Rentabiliser l`effort scolaire : éclairage sur le tronc

Transcription

Rentabiliser l`effort scolaire : éclairage sur le tronc
1re
ACCOMPAGNEMENT PERSONNALISÉ
Rentabiliser l’effort scolaire : éclairage sur le tronc commun des six épreuves du baccalauréat
Par Christine Gensanne
Étape 2. Savoir exploiter un texte : les constantes de son étude complète.
Objectifs :
1. Aider l’élève à tirer complètement parti d’un texte ou d’un corpus, en lui proposant des angles de travail
systématiques, utilisables aussi bien pour les deux questions que pour le commentaire.
2. Faire le tour des analyses possibles d’un texte pour parer à toute éventualité lors de la question d’oral
(EXPOSÉ).
On se reportera à la typologie des questions pour l’exposé présentée dans le hors-série NRP
n°17.
Mode pédagogique
Après une application démonstrative de la méthode ci-dessous par le professeur – voir application sur
le texte Stances à Marquise en suivant (éléments de réponse) – l’élève aborde seul ou en groupe
un autre texte, en le passant au crible du protocole, avant que le professeur n’en effectue la correction en
classe, lors de la séance d’Accompagnement personnalisé, ou sur les cours ordinaires.
Ce travail – un peu lourd mais utile – peut se diviser ou être « tournant ». On l’évaluera en donnant
forcément une note pour s’assurer du sérieux de la préparation.
• Première possibilité (plus adaptée à l’Accompagnement personnalisé) : division de
l’exercice / coefficient 1
Quatre élèves prennent en charge l’étude du texte :
o Un premier élève traite le point 1
o Un autre élève traite le point 2
o L’élève suivant traite les points 3, 4, 5 et 6
o Le dernier élève traite les points 7, 8,9 et 10
• Seconde possibilité : préparation « tournante » / Coefficient 2 ou 3 : le professeur demande à
plusieurs élèves désignés (par exemple cinq) – et à d’éventuels volontaires – de traiter l’ensemble du
protocole et de le présenter oralement lors des cours normaux visant à préparer un texte pour l’oral
du bac, et ce tout au long de l’année (ce travail doit être donné au moins un mois à l’avance, car il est
long à réaliser). Ainsi, un quart à un tiers de la classe est toujours, par ce mode, activement impliqué
dans l’étude de texte du moment, et la mémorise mieux. Le fait que ce soit d’abord des pairs qui
expliquent le texte puis que le professeur n’intervienne qu’au second plan pour rectifier les erreurs
peut aussi favoriser l’intérêt de la classe pour l’exercice.
NRP Lycée – Janvier 2013
Fiche de méthode. Protocole d’étude complète d’un texte
1. Résumez et expliquez PRÉCISEMENT le SENS du titre, des éléments du paratexte et de chaque paragraphe / ou strophe / ou réplique. Situez le
texte dans l’œuvre complète (que s’est-il passé avant ?). Cherchez le vocabulaire inconnu dans le dictionnaire. Regrouper mentalement vos remarques
pour avoir une première approche de la cohérence du texte.
À la fin de ce travail : vous devez être capable de répondre aux questions 6W
2. Dégagez le PLAN détaillé du texte : en repérant ses connecteurs logiques et les idées qui s’attachent à chacun de ces connecteurs. Ce travail effectué :
hiérarchisez les idées trouvées (sur au moins deux étages : idées principales et idées secondaires) et indiquez clairement l’idée générale du texte : soit celle qui le
résume parfaitement. (Voir Modèle de plan)
MONTREZ COMMENT LE PLAN ÉVOLUE ; PROGRESSE entre le début et la fin du texte.
Suivez l’ordre d’apparition des idées dans le texte pour réaliser votre plan. / L’intitulé d’une idée dans ce plan doit être TRÈS CLAIR et RÉSUMER
EXACTEMENT ET BRIÈVEMENT LE PASSAGE DU TEXTE OU SE TROUVE L’IDÉE (elle se trouve généralement dans l’espace textuel situé entre deux mots de liaison).
Face à un texte complet : délimitez les zones de l’introduction et de la conclusion, et les phases qu’elles contiennent.
3. Reconnaissez les PROCÉDÉS LITTÉRAIRES présents dans le texte : symétries ; oppositions ; contrastes ; répétitions ; mise en abyme ; figures de style et de
rhétorique, etc.
4. Identifiez le GENRE – et les SOUS-GENRES – du texte. Il y a trois genres littéraires : poésie ; roman ; théâtre, chacun contient des sous–genres, ex : roman
policier, de science-fiction, d’aventure. Identifiez aussi les TECHNIQUES ARGUMENTATIVES qu’il peut éventuellement contenir, ainsi que les indices
caractéristiques du genre et de l’argumentation identifiés : schéma narratif, focalisation, métrique, exposition, monologue, débat, argument, etc.
5. Identifiez le REGISTRE du texte
6. Renseignez-vous sur CE QUI ÉCLAIRE et COMPLÈTE LE SENS DU TEXTE (biographie de l’auteur, époque, mouvement littéraire, contexte particulier lié à ce
texte précis), pour ne pas commettre d’erreurs de compréhension, et pour enrichir votre étude.
Ce texte est-il caractéristique d’une ESTHÉTIQUE particulière ? Par exemple, a-t-il tous les critères d’un texte romantique ?
7. Réfléchissez à la LECTURE à HAUTE VOIX du texte, aux passages permettant la meilleure expressivité à l’oral ; vérifiez la justesse phonétique de sa lecture :
diérèse, synérèse, prononciation correcte d’un mot inconnu, etc.).
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8. Notez quelques REMARQUES CRITIQUES PERSONNELLES sur le texte (pour activer votre sens du diagnostic et éviter le prêt-à-penser que peuvent générer les
ouvrages scolaires ou Internet).
9. Mémorisez ce qui vous paraît LE PLUS MARQUANT dans ce texte (pour disposer d’éléments réutilisables comme exemples dans les épreuves d’examen)
10. COMPAREZ LE TEXTE A la NORME : quelle est la norme de ce type de texte ? Ce texte-ci fait-il écart avec la norme ?
S’il fait partie d’un corpus, comparez-le AUX AUTRES TEXTES : ressemblances ; différences ; évolutions.
Application du protocole sur Stances à Marquise
1. Titre : expliquer « stances » : au singulier, c’est un mot synonyme de « strophe » / au pluriel, c’est un terme technique littéraire qui désigne un poème lyrique
d’inspiration grave (ici : morale) composé de strophes de même facture mais de nombre variable. On identifie des quatrains d’heptasyllabes, vers courts et
incisifs en harmonie imitative avec le ton cassant du poème. Expliquer qui était Marquise : cf. introduction de séquence
Situation : anecdote du « vieux » Corneille (52 ans) amoureux d’une actrice beaucoup plus jeune / Situation dans l’œuvre : à comparer à l’œuvre théâtrale de
l’auteur. Vocabulaire à expliquer : trait / guère / vos roses / la gloire / race nouvelle / avoir du crédit / grison.
Explication du sens strophe par strophe :
Strophe 1 : l’auteur semble exercer son droit de réponse suite à une réflexion probablement désobligeante de Marquise sur son âge avancé : il la reprend
aux deux premiers vers (concession) puis la réfute avec le lieu rhétorique du « précédent » : ce qui m’arrive (vieillir) vous arrivera de même.
Strophe 2 : Corneille illustre et précise ce lieu : éloge relatif (car indirect) de la beauté de Marquise / métaphore des roses.
Strophe 3 : idem, cette fois-ci avec l’image des planètes.
Strophe 4 : CEPENDANT / Corneille avance un nouvel argument : son propre “charme” ne réside pas dans la beauté et la jeunesse, mais se situe ailleurs.
L’auteur n’explicite pas l’allusion pour qu’elle paraisse plus évidente : il s’agit de sa célébrité, de son intelligence ...
Strophe 5 : MAIS / Corneille attaque ceux qu’on lui préfère (probablement des petits maîtres plus jeunes), et exprime sa supériorité sur eux.
Strophe 6 : chantage et menace voilés : la réputation de Marquise est entre ses mains d’auteur qui survivra à la postérité. Faux compliment à Marquise, à
cause du « semblent » : verbe exprimant l’incertitude (dans : des yeux qui me semblent doux)
Strophe 7 : précision de l’idée de la strophe 6 : c’est la réputation de beauté de Marquise qui est en jeu.
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Strophe 8 : carpe diem un peu aigre. Suite à la leçon morale qu’il vient de délivrer, il invite Marquise à l’action : réfléchir à nouveau à sa proposition
amoureuse. Reprise de la réflexion désobligeante initiale dans les termes de rancune ou d’ironie « quoiqu’un grison fasse effroi ».
Récapitulation des 6W : Quoi ? une leçon morale paradoxale. Où ? en France. Quand ? au XVIIe siècle. Qui ? Pierre Corneille, célèbre dramaturge senior ; et
Marquise du Parc, jeune comédienne en vogue. Comment ? par le rappel du commun vieillissement, un peu d’orgueil et de chantage. Pourquoi ? apparemment
pour infléchir le mépris de Marquise en continuant de lui faire la cour, mais plus probablement pour se venger de son refus vexant.
2. Plan indicatif (à préciser en se reportant au modèle présenté dans un autre document numérique de la séquence) :
• Introduction : les premiers vers exposent l’affront dont l’auteur a été victime : on s’est moqué de ses prétentions amoureuses au motif de son âge.
• Développement :
o Seconde partie de la strophe 1 et les deux strophes suivantes : premier argument développement d’une même idée : tempus fugit (avec des
variantes : la répétition volontaire est là pour enfoncer le clou : marquer l’esprit de Marquise en lui rappelant le sort qui l’attend.
o Strophes 4 & 5 : CEPENDANT / MAIS Second argument l’auteur fait son autopromotion en mode mineur, se comparant à « ceux qu’on
adore » : à défaut d’être jeune et beau, il est « durable ».
o Strophes 6 et 7 : nouvel argument répété en forme de petit chantage : la postérité de la réputation de beauté de Marquise est conditionné au
fait qu’elle cède aux avances de Corneille.
• Conclusion. Dernière strophe. Après cette douche froide, Marquise est invitée à réfléchir. Corneille, rancunier, rappelle le litige.
3. Procédés littéraires : l’ensemble est direct mais aussi partiellement allusif, grâce au jeu des pronoms et des substituts imagés (aux plus belles choses ; vous
en avez qu’on adore ; ceux que ; ceux-là ; ils pourront…)
On identifiera, entre autres, les figures suivantes : synecdoque (mon visage) ; euphémisme (le temps se plaît à faire un affront) ; chiasme (on m’a vu ce que
vous êtes, vous serez ce que je suis) ; antithèse (on adore / vous méprisez)
4. Genre : poésie / Sous-genre : stances à caractère moral (détaillez les indices caractéristiques) : Corneille donne une bonne leçon à Marquise.
Argumentation. Entre autres : Memoria par la répétition ; arguments ; réfutation ; lieu ; vocabulaire allusif ; figures de style…
5. Registres lyrique & polémique
6. Eléments de contexte éclairant le sens du texte : l’histoire d’amour de Corneille pour Marquise / les thèmes clichés du tempus fugit et en conséquence du
carpe diem / le statut des hommes par rapport aux femmes au XVIIe siècle, notamment le statut des hommes âgés et célèbres. Les relations amoureuses au XVIIe
siècle ; le mode de mariage. Esthétique : le style de la leçon morale.
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7. Réflexion sur une lecture expressive : pour révéler le sens du texte, le ton de la lecture doit être assuré, cassant, « donneur de leçon », ironique, insinuant.
L’élève peut souligner les passages les plus forts de ces points de vue : pour se rappeler de faire un effort d’intonation à ce moment-là.
8. Remarques personnelles sur le texte : ici, l’élève peut s’indigner ; faire le parallèle avec le harcèlement sexuel professionnel à notre époque ; trouver
choquant le comportement de Corneille du fait de l’écart d’âge ; remarquer que Corneille a assez peu de chance de séduire Marquise avec ce genre
d’arguments, et considérer qu’il est plutôt en train d’aggraver son cas, etc.
9. Mémoriser ce qui est le plus marquant dans le texte : l’élève sera sans doute marqué par la violence feutrée, le ton de chantage, etc.
10. Comparer le texte à la norme cornélienne : d’habitude, Corneille fait preuve de plus de grandeur et d’élévation morale dans son théâtre : ici, il apparaît
mesquin et aigri. Le texte de Corneille est ordinairement très élaboré et préfère la longueur, le style noble, le vocabulaire recherché. Le phrasé sec et dépouillé
de Stances à Marquise tranche ainsi sur la norme cornélienne, et trahit la colère mal maîtrisée de l’auteur.
Comparer à la norme des leçons morales : ordinairement, les leçons morales sont bien fondées (Les Fables de La Fontaine, par exemple, ont un but éducatif
louable), ici, c’est plus douteux : il y a donc à nouveau écart avec le genre de la leçon morale.
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