Rapport du session thématique "Aide humanitaire et aide au

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Rapport du session thématique "Aide humanitaire et aide au
GT 2: Aide humanitaire et aide au développement structurelle :
convergence des agendas?
Les frontières traditionnelles entre l'aide humanitaire et l'aide au développement
structurelle tendent à s’estomper. Dans ce contexte, les débats ont porté sur la manière de
mieux utiliser la panoplie des outils dont nous disposons – et ceux qui sont encore à
inventer – afin de concevoir et de fournir des programmes qui répondent au mieux à
l'éventail des défis propres aux environnements fragiles de plus en plus complexes. Si les
outils humanitaires continueront d'être mis à profit, des instruments de développement
seront également mis en place dans une phase initiale (en 'frontloading'): travailler
ensemble de manière cohérente, coordonnée et complémentaire, tout en reconnaissant
que les États fragiles représentent un élément majeur du puzzle du développement. Il
s'agit là d'une question avec laquelle les donateurs sont aux prises depuis longtemps déjà.
1- Présentations des panélistes
Mme RANDELL a fait remarquer que pour identifier la démarche à adopter, il faut
prendre comme points de départ la réalité des vies des gens, et les résultats que nous
voulons atteindre – et non pas nos propres catégories de gestion. L'aide humanitaire et
l'aide au développement sont des catégories de gestion artificielles – impliquant des
personnes, des politiques, des institutions, des outils et des pratiques très différents. Or,
dans les faits, l'aide humanitaire travaille souvent sur le long terme, et l'aide au
développement se concentre sur les États fragiles. Nous devons cesser de vouloir inscrire
de toute force les besoins des personnes qui vivent dans la pauvreté et qui sont confrontés
à des risques de crise dans l’une ou l’autre catégorie, mais nous devons plutôt reconnaître
leur interdépendance. Nous devons également ne pas tarder à mettre en place les outils de
développement, au lieu de continuellement nous reposer sur les travailleurs humanitaires
pour qu'ils élargissent leurs mandats. Madame Randell propose de prendre conscience
du fait que les risques, la vulnérabilité et les crises sont interdépendants, et qu'il
serait bon de placer cet état de vulnérabilité des populations au cœur de notre
approche de l’aide.
Dans cet esprit, elle met en avant 6 propositions destinées à améliorer les résultats de
notre aide (i) avant tout, comprendre les risques et les vulnérabilités des populations et
envisager l'aide dans le contexte d'autres ressources (ii) mettre tous les outils d'aide sur la
table et les combiner (iii) ne pas sous-estimer le problème, reconnaître que les personnes
sortant d'une crise nécessiteront un appui soutenu (iv) mettre l'accent sur la culture –
qu’est-ce qui empêche les travailleurs de l’humanitaire et du développement de travailler
ensemble? (v) défendre de façon proactive des approches holistiques et éduquer la presse,
les politiciens et les acteurs du développement sur la question du risque (vi) mettre au
point une réponse internationale cohérente - les donateurs doivent travailler
conjointement.
M. Ooms a défendu l'idée de l'émergence d'un troisième paradigme qui vient s’ajouter à
l’humanitaire et au développement. Il s'agit d'un nouveau paradigme de la "santé
mondiale", apparu dans le contexte de la lutte contre le VIH / sida, et qui combine des
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éléments d'aide humanitaire et des éléments d'aide au développement, en y intégrant
également une troisième dimension, nouvelle celle-là, celle de la responsabilité
partagée. Ce concept se fonde sur l'idée d'un contrat social mondial intégrant un
mécanisme de protection sociale global destiné à contrebalancer les nouvelles forces du
marché mondial et implique que la responsabilité de la santé dans les pays en
développement est partagée par ces pays ainsi que par la communauté internationale.
M. Ooms distingue 3 niveaux d'intervention: 1/ l'aide humanitaire médicale - sauver des
vies, sans prendre parti, 2/ le développement de la santé – développer le potentiel propre
des pays de manière durable, la responsabilité reposant en priorité sur les pays en
développement et 3 / la responsabilité partagée – lorsqu’une approche de développement
n’est pas durable et que l'aide médicale est permanente. Et 2 défis: 1° préserver l'espace
pour les deux niveaux d’intervention précités que sont l’aide humanitaire médicale (1/) et
le développement de la santé (2/), et 2° clarifier les responsabilités des pays en
développement et de la communauté internationale, ce type d'intervention créant une
dépendance entre les pays.
M. HAMMARGREN a présenté les travaux du Réseau international sur les situations de
conflit et de fragilité (INCAF), consacrés aux particularités des contextes de transition et
à la manière dont notre approche actuelle rigide peut nuire à nos interventions d'aide. Il a
présenté six domaines de financement transitionnel accordant une attention particulière
à la notion de gestion des risques, aux domaines prioritaires, à l'importance d'un
financement souple et à une approche réaliste des priorités dans un tel contexte de
transition.
Il a ensuite présenté un modèle d'accord transitionnel qui sera utilisé pour sélectionner
et mettre en œuvre tous les instruments d'aide disponibles afin de répondre aux objectifs
prioritaires fixés en commun au cours de la période de transition. Ce modèle d'accord
identifiera et clarifiera les flux de financement, les acteurs et les instruments (nationaux et
internationaux) qui pourront être utilisés pour travailler dans tel ou tel environnement de
transition; il déterminera les modalités de coopération pour atteindre les objectifs
prioritaires et les jalons communs, et permettra d’établir un climat de responsabilité
mutuelle, d'atténuation des risques et de transparence. Le premier projet de processus
d'orientation de l’INCAF est en cours d'élaboration.
M. GORDON a présenté le concept de Réduction des Risques de Catastrophes (DRR
Disaster Risk Reduction) dans le contexte des liens entre l’aide d’urgence, la
réhabilitation et le développement (LRRD Linking Relief, Rehabilitation and
Development). Il a souligné l'importance d’intégrer la dimension de résilience comme un
élément standard des stratégies d'intervention et de développement. La réduction des
risques permet une réduction des coûts humanitaires futurs et a également un impact au
niveau des incidences des risques sur les économies. Elle peut être considérée comme une
assurance pour les investissements de développement. M. Gordon a conclu sur la
possibilité pour la DRR d’être un pont entre les deux agendas, celui de l’humanitaire et
celui du développement.
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Enfin, le professeur Han Verschure a insisté sur l'importance que l’aide humanitaire soit
apportée à la demande, qu'elle tire parti des ressources locales et tienne compte de
perspectives à long terme (DPR, DRR, …).
2- Discussion générale
Un débat très important a eu lieu sur l'importance de préserver le fondement de
l'action humanitaire qui répond à des principes essentiels très précis et poursuit des
objectifs très clairs: sauver des vies, soulager la souffrance, préserver la dignité humaine.
Le groupe est arrivé à la conclusion qu'il ne s'agissait pas d'intégrer l'action humanitaire
au domaine du développement, mais plutôt d'élargir l’action du développement à la zone
grise actuellement prise en charge par les travailleurs humanitaires.
Parmi les autres sujets abordés, citons: l'importance des notions de résilience et de
durabilité.
3- Recommandations au gouvernement belge
Durant les discussions, plusieurs recommandations ont été émises à l'intention du
gouvernement belge, qui revêtent du reste un intérêt non négligeable dans la mesure où
elles pourraient représenter une priorité pour le futur gouvernement :
1. Développer un plan global cohérent associant interventions humanitaires et de
développement – combiner les outils pour atteindre les résultats les plus efficaces.
2. Changer les cultures de manière à permettre aux travailleurs de l'aide humanitaire et à
ceux de l'aide au développement structurelle de collaborer.
3. Fixer des objectifs réalistes et faire preuve de transparence – éduquer le public et les
politiciens sur les risques liés à l’intervention dans des environnements fragiles et postconflictuels.
4. Prendre des engagements à long terme.
5. Accepter de consacrer un certain pourcentage de l'APD à la santé dans une perspective
d'engagement à long terme, et plaider pour que cette approche devienne une norme
internationale.
6. Ne pas pénaliser les pays qui tentent de trouver des solutions internes pour assurer leur
développement en leur coupant les finances, mais utiliser plutôt l'aide comme
récompense.
7. Veiller à partager les risques et à mettre en commun la gestion des risques – ce qui
peut se faire par exemple en procédant à une évaluation systématique des risques et à leur
gestion conjointe grâce à une mise en commun des financements.
8. La Réduction des Risques de catastrophes favorise la résilience; elle devrait prendre
une place majeure dans la stratégie d'intervention et de développement.
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