carré souvent taillé) transforment
ces gobelets en verre à jambe. Des verres à coupe ovoïdes, souvent en cristal, sont
également créés à la même époque. Le plus grand nombre de ces gobelets et de ces
verres à boire sont gravés et taillés. Les thèmes des gravures sont des figures
humaines (mythologie, amours), des marques individuelles (monogramme,
patronyme), des décors végétaux, animaux ou architecturaux.
L’époque restauration est l’âge d’or du verre à boire en cristal taillé.
Taille en diamants, à facettes, en olives, à côtes etc. Toutes les parties des verres
peuvent être l’objet de taille. La face inférieure des pieds est souvent décorée d’une
taille rayonnante de 12 à 36 pointes.
Des verres à inclusion de camées ou d’émaux sont réalisés pendant la
même période. Les émaux préparés à l’avance (verre à la légion d’honneur par
exemple), sont appliqués dans le moule avant d’y souffler le cristal.
Au début des années 1830 apparaissent, à partir d’une technique venant
des Etats-Unis d’Amérique des gobelets et des verres à boire dont le soufflage dans
un moule est obtenu mécaniquement par pression. Ces verres ou ces gobelets ornés
et lourds sont dits pressés moulés et faits en grand nombre dans les principales
cristalleries françaises.
Vers la fin des années 1840, le remplacement du plomb par des
borosilicates de potassium ou de zinc permet d’obtenir une matière dont les qualités
seraient supérieures à celle du cristal au plomb. Ces verres, souvent massifs, sont
moulés et (ou) taillés.
Tout au long du second empire et de la troisième république la
production de verre devient massive caractérisée par un grand éclectisme et
l’impossibilité d’une systématisation. Quelques verres à boire sont présentés ici
témoins de la grande diversité de la production verrière française à cette époque.
Dans les dernières années du 19ème siècle l’art nouveau dans le domaine
verrier permet l’émergence d’artistes qui renouvellent la création verrière grâce à la
réalisation d’œuvres originales par la matière, par les formes, par les thèmes, par les
couleurs. Parmi elles, il y a peu de verres à boire. Le musée n’en possède
malheureusement pas.
1.
ERSAVF : Equipe de recherches scientifiques et archéologiques des verreries forestières. J-C
AVEROUS et S de GRENIER