La criminalité légère à Valloire au XVIIIème siècle

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La criminalité légère à Valloire au XVIIIème siècle
La Criminalité Légère à Valloire au XVIIIème siècle à Valloire par Jacky Martin
La Criminalité Légère au XVIIIème à Valloire
En feuilletant de vieilles archives, on découvre le « registre criminel léger de la
châtellenie de Valloire » pour l’année 1730, dans lequel le châtelain de Valloire, Alexis
Grange (notaire royal collégié) reçoit les plaintes de ceux qui ont été insultés, injuriés,
poursuit ceux qui ont travaillé les jours de fête et dimanche et ceux qui essaient de se
soustraire à la dîme.
Le châtelain au Moyen-Âge était un lieutenant du seigneur qu’il était chargé de représenter et toujours
choisi dans une famille noble. Il avait trois sortes de fonctions : militaire, administrative et judiciaire.
En l’absence du maître, il gardait le château, en surveillait l’état et faisait faire les réparations utiles. Il
exerçait aussi les autres prérogatives du maître et rendait la justice s’il le fallait.
Au XVIIIème siècle, le lieutenant du seigneur a fait place lentement à un fonctionnaire dont les
attributions très larges et très vagues au début se sont progressivement précisées, spécialisées et
amoindries. La création du service de l’intendance l’a privé de ses fonctions militaires et
administratives, de sorte qu’au XVIIIème siècle, les Royales Constitutions, de Victor Amédé II, ne
font de lui qu’un agent judiciaire, subalterne, sans importance. Ils ne connaissent que des délits
infimes, donnant seulement lieu à l’application d’une amende légère ; pour les autres, ils doivent
procéder à une information très sommaire sur la plainte qui leur a été adressée, et signaler le délit au
juge compétent. Ce fonctionnaire était généralement choisi parmi les notaires de la paroisse.
En voici quelques extraits :
Le 30 août 1730, Jean feu Vincent Retornaz et Bertrand feu André Martin associés ont passé un acte
d’accensement pour la « dixme en bled due rière le tiers dessus de Valloire » avec Mgr l’Evêque.
Celui-ci a ainsi sous-traité la perception de la dîme en blé moyennant une somme d’argent.
Le 7 novembre 1730, ils se plaignent au châtelain « disant qu’au mois de septembre étant allés au mas
de la Balmette pour y percevoir la dîme en gerbe sur les terres de Pierre feu Antoine Michelland,
celui-ci avait enlevé et emporté malicieusement et à dessein prémédité tout le blé aussitôt qu’il a été
coupé avant que la dîme ait été prélevée. » Ils demandent réparations et justice et que ledit Michelland
soit condamné à l’amende et tous dépends, dommages et intérêts.
Le châtelain lui-même n’est pas à l’abri d’insultes de la part des gens de Valloire, comme en témoigne
le « verbal » contre l’Anne-Marie fille de feu Vincent Magnin, femme de Colomban Cornu :
« Le 14 mars 1730 entre les 5 et 6 heures après-midi me retirant de la maison de Jacques Buisson,
situé au village de la Revine où j’aurai assisté à l’annotation des biens dudit Buisson détenu dans les
prisons royales de Saint-Jean-de-Maurienne et passant au-devant la maison de Colomban fils de feu
Joseph Cornu audit village de La Revine et où est le chemin public accompagné de Maître JeanFrançois fils de feu Maître Antoine Gallice, notaire collégié, de Maître Claude, fils de feu Barthélemy
Feutrier, d’honorable Jean-François fils de feu François Rambaud, syndic (...) qui auraient aussi
assisté à ladite annotation. L’Anne-Marie (...) serait sortie toute en colère de sa maison et m’aurait
hautement et atrocement insulté en ces termes en présence des sus-nommés et de tous les habitants
dudit village, en me disant que j’étais un voleur, un fripon, un coquin, un bougre, un vilain, un
coucheur et même à proférer toutes les autres injures qui lui sont venues en pensée, à quoi je ne
faisais aucune attention, ni répondre mot jusqu’à ce que ladite Anne-Marie Magnin, toujours plus
courroucée, continuant à m’injurier, m’a poursuivi à plus de 30 pas au-dessus de sa maison armée
d’une grosse pierre qu’elle m’aurait jetée si je ne m’étais caché et dont elle m’aurait frappé si ledit
Maître Feutrier ne l’en avait empêchée et ne l’aurait retenue avec peine. »
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et c’est pour avoir refusé à ladite Magnin quelques effets dudit Buisson que ladite Magnin a demandé
et notamment une chemise neuve, des bas et dentelles, et laquelle est parente au troisième degré par
alliance audit Buisson détenu. »
Ces propos délibérés en présence des plus apparents dudit Valloire et des habitants dudit village, à
une personne publique, à moi qui suis notaire et châtelain dudit lieu étant dans mon office, méritent
punition pour éviter et prévenir les funestes suites qui pourraient arriver en telles occasions aux
personnes publiques dans leurs fonctions. J’ai un notable intérêt d’avoir réparation et justice de telles
injures ».
Le 30 décembre 1730, le châtelain Alexis Grange « a eu notice » par Révérend Claude Plaisance,
prêtre natif de Saint-Martin-La-Porte, curé et plébain de Valloire, que « Jean-François feu François
Rambaud, meunier et fourier, habitant les Verneys faisait ses fours et moulins tant les jours de fête
que de dimanche et même pendant les messes de paroisse et offices divins.
Etant entré dans le four et moulin dudit Jean-François Rambaud, j’ai vu que les moulins travaillaient,
ayant vu le dessus où l’on met le blé tout rempli de blé seigle, et les moulins faisaient farine, ayant vu
les pétrins remplis, et l’eau chaude sur le feu, ledit Rambaud a dit qu’il en faisait coutume et qu’il se
moquait des Royales Constitutions mais qu’il en subirait l’amende prévue par icelles. »
Les affaires « plus graves » (coups et blessures) seront portées devant le juge de l’évêché de
Maurienne. Il existe à Valloire, une très ancienne coutume appelée « Les Droits ». Ainsi, à l’occasion
du mariage d’une fille du pays et d’un garçon d’un autre pays (un coérin), le marié doit donner de
l’argent ou payer à boire aux garçons du village, pour en quelque sorte, compenser la perte d’une fille
du village pour les garçons de Valloire.
Antoine Bosserand, natif de Saint-Michel et habitant de Saint-Martin-d’Arc, a été battu pour avoir
refusé de payer les droits.
Le 24 août 1751, il se rend à Valloire chez Joseph Giraud, maréchal et cabaretier. Il y rencontre
Bertrand Donzel et Joseph Savoye, tous deux soldats au régiment de Tarentaise, et un autre nommé
Martin. Ledit Donzel a demandé à Antoine Bosserand s’il ne voulait pas leur donner un leu (de
l’argent) sous prétexte qu’il y a 4 ans, il a épousé une fille de Valloire appelée Marie-Madeleine
Martin, sans avoir rien donné aux garçons dudit lieu de Valloire. Celui-ci a répondu qu’il n’avait
aucun argent, Donzel lui répliqua qu’il n’avait qu’à répondre de la dépense qu’ils feraient chez Joseph
Giraud ou encore passer une promesse audit Giraud. Mais le cabaretier n’ayant pas voulu lui faire
crédit ni accepter de promesse, Donzel s’est approché de Bosserand et lui a d’abord appliqué un grand
coup de poing sur le visage qui l’a fait saigner par le nez et par la bouche, puis l’a saisi par les cheveux
en lui donnant différents coups de poing par la tête, outre différents coups d’un soufflet de fer sur les
épaules qui lui ont causé des meurtrissures, en lui disant que si dimanche prochain, il ne lui portait pas
un leu chez Giraud, on lui en ferait bien davantage.
Antoine Bosserand recourt au juge de l’évêché de convoquer Bertrand Donzel pour le condamner à
subir la peine qu’il mérite.
Le juge étant absent, c’est noble et spectable Claude François de Rapin, avocat au Sénat, lieutenant du
sieur juge de l’évêché de Maurienne et Terres Limitées, qui reçoit la plainte. Le procès a traîné en
longueur puisque les agresseurs n’ont été condamnés qu’en 1761.
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