Le dossier de candidature a été présenté par l`IREF et
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Le dossier de candidature a été présenté par l`IREF et
Document d’appui à la candidature de madame Lise Payette pour un doctorat honoris causa en études féministes Présenté par l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF) à la Faculté des sciences humaines de l’UQAM Responsable : Marie-Andrée Roy directrice Coresponsable : Lyne Kurtzman responsable du développement de la recherche Janvier 2009 La contribution exceptionnelle de Lise Payette à la transmission des savoirs féministes et à l’atteinte de l’égalité Résumé de la carrière et des contributions de Lise Payette 1. Récit de vie et principales réalisations .......................................... 4 1.1 L’enfance et les études ............................................................. 4 1.2 Vers une conscience aigüe de la condition des femmes ........................ 4 1.3 Principales réalisations .............................................................. 5 Lise Payette, la journaliste et animatrice ....................................... 6 Lise Payette au Conseil des ministres ............................................ 7 Hors du champ des caméras, Lise Payette, l’auteure .......................... 10 1.4 2. Prix reçus............................................................................... 11 Apport décisif à l’émergence et à la transmission de savoirs féministes.................................................................................... 12 2.1 La construction du Nous les femmes .............................................. 12 2.2 La force des symboles ............................................................... 12 2.3 Une recherche fondatrice ........................................................... 13 2.4 Une action politique et culturelle marquante pour les nouvelles générations d’étudiants et étudiantes ............................................ 14 3. Conclusion .................................................................................. 15 2 RÉSUMÉ DE LA CARRIÈRE ET DES CONTRIBUTIONS DE LISE PAYETTE De 1954 à 1975 : Une journaliste et animatrice exceptionnelle Journaliste et animatrice dans les médias écrits et électroniques ¾ Interdit aux hommes ¾ Place aux femmes et Studio 11 ¾ Appelez-moi Lise ¾ Châtelaine, La Patrie, Magazine Perspectives, Le Nouveau journal Faits saillants : Une journaliste engagée percutante. Un très grand succès. 10 000 entrevues, dont plusieurs centaines de grandes entrevues avec des personnalités de la scène internationale. 1975 : Celle qui déplace des montagnes… Présidente et organisatrice en chef de la Fête nationale des Québécois sur le Mont-Royal Faits saillants : 1 400 000 Québécois-es sur la montagne. Un record de participation à la Fête nationale. Des spectacles inscrits dans l’histoire politique et culturelle du Québec. Pas d’incidents majeurs. Les superlatifs fusent dans la presse francophone et anglophone. De 1976 à 1981 : Des gains pour les femmes et des réformes sociales majeures Ministre sous le gouvernement Lévesque ¾ Consommateurs, coopératives et institutions financières ¾ Condition féminine (première ministre dans cette fonction) et Conseil du statut de la femme ¾ Développement social Faits saillants : Création du Secrétariat à la Condition féminine et responsable de la première Politique québécoise en matière de condition féminine. Transformation en profondeur du Code civil au chapitre des droits des femmes dans la famille. Législations concernant les services de garde, les congés de maternité, les pensions alimentaires. Réforme radicale de la Loi de l’Assurance automobile et amendements à la Loi de la protection des consommateurs. De 1982 à 2003 : 20 ans d’écriture qui changent les mentalités Auteure de 6 téléromans, de séries dramatiques et de plusieurs documentaires ¾ Trilogie romanesque sur des femmes à différents âges de la vie : La bonne aventure (19821986), Des dames de cœur (1986-1989), Un signe de Feu (1989-1991) ¾ Premier téléroman quotidien, Marylin (1991-1994) ¾ Téléroman hebdomadaire Les Machos (1995-2001) ¾ Téléroman hebdomadaire Les Super mamies (2001-2003) ¾ Documentaires : L’histoire de l’émancipation des femmes; Le droit de vote a 50 ans ¾ Séries dramatiques : Montréal Ville ouverte; L’or et le papier; Les amours fanées Entre 1969 et 1999 : Publication de plusieurs livres, dont : ¾ Des femmes d’honneur - Une vie engagée; Des femmes d’honneur-Une vie publique; Des femmes d’honneur-Une vie privée, Libre Expression (ouvrage biographique en 3 tomes) ¾ Le pouvoir ? Connais pas, Québec-Amérique ¾ Recettes pour un homme libre, Éditions du jour Faits saillants : Un débat de société sur des enjeux importants concernant les rapports entre les sexes et les solidarités entre femmes. Transformation des représentations qu’ont les femmes d’elles-mêmes. Des personnages attachants qui ont influencé les choix de plusieurs générations. Jusqu’à 2 millions d’auditeurs et d’auditrices. De 2004 à ce jour : Toujours dans la mêlée Chroniqueuse pour des journaux quotidiens ¾ Journal de Montréal et Journal de Québec : 2004 à 2007 ¾ Le Devoir : depuis le 23 novembre 2007 3 Document d’appui à la candidature de Lise Payette 1. 4 Récit de vie et principales réalisations 1.1 L’enfance et les études Lise Payette est une de nos grandes Québécoises. Figure emblématique du mouvement féministe, elle a inspiré plusieurs générations de femmes par sa volonté de pratiquer un métier, par sa réussite publique et par son indépendance d’esprit. Née à Verdun le 29 août 1931, Lise Payette a vécu à plusieurs endroits au cours de sa jeunesse, notamment dans le quartier de Saint-Henri. Fille de Cécile Chartier et de Fernand Ouimet, chauffeur d’autobus, elle se prête facilement au récit de ses années de jeunesse, de la vie dans son quartier et de ses racines populaires, dont elle est fière. Au centre de cet attachement, il y a Marie-Louise, sa grand-mère maternelle bien-aimée, de qui elle tient les images fondamentales qui ont forgé son identité féministe et sociale démocrate. Diplômée de Lettres-Sciences du Pensionnat St-Angèle à Montréal en 1949, Lise Payette aimait l’école et y réussissait bien. Même si pour l’époque ce niveau de diplôme correspondait à une instruction à laquelle peu de filles des milieux ouvriers pouvaient aspirer, elle aurait voulu poursuivre plus loin ses études. Mais elle a dû, bien malgré elle, se rendre à la décision de son père, qui ne voyait pas l’importance d’investir financièrement dans des études supérieures pour ses filles. Dans le premier tome de son livre autobiographique, elle le cite : « il est temps que tu commences à travailler. Moi à dix-huit ans, ça faisait longtemps que je travaillais. Et puis tu vas te marier un jour. Ça servira à quoi, autant d’études, pour changer des couches? »1 La jeune femme a vécu dans l’humiliation cette décision irrévocable de son père, en cette période d’aprèsguerre. De là naît son attachement pour l’éducation des filles et sa volonté de réussir sa vie de femme moderne. 1.2 Vers une conscience aiguë de la condition des femmes Lise Ouimet (nom de fille) s’est mariée à l’âge de vingt ans en 19512 avec le journalisteanimateur André Payette avec qui elle a eu trois enfants, un garçon et deux filles : Daniel, Dominique et Sylvie. Ces derniers sont aujourd’hui respectivement avocat, journaliste et professeure en communication à l’Université Laval, et scénariste. Pour son plus grand bonheur, elle est aussi grand-mère de deux enfants. Les premières années de son mariage, déterminées par trois grossesses et par de fréquents déménagements reliés à la carrière naissante de son mari, ne sont pas faciles. La jeune Lise Payette réalise assez rapidement que la vie d’épouse et de mère de famille à temps plein ne lui convient pas et ne correspond pas à ses aspirations personnelles. C’est ainsi qu’elle décide, encore à l’aube de la vingtaine, de : « reprendre le contrôle de ma vie, de mon corps et de notre avenir, qui était déjà là. »3 Pourvue d’une bonne dose d’audace, de talent et de créativité, cette femme se construira par la suite une 1 2 3 Lise Payette 1997. Des femmes d’honneur. Une vie privée 1931-1968, page 103. Lise Payette se sépare définitivement d’André Payette en 1968. Laurent Bourguignon deviendra son compagnon par la suite jusqu’à sa mort en 2002. Lise Payette 1997. Des femmes d’honneur. Une vie privée 1931-1968, page 130. 4 Document d’appui à la candidature de Lise Payette 5 brillante carrière publique déclinée sur plusieurs registres, mais dont le fil d’Ariane est la communication et le changement social. Les années 1950 sont marquantes pour Lise Payette, la féministe. C’est à travers les événements de sa vie tant privée que professionnelle que se développera une conscience aiguë de la condition des femmes et une volonté de transformer les choses. Sensibilisée tôt à l’injustice, notamment par les enseignements de sa grand-mère maternelle MarieLouise, l’entrée dans le monde adulte va se charger de parfaire son éducation sociale. Maints épisodes de sa vie relatés dans sa propre biographie témoignent de cet aspect. Du courrier du cœur radiophonique quotidien à Trois-Rivières, où elle a travaillé pendant quelques mois, elle retient: 4 Ce fut la première fois que je pris à ce point conscience de la misère humaine, du drame des femmes battues, et de celui de l’inceste, ces péchés cachés, souvent avec la complicité des femmes. Elles se sentaient coupables d’en être les victimes et n’en parlaient pas. Je fus consternée par le nombre d’enfants dont on abusait sans que personne n’en parle. 1.3 Principales réalisations Lise Payette a aujourd’hui 77 ans. Sa carrière atypique et prolifique s’étend sur plus d’une cinquantaine d’années et compte un nombre impressionnant de réalisations et d’innovations dans plusieurs domaines, et à plusieurs niveaux. Madame Payette a été journaliste pour la presse écrite et radiophonique, animatrice et « grande intervieweuse » pour la radio et la télévision, auteure de téléromans à succès, de livres, de séries dramatiques et de documentaires chocs, et aussi productrice pour la télévision. Entrecoupés d’une période de quatre ans et demi en politique active, pour l’essentiel, les différents temps de sa carrière correspondent à des engagements dans le monde des communications. Depuis 2004, retraitée partiellement, elle collabore à des journaux comme chroniqueuse. Après avoir rédigé des chroniques bihebdomadaires pour le Journal de Québec et le Journal de Montréal, elle signe, tous les vendredis depuis le 23 novembre 2007, une chronique sociale dans le journal Le Devoir. Lise Payette a occupé également le rôle de présidente de manifestations d’envergure. Elle a été présidente d’honneur des Célébrations du 50e anniversaire du droit de vote des Québécoises en 1990 (Femmes en tête), et présidente de la Fête nationale des Québécois sur le Mont-Royal en 1975. À l’occasion de la Fête nationale de 1975, Lise Payette, au faîte de sa popularité, n’a pas été une présidente passive. Elle en a conçu et orchestré le déroulement du début jusqu’à la fin avec une équipe compétente choisie par elle. Grâce aux spectacles inoubliables présentés tout au cours de l’événement, la force de l’identité collective des Québécois et des Québécoises s’est faite sentir comme rarement dans l’histoire récente5 : une force joyeuse et inclusive répercutée tant dans la presse anglophone que francophone. Il y a eu 4 5 Lise Payette 1997. Des femmes d’honneur. Une vie privée 1931-1968, page 137. À l’occasion du spectacle d’ouverture, Gilles Vigneault proposa de remplacer le fameux Happy Birthday par Gens du Pays. Reprise par tout le public ce soir-là, la chanson devint notre hymne national et le chant solennel de l’anniversaire de naissance des Québécois-es. 5 Document d’appui à la candidature de Lise Payette 6 cette année-là une participation record à la Fête nationale : un million quatre-cent mille Québécois et Québécoises se sont rendus sur la montagne. Lise Payette, la journaliste et animatrice En 1954, Lise Payette fait ses débuts comme journaliste dans une station radiophonique de Trois-Rivières. Elle travaille par la suite à Rouyn-Noranda où elle est rédactrice à l’hebdomadaire la Frontière. Durant cette période abitibienne, elle anime également l’émission radiophonique La femme dans le monde et s’implique dans la campagne électorale de Thérèse Casgrain qui défendait des idées de tendance socialiste, et prônait l’allocation familiale pour les femmes. En 1959, elle part avec ses enfants rejoindre son mari à Paris, et s’organise pour se trouver du travail. C’est dans la capitale française qu’elle apprend en accéléré les fins rouages de son métier de journaliste, et qu’elle se donne une solide culture par le biais de rencontres et de grandes entrevues d’une heure avec tout ce que la capitale compte de célébrités : des personnalités du monde littéraire, scientifique, politique, artistique, du théâtre et du cinéma, etc.6 Lise Payette y faisait « son université » et était en voie de devenir la brillante communicatrice que l’on connaît. Voici ce qu’elle écrit sur l’importance qu’ont eue ces premières grandes entrevues sur son cheminement personnel :7 Ces entrevues allaient me nourrir sur le plan culturel longtemps après leur diffusion. J’allais absorber comme une éponge les témoignages de chacune des personnes rencontrées. J’emmagasinais des expériences incroyables en posant des questions et en écoutant les réponses. Je comparais sans cesse ce qu’on me racontait avec ce que je vivais moi-même. J’écoutais avec attention les confidences qu’on me faisait et qui n’auraient jamais été possibles sans la présence d’un micro. J’osais poser des questions que je n’aurais jamais posées même si j’avais fréquenté régulièrement mes invités pendant vingt ans. Justement parce que le temps de la rencontre était limité, il est des choses qu’on ne se raconte que devant un micro, comme si sa présence créait une sorte d’urgence de tout dire. Comme si le micro offrait la possibilité de vider de son jardin les secrets qu’on ne livrerait pas autrement. Lors de ce séjour « structurant » à l’étranger, (entre de 1959 à 1965), elle collabore depuis Paris au Petit Journal, à La Patrie, à La Presse, au Nouveau Journal, à la revue Châtelaine. Elle anime aussi pendant deux ans à Paris et un an à Montréal l’émission Interdit aux hommes diffusée à Radio-Canada et où se déroulent ses premières grandes entrevues. Entre 1965 et 1972, elle anime une série d’émissions aux réseaux français et anglais de Radio-Canada, nommons en particulier Place aux femmes et Studio 11. Dans le 6 7 Quelques-unes des personnalités interviewées dans ce cadre : Jean Rostand, Henry de Montherlant, François Mauriac, Simone Veil, Françoise Sagan, Hervé Bazin, Romain Gary, Louis Aragon et Elsa Triolet, Catherine Deneuve, Michèle Morgan, Jean-Paul Belmondo, Robert Hossein, Tino Rossi, Salvatore Dali, Alain Delon, Jean Marais, Gilbert Bécaud, Maria Casarès, Mireille Darc, Charles Trenet, Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault, Maurice Chevalier, etc. Lise Payette 1997. Des femmes d’honneur. Une vie privée 1931-1968, page 186. 6 Document d’appui à la candidature de Lise Payette 7 vocabulaire de Radio-Canada de l’époque, elle occupe « les heures bonnes femmes » à la radio, le matin … Place aux femmes, à l’antenne pendant 5 ans, a connu un grand succès. De 1972 à 1975, Lise Payette devient célèbre en animant le talk show quotidien Appelezmoi Lise, première émission de télévision à occuper la dernière heure de la soirée, (de vingt-trois heures à minuit) mais néanmoins suivie par des milliers de Québécois et de Québécoises. Ses entrevues, souvent mémorables8, ont révélé l’originalité de son point de vue et l’ampleur de ses préoccupations. Sa culture générale lui a permis de recevoir, dans une même émission, des personnalités aux intérêts les plus disparates. Le ton juste, adapté à l’humeur de ses invités-es, elle passait du célèbre réalisateur italien Sergio Leone, à Manda Parent, comédienne de vaudeville, au cardinal Léger, en passant par l’écrivain Georges Simenon avec un égal plaisir et un égal désir de connaître et de faire partager son goût de la découverte. L’animatrice a réalisé durant ces années fastes une quantité innombrable d’entrevues, à tel point que les chiffrer s’avère une entreprise risquée. D’après son propre estimé,9 avant Appelez-moi Lise, elle avait à son crédit quelque 8 000 entrevues dont plusieurs centaines de Grandes entrevues avec les grands noms du XXe siècle. Pour Appelez-moi Lise, à l’antenne tous les jours pendant trois ans, elle en a probablement réalisées près d’un millier devant public en studio, auxquelles s’ajoutent 50 Grandes entrevues enregistrées à Paris10 . Si on compte aussi les 60 Tête-à-tête pour le diffuseur TVA qui se sont déroulés après son séjour en politique,11notre calcul pourrait bien atteindre le chiffre impressionnant de: 10 000 entrevues! Lise Payette au Conseil des ministres Lise Payette est élue députée du Parti Québécois dans le comté de Dorion en 1976, et devient ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières dans le cabinet de Lévesque le 26 novembre 1976 (1976-1979). D’autres nominations suivent jusqu’à l’élection de 1981: ministre responsable du Conseil du statut de la femme (1976-1981), ministre d’État à la Condition féminine (1979-1981) et ministre d’État au Développement social (1981). Lise Payette « la » ministre, et non « le » ministre, comme elle tenait à se présenter, n’a pas chômé jusqu’à son départ de la scène parlementaire. Des réformes législatives audacieuses pour une société plus juste et égalitaire C’est à Lise Payette que René Lévesque confie la responsabilité de piloter la réforme de l’Assurance automobile, une tâche titanesque pour quiconque arrive en politique. Seul son engagement déterminé auprès des gens de Tricofil quelques années auparavant pouvait laisser présager un possible lien avec cet univers. Pourtant, elle saisit le bâton du pèlerin et réussit à mener à bien le dossier malgré l’opposition féroce de la majorité des avocats et des géants de la finance qui retiraient des honoraires importants des litiges sur les accidents automobiles. C’est la fin de l’endettement massif des conducteurs-trices 8 9 10 11 Des entrevues enregistrées pour Appelez-moi Lise : Georges Simenon, Georges Brassens, Juliette Gréco, Jacques Brel, Yul Bryner, Michel Piccoli, Louis de Funès, Sergio Leone, Ludmilla Tcherina, Mélina Mercouri, Céline Dion, Dominique Michel, Ginette Reno, Joël Denis, Michel Tremblay, Denise Pelletier, Gilles Latulippe, Guy Lafleur, Henri Charrière, dit Papillon, et des centaines d’autres. Lise Payette 1998. Des femmes d’honneur. Une vie publique 1968-1976, page 50. Lise Payette 1998. Des femmes d’honneur. Une vie publique 1968-1976, page 127. Curriculum vitae, page 11. 7 Document d’appui à la candidature de Lise Payette 8 automobiles impliqués dans un accident avec blessures corporelles et des procédures légales interminables pour que les victimes obtiennent un dédommagement équitable. En quatre ans, elle y ajoute la réforme de la Loi de la Protection du consommateur, la création du Secrétariat à la Condition féminine, et la première politique d’ensemble sur la condition féminine Pour les Québécoises : Égalité et indépendance. Elle collabore activement à la réforme du Livre 2 sur la famille du Code civil en ce qui a trait à la reconnaissance de l’égalité des conjoints et elle y défend des changements majeurs en matière de divorce, de filiation et de pensions alimentaires. Désormais, les femmes et les hommes assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille, les femmes ont les mêmes droits, mais aussi les mêmes obligations que les hommes, et ne sont plus soumises à la « puissance maritale », entendue dans le sens de puissance du mari. Son rôle s’étend aux travaux de la réforme de la Loi du travail relativement à l’implantation des congés de maternité et au droit de retrait préventif de la travailleuse enceinte.12 Préoccupée par les conditions de vie particulières des femmes de tous milieux, elle défend un amendement à la politique des Prêts-bourses autorisant une augmentation de la bourse pour les femmes cheffes de familles monoparentales, et fait aboutir le dossier de la reconnaissance du statut de travailleuse des femmes collaboratrices de leur mari. De plus, au cours de cette période, la militante péquiste préside avec un succès inégalé la campagne de financement du Parti québécois dont le résultat est de 4 millions de dollars. Un travail pionnier pour changer la culture politique Il importe de s’attarder aux réalisations de la ministre Payette en ce qui concerne la condition des femmes et aux défis qu’elle a dû relever pour convaincre ceux, au sein même de l’équipe ministérielle, qui semblaient hostiles à la social-démocratie et à l’avancement de l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est en 1979, que le Premier ministre crée, selon son souhait, et pour la première fois, un poste de ministre d’État à la Condition féminine, rôle qu'elle sera la première à exercer dans l’histoire politique québécoise. Cette nomination comme ministre d’État va l’amener à revendiquer un siège au Comité des priorités et lui donner des munitions importantes pour effectuer les réformes nécessaires à l’évolution des droits des femmes et à l’amélioration de leurs conditions de vie. Comme ministre responsable du Conseil du statut de la femme, elle devait répondre d’attentes énormes de la part du mouvement des femmes. Dans ses mémoires, Lise Payette se souvient de ce moment décisif partagé avec René Lévesque :13 « Ministre d’État », je ferais automatiquement partie du Comité des priorités et c’était un gain incroyable pour les femmes en général que d’y être représentées. Je ne céderais pas d’un pouce. Je tins mon bout et j’eus gain de cause. Lévesque s’est mis à rire et a lancé : vous apprenez vite en 12 13 Ce droit garantissait aux femmes un retour prioritaire et absolu à leur poste après un accouchement. Lise Payette 1998. Des femmes d’honneur. Une vie publique 1968-1976, page 71. 8 Document d’appui à la candidature de Lise Payette 9 tout cas. (…) Je savais que je venais de porter le dossier de la condition féminine dans la plus haute sphère de décision qui soit. Cette nomination au Comité des priorités et l’adoption de la première Politique en matière de condition féminine entraîneront des retombées majeures. Des bureaux de la condition féminine dans les différents ministères seront mis sur pied. Du personnel sera embauché pour soutenir la ministre et son équipe. Des priorités concernant les femmes seront mises de l’avant. Des efforts nombreux seront consacrés pour amener les ministères à rendre des comptes sur leur politique d’embauche et leur programme législatif. Dans le cadre des travaux sur la réforme du Code civil, le réseau des femmes mis sur pied par madame Payette a pris les choses en main, ce qui lui a permis d’obtenir les amendements favorables aux femmes et d’exiger du législateur qu’il aille beaucoup plus loin que prévu.14 Sans qu’il soit toujours couronné de succès, un véritable travail pionnier pour changer la culture politique se déroulait dans les officines de la machine d’État, notamment au moment des nominations à des postes importants : Quand mes collègues présentaient des nominations et qu’il n’y avait aucune femme dans le lot, il (René Lévesque, en appui à Lise Payette) leur demandait de retourner faire leur devoir. C’était un vrai travail de bénédictin que de surveiller toutes ces nominations, une tâche ingrate que d’avoir à insister semaine après semaine pour que chaque ministre se donne la peine de trouver des femmes de qualité susceptible de remplir des fonctions importantes. 15 Pour augmenter la représentation féminine au sein de l’équipe ministérielle, qui ne comptait que trois femmes, dont elle16, Lise Payette avait le souci d’embaucher des femmes susceptibles de se présenter comme candidates de prochaines élections17 et qui, à ses yeux, pouvaient occuper éventuellement des fonctions de ministre. Soulignons le malheureux épisode des Yvettes qui n’est pas sans avoir de liens avec son départ de la politique. Lise Payette, en pleine période référendaire, commet une bourde qu’elle admet elle-même et pour laquelle elle présente des excuses publiquement à l’Assemblée nationale : elle a comparé Madeleine Ryan, l’épouse du chef de l’opposition Claude Ryan, au modèle de la petite Yvette docile dont elle venait d’apprendre l’existence dans un manuel scolaire encore en circulation en 198018. Lise Payette sera bouleversée par cette affaire qui a pris une ampleur démesurée. Un ralliement fédéraliste des « Yvettes » rassemble des féministes déclarées, comme Thérèse Casgrain, Monique Bégin et Solange Chaput-Rolland, qui endossent l’étiquette d’ « Yvettes ». Sorti de son contexte de partisannerie politique, cet événement peut être interprété, du point 14 15 16 17 18 Lise Payette 1998. Des femmes d’honneur. Une vie publique 1968-1976, page 74. Lise Payette 1998. Des femmes d’honneur. Une vie publique 1968-1976, page 61. Outre Lise Payette, Denise Leblanc-Bantey et Jocelyne Ouellet occupaient des fonctions de ministre. Pauline Marois a été cheffe de son cabinet au ministère de la Condition féminine. Dans le manuel scolaire en question: Guy y apparaît comme un champion du Canadien en devenir et Yvette comme une petite fille n’ayant d’instinct que pour les tâches ménagères. 9 Document d’appui à la candidature de Lise Payette 10 de vue de l’analyse féministe, à la lumière des perspectives contradictoires du féminisme de l’égalité et du féminisme de la différence. Le séjour de Lise Payette en politique se termine avec les élections de 1981. Ses réalisations y sont nombreuses et importantes soit parce qu’elles provoquent des réformes sociales démocrates audacieuses, soit parce qu’elles permettent d’accélérer l’évolution des droits des femmes dans les domaines de la famille, du travail et de l’éducation. Elles sont importantes aussi parce qu’elles s’inscrivent dans la durée. Outre le fait qu’elle ait contribué à l’entrée de femmes en politique, elle a laissé derrière elle des structures étatiques qui forcent le gouvernement à se commettre en matière de condition des femmes et d’égalité. À ce titre, on retient d’elle qu’elle a tracé la voie du féminisme d’état au Québec. On retient d’elle également qu’elle a mené avec pugnacité la réforme de l’Assurance automobile qui figure, avec la Loi 101 de Camille Laurin, au palmarès des gestes législatifs les appréciés des Québécois et Québécoises. Hors du champ des caméras, Lise Payette, l’auteure Lorsqu’elle quitte l’arène politique en 1981, Lise Payette se lance dans une nouvelle carrière d’auteure. Ce changement de cap va lui permettre de poursuivre « autrement » ses engagements sociaux et d’aborder la condition des femmes par l’intermédiaire des subjectivités de ses personnages de téléromans. Lise Payette n’est plus devant les feux des caméras, mais elle continue de rejoindre de vastes auditoires. Jusqu’à deux millions d’auditrices et d’auditeurs suivront chaque semaine pendant une heure ses feuilletons à la télévision. Les téléromans À partir de 1982 et ce sans relâche jusqu’en 2003, les énergies créatrices de madame Payette seront mobilisées par ses personnages de fiction et les liens stimulants qu’elle noue avec les comédiennes et comédiens qui les incarnent. Ses téléromans La Bonne aventure, Des dames de cœur, Un signe de feu, Marylin, Les Machos et Les Super mamies abordent la question de l’évolution des femmes aux différents âges de la vie. On y côtoie des femmes dans la trentaine (La bonne aventure), dans la cinquantaine (Des dames de cœur), dans la quarantaine et la soixantaine (Un signe de feu), et bien sûr des femmes à l’âge d’être grand-mère dans son dernier téléroman Les Super mamies. Les femmes décrites ne sont pas des femmes parfaites, mais des femmes en mouvement auxquelles il était facile de s’identifier. « … des femmes heureuses ou malheureuses, au bord de l’amour ou du divorce, des femmes parfois abandonnées et qui s’accrochaient à la vie. Des femmes courageuses, parfois mesquines, parfois généreuses, des femmes ordinaires et attachantes ».19 Lise Payette n’a pas voulu montrer l’exemple de vies familiales et professionnelles « parfaitement réussies », elle a plutôt choisi, en puisant dans son propre parcours, de montrer des femmes, à différents âges de la vie, aux prises avec les déchirements et les contradictions inévitables liés au rythme des profondes transformations dans les rapports entre les sexes au cours des dernières décennies. Tout le monde se souvient de l’attrait qu’exerçait sur les femmes dans la trentaine un JeanPaul Belleau, ce macho et séducteur impénitent qui est devenu un des personnages mythiques de notre télévision. 19 Lise Payette 1998. Des femmes d’honneur. Une vie publique 1968-1976, page 108. 10 Document d’appui à la candidature de Lise Payette 11 Vingt ans d’écriture sans interruption offrent un tableau quantitatif digne de mention. Les 6 téléromans se déclinent en près de 950 épisodes : 505 épisodes de 60 minutes et 444 épisodes de 30 minutes. Marilyn, dont elle termine l’écriture en 1993 avec le 444e épisode, est la première émission dramatique quotidienne à Radio-Canada. Les téléromans ont connu une très grande popularité. Ils ont entraîné un débat de société sur des enjeux importants concernant les rapports entre les sexes et les solidarités entre femmes. Ils ont contribué à la transformation des représentations qu’ont les femmes d’elles-mêmes et les ont amenées à réfléchir sur les différentes manières de s’affirmer et de conquérir leur autonomie. Par sa connaissance fine des enjeux et défis de l’égalité, par la précision de son observation psychologique, l’auteure a réussi à nous donner une saisie exceptionnelle des rapports de sexe et de l’âme québécoise de la fin du XXe siècle. Les documentaires Les téléromans de madame Payette sont des réalisations connues. On connaît peut-être moins ses documentaires bien que certains ont suscité des controverses. A titre d’auteure, elle a à son actif plusieurs séries documentaires sur des enjeux variés concernant la nation québécoise, l’environnement, la condition des femmes, le droit de vote, etc. En 1992, elle a créé sa propre maison de production du nom de Point de mire, en mémoire de René Lévesque. Sa série sur les femmes traite des transformations mondiales au cours des derniers siècles dans les domaines de l’éducation, de la santé, du travail, et montre en particulier comment les pouvoirs religieux se sont acharnés sur les femmes à travers les âges. La série diffusée aux réseaux canadiens anglais et français a été vendue dans 54 pays du monde. 1.4 Les prix reçus Un certain nombre de prix soulignent les réalisations de Lise Payette. Elle reçoit le Prix Marie-Victoire-Félix-Dumouchel, qui récompense l'engagement patriotique d'une femme envers le Québec, lors du Gala des patriotes en mai 2008. Elle reçoit, en octobre 2003, le Prix Réalisations 2003, décerné par le Réseau des femmes d'affaires du Québec. Elle est récipiendaire du prix Florence Bird, décerné par le Centre international des droits de la personne et du développement en 1997, et du grand prix de l'Académie canadienne du cinéma et de la télévision en 1998. Elle est choisie femme de l'année en 1994 par la Canadian Woman in Communications et reçoit en septembre 2000, la Médaille d'or du Mouvement national des Québécois. En 1998, elle reçoit un Gémeau spécial pour l’ensemble de sa carrière. 11 Document d’appui à la candidature de Lise Payette 2. 12 Apport décisif à l’émergence et à la transmission des savoirs féministes La contribution de Lise Payette à l’émergence et à la transmission des idées et des savoirs féministes est manifeste. Cette contribution se vérifie en premier par l’énonciation publique de son féminisme naissant dès le début de sa carrière. Interdit aux hommes, Place aux femmes, Studio 11 et plus tard Appelez-moi Lise ont été de puissants véhicules des paroles, des idées et des analyses qui mettaient au jour les problèmes rencontrés par les femmes et les obstacles qui se dressaient sur leur chemin pour parvenir à une pleine égalité avec les hommes. 2.1 La construction du « Nous les femmes » À Place aux femmes par exemple (1965-1970), elle a su dire « Nous les femmes », les femmes aux prises avec toutes sortes de problèmes, tels que le manque de garderies, les obstacles aux études supérieures, l’exclusion des postes importants dans le monde du travail, la violence conjugale, la maternité non désirée, etc. Avec panache, et le plus souvent avec humour, elle abordait des problèmes partagés à travers le pays, tout en haussant le niveau de conscience des Québécoises vers la conquête de leur autonomie et, par là, influencer leurs choix quotidiens. Les témoignages à cet effet sont légion. Qu’il nous suffise de mentionner celui de cette auditrice : Vous m’aviez tellement choquée pendant votre émission dans le temps. Mais par la suite, quand j’ai eu des difficultés dans mon ménage et que j’ai été obligée de me séparer, j’ai compris ce que vous vouliez dire, et puis ça m’a aidée.20 Aujourd’hui Place aux femmes, diffusé à la radio au beau milieu des années soixante est reconnu comme le premier magazine féministe de RadioCanada. 2.2 La force des symboles Appelez-moi Lise également a été un lieu important de diffusion des idées et des prises de positions féministes de son animatrice. Il lui arrivait fréquemment de dénoncer de sa façon rieuse, et par la force des symboles, les stéréotypes sexuels et les rôles sexuels contraignants pour les femmes. Mentionnons par exemple cette douce revanche pour les femmes qu’a été le Concours du Plus Bel Homme dans les années 1970. On a vu dans le cadre de cet événement annuel des dizaines de cohortes de mâles québécois défiler devant le petit écran pour y faire valoir, bien pudiquement du reste, leurs atouts physiques. Ce concours a mis dans l’embarras plusieurs hommes publics, dont Jean Lesage et Pierre-Élliott Trudeau qui ont refusé de venir chercher leur prix. On peut penser que l’inversion subite des rôles a contribué à élever le niveau de conscience des Québécois et des Québécoises face à la réalité de la « femme objet » et au ridicule des concours de beauté pour femmes qui fleurissaient à travers le monde. Dans la même veine, l’animatrice, grande amatrice de hockey, s’est payée la fête d’endosser l’uniforme du gardien de buts Ken Dryden devant le filet des Canadiens pour illustrer sa désapprobation devant le fait que cette discipline sportive appartienne en exclusivité aux hommes. 20 Rencontre avec Lise Payette le 16 décembre 2008. 12 Document d’appui à la candidature de Lise Payette 13 Outillée d’un pragmatisme à tout crin, d’une grande capacité d’observation et d’analyse ainsi que d’une bonne dose d’intuition, Lise Payette, a contribué à faire émerger une somme de connaissances relatives aux femmes, à leur vécu particulier et aux rapports qu’elles entretiennent avec les hommes et la société en général, réussissant du coup à déconstruire les savoirs dits objectifs et les pratiques sexistes dans notre société. Les cotes d’écoute élevées de ses téléromans doivent s’interpréter à la lumière de cette contribution. Comment en effet interpréter ses succès d’écoute autrement que par le fait qu’ils signifiaient que d’autres femmes ailleurs pensaient comme elle, faisaient les mêmes constats, cherchaient les façons de le dire et de s’affirmer. Il y a un trait singulier chez Lise Payette qui lui confère une grande efficacité « pédagogique ». Il consiste à faire appel à feu Marie-Louise, sa grand-mère bien-aimée, pour faire passer un message, transmettre un enseignement. Sur le sujet des positions de l’Église face à la contraception et à l’avortement par exemple, l’esprit de Marie-Louise intervient dans le discours de Lise Payette pour mettre des choses au clair: « si Dieu existe, je règlerai mes affaires avec lui, dans l’au-delà. »21 On comprend que sa grandmère avait cessé de pratiquer lorsqu’elle s’était vue refuser l’absolution parce qu’elle « empêchait la famille ». D’autres circonstances nécessitent le recours à Marie-Louise, par exemple lorsqu’il faut réagir à des attitudes méprisantes ou irresponsables, à des moments pénibles de la vie familiale, sociale ou politique, ou encore lorsqu’il s’agit de faire face à des défis exigeants. Dans ces cas, le discours de Lise Payette s’orne de dictons tout droit sortis de l’imagination de grand-mère. Retenons celui-ci pour son éloquence : « C’est pas plus difficile de vivre debout que de vivre à genoux! »22 2.3 Une recherche fondatrice Sur un autre registre, il importe de situer le rôle de Lise Payette dans la préparation de la première Politique d’ensemble en matière de condition féminine, Pour les Québécoises : Égalité et indépendance adoptée en 1978. Quand Lise Payette se fait élire en politique en 1976, le mouvement des femmes québécois est en pleine effervescence de même que ses ramifications dans le monde académique. Les passerelles sont nombreuses entre les différents lieux où les femmes exercent leur militance féministe. La parole des femmes, leurs expériences et problèmes particuliers de même que leurs théories explicatives franchissent le mur des savoirs universitaires constitués. La recherche sur/avec les femmes menée par des femmes scientifiques prend son envol23. Alors ministre responsable du Conseil du statut de la femme, Lise Payette défend l’importance de définir une politique d’ensemble sur la condition féminine et d’entreprendre une recherche et une large consultation des milieux féministes. Ainsi autorise-t-elle la mise sur pied d’une équipe scientifique pour mener à bien l’entreprise.24 Il en résultera en 1978 la Politique d’ensemble sur la condition féminine, une référence de fond pour les études féministes, qui garde beaucoup de sa pertinence encore aujourd’hui. Le 21 22 23 24 Lise Payette 1997. Des femmes d’honneur. Une vie privée 1931-1968, page 72. Lise Payette 1998. Des femmes d’honneur. Une vie publique 1968-1976, page 261. À l’UQAM en particulier, le Groupe interdisciplinaire pour l’enseignement et la recherche sur les femmes (GIERF) vient de voir le jour et coordonne la création des premiers cours sur la condition des femmes dans différentes disciplines : sociologie, science politique, économie, linguistique, histoire, psychologie, sexologie, etc. Évelyne Tardy, professeure en science politique à l’UQAM, était chargée de coordonner l’équipe scientifique. 13 Document d’appui à la candidature de Lise Payette 14 document, étoffé et rigoureux, a eu un effet déterminant tant sur l’évolution du mouvement des femmes du Québec que sur les citoyens et citoyennes. 2.4 Une action politique et culturelle importante pour les nouvelles générations d’étudiantes et d’étudiants L’action concrète de Lise Payette dans les champs de la politique et de la culture est importante non seulement pour les générations précédentes qu’elle a aidées à prendre le virage féministe, mais également pour les jeunes d’aujourd’hui qui la connaissent à travers ses téléromans, qui ont sans doute influencé leurs choix. Ces jeunes peuvent suivre les traces de sa contribution par le biais de divers documents d’archives écrites ou audiovisuelles. Elle leur lègue un ensemble de matériaux originaux et utiles pour comprendre comment les femmes des générations antérieures ont formulé et géré leurs révoltes, comment elles ont travaillé à conquérir leurs droits et à les traduire dans la réalité, et comment cette tâche, qui reste à compléter, ne fut pas une entreprise facile tant sur le plan personnel que collectif. L’importance de la transmission orale est un thème cher à madame Payette, comme on l’a vu précédemment. Transmission des valeurs, mais aussi des savoirs accumulés au cours de l’existence. « Il faut raconter à nos petites filles, dit-elle, le chemin que nous avons parcouru en politique. Cet héritage collectif mérite qu’on le valorise et le conserve. » 25 Pour Lise Payette, s’il est important de savoir d’où l’on vient, c’est pour mieux rebondir et poursuivre son chemin personnel. S’il est vrai que pour bien des jeunes, les acquis pourtant chèrement gagnés par leurs aînées vont de soi, la contribution de Lise Payette leur enseigne a contrario que le changement social s’obtient par divers moyens certes, mais toujours par suite d’efforts, de luttes, de détermination, d’audace ou d’actions courageuses. Sans prétendre que sa pensée féministe a traversé « le mur des générations », des jeunes étudient à l’université sa Loi sur l’Assurance automobile, analysent sa production écrite et visuelle, débattent de ses idées et stratégies. Des étudiants-es en sciences de l’éducation qui projettent d’enseigner en milieu défavorisé lisent sa biographie où elle décrit longuement sa vie et celle des gens qui habitent le quartier de Saint-Henri, duquel elle a conservé une fierté et de précieux souvenirs; des étudiantes en études féministes analysent sa contribution à l’évolution des droits pour les femmes et à l’évolution des mentalités ou se penchent sur la complexité des enjeux soulevés par ses prises de position et ses interventions controversées. Et la liste pourrait s’allonger du côté des communications, des sciences juridiques, de la sociologie, de la science politique, du journalisme… 25 Lise Payette 1998. Des femmes d’honneur. Une vie publique 1968-1976, page 176. 14 Document d’appui à la candidature de Lise Payette 3. 15 Conclusion Lise Payette a réussi, par la mise en place d’un nombre important de mesures, à améliorer la condition des Québécoises et à transformer les rapports entre les hommes et les femmes. Elle a aussi contribué d’une manière significative à l’édification du « modèle québécois » par les grands changements qu’elle a impulsés en politique et qui ont changé positivement la vie de tous les Québécois et Québécoises. Ce fut pendant longtemps une femme « politique » dans son sens le plus large, celui des transformations sociales, des changements et des nouveaux équilibres. Sa vaste contribution dans les médias, dont elle a utilisé tous les registres, constitue une œuvre d’éducation permanente qui a transformé les mentalités et qui demeure une référence pour vivre la justice sociale et l’égalité entre les sexes. Aujourd’hui, à 77 ans, elle poursuit son travail d’éducation et de défense des causes auxquelles elle croit toujours, comme chroniqueuse dans les journaux26. Elle suit de son mieux le travail que les femmes et les élus accomplissent en politique. Elle n’est pas tendre à l’endroit de la télévision québécoise, qu’elle accuse de sombrer trop souvent dans la facilité. Elle s’intéresse toujours à la vie syndicale, à la question nationale de même qu’aux grands enjeux de survie de la planète. C’est au regard de l’ensemble de sa contribution exceptionnelle que le Conseil de l’Institut de recherches et d’études féministes a voté à l’unanimité une proposition pour que l’UQAM accorde à madame Payette un doctorat honoris causa. 26 Quelques titres de chroniques dans Le Devoir : Qui sème le vent récolte la tempête; Les femmes et le pouvoir politique; Que les snobs se lèvent; En mon âme et conscience; La dangereuse folie du pouvoir; Des citoyens au bord de l’écœurement; Un vent de droite souffle sur le Québec… 15 Document d’appui à la candidature de Lise Payette 16 Sources Livres Darsigny Maryse, Descarries Francine, Kurtzman, Lyne, Tardy Éveline (1994). Ces femmes qui ont bâti Montréal. La petite et la grande histoire des femmes qui ont marqué la vie de Montréal, Montréal, Les éditions du remue-ménage, 627 pages. Dumont Micheline, Toupin Louise (2003). La pensée féministe au Québec. Anthologie 1900-1985, Montréal, Les éditions du remue-ménage, 750 pages. Payette Lise (1997). Des femmes d’honneur. Une vie privée 1931-1968, Montréal, Éditions Libre Expression, 277 pages. Payette Lise (1998). Des femmes d’honneur. Une vie publique 1968-1976, Montréal, Éditions Libre Expression, 271 pages. Payette Lise (1999). Des femmes d’honneur. Une vie engagée 1976-2000, Montréal, Éditions Libre Expression, 221 pages. Article Robinson Ann. « Évolution des droits des Québécoises et parcours d’une militante », texte publié dans la revue Arcade (numéro 60, printemps 2004) mis en ligne sur Sisyphe le 28 décembre 2005. http://sisyphe.org/spip.php?article2190 Sites internet Archives de Radio-Canada Archives de l’Assemblée nationale du Québec Gouvernement du Québec Journal Le Devoir Wikipedia Rencontres réalisées dans le cadre de la rédaction de ce document Lise Payette, 16 décembre 2008 Léa Cousineau, 10 décembre 2008 (Attachée politique de Lise Payette et responsable du dossier de la Condition féminine de 1977 à 1979). Recherche et rédaction Lyne Kurtzman, responsable du développement de la recherche, IREF. 16