Bulletin no.32 - Association Les Lampions

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Bulletin no.32 - Association Les Lampions
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Aide à l’Enfance du Vietnam Bulletin n°32 7ème mois ‐ Année du Tigre (août 2010) 16h et pourtant il fait déjà sombre en cet après midi d’été à Saigon. La rue Lê Loi semble avaler des flots incessants de motos pétaradantes, mais aussi des voitures de plus en plus luxueuses. Les touristes commencent à presser le pas en surveillant le ciel qui s’assombrit méchamment à l’approche de la pluie. Ils ne savent pas qu’en cette saison, la mousson apporte une fraîcheur salutaire. La lourde chaleur se fait de plus en plus insupportable et les gamins de la rue se préparent déjà pour une douche de bonheur sous les trombes d’eau tiède qui tombent en un clin d’œil du ciel noir. Rapidement se dessine devant moi un véritable rideau mouillé éclairé par de petits points de lumières multicolores : les phares des deux roues recouverts par les imperméables colorés de leurs passagers. Et la vie continue, sans les étrangers qui ne comprennent pas très bien cette maudite pluie! La vie continue, sauf pour lui. Je le revois bien : assis contre le mur du Grand Hôtel, sur une des plus belles avenues de la ville, à côté de son vieux vélo, un petit sac en plastique dans la main, son visage sale secoué par des sanglots. Lorsque que je m’approche pour lui parler, il éclate en larmes. C’est un petit garçon, de 8 ans me dit‐il. Il en paraît 6. C’est un petit garçon, tellement petit ; vendeur de billets de loterie parmi des milliers qui sillonnent la ville après l’école, en espérant ramener de quoi aider sa famille. Il touche Combien coûte la pluie?
500 dong par billet de 10 000 dong vendu (1 euro = 24 000 dong environ) ; une soupe de riz au coin du marché coûte 15 000 dong, je vous laisse faire le calcul
Il est 16h, et dans une demi‐heure le tirage du loto aura lieu. Avec la pluie qui est en train de tomber, le petit garçon n’a aucune chance d’écouler les 30 billets qui lui restent dans son sac en plastique. Il ne peut pas rentrer chez lui, à l’autre bout de la ville. Il n’ose pas car ce soir il risque de se faire punir voire frapper par sa mère qui devra rembourser le prix des billets restants, pour peu que la journée de celle ci, marchande ambulante de fruits, ait été médiocre ; ou que ses deux grandes sœurs aient ramené d’autres billets invendus. J’ai du mal à le comprendre entre ses sanglots. Il accepte de m’accompagner à l’abri avec son vélo puis de me parler. Il m’explique son drame, me raconte sa vie, son quotidien, ses devoirs rarement faits, ses leçons souvent oubliées à force de passer son temps à sillonner les rues de la ville. Ses journées se suivent et se ressemblent. Il ne se sent pas le droit ni le cœur de manger si le paquet de billets n’est pas écoulé, et toujours cette angoisse au ventre quand les 16h approchent... Il est 16h, et la vie continue. Le petit garçon baisse la tête, perdu, presque rêveur. Ici on fête les 15 ans de la levée de l’embargo américain et tout le monde rêve ; moi aussi. Je pense à ce nouveau roi, l’argent, et ses seigneurs qui s’affichent et le célèbrent dans les temples dédiés à la consommation. Je pense à ces centres commerciaux ultramodernes, à ces immeubles d’affaires qui se bousculent pour grimper au plus haut du ciel. Je pense aussi à ces boîtes de nuit où les bouteilles d’alcool coûtent 10 fois le salaire mensuel moyen ; et à ce garçon devant moi avec ses billets de loterie. Puis j’ai arrêté de penser. J’ai fait quelque chose, de pas très utile peut‐être : j’ai acheté ses billets. Ensuite je lui ai dit de rentrer chez lui et d’aller s’amuser sous la pluie, comme les autres enfants. Ça m’a permis d’arrêter de penser. Et ça m’a fait du bien. Tant pis! Doàn Quôc Hoà
jusqu’aux os. A mes yeux, avant même d’en connaître la raison et a fortiori en
l’ayant su, c’était un non‐sens, la coquille dans l’article, l’erreur de frappe, la
gifle sèche... Je l’observais pousser doucement son vélo et s’abriter avec toi quelques
mètres plus loin sous l’auvent d’un grand building, à côté d’un nouveau café.
Je me rappelle qu’il n’avait rien sur lui hormis ce petit sac en plastique froissé,
fatigué mais dont les anses formaient un nœud bien serré qu’il entortillait
machinalement du bout de ses doigts. Tout en l’écoutant tu me traduisais par
bribes et je refaisais l’histoire à mesure, son histoire. La pluie était tiède. Il était 16h. La vie continuait, et je la trouvais dure. Cette fin d’après‐midi là, en prenant ses derniers billets tu lui as offert
quelques gouttes d’eau tiède, certainement plus. Aujourd’hui je voudrais
trouver un moyen d’offrir la pluie à ces enfants, un moyen de leur offrir
d’autres notes à jouer, et d’autres couleurs à étaler dans les rues de Saigon. Doàn My Linh
Arrière‐plan Cette photo perdue aurait résumé ce qu’il est difficile d’écrire. Maladroitement effacée au milieu de centaines d’autres, moins belles. Photo
perdue ? Non. Elle est toujours là, dans un recoin de ma mémoire, et je veillerai
à ne jamais l’oublier. Cette photographie, c’était tout : Le flot incessant des motos et des voitures, le
ciel lourd que la pluie décharge sur la ville, les couleurs vives posées par touches
épaisses de pinceaux et qui s’étirent jusqu’au bout de l’avenue, loin là‐bas.
C’était la chaleur moite, les klaxons de concert, l’odeur de la pluie, un concentré
de vie stoppée un instant... Dans un souvenir. Je coupe le son. J’entends à nouveau l’orchestre de l’avenue, et je remonte les
minutes comme elles viennent. Je ne sais plus de quoi nous discutions tandis que nous marchions d’un pas
rapide le long de ce trottoir. Je sais que j’étais heureuse d’y être, j’aimais cette
rue et marcher sous cette pluie chaude, j’aimais le ballet des motos et le
mélange audacieux des couleurs. Je parcourais ce tableau, et comme dans mes
souvenirs je le trouvais beau. Puis ça s’est passé très vite. Un court instant, une demi‐seconde peut‐être, trois
fois rien mais suffisamment longtemps pour que l’on réalise qu’un élément
nouveau vient d’apparaître sur l’image. C’était le détail minuscule en arrière‐
plan. La petite tâche sombre immobile qui ne s’étire pas sur la photo d’un trait
rouge vif. C’était soudain le discret son d’un instrument que l’on n’entendait pas
Du poste de soins de santé primaire... à l’Université...
dans le grand orchestre de la rue mais qui pourtant, joue de son côté. Quelques
notes : Pourquoi ce garçon pleure‐t‐il sous la pluie? Pourquoi? Ralentis papa et
dis‐moi pourquoi. Il pleurait. Seul sous la pluie. Il pleurait comme il pleuvait, sans retenue, pour
décharger le ciel. Je ne pouvais pas comprendre ce qu’il essayait de te dire. Et au
fond de moi je ne pouvais pas comprendre qu’un si petit garçon pleure ainsi,
assis sur le sol de cette avenue Lê Loi, contre un vélo d’enfant rouillé, trempé
Du poste de soins de santé primaire... à l’Université... Ecole Supérieure de Formation
Médicale de Huê’
Depuis nos 1ères missions dans la province de Dong Nai (Plaine des cerfs) en 1995, les Lampions se sont intéressés aux populations défavorisées vivant dans les zones rurales, d’accès difficile: Hôpitaux de district de Tân Phu, Long My, Vi Thanh, les postes de santé de la province de Hâu Giang (Mékong), les écoles des hauts plateaux de Huê’, puis dernièrement l’hôpital de district de Y Yên, dans le nord. Les objectifs alors visés sont d’améliorer les conditions de naissance, en tenant compte du suivi des grossesses et des accouchements, comme de la prise en charge des nouveaux nés fragiles. Les contacts multiples avec nos collègues vietnamiens, obstétriciens, sages femmes et pédiatres, les sessions de formation théoriques et pratiques répétées sur chaque site, ont révélé les difficultés réelles rencontrées par les sages femmes vietnamiennes face à un bébé malade, aussi bien dans un poste de santé éloigné des hauts plateaux que dans un grand hôpital central. Or l’avenir d’un enfant se joue souvent pendant les quelques minutes ou quelques heures de détresse à la naissance ou au cours de ses 1ers jours de vie. Ce constat est dû au fait que la formation actuelle des sages femmes au Vietnam ne dure que 2 ans. Elle est orientée ainsi vers la mère et ses problèmes. Le Ministère de l’enseignement supérieur étudie actuellement un élargissement à 3 ans et le Premier Ministre a déclaré il y a 2 ans, comme cause nationale, la baisse de la mortalité et de la morbidité néonatale. Deux promotions 2010
d’élèves sages femmes
Cependant, la lecture du programme de ces 2 autonome. Une fois acquis, le concept ans nous a montré l’absence de module ciblé pourrait être exporté vers d’autres provinces. L’apport des connaissances sur le fœtus et le sur le nouveau né et ses pathologies. Pour mieux préparer la prise en charge des nouveau né, la compréhension des situations nouveaux nés, le mieux serait d’élargir ce à risques, la maîtrise des techniques de base de prise en charge d’urgence, la mise en programme. situation de pratique réelle sont autant L’occasion s’est présentée au cours de la d’éléments qui permettront aux nouvelles mission du printemps 2009. Nous avons sages femmes de se sentir plus en sécurité participé au Congrès national de Pédiatrie à face aux urgences et de pouvoir réagir de Huê’ où j’ai présenté notre action dans les manière plus adaptée. Nous espérons ainsi postes de santé au Vietnam. Une rencontre optimiser les chances de survie sans séquelles avec le Dr An, Chef de service de gynécologie‐
du bébé, surtout quand les conditions obstétrique est programmée pour faire le matérielles idéales ne sont pas réunies. point de la coopération des Lampions avec son service depuis 2 ans. Dr An nous demande alors de renouveler nos actions en faveur des sages femmes et des médecins de son service et aborde toujours le problème de la mortalité néonatale. Nos avis sont concordants quant aux lacunes des sages femmes vietnamiennes. Il évoque alors l’éventuelle coopération avec la Faculté de Médecine de Huê’ pour une formation des futures sages femmes à la source. Une brève Evaluation des élèves
rencontre avec le Dr Hùng, Directeur de l’Ecole des Sages Femmes et l’idée a germé. Outre les acquis sur le fond, c'est‐à‐dire les Nous nous mettons au travail rapidement; les connaissances utiles pour les élèves, l’équipe contacts sont pris avec les enseignants pédagogique de Huê et de Nam Dinh nous ont vietnamiens; un module de néonatalogie est fait savoir leur vif intérêt pour la forme, pour proposé et examiné; un appel aux candidats‐
la méthodologie d’enseignement. Nous avons missionnaires lancé; et fin aout 2010, un an préféré une approche basée sur l’interactivité, après, nous venons de clôturer la 1ère session avec des sessions de théorie suivies de de formation pour 94 sages femmes synthèse puis de travaux pratiques et de jeux nouvellement diplômées de Huê’. de rôle, avec évaluation quotidienne des En effet, nous avons proposé un module de 40 connaissances. heures de cours et de travaux dirigés réparties A la réunion de synthèse finale, le Directeur, sur 2 sessions, une en février 2010 et la Dr Hùng, a fortement insisté sur cet aspect deuxième en août 2010, avant le diplôme de très positif pour ses enseignants. Il a ainsi fin d’année des élèves. Le pari était pris demandé de prolonger notre coopération d’ajouter ce module aux heures de cours des pour 2011 afin de consolider ses acquis. élèves pour ne pas compacter plus encore leurs deux ans de formation. Mais la volonté Bien que paraissant éloignée des objectifs du Directeur est vraiment de combler cette initiaux de l’association, cette expérience de lacune dans leur programme, et surtout de niveau universitaire nous semble à la fin dessiner un nouveau projet pour conforme à l’esprit de notre action. Elle est le l’élargissement des études de sages femmes résultat direct de 2 ans de coopération avec le de son pays. CHU de Huê, des observations et de L’enseignement se fera devant près d’une l’identification des besoins de terrain, de la centaine d’élèves et de leurs enseignants volonté et de l’engagement des partenaires habituels; pour optimiser cette coopération, vietnamiens. Nous avons essayé d’impliquer l’association a décidé d’octroyer une bourse les institutions équivalentes à Montpellier pour 7 enseignants d’une autre Ecole de Sages (École des Sages Femmes) pour une ouverture Femmes, celle de la province de Nam Dinh où vers l’internationale. Ceci nous semble les équipes des Lampions assurent un présenter une opportunité de qualité, mais programme de formation pratique depuis 2 l’inertie et les contraintes administratives ans, en coopération avec Humaia, association n’ont pas permis sa réalisation. de Sages Femmes française. L’exportation de Enfin et surtout, je voudrais remercier les cette expérience sur la province de Nam Dinh membres Lampions qui m’ont aidé à mener ce est évoquée par nos partenaires pour la suite. projet avec succès : Dr Trân Tu Anh, Dr Corine Il est prévu que l’équipe de novembre 2010 Fourcade, Chloé Fortin et Gaëlle Maillet tous rende visite à l’Hôpital de province de Nam du CHU de Kremlin Bicêtre, Françoise Caffeau Dinh et son Centre de formation. (IFSI Lille), Dominique Blaess, ainsi que le L’objectif final de cette mission est d’aider Président Bernard Astruc qui a cru à ce projet l’équipe des enseignants de Huê à depuis le début. s’approprier le module de néonatalogie pour Doan Quôc Hoà pouvoir assurer cet enseignement de manière Enseigner en Août Corine, Gaëlle et Chloé
Pour les étudiants Vietnamiens comme pour
les étudiants Français mais aussi pour
quelques médecins et leur famille, Août
même s’il ne rime pas avec vacances en est au
moins le synonyme. Alors que le temps était encore gris et froid
en France, je me suis laissée tenter par l’offre
de Tu‐Anh (pédiatre à l’hôpital de Bicêtre) :
partir en mission au Vietnam. Il venait de
participer à la première partie de cette
mission et je devais en assurer la deuxième…
Je projetais de partir au Cambodge et au Laos
avec ma petite famille « Quelle coïncidence,
Hue est tout proche… » me dit‐il, « … juste un
petit crochet, une frontière à franchir, la ville
impériale à découvrir et le tour est joué. » Quelle idée saugrenue ! Accepter au beau
milieu de ses vacances de donner des cours,
moi qui n’ai que peu d’expérience en matière
d’enseignement, et qui plus est à une classe
de 95 élèves dont je ne parle pas la langue et
dont je ne connais pas le niveau… « Ce n’est
rien. » me disait Tu‐Anh, « Tu verras c’est
facile. Il faut faire simple, ne t’inquiète pas,
elles sont très studieuses, toujours contentes
et elles te remercieront. Et puis tu verras, tu
pars avec Chloé (puéricultrice), elle est très
sympa. ». Je rencontre Chloé en Mai, elle est
accompagnée de Gaëlle (puéricultrice) ; elles
sont souriantes, motivées… Mais tout aussi
novices que moi, et je suis chef de mission.
Me voilà dans de beaux draps ! Après avoir défini notre programme, j’attaque
les « power‐points », les contacts avec les
Lampions ne sont qu’électroniques, sans voix
et sans visage. Pas facile de coordonner une
rencontre, 700 km nous séparent et les week‐
ends pré‐estivaux sont « bookés » par
examens, congrès, gardes ou autres
festivités… Il faut agir seule. Préparatifs d’avril à juillet Le but de cette mission était que les élèves
sages‐femmes acquièrent de plus grandes
compétences dans la prise en charge du
nouveau‐né. Leurs deux années de cursus ne
comptent que 6 heures d’enseignement de
néonatologie. En une semaine (cours
magistraux le matin, TP l’après midi), nous
devions compléter les cours qu’elles avaient
reçus lors de la première partie en Février
2010. Les formateurs de l’école de Hué ainsi
que ceux de l’école de Nam‐Dinh (dans le
Nord) assistaient également aux cours. Au‐
delà de la formation dispensée à cette
promotion de sages‐femmes, l’idée était que
les professeurs puissent se saisir du type
d’enseignement (diapos, interactivité, TP avec
participation des élèves) et de sensibiliser
élèves et professeurs à l’importance du
confort du nouveau‐né lors des soins,
notamment en cas de pathologie néo‐natale. Ce sont surtout Gaëlle et Chloé qui ont pris en
charge cette partie. Sur fond d’un apport de connaissances médicales, il s’agissait de tenter de
mettre en scène des pratiques d’enseignements réutilisables par les formateurs pour les
promotions suivantes. Les cours magistraux ont eu lieu sous forme
d’une double projection et d’un duo vocal franco‐
vietnamien. Envoyés via Internet, les diapos avaient été
traduites en vietnamien, par le Dr Phuoc jeune
médecin, enseignante de l’école. Ce n’est qu’en
arrivant sur place que je me suis rendue compte
de l’énorme travail que cela avait représenté pour elle. Ni totalement bilingue, ni spécialiste en
néonatologie, elle a dû réaliser un double travail
de compréhension et de traduction d’exposés médicaux, sur des diapositives où n’étaient
présentées que les grandes lignes du sujet à
traiter. Arrivée 22 Juillet 2010, les bagages sont bouclés, les
diapos « forwardées » par le net, une clef USB dans la poche, une autre dans le sac à dos, je
m’envole pour le Cambodge et le Vietnam avec
mari et enfants. Phnom Penh, Angkor Wat, le delta du Mékong, Saigon... Les vacances sont bien là, la semaine de travail semble lointaine presque irréelle. 8 Août, quelques 20 heures de train séparent Saigon de Hué. Juste le temps pour exhumer les « power‐points » imprimés sur papier et les feuilleter au rythme des trains
vietnamiens (vitesse de pointe 50 km/h). A l’arrivée le dimanche soir plusieurs douches m’attendent ; la première en descendant du train est tropicale, la deuxième à l’hôtel s’imposait de
toute urgence, Ni (responsable de l’organisation) et Phuoc nous attendaient dans le hall de l’hôtel, vêtues de charmantes petites robes, souriantes et intimidées ; elles ont dû prendre peur en nous voyant débarquer du taxi dégoulinants d’un mélange de pluie et de sueur, vêtus de shorts et
de tee‐shirts informes. Quant à la troisième, je la dois à Hoà, c’était LA douche froide ! Après la bonne et vraie douche, je consulte mon mail et
j’y lis « On se rejoint lundi matin, nous arriverons
directement de l’aéroport. Nous aurons 5
minutes pour discuter avant la réunion. Corine, tu es la chef de mission sur l’ordre de mission du Président Astruc, dans la continuité de Tran Tu‐
Anh de la première mission. Je t’aiderai dans les
discussions. A bientôt. Hoà. ». Cinq minutes pour discuter… Mon sommeil a été
un peu agité ! Huit heures tapantes, le reste du staff, Hoà (pédiatre organisateur du projet),
Françoise (Vice‐présidente des Lampions), Gaëlle, Chloé et Quynh‐Hoa l’interprète, rejoignent notre QG, l’hôtel Huong Duong. Crêpes et Café‐Da savourés sur de mini‐tabourets disposés sur le trottoir auront raison de mes angoisses. Pour tenter de ne pas endormir le lecteur par un
récit « au fil du temps » de la mission, je ne
reviendrai que sur quelques points forts du
séjour : les élèves, la langue et
l’enseignement, les « à côtés » et la remise
des diplômes. Les élèves Face à cette salle de 95 filles, je n’ai pas
retrouvé la discipline et le sérieux auquel Tu‐
Anh m’avait préparée. Le mois d’Août avait
eu raison des uniformes, et c’est à une classe
de demoiselles en jupes, pantalons, tee‐
shirts, chemisiers, tongs, sandales, casques
et portables que nous nous adressions. Le
respect du professeur auquel on s’adresse
en se levant lorsque l’on pose une question,
n’empêche pas moins que durant les cours
certaines élèves « piquent du nez », «
papotent », « ricanent », consultent leurs
SMS ou sortent pour répondre à un appel
urgent… Quant aux pauses elles nous
transportent dans un poulailler ! Cacophonie
des intercours et attitude des étudiantes ne
différent pas selon les latitudes. Pourtant
nous sommes bel et bien au Vietnam... Ici le
deux‐roues motorisé est roi mais circuler
avec représente un danger pour la peau.
Avant de quitter l’école, ces jeunes filles se
parent de masques, protèges‐cou et gants
afin de préserver leur peau du soleil. Chloé
qui depuis son arrivée lutte pour prendre
quelques couleurs, suscite l’admiration.
Quant à l’élève déléguée, ses aptitudes de
cadre dirigeant pour faire régner le calme et
transmettre des consignes d’organisation,
nous rappellent ce que l’agitation frénétique
des rues, les karaokés, les portables,
auraient pu nous faire oublier : nous
sommes en pays communiste ! Je ne voudrais pas toutefois que ces «
critiques » laissent supposer que les élèves
n’avaient pas le goût d’apprendre. Au
Dr Phuoc et Dr Trang, enseignantes et interprètes
contraire, je tiens ici à les féliciter pour leur
présence et leur assiduité en cette période
de vacances et de rédaction de mémoire de
fin d’études. La langue De cette expérience d’enseignement au
Vietnam, je garde une frustration, celle de la
langue, surtout lors des cours magistraux. La
traduction m’a semblé entraver la
dynamique du cours. Phuoc souhaitait que je
m’interrompe toutes les 2 ou 3 phrases
maximum, ce qui ne permet pas d’amener
une idée à son terme. Le cours s’en trouve «
haché », et demande donc une plus grande
faculté d’attention aux élèves ce qui est
d’autant plus difficile quand le sujet est ardu
ou un tant soit peu rébarbatif. L’impossibilité
d’entrer en interaction directe avec les
élèves empêche de percevoir si la notion a
été comprise et réduit d’autant la possibilité
de reprendre d’une façon différente un
mécanisme qui reste obscur. C’est aussi
souvent entre la traductrice et moi qu’il y
avait achoppement, je sentais qu’elle était
en difficulté pour traduire, mais sans pouvoir
savoir si c’était en raison d’un manque de
compréhension de la langue ou du concept
médical. Hoà qui assistait à la plupart de mes
interventions reprenait en fin de cours les
notions clefs abordées en 4 ou 5 diapos, il le
faisait directement en Vietnamien. La langue
mais aussi sa plus grande maîtrise de
l’enseignement donnait d’emblée une
dynamique et une interactivité au cours que
je n’ai quant à moi jamais réussi à atteindre.
Alors que les TP ne m’avaient demandé que
peu ou pas de travail préalable en France, ce
sont eux qui ont le plus motivé les élèves. Le
TP où nous avons présenté plusieurs cas
cliniques à l’ensemble de la salle, en donnant
ensuite un temps de réflexion autour d’un
cas aux différents groupes (3 cas cliniques, 3
groupes) et où un représentant de chaque
groupe présentait sa démarche, que nous
complétions ensuite m’est apparu comme
particulièrement productif. Les « à côtés » Certes nous avons travaillé, mais la mission a
été entrecoupée de moments de détente, de
moments culturels, de moments
gastronomiques et de soins corporels
(massages, manucure, coiffure). Nous avons ainsi goûté aux spécialités
culinaires de Hué, la visite de la pagode au
milieu des rizières au coucher du soleil a été
un instant particulièrement émouvant, la
soupe à la moelle de bœuf pour
l’anniversaire de Quynh Hoa (l’interprète)
loin de nous laisser un souvenir impérissable
nous a laissé un poids sur l’estomac.
L’anniversaire a été l’occasion de découvrir
la sortie en vogue au Vietnam, le karaoké
avec ses chants langoureux auxquels
s’adonnent avec grand plaisir les
Vietnamiens. Ni (l’organisatrice de
Nos futurs bulletins
Les Lampions ont décidé de modifier
leur mode de communication en
utilisant des moyens plus efficaces
pour continuer d'affirmer les valeurs
qui les motivent.
Nous arrêtons avec ce numéro, la
version papier de notre bulletin.
Désormais, vous nous retrouverez
sur notre site pour des brèves sur nos
missions, des références culturelles et
aussi des articles de fond.
Cette innovation permettra à nos
partenaires vietnamiens d'intervenir
et de collaborer à l'animation de
notre site.
Bernard Astruc
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l’enseignement) était incontestablement la
meilleure chanteuse. Et, puis nous avons été
conviés à un véritable banquet par la direction,
la longueur de la table était à la mesure de la
qualité des mets dégustés ! De menus plaisirs ont aussi ponctué la semaine, ce sont le café da (frappé) à toute heure, le jus
de fruit de la passion à midi, les longanes et les
mangoustans des pauses en intercours. Un seul regret, le timing serré des horaires ne
m’aura pas laissé le temps de visiter la citadelle.
La remise des diplômes Si nous avions pu un instant, douter de
l’importance accordée à notre intervention par
les responsables de l’école, le faste et le sérieux
de la remise des diplômes en auraient eu
définitivement raison. Le vendredi après‐midi,
dans la salle de réception de l’école, toutes les
élèves en chemisier blanc et jupe bleu marine
étaient réunies pour assister aux discours de
clôture de la session. Mademoiselle Ni, le
directeur de l’école, Françoise Vice‐présidente
des Lampions, moi‐même en tant que chef de
mission, Hoà puis la représentante des élèves
ont successivement pris la parole. Nos hôtes
nous ont chaleureusement remerciés. Quant à
nous, nous avons exprimé l’espoir d’avoir su
répondre à leurs attentes et de leur avoir
donné les moyens d’améliorer la prise en
charge du nouveau‐né et surtout l’espoir que
ces connaissances puissent être transmises par
eux‐mêmes aux générations futures de sages
femmes. Pour clôturer la cérémonie nous avons
procédé, sur l’estrade à la remise d’une
« KKhhôônngg !!» Un seul et même cri irascible qui vient du fond du
cœur et des cordes vocales de 90 étudiantes. L’étonnement devant cette scène d’expression
résonante et l’envie furieuse de connaître le sujet
de contestation s’emparent de nos pensées. « Les étudiantes ne veulent pas finir au delà de 12h00 car
elle doivent partir manger à 11h30 » voilà la raison. C’est à partir de ce moment que tous les a priori sur
l’éducation scolaire vietnamienne se sont envolés.
Nous ne pensions pas assister à une scène telle que celle‐ci car imprégnées de nos représentations
figées d’un Vietnam oppressé. Sourire aux lèvres en écoutant cette réponse, nous
prenons conscience du changement des
comportements, tout du moins de ce groupe
d’étudiantes qui ont osé faire entendre leurs voix
pour ne pas se laisser faire et décider elles‐mêmes ce qui était mieux pour elles. Nous ne connaissons
pas encore très bien ce charmant pays, mais il nous
semble (sans pour autant généraliser) que cette
génération diffère en certain point de celle de leurs ancêtres. Une classe, une ambiance, des caractères timides pour certaines et plus imposants pour d’autres, des
paires de gants, des chapeaux coniques, des
parapluies qui jaillissent de dessous des tables dès la fin des enseignements quotidiens, de gros
ventilateurs accrochés au plafond, en somme une
atmosphère particulière et chaleureuse lors de cette première mission avec les lampions. Ainsi sont gravés dans nos mémoires des sourires, des rires, des mimiques faciales, ceux de ces jeunes
filles futures sages‐femmes. Chloé Fortin ‐ Gaëlle Maillet
attestation de participation au module de
néonatologie. J’ai encore un peu honte de notre
accoutrement, alors que tout le monde était sur
son 31 (« fête du Têt » serait plus approprié ici).
Nos tongs, jeans et tee‐shirts d’humanitaires
décrépis, étaient loin d’être à la hauteur des
honneurs et des attentions que nous avons
reçues. Honneur de remettre ces diplômes,
attentions portées par la remise de cadeaux par
les élèves, les formateurs de Nam‐Dinh et les
responsables de l’école de sages‐femmes de Hué.
Les chapeaux coniques brodés et les fleurs que
nous avons reçues, nous ont fort heureusement
redonné une apparence….comique et
mémorable ! Le débriefing en guise de conclusion Voilà venue l’heure des adieux. Autour d’un
dernier thé ou café Da (mon péché mignon… ce
sera donc pour moi plusieurs petits derniers!) et
de quelques biscuits au beurre (les préférés de
Hoà qui en fera quelques réserves pour les
heures de vol à venir!), a lieu le débriefing avec
les professeurs de Hué, de Nam‐Dinh et la
direction de l’école. La conversation se déroule
en Vietnamien, nous en aurons la traduction en
différé par Hoà. Le temps est aux compliments ;
la formation est un succès, le dynamisme donné
aux cours et aux TP une manière
« révolutionnaire » d’appréhender
l’enseignement. Les formateurs de Nam‐Dinh
sont demandeurs de pouvoir bénéficier d’une
formation identique, au sein de leur école. Le but
principal de la mission étant d’apporter un
savoir‐faire réutilisable, nous nous sommes
interrogés sur les évolutions que nous pourrions
offrir. Après avoir apporté cette « nouvelle »
manière d’enseigner, ne serait‐il pas judicieux de
Pour nous aider ‐ membre actif ‐ membre bienfaiteur ‐ recueil photos « Regards d'enfants » 32 euros libre 8 euros Merci de votre chèque à l'ordre de : Association Les Lampions Grand’ Place d’Aragon 34970 Lattes Nom :………………………………………………… Prénom : …………………………………………… Adresse : …………………………………………… ………………………………………………………….. ………………………………………………………….. tél. : ……………………………………………………. Courriel :………………………………………………. 

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