L`Adolescent - Cinéma Public
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L`Adolescent - Cinéma Public
Fe s t i v a l i n t e r n a t i o n a l d e c i n é m a j e u n e s p u b l i c s e n V a l - d e - M a r n e Compétition internationale de longs métrages L’Adolescent 13 TIR Yolkin Tuychiev Né en 1977 à Tachkent en Ouzbékistan, Yolkin Tuychiev étudie la mise en scène télévisée à L'Institut des Arts de Tachkent. De 2000 à 2002, il suit des cours de scénariste et de metteur en scène à Moscou. En 2003, il tourne son premier long métrage, La Tulipe sur la neige, en collaboration avec Chakhibiddinov. En 2004, il réalise son second long métrage, L'Adolescent, avec le soutien de l'Agence Nationale « Uzbekkino ». La Source est en cours de réalisation. A PA R Ouzbékistan / 2004 / 1h10 / 35 mm / couleur / VOSTF DE (Orzu Ortida) Le film relate le quotidien solitaire et répétitif d’un jeune garçon de douze ans en quête d’identité au sein de sa famille composée uniquement de femmes. Las de leurs incessantes disputes, le jeune garçon, solitaire et doux rebelle, décide de partir afin de trouver le bonheur. ▼Point de vue Réalisation et Scénario Yolkin Tuychiev Directeur photo Abduvahid Ganiev Musique Anvar Ergashev Interprètes Zulhumor Muminova, Roustam Muradov, Chafoat Rahmatullaeva, Nigora Karimbaeva, Umida Narbaeva… Production Uzbekkino National Cinema Agency ▼Pistes pédagogiques Association Cinéma Public - Festival Ciné Junior - www.cinejunior94.org - [email protected] - 33 (0)1 42 26 02 06 Compétition internationale de longs métrages L’Adolescent Point de vue écrit par Nadia Méflah Pistes pédagogiques écrites par Nadia Méflah L’enfant qui ne parlait pas Récit ancré au plus près du jeune Akhmedov, un adolescent de douze ans, le film épouse le rythme des jours qui s’égrènent, tous immuables et identiques : entre l’école et la maison, entre l’arrêt de bus et l’arrière cour d’une boucherie où il est sommé de travailler. Par touches sensibles, le cinéaste enregistre ce temps fragile de l’adolescence où le jeune garçon est pris entre le refus de suivre la loi du groupe et le sourd désir de se trouver un père. Quitte à se mentir et faire semblant que… Que tout va bien dans sa famille où il est le seul représentant masculin, faire semblant que sa mère est heureuse, faire semblant de croire qu’un jour cela va changer… Alors il s’invente des pères de passage, dans les rues, pour quelques minutes de bonheur volé, et chaque soir, il ne raterait pour rien au monde son rendez-vous, secret et solitaire, avec les autres fenêtres. Une fiction vaut mieux que pas d’histoires du tout semble nous dire en filigrane ce récit du passage et de la rupture, du renoncement et de la continuité. Rupture lorsqu‘il refuse de répondre à l’institution scolaire quant à ses manquements, refus envers sa mère lorsqu’il s’acharne à se retrouver un père qui n’existe plus, renoncement lorsqu’il décide de ne pas suivre ses camarades lors du larcin. Comment être de ce monde lorsque celui-ci vacille ? Par son regard et son mutisme, par son retrait, Akhmedov exprime toute sa difficulté et en même temps son désir d’accès à sa propre émancipation. Son regard structure la narration. Il se trouve souvent à sa fenêtre pour observer d’autres fenêtres, autant d’échappées belles sur des fragments d’histoires à imaginer. Akhmedov lorsqu’il regarde est tout regard, contrairement à sa mère et ses tantes qui deviennent des corps avachis et illuminés devant le poste de télévision. Lorsque Akhmedov acceptera de ne plus rechercher un père, même factice, il sera à même à son tour de prendre en charge une vie nouvelle. La boucle est bouclée avec la naissance de son neveu, un autre bébé sans père ; où ce qui se confirme, non sans trouble, est une société matriarcale, un gynécée où les garçons materneront à leur tour les autres enfants. Une énigme peut en cacher une autre Par une fenêtre entr’ouverte, le premier plan du film nous introduit dans une salle de classe. Sous le feuillage vert surplombant un bâtiment blanchâtre, un cadre ouvert. Classique entrée en fiction, nous sommes ainsi conviés à pénétrer dans un univers clos et qui pourtant n’attend que nous pour éclore. Par ce cadre redoublé – du cinéma sur une fenêtre ouverte, nous sommes avertis que nous entrons dans une histoire déjà cadrée, et nous verrons par la suite qu’elle est encadrée et comme repliée sur elle-même. Les personnages ne peuvent échapper à leur cadre de vie, à leur milieu, à leur histoire. Parce qu’il refuse de s’exprimer comme la loi du groupe l’exige, seul Akhmedov semble pouvoir échapper au cadre. Or, nous avons raté quelque chose, l’irréparable a été commis hors de notre logique du désir, hors de notre pulsion scopique. Quelque chose est arrivée dans cette classe de collégiens. Le bruit qu’émet l’enseignante avec sa bouche, ce hoquet de pudeur et de choc, nous laisse augurer milles scénarios. Elle interrompt le cours et quitte la salle. Immédiatement les élèves transforment la classe en tribunal et, à l’unanimité, condamnent Akhmedov pour son irrespect absolu envers leur maîtresse. Exclu, il sort sans répondre. Et nous n’en saurons pas plus. Que fait-il immédiatement après ? Un plan nous le montre tentant de décrocher une chaussure de tennis accrochée à une branche d’arbre. Serait-ce ça son forfait ? Rien ne l’atteste, alors même que nous le voyons correctement chaussé. • Tentez de deviner ce qui a pu se produire • Pourquoi selon vous l’enfant refuse de répondre ? Que ce soit avec ses camarades, devant le directeur et même avec sa mère? Association Cinéma Public - Festival Ciné Junior - www.cinejunior94.org - [email protected] - 33 (0)1 42 26 02 06 Compétition internationale de longs métrages L’Adolescent • Qu’est-ce qui est en jeu ? Et s’il répondait, que se passerait-il pour lui même et dans ses rapports avec les autres ? • Relever les différents plans sur des scènes filmées en plongé (le premier plan sur des feuillages, celui de la chaussure sur la branche, avec les camarades avant le larcin etc.) Qu’est-ce que ce choix, affirmé et répétitif, traduit selon vous de la part du cinéaste ? Quel regard construit-il ? Cette première faute, restée sans réponse ni excuse de sa part, peut être mise en relation avec une autre scène, plus intimiste et filmée dans un espace forclos. Lorsqu’il ramène à la maison un homme, un militaire haut gradé, le secret de sa naissance s’effondre alors que celui de sa sœur se révèle : ils n’ont pas le même père. Confinés dans ce hall étroit où toutes les issues sont bouchées, la mère, le fils et le père. Silence. Peu de paroles, des plans fixes sur des visages mutiques. La mère ne dira rien sur ça (ce secret de la filiation) à son fils si ce n’est de le gifler, comme si le silence était ce qui se transmettait de mieux au sein de cette famille. Sa propre fille aînée n’aura cesse de le lui dire, préférant à ce silence fracassant se murer dans sa musique pop, écouteurs vissés à ses oreilles. Un récit au féminin ? A l’image de son jeune héros qui ne parle pas, le cinéaste utilise avec efficacité le langage du cinéma (cadre, point de vue, découpage, montage et bande sonore) pour décrire la psychologie des personnages et, souvent, sans paroles. L’adolescent est le seul membre masculin de cette famille. Les figures masculines sont à la fois diffuses et absentes, elles scintillent par intermittence alors que le féminin est partout mais comme éclaté et relégué à une seule fonction : maternelle et maternante. Seule sa sœur et sa « petite amie » semblent échapper à ce destin. • Relevez et caractérisez les personnages masculins : comment apparaît pour la première fois « le patron » du jeune homme ? Décrivez le plan et ce qu’il provoque en vous. A votre avis, pourquoi le mensonge d’Akhmedov (scène dans la rue où il se fait passer pour le fils d’un inconnu) fonctionne aussi bien sur l’épouse du jeune père ? • Relevez et caractérisez tous les personnages féminins du récit en tentant de retracer leurs histoires. Par exemple, racontez ce qui a pu se passer pour la mère d’Akhmedov, voire même pour sa grand-mère. Quelle conclusion en tirez-vous ? Alors que sa tante, qui a trouvé refuge chez sa mère pour fuir un mari infidèle, est sur le point d’accoucher, une jeune fille enceinte apparaît à ce moment dans le récit. Elle fume et, malgré les interdits, elle continue. Qu’est-ce que ce personnage secondaire nous apprend de fondamental sur la condition des femmes ? Qui, selon vous, a connu et pourrait connaître un sort identique ? La dernière scène Alors que le film racontait un temps presque immuable avec ses sursauts de fictions lorsque le jeune homme se fabriquait des pères imaginaires ou lorsqu’il retrouvait son grenier secret, la fin du film accélère et condense toute la problématique du jeune héros. Au sujet de son père, il se cognera au silence de sa mère, il brisera son refuge, fera voler en éclat son amour naissant pour cette jeune copine et pour quoi ? Pour prendre dans ses bras un autre orphelin de père. Entamez une libre discussion sur cette scène finale et ce qu’elle peut traduire de la réalité sociale et politique du pays. Cinéastes de L'Ouzbékistan « L’histoire du cinéma ouzbek épouse d'assez près l'histoire du pays, longtemps liée au pouvoir soviétique. Au début du siècle dans le khanat de l'ancienne Khiva, la cour du khan avait son photographe, Khoudaibergan Divanov, qui devient le premier cinéaste professionnel. Il achète Association Cinéma Public - Festival Ciné Junior - www.cinejunior94.org - [email protected] - 33 (0)1 42 26 02 06 Compétition internationale de longs métrages L’Adolescent l'appareil français «Pathé » et fait ses premières prises de vue de la vie quotidienne de l'aristocratie d'un Etat d'Asie centrale. Pendant 20 ans, Divanov fera une œuvre documentariste de grand intérêt. Survient la Révolution de 1917, dont les vagues atteignent le cinéma ouzbek en 1924 avec la fondation du Boukhino et la naissance du 1er film de fiction. L'année suivante, une grande mosquée est transformée en studio. Une dynamique de création s'instaure autour d'un cinéma engagé, à l'instar des cinéastes de l'époque, avec Nabi Ganiev et Soleiman Khodjaev. Ce dernier, auteur d'un « film comète », Avant l'aube en 1933, sera envoyé au goulag. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les cinéastes russes émigrent à Tachkent pour y réaliser leurs films, mais peu de films proprement ouzbeks y seront produits. Ce n'est que dans les années 50, qu'Ouzbekfilm est enfin autorisé à tourner trois ou quatre films par an (au lieu de 1). Les œuvres doivent être exemplaires et les héros positifs. La « Nouvelle Vague » naît dans le milieu des années 60, suite au dégel kroutchevien et à l'émergence des « Nouvelles Vagues » dans le monde. De jeunes réalisateurs formés à l'Ecole cinématographique de Moscou vont créer des œuvres personnelles, parlant enfin de leur pays et de leur culture : Choukrat Abassov avec Tachkent, ville du pain en 1968, Ali Khamraev avec Des cigognes blanches, blanches en 1966 et Elier Ichmoukamedov avec Tendresse en 1967, ces deux derniers films étant scénarisés par Odelcha Aguichev. Dans les années 70, pendant le période brejnévienne, seule la réalisatrice Kamara Kamalova émerge et poursuivra avec persévérance une œuvre marquée par un univers personnel, dont Le Sauvage en 1989. Il faudra attendre 1985 et le début du changement politique qui allait mener à l'indépendance de l'Ouzbekistan pour qu'une nouvelle dynamique voit le jour avec de jeunes cinéastes révélés par des courts métrages parfois provocateurs et qui passent ensuite au long métrage : Djakhonguir Faiziev avec Qui es-tu toi? en 1989 et Zulficar Moussakov avec « Une histoire de soldat » en 1989 également. Aujourd'hui, le cinéma ouzbek a survécu à la crise économique particulièrement aiguë des années 93 et 94, où l'aide de l'Etat s'est réduite, amenant des recherches de financement privé parallèles. Cette crise s'est traduite par une désaffection du public pour les films locaux (avec fermeture de salles) et par des difficultés pour la création originale. Rares sont ceux qui mènent à bien des films personnels : Rachid Malikov avec Le mystère des fougères en 1992 et Anatoli Gaziev avec Le coquillage en 1992 également, tandis qu'une autre partie du cinéma ouzbek tente d'écrire ou de réécrire l'histoire nationale telle qu'elle apparaît après l'indépendance, le Grand prince Timour (1997) en est l'exemple le plus frappant.» Philippe Jalladeau, Festival des Trois Continents, 1997. Site http://cemoti.revues.org/document1452.html Une étude intéressante sur le cinéma ouzbek d’Yves THORAVAL, «Tachkent, rendez-vous international d'Asie centrale», in Cemoti, n° 24 - Métropoles et métropolisation Association Cinéma Public - Festival Ciné Junior - www.cinejunior94.org - [email protected] - 33 (0)1 42 26 02 06